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L'expérience scolaire des élèves redoublants en comparaison aux autres élèves

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'expérience scolaire des élèves redoublants en comparaison aux autres élèves

DELLA LUCE, Mélissa

Abstract

Cette recherche s'intéresse aux conséquences psychologiques du redoublement. Partant du postulat que les redoublants sont stigmatisés par leurs pairs et que cela peut avoir des conséquences négatives sur leur identité, elle a pour but de mesurer les stéréotypes rattachés aux redoublants et de comparer leur vécu scolaire à celui des autres élèves – grâce à des mesures quantitative et qualitatives d'identification, d'estime de soi et de souvenirs autobiographiques. Elle présente l'intérêt de distinguer quatre catégories d'élèves selon leur niveau scolaire. Les données sont analysées de manière globale et spécifique afin de distinguer et de comparer des profils d'élèves redoublants et en difficulté. Les résultats montrent que l'image des élèves redoublants est plutôt négative et que ces derniers ont parfois du mal à assumer ce statut. Les élèves en difficulté se démarquent fortement de leurs camarades sur les différentes mesures. Les résultats sont discutés et des pistes de réflexion sont avancées.

DELLA LUCE, Mélissa. L'expérience scolaire des élèves redoublants en comparaison aux autres élèves. Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88655

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L'expérience scolaire des élèves redoublants en comparaison aux autres élèves

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE (MAEP)

PAR

MELISSA DELLA LUCE

DIRECTEUR DU MEMOIRE MARION DUTREVIS

JURY

OLIVIER MAULINI ANNE PERREARD VITE

GENEVE AOUT 2016

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RESUME

Cette recherche s'intéresse aux conséquences psychologiques du redoublement. Partant du postulat que les redoublants sont stigmatisés par leurs pairs et que cela peut avoir des conséquences négatives sur leur identité, elle a pour but de mesurer les stéréotypes rattachés aux redoublants et de comparer leur vécu scolaire à celui des autres élèves – grâce à des mesures quantitative et qualitatives d'identification, d'estime de soi et de

souvenirs autobiographiques. Elle présente l'intérêt de distinguer quatre catégories d'élèves selon leur niveau scolaire. Les données sont analysées de manière globale et spécifique afin de distinguer et de comparer des profils d'élèves redoublants et en difficulté. Les résultats montrent que l'image des élèves redoublants est plutôt négative et que ces derniers ont parfois du mal à assumer ce statut. Les élèves en difficulté se démarquent fortement de leurs camarades sur les différentes mesures. Les résultats sont discutés et des pistes de réflexion sont avancées.

Mots clés : redoublement, stéréotypes, stigmatisation, identification, estime de soi, mémoire autobiographique

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REMERCIEMENTS

Ce mémoire est le résultat d’un travail de recherche de deux ans. En préambule, je veux adresser tous mes remerciements aux personnes qui m'ont aidée dans sa réalisation.

En premier lieu, je remercie Madame Marion Dutrévis, directrice de recherche de ce mémoire, pour son aide précieuse, sa grande disponibilité et sa confiance, ainsi que Monsieur Marcel Crahay qui est à l'origine de ce projet, pour son importante contribution.

Je souhaite également remercier Monsieur Olivier Maulini et Madame Anne Perréard Vité pour l’intérêt qu’ils ont porté à ma recherche en acceptant de faire partie du jury.

Je remercie aussi les élèves genevois qui ont pris part à cette recherche, ainsi que les enseignants qui m'ont accueillie dans leur classe et la direction de l'établissement scolaire, pour leur collaboration.

Enfin, je remercie ma famille et mes amis qui m'ont soutenue et encouragée tout au long de la réalisation de ce mémoire.

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T ABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ... 7

1 CADRE THÉORIQUE ... 17

1.1 Catégorisation, stéréotypes et stigmatisation ... 17

1.1.1 La catégorisation ... 17

1.1.2 Les stéréotypes ... 19

1.1.2.1 Définition ... 20

1.1.2.2 Fonctions ... 21

1.1.2.3 Conséquences ... 22

1.1.3 La stigmatisation ... 23

1.1.3.1 Définition et recherches antérieures ... 23

1.1.3.2 Conséquences ... 25

1.2 Le Soi et l'estime de soi ... 27

1.2.1 La construction du soi ... 28

1.2.1.1 Le développement du Soi ... 29

1.2.1.2 Les connaissances de Soi et le schéma de soi ... 31

1.2.1.3 L'importance d'autrui ... 35

1.2.1.3.1 L'autoréalisation des prophéties ... 36

1.2.1.3.2 L'identification au groupe et les comparaisons aux autres ... 37

1.2.1.4 L'estime de soi et sa protection ... 41

1.2.2 Les mesures du vécu de l'élève ... 44

1.2.2.1 La mémoire autobiographique ... 44

1.2.2.1.1 La définition de la mémoire autobiographique ... 44

1.2.2.1.2 L'organisation en mémoire des souvenirs d'expériences personnelles ... 45

1.2.2.1.3 Les processus cognitifs à l'oeuvre dans leur récupération et leur traitement ... 46

1.2.2.1.4 La relation entre contenus autobiographiques et conceptions de soi de la personne ... 48

1.2.2.2 Identité et identification ... 51

1.2.2.2.1 Self-Attitudes ... 51

1.2.2.2.2 Identification au groupe ... 53

2 PROBLÉMATIQUE ... 55

3 METHODE ... 59

3.1 Les participants ... 59

3.2 Le matériel ... 60

3.2.1 Élaboration du questionnaire ... 60

3.2.2 Présentation du dispositif ... 62

3.2.2.1 Tâche 1: "Qui suis-je?" ... 62

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3.2.2.2 Tâche 2: "Estime de soi" ... 62

