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4 DESCRIPTION ET ANALYSE DES RÉSULTATS

4.1 Description et analyse des résultats de manière globale

4.1.2 Construction de soi

4.1.2.2 Estime de soi

Nous pourrions faire l'hypothèse que les redoublants devraient dévoiler un niveau d’estime de soi plus faible que les non-redoublants et, ce, notamment en raison de leur appartenance à un groupe négativement stéréotypé. L'étude menée par Dutrévis et Crahay (2013) a d'ailleurs montré que les dimensions "scolaire", "conduite" et "valeur" de l’estime de soi des élèves redoublants sont touchées par leur vécu scolaire. Mais, paradoxalement, certains travaux (Crocker & Major, 1989 ; Croizet & Martinot, 2003 ; Major et al., 1999 ; Pierrehumbert, 1992) montrent l'absence de lien entre stéréotypes négatifs et estime de soi.

Les individus stigmatisés dévoileraient une estime de soi égale ou plus haute que les autres pour plusieurs raisons dont un désir de paraître ou une mise en place des stratégies de protection de l'estime de soi. La tâche 2 nous renseigne sur le niveau d'estime de soi des élèves sur différentes dimensions.

L'estime de soi a été mesurée en prenant en compte six dimensions: les compétences dans le domaine de l'école, les compétences sociales, les compétences physique, l'apparence, la conduite et le sentiment de valeur propre. Les réponses des élèves ont été analysées de

manière à observer quelle est l'estime de soi des élèves de chaque catégorie d'une manière générale, mais également d'une manière plus spécifique sur chacune de ces dimensions.

Pour chaque item, les élèves avaient quatre possibilités de réponse, révélant une estime de soi plus ou moins élevée. Leurs réponses ont donc été analysées sur une échelle de 1 à 4. Plus le score va vers le 4, plus l'estime de soi est élevée. La moyenne de l'échelle est à 2,5.

Les alphas de Cronbach n'étant pas satisfaisants pour les sous-dimensions

"compétence physique" et "conduite", un item a été retiré dans chacune de ces sous-échelles.

Des scores moyens ont ensuite été calculés (cf. tableau 14).

Tableau 14 : Scores moyens d’estime de soi (ES) en fonction de la catégorie des élèves Bons élèves qui est particulièrement révélatrice de la manière dont les individus s'apprécient, on remarque que les scores sont relativement élevés pour toutes les catégories, même celle des élèves en difficulté qui obtiennent leur meilleur score sur cette dimension (M=2.80). Ce constat n'est pas surprenant quand on sait que la motivation la plus forte – liée au soi – des individus est la valorisation de soi : les individus ont besoin de s'apprécier et d'avoir la meilleure image possible d'eux-mêmes. Pour répondre à ce besoin, ils "encodent, stockent et évaluent leurs connaissances de soi de façon biaisée" (Martinot, 2008, p. 44).

En ce qui concerne la mesure d'estime de soi d'une manière générale, les élèves redoublants (M=2.98) ont un niveau d'estime de soi plus bas que les élèves non-redoublants (M=3.13), ce qui confirme notre hypothèse de départ. Toutefois, si l'on analyse les résultats en fonction de nos quatre catégories d'élèves, nous constatons que les bons élèves sont ceux

qui obtiennent le meilleur score (M=3.22) suivi des élèves moyens (M=3.10), puis des élèves redoublants (M=2.98) et enfin des élèves en difficulté (M=2.41). Les élèves redoublants ont donc une meilleure estime de soi que les élèves en difficulté. Ces résultats alimentent la controverse sur le lien entre stigmatisation et estime de soi qui est une mesure complexe.

Nous les discuterons dans la partie suivante.

En ce qui concerne la mesure d'estime de soi sur les dimensions spécifiques, les meilleurs scores sont obtenus par les bons élèves sur les dimensions scolaires, de conduite et de valeur propre, par les élèves moyens sur les dimensions des compétences sociales et physiques, et par les élèves redoublants sur la dimension de l'apparence physique.

Les élèves en difficulté obtiennent les scores les plus faibles sur toutes les dimensions.

Ils sont même en dessous de la moyenne sur les dimensions scolaires, de l'apparence physique et de la conduite. Cependant, le fait que les élèves redoublants aient une estime de soi sociale plus élevée que les élèves en difficulté ne signifie pas pour autant que celle-ci n'a pas pu être affectée par leur expérience du redoublement.

