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7 L ES ENCADREMENTS RELATIFS À D ’ AUTRES SECTEURS

7.3 L’immigration

En bref, lorsqu’elles concernent le réseau de l’éducation, les orientations et les mesures gouvernementales en matière de formation et d’emploi s’adressent presque dans tous les cas aux ordres d’enseignement antérieurs à l’enseignement universitaire. De la même manière, le rôle des universités en matière de formation continue est très peu reconnu par l’État. Des responsabilités leur sont tout de même dévolues en ce qui concerne l’offre de formation d’appoint aux nouveaux immigrants et la diffusion d’information sur leurs pratiques de reconnaissance des acquis et des compétences (c’est-à-dire l’information sur leurs règles en la matière et sur les résultats de leurs pratiques). Or, des besoins en formation continue se font entendre, en particulier pour les professionnels en exercice et les personnes qui ont acquis une formation universitaire ou équivalente à l’extérieur du Québec. Par ailleurs, des efforts sont faits pour favoriser l’emploi en cours d’études, de manière à combler les besoins de main-d’œuvre de l’économie québécoise, alors que naissent en parallèle des initiatives pour sensibiliser les employeurs aux besoins associés à la poursuite d’un projet de formation.

7.3 L’immigration

Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) a pour mission de promouvoir l’immigration au Québec, de sélectionner des personnes immigrantes et de soutenir la pleine participation des personnes issues de l’immigration au développement du Québec. Il est notamment actif en matière de formation d’appoint des personnes immigrantes, en collaboration avec le MELS, les établissements d’enseignement et les ordres professionnels (ou le CIQ qui, à titre de regroupement des ordres professionnels, agit comme organisme-conseil).

Entre autres responsabilités dévolues à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), on relève celles qui ont trait à l’admission des immigrants, des étudiants étrangers, des visiteurs et des travailleurs temporaires, à l’aide aux nouveaux arrivants et à la gestion de l’accès au Canada.

Une volonté de sélectionner de nouveaux arrivants scolarisés

aptes à combler les besoins de main-d’œuvre de la société québécoise

La Planification des niveaux d’immigration 2012-2015 (MICC, 2011) énonce les orientations gouvernementales retenues pour la sélection des nouveaux arrivants en territoire québécois. Celles-ci pourraient se résumer ainsi : privilégier les nouveaux arrivants jeunes, qui connaissent le français et dont la formation ou les compétences correspondent à des besoins du marché du travail. Cités dans le Plan d’immigration du Québec (MICC, 2013), les deux objectifs suivants sont d’ailleurs éloquents d’une telle vision :

• « porter progressivement à 50 % la proportion des requérants principaux de la catégorie des travailleurs qualifiés détenant une formation dans des champs de compétence correspondant à des besoins exprimés sur le marché du travail » (p. 8);

• « maintenir annuellement entre 65 % et 75 % la part des personnes de moins de 35 ans dans l’ensemble des admissions » (p. 8).

Ces orientations s’actualisent notamment dans le Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Mis en place en février 2010, celui-ci tend précisément à faciliter l’immigration des étudiants internationaux (de même que des travailleurs temporaires). Considérant que « [l]e Québec est à la recherche de talents », le gouvernement propose ainsi aux étudiants internationaux une démarche accélérée et simplifiée pour l’obtention du Certificat de sélection du Québec. De fait, la demande d’immigration de l’étudiant est traitée sans entrevue et évaluée sur la base exclusive de deux critères, soit l’obtention d’un diplôme reconnu (à l’université, il s’agit des programmes de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat) et la connaissance du français oral de niveau intermédiaire120

L’absence d’obligation d’étudier à temps plein pour les étudiants internationaux .

Parmi les exigences à satisfaire pour être admissible à un permis d’études au Canada, la personne doit être admise dans un établissement d’enseignement reconnu. Toutefois, elle ne semble pas être tenue de s’inscrire aux études à temps plein ou d’emprunter un parcours scolaire régulier121

La possibilité pour les étudiants internationaux de travailler pendant leurs études

. Les frais associés au séjour au Québec font tout de même pression sur l’optimisation du projet d’études.

