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1 CADRE THÉORIQUE

1.2 Le Soi et l'estime de soi

1.2.2 Les mesures du vécu de l'élève

1.2.2.2 Identité et identification

Depuis les années 1980, beaucoup d'études sur le soi en psychologie sociale et en psychologie de la personnalité ont vu le jour pour tenter de répondre à la question "Qui suis-je". Ces études se sont questionner sur la manière d'"atteindre le soi" d'un individu.

Pour cela, il est nécessaire de déterminer au préalable ce qu'est le soi précisément. Ce dernier a été abordé comme : une image, une conception, un concept, un sentiment, une internalisation, un regard sur soi-même ou tout simplement le soi. Kuhn et McPartland (1954) considèrent le soi comme un ensemble d'attitudes.

Ils présupposent deux principes : le comportement humain est organisé et dirigé, et l'organisation et la direction du comportement humain sont fournis par les attitudes de l'individu envers lui-même. Ils ont donc imaginé un test pour identifier et mesurer les " auto-attitudes" de l'individu. Le défi est de réussir à accéder à ces auto-attitudes, car on peut craindre que les sujets cachent leurs réelles auto-attitudes afin de répondre aux attentes conventionnelles.

Lors d'une première enquête pilote, visant à identifier et mesurer les auto-attitudes parmi les enfants de groupes Amish, Mennonite et Gentile, l'un des auteurs a supposé que les auto-attitudes pourraient être étudiées d'une façon assez directe en rassemblant des

déclarations concernant ce qu'ils préfèrent être, ce qu'ils évitent d'être, ce qu'ils espèrent être, quels sont leurs modèles, etc. Cependant, les différentes réponses données par les enfants correspondaient aux différences culturelles impliquées. Kuhn et McPartland expliquent que les déclarations que les enfants ont données sur eux-mêmes étaient spécifiques aux situations de rôle demandées et les auto-attitudes générales devaient donc toujours être (de manière quelque peu fragile) déduites de ces réponses.

Les auteurs ont ensuite imaginé d'autres tests pilotes qui consistaient à comparer les autobiographies d'étudiants universitaires avec des textes qu'ils avaient écrit pour répondre à la question "Qui es-tu?", mais ce matériel ne s'est pas révélé concluant.

Ils sont ensuite arrivés à la construction d'un test qui consiste à répondre à la simple question "Qui suis-je?" de vingt façons différentes comme si on répond à soi-même et non pas comme si on répond à quelqu'un d'autre. Les réponses doivent être écrites dans l'ordre dans lequel elles viennent à l'individu même si cela ne répond à aucune logique ou ne correspond pas à l'ordre d'importance qu'elles ont pour l'individu. Le temps est limité afin que les réponses données soient relativement spontanées. De plus, il est important que les participants ne soient pas au courant du but de la recherche afin que les réponses données ne soient pas influencées par une envie de donner des réponses "correctes" qui répondent aux attentes des chercheurs. C'est pour cette raison que, dans la présente étude, la mesure des auto-attitudes est utilisée au tout début du questionnaire.

Les auteurs ont observé que les individus donnent deux types de réponses : celles qui contiennent des références consensuelles et celles qui contiennent des références subconsensuelles. Les déclarations du premier type font référence à des groupes et des classes dont tout le monde sait ce qu'ils impliquent, comme par exemple : "un élève", "un enfant",

"un soeur", "suisse", "blond", etc. Les déclarations du second type font références à des groupes, classes, attributs ou autres caractéristiques qui requièrent une interprétation de la part de la personne interrogée pour être plus précis ou se situer par rapport aux autres individus, comme par exemple : "heureux", "ennuyé", "un bon élève", "intéressant", etc. Cependant, les individus ont davantage tendance à se définir spontanément à l'aide de références consensuelles.

Nous utiliserons une mesure d'identification inspirée des travaux de Kuhn sur les auto-attitudes afin de savoir comment les élèves s'identifient de façon spontanée. De cette manière,

nous découvrirons quelles sont les dimensions signifiantes pour leur soi et si les élèves évoquent des éléments positifs ou négatifs en lien avec l'école.

Il existe plusieurs façons de s'identifier. Les individus peuvent décider de mettre en avant leur identité personnelle ou leur identité sociale en faisant référence à des groupes ou des classes pour se décrire.

1.2.2.2.2 Identification au groupe

Une manière de se définir est donc de se présenter comme membre d'un groupe social.

Rappelons que, d'après le concept d'"identification groupale", l'individu peut se sentir comme faisant plus ou moins partie d'un groupe.

Tropp (2001) va plus loin en reconnaissant que "[...] les individus varient dans le degré avec lequel ils incluent l'endogroupe dans le soi, et cette variabilité contribue à des différences dans la manière dont les individus interprètent leurs expériences dans le monde social."7 (p.586)

Les travaux de Tropp se distinguent d'autres approches sur l'identité et l'adhésion à un groupe sur plusieurs points. En premier lieu, plutôt que de se référer à une connexion entre le soi et les autres à un niveau général, Tropp se réfère à une connexion d'un individu avec un endogroupe particulier. De plus, au lieu de souligner les différences à travers les cultures, il se concentre sur comment les individus à l'intérieur des cultures varient dans le degré avec lequel ils incluent l'endogroupe dans le soi. En deuxième lieu, Tropp pense que la connexion entre le soi et l'endogroupe représente un processus psychologique basique commun à tous les groupes. En troisième et dernier lieu, Tropp souligne le degré avec lequel un groupe spécifique fait partie de la représentation de soi d'un individu, pas la tendance de se définir en terme d'adhésion à un groupe à un niveau plus général.

Afin de mesurer l'identification d'un individu à un groupe, Tropp a créé "The Inclusion of Ingroup in the Self (ISS) measure". Pour cela, il se réfère à une échelle créée par Aron et ses collègues pour une recherche sur les relations proches: The Inclusion of Other in the Self (IOS) (Aron et al., 1992). Elle consiste en une série de sept diagrammes de Venn, avec des

7Traduction de Della Luce

paires de cercles qui varient dans leur degré de chevauchement. Un des cercles symbolise l'individu et l'autre symbolise le groupe spécifique qui nous intéresse (et non pas simplement l'"autre" comme dans la mesure de Aron et al. (1992)). Les personnes interrogées doivent sélectionner la paire des cercles qui représentent leur niveau d'identification avec un groupe donné.

La mesure de Tropp présente deux principaux intérêts. Le premier est que les différents chevauchements de cercles sont plus représentatifs du principe d'inclusion du groupe dans le soi qu'une série d'items écrits. La représentation visuelle est plus parlante pour les personnes interrogées. Le second est qu'en tant que mesure avec un seul item, l'ISS peut être facilement adaptée pour une variété d'adhésions de groupe et peut être administrée plus rapidement qu'une mesure avec plusieurs items, la rendant particulièrement utile pour les contextes de recherches où le temps est limité où pour les études impliquant plusieurs adhésions de groupe.

Si l'ISS inclut une composante linguistique dans ses instructions écrites, les résultats d'une étude menée par Tropp et al. indiquent que la mesure ISS est solide puisqu'il n'y a pas de différences significatives malgré trois formulations différentes. Quatre études menées par Tropp et al. ont démontré que l'ISS est une mesure valide et fiable pour évaluer l'inclusion du groupe dans le soi, fournissant un support pour cette conceptualisation de l'identification au groupe.

Nous utiliserons cette mesure d'identification groupale afin de mesurer l'identification des élèves à différents groupes particuliers, en lien avec leur statut d'élève.