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1 CADRE THÉORIQUE

1.2 Le Soi et l'estime de soi

1.2.1 La construction du soi

1.2.1.4 L'estime de soi et sa protection

Il est important de faire la différence entre l'estime de soi et les connaissances de soi, bien que les deux soient reliées. Martinot (2008) explique que les connaissances de soi sont la composante cognitive du soi, le concept de soi, tandis que l'estime de soi correspond à la dimension évaluative du soi, à la valeur que les individus s'attribuent, s'ils s'aiment ou pas, s'approuvent ou pas, etc. En d'autres termes, les connaissances de soi correspondent aux croyances descriptives et l'estime de soi correspond aux croyances évaluatives, positives ou négatives, qu'un individu à sur lui-même. La délimitation entre ces deux types de croyances n'est, bien entendu, pas nette.

L'estime de soi est donc liée à notre autoévaluation. Selon la théorie de l'auto-perception (Bem, 1972), nous pouvons accentuer notre connaissance de nous-même, en regardant nos propres comportements, comme un observateur extérieur. Cette activité est encouragée par la présence d'une norme d'internalité (Beauvois, 1984), valorisée dans les sociétés occidentales, qui consiste à chercher des explications à ses comportements, à associer un trait de personnalité à un comportement.

Nous nous autoévaluons en permanence afin d'atteindre deux buts : d'une part, pour savoir si et combien nous valons et, d'autre part, pour savoir que l'on vaut – que l'on est – comme l'on voudrait être. Le premier but est un but cognitif ; nous voulons savoir comment nous sommes en réalité. Le second but est de maintenir une bonne estime de soi ; nous cherchons à obtenir résultats réconfortant même en dépit de la vérité.

Le rapport existant entre nos autoévaluations et nos aspirations est très important puisqu'il est directement lié à notre estime de soi. En effet, c'est en comparant la manière dont la personne se voit et la manière dont la personne aimerait être que l'on mesure l'estime de soi.

Plus la discordance est grande, plus l'estime de soi est faible. À l'inverse, plus la discordance est petite, plus l'individu semble correspondre à ses attentes et ambitions, et possède donc une haute estime de soi.

"La valeur que nous nous attribuons en tant qu'individu n'est pas absolue. Elle est le produit de dynamiques interpersonnelles et sociales complexes." (Martinot, 2004, p.28) Elle est dépendante de la qualité des contacts sociaux que l'on a pu tisser autour de soi et est étroitement liée à l’image que nous renvoient les autres. Dans le cadre scolaire, il s'agit des camarades non-redoublants, mais aussi des enseignants et des parents. L'estime de soi serait le reflet des évaluations de soi par autrui. Le rapport entre ce que nous sommes et ce que les autres voudraient que nous soyons est également important : ce que ces derniers pensent et aimeraient influence nos aspirations et notre image de nous-même.

Avoir une bonne estime de soi, c'est-à-dire se penser comme une personne de valeur, est un besoin fondamental. Cela est associé à un bien-être physique et psychologique et est un indicateur d'une bonne adaptation à l'environnement. S'aimer et s'évaluer positivement est important car cela permet d'avoir confiance en soi et en ses capacités, ce qui favorise la réussite.

Il est alors légitime de se demander si une identité sociale dévalorisée, comme celle des élèves redoublants, entraîne inévitablement une réduction de l'estime de soi. Plusieurs auteurs expliquent que ce n'est pas nécessairement le cas, car l'individu met en place des stratégies pour maintenir une bonne estime de soi : il choisit des informations favorables lorsqu'il trie l'information en rapport à lui et son auto-perception est biaisée en faveur de lui.

D'autre part, l'estime de soi des individus stigmatisés est tout aussi élevée car elle se construit à partir de l'image que leur renvoie des personnes "signifiantes" (famille ou groupe social de référence) et les perceptions de cette image sont biaisées en leur faveur.