3.2.2.3 Tâche 3: "Mémoire autobiographique" ... 64

3.2.2.4 Tâche 4: "Mesures d'identification au groupe" ... 64

3.2.2.5 Tâche 5: "Vignettes" ... 65

3.2.2.6 Tâche 6: "Qualificatifs" ... 67

3.2.3 Le but des différentes tâches ... 68

3.3 La procédure ... 70

4 DESCRIPTION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ... 71

4.1 Description et analyse des résultats de manière globale ... 72

4.1.1 Stéréotypes ... 72

4.1.1.1 Tâche 5: "Vignettes" ... 72

4.1.1.2 Tâche 6 : "Qualificatifs" ... 76

4.1.1.3 Conclusion ... 87

4.1.2 Construction de soi ... 88

4.1.2.1 Identification ... 88

4.1.2.1.1 Tâche 1 : "Qui suis-je?" ... 89

4.1.2.1.2 Tâche 4 : "Mesures d'identification au groupe" ... 91

4.1.2.2 Estime de soi ... 93

4.1.2.3 Mémoire autobiographique ... 97

4.2 Analyse et comparaison des profils des élèves redoublants et en difficulté ... 102

4.2.1 Profils des élèves redoublants ... 102

4.2.2 Profils des élèves en difficulté ... 108

4.2.3 Conclusion ... 110

5 DISCUSSION ... 112

5.1 L'image des élèves redoublants ... 112

5.2 Le vécu des élèves redoublants ... 114

5.2.1 Identification spontanée ... 115

5.2.2 Identification groupale ... 115

5.2.3 Estime de soi ... 116

5.2.4 Mémoire autobiographique ... 119

5.2.5 Conclusion ... 120

5.3 Distanciation des élèves en difficulté ... 121

5.4 Limites de la recherche ... 122

6 CONCLUSION ... 125

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 129

(7)

ANNEXES ... 135

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INTRODUCTION

Aujourd'hui, l'école n'est plus réservée à une élite sociale ; on souhaite qu'elle soit accessible à tous les enfants. En Suisse, comme dans de nombreux pays, il existe la volonté d'aller vers une école inclusive, c'est à dire une école de qualité pour tous les enfants quels que soient leurs besoins, leur handicap, leur talent, leur origine et leurs conditions de vie économiques et sociales (Département de l'instruction publique, de la culture et du sport, 2016). Plus que cela, l'idéal poursuivi par notre société est la réussite scolaire pour tous. Mais, paradoxalement, il existe une culture de l'échec.

L'école a des attentes vis-à-vis des élèves, qui peuvent porter sur l'acquisition de savoirs et de compétences scolaires ou sur le comportement. Ces derniers sont régulièrement évalués de manière certificative afin de juger de leur niveau. Chaque trimestre, les élèves de l'école primaire genevoise reçoivent leur bulletin scolaire sur la base des évaluations faites par l'enseignant et, tous les deux ans à partir de la 4P Harmos, ils sont soumis à des évaluations cantonales standardisées. Une dichotomie entre les bons et les mauvais élèves est facilement identifiable. Les élèves qui remplissent les attentes de l'école poursuivent leur scolarité

"sereinement" en étant promu chaque année dans le degré supérieur. Ceux qui ne les remplissent pas peuvent être sanctionnés par un redoublement, c'est-à-dire qu'ils doivent refaire une année dans le même degré.

Le redoublement est une pratique utilisée dans plusieurs pays d'Europe dont la Belgique, la France, le Grand-duché du Luxembourg et, dans une moindre mesure, la Suisse.

En Suisse romande, la tendance est diverse selon les cantons : dans le canton de Vaud, le taux moyen de redoublement est supérieur à 3.5%; dans le Jura, il est inférieur à 1.5% et à Genève il est relativement stable depuis 1990-1991 et fluctue de 1.5 à 2% entre 1990-1991 et 2007- 2008 (Source : Statistiques des élèves et des étudiants, OFS).

Cette pratique est considérée comme légitime et jugée utile par l'opinion générale pour permettre à l'élève en difficulté de progresser et de combler ses lacunes afin de répondre à nouveau aux attentes de l'école. Des enquêtes – rapportées par Crahay (2007) – menées auprès d'enseignants belges francophones (Crahay, 2003), genevois (Pini, 1991) et américains (Byrnes, 1990) indiquent qu'ils ont des croyances favorables au redoublement : selon eux, il s'agit d'un outil de remédiation efficace. Marcoux et Crahay (2008) se sont interrogés sur ce qui pousse les enseignants à prendre la décision du redoublement pour un élève.

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Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les résultats de leur enquête menée auprès d'enseignants genevois, montrent que les notes ne sont que partiellement déterminantes dans la décision de redoublement. Elles fonctionnent plutôt, à la fois, comme un appui au jugement psychologique de l'enseignant et comme des outils stratégiques et/ou communicationnels à l’égard des élèves et des parents. Les enseignants recourent à des jugements normatifs : ils jugent l'élève en fonction de sa capacité à effectuer son "métier d’élève" et de son environnement familial. Ils "mobilisent des jugements évaluatifs, au sein desquels opère en leur centre une croyance conditionnelle dans les bienfaits potentiels du redoublement."