122

Sur son site Web, Immigration et Communautés culturelles prévient les futurs étudiants étrangers que, pour obtenir l’autorisation d’étudier au Québec, ils « [doivent] démontrer [qu’ils seront] en mesure d’assumer les droits de scolarité applicables et [leurs] frais de subsistance, sans devoir travailler au Québec123

En recevant leur permis d’études au Canada, les étudiants internationaux des universités québécoises peuvent travailler sur les campus universitaires, à condition qu’ils soient inscrits aux études à temps plein. Ils peuvent également effectuer un stage à l’intérieur de leur programme d’études, qu’il soit rémunéré ou non, bien que les étudiants doivent alors généralement obtenir un permis de travail auprès du gouvernement canadien.

», mais « [qu’]une fois au Québec, [ils pourraient] être autorisé[s] à travailler à temps partiel durant [leurs] études à certaines conditions ».

En vertu du Programme de permis de travail hors campus (PTHC) régi par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), les étudiants internationaux peuvent aussi travailler en dehors des campus universitaires. Pour être admissibles à un tel permis de travail, ils doivent être inscrits aux études à temps plein, ou l’avoir été pendant au moins 6 des 12 derniers mois, et avoir des résultats scolaires satisfaisants. De plus, l’emploi occupé ne peut excéder 20 heures par semaine pendant les trimestres d’études; il peut toutefois être occupé à temps plein au cours des vacances prévues au calendrier scolaire. Sur le site Web du CIC, on met toutefois en garde les étudiants internationaux quant à la priorité des études sur le travail : « [m]ême si vous travaillez hors campus, vos études doivent rester la raison principale de votre séjour au Canada ».

Dans son mémoire présenté à la Commission des relations avec les citoyens dans le cadre de la planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015, la CREPUQ (2011, p. 15) recommandait au gouvernement « [d’examiner] la possibilité de simplifier les démarches d’obtention du permis de travail pour les étudiants [internationaux] de 2e et de 3e cycles », et ce, « afin de faciliter l’insertion sur le marché du travail des étudiants étrangers dans le cadre du programme de travail hors campus ».

120. Source : http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/etudiants/demeurer-quebec/demande-csq/etudiants-peq/peq.html (réf. du 21 septembre 2012).

121. Source : http://www.cic.gc.ca/francais/etudier/etudier-qui.asp (réf. du 17 octobre 2012).

122. Source : http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/etudiants/informer/travailler-etudes/index.html (réf. du 21 septembre 2012) et http://www.cic.gc.ca/francais/etudier/travailler-horscampus.asp (réf. du 28 septembre 2012). 123. Le caractère gras est de CIC.

« On observe depuis quelques années une hausse du nombre de personnes immigrantes qui se portent candidates à l’exercice d’une profession. En outre, les pénuries constatées dans plusieurs professions, en santé notamment, ont incité des ordres professionnels à entreprendre des actions de recrutement à l’étranger. D’autres ordres sont engagés dans l’élaboration d’outils plus adaptés de reconnaissance des acquis et de formations d’appoint, dans le cadre de projets-pilotes subventionnés par le MRCI [ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration] auxquels participent certains établissements d’enseignement. » (CIQ, 2004, p. 9.)

Des efforts pour développer la formation d’appoint destinée aux nouveaux immigrants

Les efforts du gouvernement pour promouvoir l’immigration en territoire québécois génèrent des besoins en matière de formation d’appoint des nouveaux immigrants. Ces besoins paraissent manifestes dans le cas particulier des

professions réglementées (voir l’encadré ci-contre). À ce sujet, précisons que le Code des professions du Québec régit 51 professions, dont 38 % exigent un diplôme universitaire, et pour lesquelles des pénuries de main-d’œuvre sont observées ou appréhendées par le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ). Le recours aux personnes immigrantes fait d’ailleurs partie des voies

de solution envisagées, voire privilégiées, par le gouvernement et les ordres professionnels.