Trois facteurs sont associés à une plus faible estime de soi chez les stigmatisés (Martinot, 2004) : la visibilité du stigmate, la régularité dans les rapports stigmatisés/non-stigmatisés et la stabilité et la chronicité de la discrimination. Les individus porteurs d'un stigmate qui n'est pas directement perceptible – comme les élèves redoublants – souffrent

particulièrement d'une dévalorisation de soi (Frable, Platt & Hoey, 1998, cités par Martinot, 2008). Cela s'explique par le fait que le repérage des autres individus porteurs du même stigmate est malaisé, et que, par conséquent, il leur est difficile de s'affilier à un groupe social de référence (qui partage le même stigmate) sur lequel ils pourront baser leurs estimations de soi positives. D'autre part, les individus stigmatisés obligés de côtoyer quotidiennement le groupe dominant – comme c'est également le cas pour les élèves redoublants avec les élèves non-redoublants – ont une estime de soi plus faible (Croizet & Martinot, 2003). Quant à la discrimination perçue comme stable et chronique, des travaux suggèrent qu'elle peut s'avérer très douloureuse pour les personnes qui en sont victimes.

Comme il l'a déjà été dit, avoir une bonne estime de soi est très important pour le bien-être psychologique et physique de tout individu. Chacun cherche à préserver des connaissances de soi et une estime de soi positives. Pour les protéger, plusieurs stratégies peuvent être mises en place. Ces dernières "permettent de restaurer l'intégrité psychologique des personnes stigmatisées en protégeant l'estime de soi de la dévalorisation associée au stigmate" (Martinot, 2004, p. 34). Cependant, elles ont un coût social : "l'utilisation collective de ces stratégies contribue de façon insidieuse à la perpétuation des inégalités" (Martinot, 2004, p. 34).

L'estime de soi des mauvais élèves est menacée par les expériences scolaires. Ces derniers sont donc amenés à utiliser ces stratégies de protection, non sans conséquence sur leur situation scolaire. En effet, si ces stratégies protègent l'élève des situations menaçantes, des comparaisons désavantageuses et des échecs à court terme, elles ne lui permettent pas d'envisager une conduite pour progresser. Au contraire, elles entraînent une diminution des efforts et des performances scolaires, donc une accentuation de l'échec qui entraîne une régression scolaire (Martinot, 2004).

En conclusion, l'estime de soi est une dimension du soi importante qui sera directement interrogée dans cette recherche avec le questionnaire de Pierrehumbert, Plancherel et Jankech-Caretta (1987; Harter, 1982). Toutefois, elle n'est pas suffisante pour appréhender le soi de l'élève puisque celle-ci est biaisée par les stratégies de protection mises en place et que ce n'est pas la seule dimension du soi en jeu. Il est donc nécessaire d'interroger les connaissances de soi de l'élève avec des mesures supplémentaires.

1.2.2 LES MESURES DU VECU DE L'ELEVE

1.2.2.1 La mémoire autobiographique

Un des outils utilisés dans cette recherche pour étudier le soi de l'élève est la mémoire autobiographique, car les souvenirs des élèves donnent des indications sur la manière dont ils ont vécu leur scolarité, ainsi que leurs conceptions de soi.

Avant d'expliquer la relation entre contenus autobiographiques et conceptions de soi de la personne et de présenter les travaux de Brunot à ce propos, ce chapitre définit le concept de la mémoire autobiographique et présente son fonctionnement, c'est-à-dire la manière dont les souvenirs d'expériences personnelles sont organisés en mémoire et les processus cognitifs à l'oeuvre dans leur récupération et leur traitement.

1.2.2.1.1 La définition de la mémoire autobiographique

La mémoire n'est pas une entité homogène ; elle est constituée de plusieurs systèmes indépendants, quoiqu'en interaction étroite. De nombreux auteurs (Schacter, Wagner &

Buckner, 2000 ; Tulving, 1995 ; Squire, 1992, cités par Van der Linden, 2003) reconnaissent cinq systèmes principaux de la mémoire : un système de mémoire de travail, pour maintenir temporairement une petite quantité d'informations le temps de réaliser une tâche cognitive, et quatre systèmes de mémoire à long terme : la mémoire procédurale, le système de représentation perceptive, la mémoire sémantique et la mémoire épisodique. Ce dernier système

permet de se souvenir et de prendre conscience des événements qui ont été personnellement vécus dans un contexte spatial et temporel particulier. Contrairement aux autres systèmes de mémoire qui sont orientés vers le présent, la mémoire épisodique permet de voyager mentalement dans le temps, c'est-à-dire revivre les expériences passées et se projeter dans le futur (au travers d'un état de conscience appelé la conscience autonoétique, voir Wheeler et al., 1997). (Van der Linden, 2003, p. 54)

La mémoire autobiographique est souvent confondue avec la mémoire épisodique.