(Marcoux & Crahay, 2008, p. 512) Cette croyance s’appuie sur plusieurs conceptions. La première est une conception psychopédagogique concernant la séquentialité des apprentissages et leurs nécessaires enchaînements : les bases doivent être solides pour que les élèves construisent de nouvelles connaissances et compétences. La seconde concerne une conception maturationniste du développement: l'élève doit être suffisamment mature pour aborder certains apprentissages sereinement. Cette croyance est aussi une représentation sociale: étant donné qu’une majorité d’enseignants la partage, au moins à des degrés divers, elle subsiste, voire s'accentue. D'autre part, Marcoux et Crahay notent le fait que, comme l’a montré Draelants (2006) en s’entretenant avec des enseignants du secondaire de la Communauté française de Belgique, le redoublement répond à une rationalité pragmatique : faire redoubler certains élèves permet de reformer un groupe où les meilleurs ne seront plus ralentis par les élèves les plus en difficulté.

De son côté, Martin (2011) explique que si de nombreux systèmes éducatifs recourent à cette pratique du redoublement, c'est, entre autre, parce qu'il s'agit d'une stratégie facile à appliquer, qui ne requière pas d'innovation, ni de changement dans la structure et les pratiques de l'école.

La communauté scolaire approuve implicitement la création de classements dans lesquels les élèves sont insérés selon leurs résultats scolaires. Ces représentations semblent aller dans le sens d'une école créatrice de hiérarchies d'excellence que Perrenoud (1995) dénonce. En effet, un système scolaire qui permet à tous les élèves de réussir ne paraît pas être de qualité. On imagine que si tous réussissent, cela signifie que le niveau exigé est trop bas. Il s'agit là de "l'idéologie de l'excellence scolaire". Dans notre représentation de l'excellence, celle-ci "n'a de valeur sociale que lorsqu'elle n'est pas accessible à tous" (p. 70), car "si chacun est excellent, nul ne l'est." (p.36).

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Perrenoud (1995) explique qu'au Moyen Age, les sociétés étaient moins unifiées et qu'il existait des hiérarchies d'excellences dans chaque sous-groupe. Aujourd'hui, la scolarisation est la forme dominante de socialisation des enfants dans les sociétés industrielles et les normes d'excellences scolaires "s'imposent maintenant à tous les élèves d'une même génération" (p.98).

Si un grand nombre d'enseignants se montre favorable au redoublement, de nombreux chercheurs en sciences de l'éducation ont pourtant démontré qu'il s'agit d'une pratique inefficace. Pour effectuer ce constat, ils se sont appuyés, d'une part, sur les comparaisons internationales comme IEA ou PISA et, d'autre part, sur des études de type quasi- expérimental et des méta-analyses qui ont été réalisées à partir de celles-ci.

Les comparaisons internationales montrent que le redoublement n'est plus pratiqué dans de nombreux pays d'Europe comme le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède et Royaume-Uni, et que le rendement scolaire y est pourtant très satisfaisant (PISA, 2012). La Finlande, où les taux de redoublement sont proches du zéro, est souvent citée en exemple car le rendement est élevé en lecture, en sciences et, dans une moindre mesure, en mathématiques. Il est donc erroné de penser que la promotion automatique entraînerait automatiquement un nivellement par le bas du niveau scolaire des élèves (Milner, 1984), au contraire (cf. Crahay, 2005, 2007) (Dutrévis & Crahay, 2015).

Toutefois, les constats basés sur les comparaisons internationales ne sont pas suffisants pour juger de l'inefficacité du redoublement car il est possible que le bon rendement scolaire des pays susmentionnés soit dû à d'autres caractéristiques. Il est donc nécessaire de faire appel à d'autres éléments de preuve. Ces derniers sont fournis par les différentes études qui se sont penchées sur cette pratique du redoublement afin d'analyser ses effets et de juger de son efficacité. Contrairement à l'idée largement répandue selon laquelle le redoublement aiderait l'élève, ces études révèlent qu'il aurait des conséquences négatives sur sa scolarité.

Les résultats de deux études françaises, l'une menée par Seibel (1984) et l'autre menée par Grisay (1993 et 2001), indiquent que le redoublement ne favorise pas l'évolution pédagogique des élèves. En effet, après avoir comparé l'évolution des scores d'élèves redoublants et non-redoublants à des tests standardisés de français et de mathématique, ils constatent que les élèves faibles qui sont l'objet d'un redoublement progressent, en moyenne, moins que des élèves qui ont des difficultés comparables et qui ont, malgré tout, été promus.

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Afin d'observer les effets du redoublement à plus long terme, plusieurs études longitudinales ont vu le jour. Elles montrent que même si certains bénéfices peuvent être observés dans un premier temps (par exemple Alexander et al., 1994), le redoublement se révèle finalement contre-productif (Alexander et al., 2001). The Chicago Longitudinal Study montre également que les effets positifs s'atténuent avec le temps en ce qui concerne les résultats scolaires (Temple et al., 2004; Roderick et al., 2005; Ou & Reynolds, 2010) (Martin, 2011).

