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L'identification au groupe et les comparaisons aux autres

1 CADRE THÉORIQUE

1.2 Le Soi et l'estime de soi

1.2.1 La construction du soi

1.2.1.3 L'importance d'autrui

1.2.1.3.2 L'identification au groupe et les comparaisons aux autres

De nombreux auteurs (par exemple Marc, 2005; Martinot, 2008) présentent le concept de soi comme étant une dichotomie entre une identité personnelle, qui renvoie à des processus de construction du soi d'ordre individuel, et une identité sociale, qui renvoie à des processus de construction du soi d'ordre collectif.

Tout comme les individus le font avec les autres, ils s'auto-catégorisent au sein d'un groupe. Tajfel (1981) définit l'identité sociale comme

la partie du concept de soi d'un individu qui dérive de la connaissance de son appartenance à un groupe social (ou à des groupes sociaux) en considérant à la fois la

valeur et la signification émotionnelle attachées à cette appartenance groupale"3. (p.

255).

C’est donc à travers son appartenance à différents groupes que l’individu acquiert une identité sociale qui définit la place particulière qu’il occupe dans la société.

La présente recherche s'intéressant essentiellement à l'influence exercée par le groupe sur le soi de l'élève, c'est cette dimension-là qui est développée dans ce chapitre.

L'utilisation de l'identité sociale dans la définition de soi peut varier d'une personne à l'autre et d'un contexte à l'autre. L'individu peut se sentir comme faisant plus ou moins partie d'un groupe. C'est à cette idée que renvoie le concept d'"identification groupale". Il a été définit de nombreuses manières (Tropp, 2001) : le "degré avec lequel un individu se définit ou se perçoit comme membre d'un groupe" (par exemple, Turner, Hogg, Oakes, Reicher &

Wetherell, 1987), "la signification personnelle qu'une adhésion à un groupe prend pour un individu" (Tajfel, 1981), l'importance de l'adhésion à un groupe pour un sens de soi (Luhtanen

& Crocker, 1992), la fierté de son groupe (Smith & Tyler, 1997), l'attraction à son groupe (Jackson & Smith, 1999), un "attachement psychologique" par lequel les individus se "sentent proche" à un endogroupe particulier (Lau, 1989, p.221; voir aussi Smith, Murphy, & Coats, 1999)4. Dans la présente recherche, c'est la définition donnée par Tropp qui sera retenue : le

"degré avec lequel l'endogroupe est inclu dans le soi" (p. 586). Cette définition est inspirée notamment des travaux de Aron, Aron, Tudor et Nelson (1991) qui parlent d' "inclusion des autres dans le soi". Cela traduit l'idée qu'il existe des interconnections entre le soi et les autres dans des relations proches et même un chevauchement entre ces deux entités : les caractéristiques des autres qui nous sont proches sont considérés comme une part de soi.

Plusieurs recherches ont été menées sur l'"identification groupale" et les résultats montrent que, "[...] comparativement aux personnes faiblement identifiées à leur groupe, les personnes fortement identifiées se perçoivent et se pensent davantage comme membres du groupe (par exemple, Spears, Doosje & Ellemers, 1997), se sentent plus proches et similaire des autres membres du groupe lors d'une menace (par exemple, Ellemers, Spears & Doosje, 1997), sont davantage concernés par le sort réservé à leur groupe (par exemple, Tropp &

Wright, 1999) et agissent plus pour le bien de leur groupe (par exemple, Smith & Tyler,

3Traduction de Martinot, 2008 4Traduction de Della Luce

1997)"5 (Tropp, 2001, p. 585). Tropp explique que "quand les individus se catégorisent comme membres d'un groupe, l'endogroupe devient inclu dans le soi et les individus reconnaissent les caractéristiques de l'endogroupe comme représentant une part d'eux-mêmes.6" (p. 586) Il s'agit là d'un processus d'auto-catégorisation (Smith, Coats, & Walling, 1999; Smith & Henry, 1996). D'autre part, se catégoriser au sein d'un groupe aurait pour conséquence d'en adopter la norme (Turner et al., 1987) car on pense que les personnes qui font partie de notre groupe et qui, par conséquent, nous sont semblables, pensent comme nous. En résumé, "lorsque l'une de ses identités sociales est saillante, l'individu agit et pense en tant que membre du groupe correspondant (Brewer, 1991; Turner et al., 1987)". (Martinot, 2008, p. 73) L'endogroupe sert de guide pour les pensées et les comportements de l'individu.