Pourtant, il s'agit de deux concepts différents, puisque la mémoire autobiographique ne

concerne pas uniquement la mémoire épisodique, mais distingue deux composantes: l’une épisodique et l’autre sémantique (Tulving, Schacter, McLachlan & Moscovitch, 1988, cités par Picard, Eustache & Piolino, 2009). En fait, "la mémoire autobiographique stocke l’ensemble des informations (composante sémantique) et des souvenirs spécifiques (composante épisodique) à un individu accumulés depuis son plus jeune âge et qui lui permettent de construire un sentiment d’identité et de continuité (Piolino, Desgranges, &

Eustache, 2000)"(Picard, Eustache & Piolino, 2009, p. 200).

Notons que la connaissance autobiographique semble être distribuée sur plusieurs systèmes de mémoire (Van der Linden, 2003) et que la mémoire autobiographique est fortement structurée et hiérarchisée selon Conway & Pleydell-Pearce (2000).

1.2.2.1.2 L'organisation en mémoire des souvenirs d'expériences personnelles

Conway (2004) propose un modèle de la mémoire autobiographique, qui définit une base de connaissance autobiographique relative à des expériences vécues et le soi conceptuel fondé sur les contenus autobiographiques.

La base de connaissance autobiographique relative à des expériences vécues est structurée de manière hiérarchique. Au niveau le plus spécifique se trouvent les souvenirs épisodiques (comme, par exemple, un examen en particulier) et, au niveau supérieur, se situent les événements généraux incluant une série de souvenirs épisodiques organisés autour d'un même thème ou se référant à une période de temps relativement courte, (comme, par exemple, "les examens de maths"). Les événements généraux se regroupent à leur tour au sein de périodes de vie (comme, par exemple, "mes années au collège"). À un niveau plus global encore, il y a les schémas d'histoire de vie (comme, par exemple, "ma scolarité").

Le soi conceptuel fondé sur les contenus autobiographiques, quant à lui, comprend un ensemble de conceptions de soi, dont le sentiment d'efficacité personnelle. Il ne se réfère à aucun événement temporel, aucune expérience spécifique.

Ces deux éléments exercent une influence réciproque. Le soi conceptuel est influencé par la base de connaissance autobiographique et l'influence à son tour car "il rend plus accessible les contenus autobiographiques confirmant ou infirmant les conceptions de soi."

(Vanlede, Philippot & Galand, 2006, p.54)

1.2.2.1.3 Les processus cognitifs à l'oeuvre dans leur récupération et leur traitement

Martial Van der Linden (2003) rapporte que, selon d'Argembeau et Van der Linden (2001), la mémorisation des événements émotionnels diffère de la mémorisation des événements neutres sur plusieurs points.

Un "effet de référence à soi" a été mis en évidence par plusieurs auteurs dont Rogers, Kuiper et Kirker (1977). "L'information qui porte sur soi est plus facilement encodée et mieux rappelée que toute autre information." (Martinot, 2008, p. 82) Il y a, d'une part, une supériorité de rappel d'un encodage autoréférent sur un encodage sémantique et, d'autre part, une supériorité de rappel d'une information sur soi plutôt que sur une autre personne.

Toutefois, la mémoire épisodique et la mémoire autobiographique dépendent de très nombreux processus et d'un vaste réseau cérébral impliquant des interactions complexes entre différentes régions cérébrales. L'encodage d'une information peut être affecté – facilitation ou inhibition – par le caractère émotionnel du matériel à mémoriser. La récupération de souvenirs épisodiques et autobiographiques est le produit d'un processus de construction, qui dépend fortement de l'ensemble des buts et plans actifs du sujet au moment de la récupération:

le working self. (Van der Linden, 2003)

Comme il l'a déjà été mentionné précédemment, tout individu cherche à maintenir une image de soi stable ; c'est notamment le rôle du schéma de soi. Afin d'atteindre ce but, il existe deux "outils" cognitifs du soi : le concept de soi de travail et la reconstruction autobiographique.