Plus récemment, Martin (2011) a mené une étude longitudinale en Australie, auprès de 3261 collégiens, dont le but était d'examiner les effets du redoublement sur des dimensions scolaires – la motivation, l'engagement et le concept de soi scolaire – et sur des dimensions non-scolaires – la relation avec les camarades et l'estime de soi – en contrôlant l'effet du genre, du degré scolaire, de l'appartenance ethnique et du niveau scolaire.

Concernant les facteurs académiques, les résultats indiquent que le redoublement est lié négativement concept de soi scolaire et à la réalisation des devoirs à la maison, et qu'il est lié positivement au désengagement et à l'absentéisme scolaire. Concernant les facteurs non- académiques, ils démontrent que le redoublement a des conséquences négatives sur l'estime de soi, mais qu'il n'est pas significativement associé aux relations avec les pairs. Les données suggèrent que, indépendamment du genre, du degré scolaire, de l'appartenance ethnique et du niveau scolaire, il est plus bénéfique pour l'élève d'être promu avec ses camarades plutôt que de redoubler.

Martin indique que ces résultats rejoignent les conclusions de précédentes études longitudinales : le redoublement est contre-productif (Alexander, Entwisle & Dauber, 1994) et il a des effets négatifs à long terme (Roderick, Nagaoka & Allensworth, 2005; Temple, Reynolds & Ou, 2004; Ou & Reynolds, 2010).

Ces études sont dites quasi expérimentales, car elles comparent l'évolution de deux groupes supposés équivalents : des élèves redoublants et des élèves non-redoublants.

Cependant, les recherches sur le redoublement sont très difficiles à réaliser car les élèves redoublants et non-redoublants ne sont pas comparables. D'une part, certaines caractéristiques personnelles les différencient puisque certains élèves en difficultés ont quand même été promus; on peut supposer qu'ils se sont montrés un peu plus matures, un peu plus motivés par les apprentissages... D'autre part, les élèves redoublants étant beaucoup moins nombreux, le groupe des élèves redoublants est moins représenté. Bien que dans ces études quasi-

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expérimentales, on essaie de constituer le groupe des non-redoublants pour qu'il soit le plus équivalent possible au groupe des redoublants sur le plan des caractéristiques personnelles, la comparaison de ces deux groupes est tout de même entachée d’un biais de sélection. Pour garantir l'équivalence initiale des deux groupes d'élèves, il faudrait repérer les mêmes difficultés chez les élèves et faire redoubler aléatoirement certains d'entre eux, ce qui est irréalisable.

Afin d'accorder une validité plus grande aux résultats obtenus sur les effets du redoublement, plusieurs chercheurs ont combiné les résultats de différentes recherches à travers des méta-analyses.

Jackson (1975) a effectué une première synthèse importante d'études menées aux Etats-Unis qui démontre que, dans une majorité des cas, on observe de meilleurs résultats chez les élèves faibles bénéficiant d'une promotion que chez les élèves faibles qu'on a fait redoubler.

Holmes et Matthews (1984) ont également réalisé une méta-analyse de 650 recherches américaines qui ont investigué l'ampleur de l'effet du redoublement sur diverses dimensions:

l'apprentissage académique général, la lecture, les mathématiques, la méthode de travail, l'ajustement social, l'ajustement émotionnel, le comportement en classe, l'image de soi, l'attitude vis-à-vis de l'école. Le constat est sans appel: tous les effets sont négatifs. Que le critère d'évaluation soit cognitif ou affectif, le redoublement est préjudiciable aux élèves qui en sont l'objet.

Jimerson (2001) a, quant à lui, effectué une synthèse des publications scientifiques des années 1990-1999. Il a retenu les 20 études les plus pertinentes parmi plus de 400 études portant sur l'efficacité du redoublement (résultats scolaire, aspects socio-émotionnels ou autres) et qui comparent des élèves redoublants et des élèves non-redoublants. Les résultats montrent que dans la majorité des cas, il n'y a pas de différences significatives entre les élèves redoublants et non redoublants (dans 86% des analyses de mesures socio-émotionnelles et dans 48% des mesures de performance scolaire) ou en faveur des élèves promus (dans 47%

des analyses de réussite scolaire et 9% des mesures socio-émotionnelles).

Cependant, les conclusions les plus fiables, selon Crahay (2005), sont tirées des travaux de Holmes (1990). Lorsque ce dernier compare le niveau cognitif atteint pas des élèves redoublants et des élèves non-redoublants, il constate qu'à même degré scolaire, les élèves ont des performances équivalentes un an et plus de trois ans après le redoublement, mais qu'à âge constant, les élèves qui ont redoublé ont un retard par rapport à ceux qui ont été

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promus, qui va en s'accroissant avec les années. Dans les deux cas, le redoublement apparaît donc comme une année de perdue. Les travaux plus récents de Temple et al. (2004) confirment que l'écart de niveau entre les élèves redoublants et leurs camarades promus dans le degré supérieur s'accentue; ils progressent moins que les élèves promus avec une aide pédagogique.

En conclusion, ces travaux anglo-saxons ou francophones montrent que le redoublement n’a que très rarement des effets positifs sur l’évolution des performances scolaires des élèves en difficulté.