Selon les données du CIQ (2007), les ordres professionnels reçoivent par année environ 4 000 demandes de reconnaissance d’une équivalence de diplôme ou de formation. Plus de la moitié de ces demandes se soldent par une reconnaissance partielle, ce qui implique que les candidats sont invités à suivre des formations d’appoint en vue d’obtenir une reconnaissance complète et de pouvoir, ultimement, exercer leur profession au Québec. Dans l’ensemble des domaines, la formation prescrite par les ordres professionnels comprend dans la plupart des cas (57 %) à la fois des cours et des stages, alors que dans les autres, elle se limite aux premiers (28 %) ou aux seconds (15 %).

En 2005, le MELS s’est engagé à financer des activités de formation liées à l’exercice d’une profession et exigées par un ordre professionnel. D’après le CIQ (rapporté par le CCAFE, 2009, p. 59), cet engagement aurait permis de lever l’obstacle financier à l’offre de formation dans les collèges. Dans les universités cependant, la situation serait autre, comme en témoignent le CIQ, la CREPUQ et la FTQ.

• Dans son mémoire déposé à la Commission parlementaire de 2004 sur la qualité, l’accessibilité et le financement des universités, le CIQ décrivait ainsi les besoins en matière de formation d’appoint des immigrants pouvant être comblés par les universités.

Pour les personnes immigrantes, le besoin consiste souvent à compléter la formation initiale requise aux fins d’obtention d’un permis professionnel et parvenir au niveau attendu de maîtrise de la langue française en vue de l’exercice d’une profession, conformément à la Charte de la langue française. Dans ce contexte, l’accès à la formation d’appoint devient crucial pour la démarche d’intégration à la société et au milieu du travail. Mais la réponse à ce besoin souffre des rigidités des règles d’admission à certains programmes et des modalités de financement qui s’y rattachent. Le CIQ estime essentiel d’interpeller les universités face à cette problématique. (CIQ, 2004, p. 9.)

• En 2007, le CIQ évoquait le défi que pose l’accès aux formations d’appoint, en particulier dans les universités où le nombre de places dans les programmes est limité. Par conséquent, il constatait la difficulté pour les immigrants de s’inscrire seulement à quelques cours ou de ne participer qu’à des stages ou des laboratoires. La voie de solution proposée par le CIQ reposait sur la création de microprogrammes adaptés aux besoins des personnes immigrantes.

• Dans son mémoire présenté à la Commission des relations avec les citoyens en vue de la planification de l’immigration au Québec pour la période 2012-2015, la CREPUQ (2011) signale les difficultés associées à l’offre de formations d’appoint aux nouveaux arrivants au sein des universités, difficultés qui se rapportent essentiellement à l’autonomie universitaire et au financement.

o L’autonomie universitaire est menacée du fait que les fonds destinés au développement des programmes de formation d’appoint sont alloués aux ordres professionnels plutôt qu’aux universités elles-mêmes alors que ce sont elles qui mettent sur pied et qui offrent les programmes de formation (p. 16).

o La mise en place de cours spécialisés de français avancé entraîne une hausse

significative des coûts pour l’encadrement des professionnels immigrants, du fait que le niveau de français des candidats ne permet pas toujours la poursuite d’études universitaires, d’où la recommandation de « trouver des moyens d’assurer un financement adéquat aux universités afin qu’elles élaborent et mettent en place des cours spécialisés de français avancé, adaptés à la profession et au niveau de difficulté rencontré par les candidats aux formations d’appoint » (p. 16).

o Lorsque des stages sont requis dans la formation, il existe des « embuches en vue de trouver des places de stage ». Or, « les universités ne seront pas en mesure de […] relever [ces défis] seules » et elles « ne pourront répondre aux besoins sans un soutien financier adéquat de la part du gouvernement » (p. 17).

o « [L]’offre de formation d’appoint est susceptible d’engendrer des coûts importants pour les universités […] si la clientèle devient insuffisante ou hétérogène [sur le plan des compétences acquises et des besoins de formation] » (p. 17). Le cas échéant, les universités « devront être compensées au-delà de l’enveloppe budgétaire de 1 M$ pour la Formation d’appoint aux immigrants » (p. 17). Ce constat amène la CREPUQ à recommander « que des compensations supplémentaires soient prévues pour les universités dans les cas où les cohortes nécessitant des formations d’appoint seraient de petite taille ou hétérogènes » (p. 17).