Martinot (2008) explique qu'il y a beaucoup trop d'informations sur soi pour y accéder à toutes de manière consciente à un moment donné. Seules certaines informations sont accessibles. Cette partie du soi a d'abord été appelée le "soi phénoménal" par Jones et Gerard (1967), puis le "soi spontané" par McGuire, McGuire, Child, et Fujioka (1978) et, enfin, le

"concept de soi de travail". C'est cette dernière dénomination, par analogie à la mémoire de travail, proposée par Markus et Kunda (1986) qui fait à présent consensus parmi les auteurs.

Le "concept de soi de travail" est une structure temporaire qui permet à l'individu d'utiliser certaines connaissances de soi pour s'adapter à la situation. Les connaissances de soi d'un individu dépendent du contexte. Par exemple, un étudiant introverti en classe peut très bien se montrer extraverti dans une fête, sans que ces deux attitudes soient contradictoires. Le sentiment de stabilité de soi et de cohérence de soi n'est pas remis en cause. Martinot (2008)

souligne que "grâce au concept de soi de travail (Markus & Kunda, 1986), seules les connaissances de soi en rapport avec le contexte dans lequel l'individu est inséré seront accessibles à sa conscience" (p.41).

Le second "outil" est la reconstruction autobiographique : "Pour entretenir un sentiment de stabilité du soi et de consistance de soi, l'individu effectue également une réécriture fréquente de son histoire personnelle (Greenwald, 1980, 1992 pour une traduction française ; Ross & Conway, 1986)" (Martinot, 2008, p. 26). Selon certains chercheurs, le soi est donc un système biaisé de traitement de l'information puisque les individus encodent, stockent et évaluent leurs connaissances de soi de façon biaisée. Sedikides et Strube (1997) relèvent quatre grandes motivations qui guident le traitement de l'information et qui sont au service de l'estime de soi (dans le sens d'un sentiment global de valeur de soi (par exemple, Pelham, 1995; Rosenberg, 1979) : la valorisation de soi, la consistance de soi, l'évaluation de soi et l'amélioration de soi.

La valorisation de soi permet d'établir et de maintenir une image de soi la plus positive possible. "[...] Les informations sur soi sont souvent déformées de façon à les rendre plus valorisantes pour soi." (Martinot, 2008, p. 44) D'une part, les individus ont un meilleur rappel des informations positives les concernant que des informations négatives – la récupération se fait donc de manière sélective – et, d'autre part, ils "reconstruisent ou réécrivent leurs souvenirs autobiographiques de manière à les rendre moins défavorables pour l'image de soi."

(Martinot, 2008, p. 44)

La consistance de soi a pour but de maintenir une image de soi stable et cohérente dans le temps. On accorde davantage d'importance – sélection, interprétation et rappel – aux informations qui confirme ce que l'on pense de nous plutôt qu'aux informations qui contredisent cette image de nous-même.

L'évaluation de soi, quant à elle, est le "désir de développer des connaissances de soi exactes, de rechercher la vérité et de se voir sans biais ni distorsion" (Martinot, 2008, p. 47).

Toutefois, nous recherchons cette vérité seulement si elle n'est pas menaçante pour le soi.

L'amélioration de soi, correspond au désir des individus de se rapprocher le plus possible de ce qu'ils devraient ou voudraient idéalement être.

Une série d'expériences menée par Bahrick, Hall, et Dunsloky (1993) sur le recueil de souvenirs en lien avec les notes obtenues, illustre parfaitement ce phénomène de

"reconstruction autobiographique" : les individus ont tendance à effectuer des omissions ou des erreurs dans la restitution de certaines notes, d'autant plus si celles-ci sont mauvaises. De plus, les participants avec les notes les plus faibles surestiment ces dernières, alors que ceux ayant réalisé des performances moyennes ou élevées ne font pas preuve d'une telle surestimation. Selon Bahrick et al., cette distorsion découlerait d'un processus de reconstruction qui réduirait le caractère défavorable de l'événement, toujours dans le but d'établir et de maintenir une conception de soi positive.