La majorité de ces travaux analyse l'efficience du redoublement sur les progrès d'apprentissage des élèves – c'est-à-dire à l'aspect cognitif. Toutefois, afin d'avoir une meilleure compréhension des conséquences de cette pratique, nous pensons, tout comme l'a notamment fait Martin (2011), qu'il est également important de s'intéresser aux effets "non- académiques" – c'est-à-dire aux conséquences psycho-affectives de cette pratique – car cette dimension a une influence sur la scolarité de l'élève.

Dans ce travail, le redoublement est considéré comme un événement autour duquel se tisse une dynamique sociale. L'élève qui refait son année vit cette expérience au sein d'une communauté scolaire et d'un cercle familial. Il doit faire face au regard de ses parents, de ses enseignants et de ses camarades de classe et d'école. Le regard d'autrui a une forte influence sur la personnalité d'un individu et notamment sur son estime de soi, c'est-à-dire la valeur qu'il s'attribue. On sait que les élèves sont fortement influencés par ce que leurs camarades pensent d'eux. Or, plusieurs enquêtes (Crisafulli, Perréard Vité & Crahay, 2002, Farcoz, 2003, Dutrévis & Crahay, 2013) montrent que les non-redoublants ont une image négative de l'élève redoublant et qu'ils le définissent souvent en des termes méprisants. De plus, les élèves non- redoublants se révèlent massivement favorables au redoublement. Leur croyance en l'utilité du redoublement révèle qu'ils sont, eux aussi, influencés par la culture de l'échec (Crahay, 2007).

Lorsqu'il existe des croyances partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi souvent des comportements, d'un groupe de personnes, il s'agit de stéréotypes (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996). "Selon Tajfel (1981) les stéréotypes apparaissent dès lors qu'une catégorisation sociale en deux groupes distincts est possible et, ce, quelle que soit sa base (Rabbie & Horwitz, 1969; Tajfel, Billig,

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Bundy & Flament, 1971)". (Dutrévis & Crahay, 2015, p. 5) Le processus de catégorisation est simplificateur et conduit à amplifier les similitudes à l'intérieur du groupe (biais d'assimilation) et les différences entre les deux groupes (biais de contraste) (Tajfel & Wilkes, 1963). De cette manière, la cohésion des membres du groupe est renforcée.

Les résultats d'une recherche de Dutrévis et Crahay (2013) ont également mis en évidence une estime de soi plus faible chez les élèves redoublants sur les dimensions suivantes : compétences dans le domaine de l'école, conduite et sentiment de valeur propre.

Il est toutefois très difficile de cerner l'estime de soi d'un individu et, dans le cas présent, d'un élève, car tout individu cherche à préserver son estime de soi et à avoir une bonne image de lui-même. Pour cela, il met en place des stratégies de protection (Martinot, 2008). Si elles permettent de protéger l'estime de soi, elles ont, en revanche, des effets négatifs à long terme portant préjudice aux apprentissages de l'élève. Elles peuvent consister, par exemple, à se comparer à des élèves moins bien lotis que soi, à attribuer ses échecs à des causes externes (à l'enseignant qui a corrigé trop sévèrement selon l'élève, par exemple) ou à accorder moins d'importance pour soi à certains domaines scolaires ou à l'école en général... En agissant ainsi, l'élève se désinvestit des tâches scolaires, ne se remet pas en question et n'entreprend aucune démarche pour progresser. Dans le meilleur des cas, il maintient le même niveau scolaire;

dans le pire des cas, il voit ses résultats baisser davantage.

L'intérêt de cette recherche ne porte donc pas uniquement sur l'estime de soi, car on sait que celle-ci peut être biaisée par des stratégies de protection, mais plutôt sur la manière dont l'élève vit cette expérience du redoublement et les conséquences qu'elle a sur sa personne et sur sa scolarité. Ce travail s'intéresse à la façon dont l'élève se considère à un niveau personnel et scolaire. Afin de cerner cela, plusieurs mesures sont prises, en plus de l'estime de soi. Elles permettent, notamment, de saisir la manière dont l'élève se caractérise spontanément et à quel(s) groupe(s) d'élèves il s'identifie et cela dans quelle mesure. Un intérêt particulier est également porté sur les souvenirs autobiographiques des élèves concernant leurs expériences scolaires.

En résumé, la présente recherche a pour but de confirmer et d'approfondir les premiers résultats obtenus quant au contenu des stéréotypes envers les élèves redoublants et d'interroger plus finement la manière dont ces derniers ont vécu cette expérience du redoublement et leur scolarité d'une manière générale, à l'aide de plusieurs mesures.

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Comblant une limite méthodologique de l'étude de Dutrévis et Crahay (2013), elle effectue une distinction des élèves selon leur niveau scolaire afin d'isoler l’effet du stéréotype concernant les redoublants de celui du niveau scolaire des élèves. Cela permettra également d'analyser en quoi les redoublants se distinguent des autres élèves, au niveau de l’identification, de l’estime de soi, des stéréotypes et des souvenirs autobiographiques.

À Genève, le nombre d'élèves redoublants restant relativement bas, il est difficile de mener une recherche avec un grand nombre de participants. C'est un petit panel qui a pris part à cette étude. Par conséquent, l'intention n'est, bien évidemment, pas de généraliser les résultats obtenus, mais plutôt d'étudier plus en détails, à l'aide également de données qualitatives, le cas de quelques élèves redoublants pour mieux comprendre comment peut être vécue une expérience comme le redoublement et les conséquences que celle-ci peut avoir sur la suite de la scolarité de l'élève.