• Dans son mémoire déposé au Sommet sur l’enseignement supérieur, la FTQ (2012) relève que les nouveaux arrivants, y compris ceux qui ont été sélectionnés sur la base de leurs qualifications, sont nombreux à rencontrer des problèmes en matière de reconnaissance des acquis et d’accès aux « formations manquantes ».

Récemment, deux accords de principe ont été conclus entre la CREPUQ et le CIQ pour baliser l’offre de formation d’appoint aux nouveaux arrivants : l’accord de principe sur la formation d’appoint en vue de l’exercice d’une profession réglementée (décembre 2009) et celui concernant les mesures de compensation, qui exige une formation universitaire dans le cadre d’un arrangement de reconnaissance mutuelle entre la France et le Québec (novembre 2010). Ces accords ont principalement pour objet de clarifier les responsabilités respectives des ordres professionnels et des universités en matière de formation d’appoint des nouveaux immigrants (voir l’encadré ci-après).

La formation d’appoint des professionnels formés à l’étranger : qui fait quoi? • Le MICC est responsable de la sélection des immigrants.

• Les ordres professionnels, par l’entremise de comités sur lesquels siègent des universitaires, évaluent les demandes de reconnaissance d’une équivalence de formation ou de diplôme et, le cas échéant, prescrivent aux candidats des formations d’appoint. Les coûts d’évaluation des dossiers sont habituellement à la charge des individus.

• Les universités, en collaboration avec les ordres professionnels, élaborent les programmes de formation d’appoint. Le MICC et le MELS participent au soutien financier.

• Les universités offrent les programmes de formation d’appoint, dans la mesure où les effectifs étudiants sont suffisants.

En parallèle, le MICC a annoncé en 2008 une mesure qui permet d’offrir une expérience de travail aux personnes formées à l’étranger qui désirent exercer une profession réglementée en territoire québécois. L’employeur bénéficie alors d’une subvention pour couvrir une partie du salaire de l’employé. Il était également prévu que cette expérience de travail pouvait compenser une partie de la formation prescrite par l’ordre professionnel (CCAFE, 2009, p. 60).

Rappelons enfin que, depuis ce temps, des programmes de formation d’appoint ont été élaborés dans les universités, comme en témoignent les exemples rapportés à la section 1.3.4. Ces programmes permettent à de nouveaux arrivants d’acquérir plus rapidement la formation nécessaire pour obtenir un emploi au Québec.

***

En guise d’analyse, soulignons la volonté du gouvernement d’attirer au Québec des nouveaux immigrants qualifiés, ce qui génère des besoins en matière de formation d’appoint à l’enseignement universitaire, et de puiser dans le bassin des étudiants internationaux. Du coup, les universités sont appelées à jouer un certain rôle en matière d’accueil et d’intégration des nouveaux immigrants à la société québécoise. Ce phénomène est d’ailleurs relevé par l’ACDEAULF (2012, p. iv) : « [d]ans la grande région métropolitaine de Montréal, [les programmes destinés aux adultes] sont un moyen d’intégration économique et sociale des populations immigrantes ». Par exemple, en 2010, près du tiers des étudiants de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal étaient des « immigrés récents » (p. 10). Pour ce qui est des étudiants internationaux, force est d’admettre qu’en dépit de règles en la matière, ils ont généralement tendance à adopter un rapport aux études traditionnel, de manière à optimiser leur séjour au Québec, compte tenu des coûts qui s’y rattachent, et – pour certains du moins – de leur conception des études universitaires comme la première étape d’un processus d’immigration.