D'autre part, Martinot (2008) explique que, selon Ross (1986), "quand un individu se remémore son propre passé, il évalue en fait ses connaissances de soi passées à partir de ses connaissances de soi actuelles." (p. 26) En d'autres termes, l'individu change, évolue et n'a, par conséquent, plus la même perception des événements que dans le passé.

1.2.2.1.4 La relation entre contenus autobiographiques et conceptions de soi de la personne Brunot (1997) distingue deux types de souvenirs : les souvenirs spécifiques et les souvenirs généraux.

Les souvenirs spécifiques se rapportent à des événements précis bien circonscrits dans le temps et l'espace et sont susceptibles d'apparaître dans le cas d'événements inhabituels, peu fréquents. Se rappeler d'un souvenir de manière spécifique consiste à rejouer mentalement l'épisode de manière concrète, en rappelant des détails sensoriels, perceptifs, cognitifs et affectifs de la situation.

Les souvenirs généraux résument ou englobent un ensemble d'événements similaires ou thématiquement reliés et apparaissent plutôt dans le cas d'événements fréquents. Se rappeler d'un souvenir de manière générale se fait à un niveau de traitement plus abstrait, en rappelant des caractéristiques plus globales, communes à plusieurs situations semblables.

Brunot pense donc qu'on devrait observer des souvenirs dont la généralité ou la spécificité dépend de l'histoire scolaire de l'élève. Il fait l'hypothèse que les bons élèves vivent souvent des expériences de réussite scolaire et rarement des expériences négatives et que, par conséquent, ils devraient recourir à des souvenirs généraux pour rappeler des expériences positives et des souvenirs spécifiques pour rappeler des expériences négatives. À l'inverse, les

mauvais élèves vivent souvent des expériences d'échec scolaire et rarement des expériences positives et devraient donc faire appel à des souvenirs généraux négatifs et des souvenirs spécifiques positifs. Les élèves moyens, quant à eux, vivent rarement des expériences de réussite ou d'échec scolaire ; ils devraient donc recourir à des souvenirs spécifiques positifs et négatifs.

Dans le but de confirmer cette hypothèse, il mène une série de recherches auprès d'élèves, filles et garçons, de quatrième année du système scolaire français, soit des adolescents de 14-15 ans, de niveau scolaire faible, moyen ou fort. Il leur demande d'évoquer par écrit, et pendant 20 minutes, le plus grand nombre possible de souvenirs scolaires renvoyant à des expériences personnelles de réussite ou d'échec. La consigne insiste sur la nécessité de rappeler des expériences précises associées à un moment et à un lieu particulier.

Il est précisé aux élèves que l'orthographe et la grammaire peuvent être négligées.

Brunot analyse ensuite la proportion de souvenirs généraux évoqués en dépit de la consigne. Concernant les élèves de niveau scolaire fort, les résultats confirment l'hypothèse de départ : une forte proportion de souvenirs généraux de réussite et peu de souvenirs généraux d'échec sont relatés. Concernant les élèves "moyens", les résultats vont également dans le sens de l'hypothèse : une faible proportion de souvenirs généraux est rapportée quel que soit le type d'expérience vécue (positive ou négative). Concernant les élèves de niveau scolaire faible, en revanche, les résultats sont surprenants : ces derniers rapportent effectivement une forte proportion de souvenirs généraux pour les expériences négatives, mais cela est également le cas pour les expériences positives.

Cela s'expliquerait par le fait que les élèves de niveau scolaire faible éprouvent de la difficulté à accéder à des souvenirs spécifiques liés à leur performance scolaire, que celle-ci soit positive ou négative, car ils n'accorderaient pas assez d'attention aux aspects les plus spécifiques de leurs expériences scolaires de réussite ou d'échec. Il n'y aurait pas d'enregistrement en mémoire des aspects permettant de discriminer ces expériences en elles.

Cette idée est appuyée par les résultats d'une autre étude de Brunot (1997, étude 5) qui montrent que, en comparaison aux élèves forts et moyens, les élèves faibles utilisent des regroupements moins nombreux et plus généraux lorsqu’on les invite à catégoriser leurs différents souvenirs scolaires de réussite ou d'échec en fonction des différents thèmes qui se dégagent dans leur vie personnelle. Toutefois, cette explication est valable uniquement dans le domaine scolaire.