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Le premier chapitre de ce travail apporte un éclairage sur les différents concepts et théories auxquels font appel ma recherche, et présente les études ayant apporté des premiers apports empiriques sur le sujet.

Dans un premier temps, ce sont des processus en lien avec une dynamique sociale qui sont expliqués : la catégorisation, la stéréotypisation et la stigmatisation.

Les recherches de Crisafulli, Perréard Vité et Crahay (2002) et Farcoz (2003) s'interrogent sur la possible stigmatisation des élèves redoublants. Elles sont présentées dans cette partie.

Les processus susmentionnés, et en particulier le processus de stigmatisation, peuvent avoir des effets négatifs sur l'estime de soi de l'élève. C'est l'hypothèse de la recherche de Dutrévis et Crahay (2013) qui est également exposée dans cette partie.

Dans un second temps, l'intérêt porte sur les concepts en lien avec la dimension identitaire de l'individu, afin de mieux saisir ce que l'estime de soi implique. Une définition du concept de Soi ainsi qu'une explication de la manière dont le Soi se développe et de l'importance d'autrui dans cette construction sont données. L'estime de soi est souvent confondue avec le Soi de l'individu; pourtant, elle ne concerne que sa dimension évaluative. Il s'agit de la manière dont l'individu s'estime.

Un intérêt particulier est accordé à la mémoire autobiographique, qui est utilisée ici comme un outil pour appréhender le soi de l'élève, car il existe une relation entre contenus autobiographiques et conceptions de soi de la personne. L'organisation en mémoire des souvenirs d'expériences personnelles et les processus cognitifs à l'oeuvre dans leur récupération et leur traitement sont expliqués et les travaux de Brunot (1997) sur le sujet sont présentés.

Les autres mesures du vécu de l'élève – les mesures d'identifications spontanées et groupales – sont également introduites à la fin de cette partie.

Le deuxième chapitre expose l'objet ainsi que les questions de recherche, tandis que le troisième chapitre présente la méthodologie mise en place pour récolter les données.

Le quatrième chapitre du travail porte sur l'analyse des données recueillies.

Une première partie est consacrée à la description et à l'analyse des résultats de manière globale. En premier lieu, un portrait type du redoublant en fonction des caractéristiques psychologiques et physiques mises en avant par les participants est dévoilé.

Une comparaison avec les résultats des recherches de Farcoz, Crisafulli et al. et Dutrévis et Crahay est également effectuée. En second lieu, les données récoltées sur la personnalité et le

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vécu des élèves seront traitées. Elles présentent la manière dont ils se décrivent de façon spontanée et s'identifient, leur estime de soi et leurs souvenirs autobiographiques.

Une seconde partie est consacrée à la description et à l'analyse des résultats de manière plus spécifique concernant les élèves redoublants et les élèves en difficulté; le but étant d'analyser et de comparer des profils d'élèves.

Le cinquième chapitre synthétise et discute les principaux résultats de la recherche, et présente ses limites.

Le sixième et dernier chapitre est consacré aux conclusions de ce travail et propose des pistes pour la suite.

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1 CADRETHÉORIQUE

1.1 CATEGORISATION, STEREOTYPES ET STIGMATISATION

Comme il l'a été dit en introduction, ce travail aborde le redoublement comme un phénomène autour duquel se tisse une dynamique sociale. Les élèves redoublants seraient au coeur de différents processus sociaux qui leur porteraient préjudice. Ces derniers, liés entre eux, sont:

• la catégorisation ;

• la stéréotypisation ;

• la stigmatisation.

Cette partie a pour objectif de définir ces trois processus, d'expliquer en quoi ils consistent, quels sont les liens qu'ils entretiennent entre eux, quelles sont les fonctions qu'ils remplissent et quelles sont leurs conséquences potentielles sur les individus.

Elle a également pour but de présenter les recherches antérieures portant sur les stéréotypes à l'égard des élèves redoublants et leur stigmatisation.

1.1.1 LA CATEGORISATION

Notre environnement contient de très nombreuses informations. Afin de réduire sa complexité et de construire, ainsi, un monde plus simple sur lequel agir, nous recourons à un processus de catégorisation.

Ce concept a d'abord été étudié en psychologie cognitive. La catégorisation est une activité mentale qui consiste à organiser et ranger les informations. Nous regroupons les objets qui nous entourent dans différentes classes sur la base d'un jugement de cohérence. Les objets sont classés par catégories, selon leurs ressemblances. Ces catégories sont hiérarchisées, c'est-à-dire qu'elles peuvent être "imbriquées" les unes dans les autres. Ainsi, par exemple, un cobra peut être d'abord classé dans la catégorie "animal", puis "reptile", puis

"serpent". Ces catégories sont également représentées par un élément typique. Leur contenu n'est pas stable; il est le produit d'une perception et dépend du contexte. En fait, lorsque que nous catégorisons, nous simplifions la réalité : nous accentuons les ressemblances entre les éléments d'une même catégorie et nous accentuons les différences entre les catégories (Tajfel

& Wilkes, 1963).