En ce qui concerne les élèves redoublants, il est intéressant de relever que la dimension sur laquelle ils obtiennent le score le plus faible est celle des compétences dans le domaine de l'école; ils obtiennent un score légèrement en dessous de la moyenne (M=2.46).

En revanche, ce sont eux qui obtiennent le meilleur score sur la dimension de l'apparence. Il semblerait que ces élèves compensent leur basse estime de soi scolaire avec une estime de soi plus haute sur la dimension de l'apparence. Martinot (2008, p. 61) explique que "les individus peuvent [...] jouer sur l'importance accordée à leurs différentes connaissances de soi dans leur contribution à l'estime de soi globale". Afin de maintenir la meilleure estime de soi possible, les individus ont tendance à appliquer une stratégie qui consiste à accorder plus d'importance aux domaines dans lesquels ils sont doués et à se désidentifier psychologiquement des domaines dans lesquels ils sont moins performants.

Certaines dimensions sont plus valorisées que d'autres par les élèves, mais également par l'institution scolaire. Même s'il ne s'agit pas d'une hiérarchie de valeurs formellement exposée, il est intéressant de constater que les élèves redoublants obtiennent le meilleur score sur une dimension moins valorisée scolairement – l'apparence – alors qu'ils obtiennent leur moins bon score sur la dimension la plus valorisée scolairement. À l'inverse, les "bons"

élèves semblent accorder plus d'importance à obtenir de bons résultats scolaires plutôt que de

bonnes performances physiques qui sont moins valorisées à l'école, puisqu'ils obtiennent uniquement des appréciations qui ne déterminent pas leur promotion dans le degré supérieur.

Une autre analyse a également été faite en fonction du genre. Cependant, elle ne révèle pas de différences significatives. Elle permet toutefois de constater que les filles ont une estime de soi légèrement plus haute sur la dimension scolaire et que les garçons ont une estime de soi légèrement plus haute sur les autres dimensions, sauf sur la dimension en lien avec la conduite où les scores sont extrêmement proches.

Les résultats de la présente recherche ont été comparés à ceux obtenus par Dutrévis et Crahay (2013). Pour ce faire, les catégories des bons élèves, des élèves moyens et des élèves en difficulté ont été regroupées pour obtenir une seule catégorie "non-redoublants" comme cela était le cas dans leur étude.

Tableau 15 : Scores moyens d’estime de soi (ES) en fonction du statut des élèves Non-redoublants

Tout d'abord, notons que pour plusieurs dimensions, il existe un écart important avec les données de Dutrévis et Crahay (2013). Les redoublants de la présente recherche obtiennent un score plus faible sur la dimension sociale, mais plus élevé sur les dimensions de l'apparence, de la conduite et de la valeur. Cela est-il lié à la taille de l'échantillon beaucoup plus petit dans la présente recherche? L'examen des profils d'élèves permettra peut-être d'expliquer ces écarts.

Si on observe l'estime de soi d'une manière générale, on constate que, tout comme les résultats de Dutrévis et Crahay le montrent, ce sont les non-redoublants qui obtiennent un meilleur score d'estime de soi (M=3.13), même s'il reste sensiblement proche de celui obtenu par les élèves redoublants (M=2.98).

Si on observe les résultats obtenus sur chaque dimension, il est intéressant de constater que, dans les deux études, la plus grande différence de scores entre les élèves redoublants et les élèves non-redoublants se situe sur la dimension des compétences dans le domaine de l'école : les élèves redoublants obtiennent un résultat plus faible. Il est même inférieur à la moyenne dans la présente recherche, comme il l'a déjà été relevé.

Toutefois, on remarque que, dans les deux études, les élèves redoublants ont un score plus élevé que les élèves non-redoublants sur la dimension de l'apparence. S'agit-il d'un moyen de compenser les autres dimensions afin de maintenir une bonne estime de soi?

La tâche ouverte sur les souvenirs autobiographiques laisse les élèves s'exprimer sur leurs expériences scolaires et permettra donc d'avoir des informations plus personnelles sur les élèves afin de mieux comprendre certains résultats d'identification et/ou d'estime de soi.