Il existe une double influence entre un individu et son groupe de référence : l'individu adopte les standards de son (ses) groupe(s) de référence et celui-ci (ceux-ci) a (ont) un impact sur le développement et le maintien des connaissances de soi de chaque membre du groupe.

Le statut social des groupes a un impact sur la construction du soi. Martinot explique que, d'après Lorenzi-Cioldi (1988, 2002), les individus appartenant à un groupe "dominant"

développent un soi basé sur des caractéristiques personnelles et un sentiment d'unicité. Ils ont donc moins tendance à s'identifier à leur groupe et la construction de leur soi est orienté vers un processus de "personnalisation". À l'inverse, les individus appartenant à un groupe

"dominé", comme nous supposons que cela est le cas pour les élèves redoublants, développent un soi basé sur des caractéristiques groupales (collectives et non personnelles) qui définissent l'ensemble des autres individus appartenant à leur groupe. Leur identification à l'endogroupe est donc plus forte et l'influence de celui-ci est également plus forte dans l'auto-évaluation et la construction du soi qui est orienté vers un processus de "d'indifférenciation". C'est notamment pour cette raison que l'estime de soi des membres d'un groupe à statut dominé n'est généralement pas diminuée lors de comparaisons intragroupes ascendantes.

L'identification au groupe permet donc également de protéger le soi des menaces.

L'influence d'autrui a également un rôle important dans le développement de notre soi, car nous nous comparons aux autres en permanence. Nos autoévaluations, comparatives, naissent d'une confrontation sociale : ce sont les autres qui nous fournissent un modèle de confrontation indispensable pour notre autoévaluation et notre image de nous-même.

5Traduction de Martinot, 2008 6Traduction de Della Luce

Autrement dit, pour savoir si l'on est d'une certaine manière, il nous faut se comparer à un groupe ou à un individu de référence.

Il existe quatre niveaux de comparaison sociale susceptibles de contribuer à l'enrichissement du soi d'un individu : la comparaison intrapersonnelle la comparaison interpersonnelle, la comparaison intragroupe et la comparaison intergroupe. La comparaison intrapersonnelle et la comparaison interpersonnelle contribuent au développement de l'identité personnelle. La première correspond à la comparaison à soi-même dans le temps, tandis que la seconde correspond à la comparaison en tant que personne unique à une autre personne. La comparaison intragroupe et la comparaison intergroupe contribuent au développement de l'identité sociale. La première correspond à la comparaison en tant que membre de son groupe à une ou plusieurs autres personnes de ce groupe, alors que la seconde correspond à la comparaison en tant que membre de son groupe à une ou plusieurs autres personnes d'un autre groupe. Lors de ces deux derniers types de comparaison, le groupe exerce une influence sur le soi.

Une comparaison peut être ascendante, c'est-à-dire par rapport à une personne qu'on considère meilleure que nous, ou descendante, c'est-à-dire par rapport à quelqu'un de moins bien loti que nous. Généralement, les comparaisons descendantes sont plus favorables pour l'estime de soi que les comparaisons ascendantes. "Selon la théorie de la comparaison sociale descendante (Wills, 1981), en se comparant avec plus malheureux, moins intelligents ou, d’une manière générale, plus désavantagés que soi, on conforte son estime de soi sur la dimension considérée." (Crahay, 2007, p. 221)

Le niveau de comparaison influence les effets de comparaison, qui, à leur tour, ont un impact sur l'estime de soi. En effet, cette dernière est diminuée lors de comparaisons interpersonnelles ascendantes, mais elle ne l'est pas toujours lors de comparaisons intragroupes ascendantes. Cela peut s'expliquer par le fait que, par un processus d'autoréflexion ou d'assimilation, nous pouvons bénéficier de la réussite et des qualités d'une personne à laquelle nous sommes liés, en les reliant à notre soi. (Croizet & Martinot, 2004) Toutefois, cette capacité à assimiler les bons résultats des membres de son groupe est uniquement observée chez les membres de groupes stigmatisés où la réussite d'un des membres semble renforcer l'identification au groupe ; elle ne l'est pas chez les membres de groupes à statut dominant.

En fait, Martinot (2008) explique que

[...] la performance d'une autre personne peut avoir des effets radicalement différents sur notre soi en fonction de la proximité psychologique qu'on entretien avec cette personne, de l'importance qu'on accorde personnellement au domaine de comparaison et du niveau de performance de cette personne par rapport au nôtre. (p.80)

Selon la théorie du maintien de l'auto-évaluation (Tesser, 1988), nous recherchons des comparaisons interpersonnelles ascendantes avec des personnes proches seulement sur des dimensions non pertinentes pour notre soi.