(19)

Ce concept a ensuite été étudié en psychologie sociale. Dans les interactions sociales, la catégorisation permet de cerner la personne que l'on a en face de nous et d'adapter notre comportement afin de mieux interagir avec elle. En 1954, Bruner et Tagiuri créent le concept de théories implicites de la personnalité (TIP) qui sont un exemple du processus général de catégorisation auquel nous recourons pour juger une personne.

Ces théories "correspondent à des croyances générales que nous entretenons à propos de l’espèce humaine, notamment en ce qui concerne la fréquence et la variabilité d’un trait de caractère dans la population” (Leyens, 1983, p.38). Ces théories rendent compte du fait qu'on se sert de la connaissance que l'on a des autres pour faire des inférences, souvent inexactes, à propos de leur personnalité. Les individus, lorsqu'ils perçoivent autrui, présupposent des relations entre les traits de personnalité. Ils considèrent, par un processus de co-occurrence, que certains traits vont bien ensemble tandis que d'autres non et que, par conséquent, si une personne a le trait X, elle doit aussi avoir le trait Y, mais pas le trait Z. Apparaît ici un effet de halo, qui est un biais cognitif du jugement mis en évidence et défini par Edward Thorndike en 1920 et démontré par Solomon Asch en 1946 : un caractère positif sera associé à d'autres caractéristiques positives, tandis qu'un caractère négatif sera associé à d'autres caractéristiques négatives. Elles sont dites implicites car, souvent, les personnes ne sont pas conscientes d'y avoir recours.

Selon Leyens (1983), ces représentations d'autrui peuvent être engendrées par des informations verbales concernant la personnalité, par des caractéristiques physiques ou par des appartenances de groupe. Nous supposons donc que le simple fait d'appartenir au groupe des élèves redoublants connoté négativement entraîne des jugements négatifs de la part des camarades. Il est important de comprendre que ces théories implicites de la personnalité sont peu fiables, voire totalement erronées. Par exemple, nous avons souvent tendance à nous créer une opinion sur autrui basée sur des traits physiques; ainsi, un beau physique est souvent associé des qualités comportementales et cognitives (Dion, Berscheid & Walster, 1972), même s'il n'y a aucun lien fondé entre ces qualités. Une étude de Clifford et Walster (1973) a d'ailleurs démontré que les enseignants jugent les enfants plus beaux comme étant plus intelligents, davantage capables de réussir, plus populaires auprès de leurs pairs et ayant des parents plus investis au niveau de leur éducation que les enfants considérés comme moins beaux.

(20)

Tout comme avec les objets, nous simplifions la réalité : nous plaçons les individus dans des catégories. Dans ce travail, l'hypothèse faite est qu'il existe une catégorie

"redoublants" construite sur la base de caractéristiques négatives, qui place ces élèves en marge du groupe classe. Est-ce qu'il s'agit d'une catégorie différente de celle des élèves en difficultés? C'est pour tenter de répondre à cette interrogation que la méthodologie de ce travail distingue quatre catégories d'élèves.

De plus, lorsque que nous plaçons un individu dans un groupe, nous n'accordons pas une grande importance aux caractéristiques individuelles. Les petites particularités/nuances qui ne sont pas immédiatement pertinentes sont gommées ; tout se rapporte au "déjà-vu", au

"déjà-connu". (Farcoz, 2003) Nous avons tendance à exagérer les différences entre les classes et à les minimiser à l'intérieur de celles-ci. Cette homogénéisation est en partie opérée par le processus de stéréotypisation qui consiste à appliquer aux individus "un jugement – stéréotypique – qui rend ces individus interchangeables avec les autres membres de leur catégorie" (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996, p. 24). Il est donc probable qu'un élève classé dans la catégorie "redoublants" connotée négativement, soit jugé sur la base du stéréotype associé à cette catégorie et non pas sur ses réelles caractéristiques.

En résumé, notre environnement contient tellement d'informations – sans cesse changeantes –que, pour agir sur celui-ci, nous le simplifions en catégorisant tous ses éléments – objets comme individus. Toutefois, les catégories formées ne sont pas le reflet de la réalité mais le résultat de notre perception et, dans le cas de la catégorisation sociale, des inférences que nous établissons à partir des caractéristiques des individus pour en tirer des conclusions sur leur personnalité. Les éléments placés à l'intérieur d'une catégorie sont considérés comme similaires même si, en réalité, de nombreuses caractéristiques individuelles les différencient.

Chaque catégorie est représentée par des stéréotypes, c'est-à-dire une idée préconçue de comment doit être un élément de cette catégorie et tous les éléments de la catégorie sont donc jugés comme similaire au stéréotype même si cela s'avère ne pas être le cas. La catégorisation implique donc un processus de stéréotypisation.

1.1.2 LES STEREOTYPES

La plupart des recherches qui se sont intéressées aux stéréotypes et à leurs conséquences sur les individus, se sont penchées, principalement, sur les minorités ethniques,

(21)

sur la question du genre ou sur le niveau socio-économique des individus. Il existe très peu de recherches sur les stéréotypes en lien avec le redoublement. Pourtant, l'école étant un lieu qu'on peut considérer comme une "mini-société", les stéréotypes y sont omniprésents. Comme le relèvent Dutrévis et Crahay (2015) : les élèves de classes sociales défavorisées ont la réputation d'être peu intelligents et paresseux (par exemple Bullock, 1995; Croizet &

Dutrévis, 2004), tout comme les minorités ethniques (Chateigner, Dutrévis, Nugier &

Chekroun, 2009; Devine, 1989; Steele & Aronson, 1995) et les filles sont considérées comme moins compétentes que les garçons dans les disciplines scientifiques (par exemple Dardenne, Dumont & Bollier, 2007).

Crisafulli et al. (2002), Farcoz (2003) et Dutrévis et Crahay (2013) font partie des rares chercheurs à avoir traité la question des conséquences psychologiques du redoublement en investiguant sur les stéréotypes à l'égard des élèves redoublants. Cependant, ce n'est pas tant les stéréotypes péjoratifs qui ont des conséquences négatives sur les élèves, mais la stigmatisation qu'ils entraînent à leur égard. C'est pourquoi, leurs travaux seront présentés dans le chapitre "stigmatisation", après que les concepts de stéréotype et de stigmatisation, ainsi que le lien qu'ils entretiennent sont expliqués.

1.1.2.1 Définition

Le stéréotype est un concept contemporain qui a été introduit dans les sciences sociales par Walter Lippmann (1922) sous le terme d’«images dans nos têtes». Il n'existe pas de consensus sur sa définition dans les sciences sociales. L'unique constante dans ses définitions est qu'il relève du "préconçu" et du "préconstruit", lui-même ancré dans le collectif. Ce travail se basera sur la définition du stéréotype donnée par Leyens, Yzerbyt &

Schadron, (1996) : "Les stéréotypes sont des croyances partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi souvent des comportements, d'un groupe de personnes". (p.12) "Qu'il soit favorable ou défavorable, un stéréotype est une croyance exagérée associée à une catégorie" (Amossy, 1991, p. 28, cité par Farcoz, 2003), étant donné qu'il efface les nuances.

Amossy et Herschberg Pierrot (2004) explique qu'"il s'agit des représentations toutes faites, des schèmes culturels préexistants, à l'aide desquels chacun filtre la réalité ambiante"

(p.26). Notre observation du monde ne peut pas simplement valider ou invalider ces

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stéréotypes car notre perception des choses est biaisée par les images collectives que nous avons en tête. Bourhis et Leyens (1994) explique que, selon Lippmann, "nous ne voyons pas avant de définir, mais que nous définissons avant de voir". (p. 130) En effet, nous sommes influencés par nos "a priori" sur les choses. Dans ce cas également, les catégories ne sont pas le reflet de la réalité mais le résultat d'une perception construite sur la base de nos connaissances du monde et de ce que nous avons appris par expérience directe – que l'on a soi-même vécue – ou indirecte – héritée des autres.

1.1.2.2 Fonctions

Bien que les stéréotypes ne reflètent pas la réalité – puisqu'ils simplifient et généralisent les informations de notre environnement et sont le résultat de notre perception – ils remplissent diverses fonctions de nature individuelle, cognitive et sociale.

Premièrement, ils permettent de mettre de l'ordre dans son environnement social, de lui donner un sens. Farcoz (2003) rapporte les conclusions de différents auteurs : dans les années 50, Asch explique que cela aide à voir plus clairement une situation et à surmonter la perplexité et la confusion suscitées par la multiplicité des détails. Selon lui, la généralisation est la condition "sine qua non" du processus cognitif nécessaire à toutes les opérations intellectuelles. Dans les années 60, allant dans le même sens que Asch, Brown soutient que notre aptitude à catégoriser nous permet d'anticiper l'avenir, condition essentielle de notre survie. Dans les années suivantes, Perkins (1978) pense que le stéréotype est un trait de la pensée humaine : il est un système de sélection, de cognition et d'organisation.

Deuxièmement, les stéréotypes nous donnent le moyen de préserver les valeurs existantes, de protéger notre vision du monde. Selon la théorie de l'équilibre cognitif (Heider, 1946), l'individu est à la recherche d'invariants pour comprendre son environnement relationnel et l'organiser de façon stable et équilibrée.

Troisièmement, comme le soulignent Amossy (1991) et Leyens, Yzerbyt et Schadron (1996) et le rapportent Crisafulli, Guida, Perréard Vité et Crahay, (2002), les stéréotypes agissent à deux niveaux.

D'une part, ils favorisent la constitution d’un groupe dans la mesure où ils participent à sa cohésion. En partageant les mêmes stéréotypes, c'est-à-dire les mêmes idées, les individus

(23)

se perçoivent comme semblables et fonctionnent comme endogroupe. L'endogroupe correspond au groupe auquel un individu se sent appartenir et l'exogroupe correspond à celui auquel un individu ne s'identifie pas.

D'autre part, les stéréotypes contribuent à la régulation des interactions entre différentes catégories d’individus. Semblables aux processus de catégorisation des individus, les stéréotypes remplissent donc également les trois fonctions sociales (distinguées par l'école de Bristol) suivantes: l'explication sociale causale qui consiste à comprendre des événements sociaux en identifiant les groupes susceptibles d'en être responsables, la justification sociale qui consiste en la création d'un stéréotype spécifique pour justifier les actions – les comportements – de l'endogroupe à l'égard d'un groupe donné, et la différenciation sociale qui permet de revaloriser l’image de soi de l'endogroupe et de ses membres, en s’accordant plus d’éléments valorisants que consentis à l’exogroupe, d'une part, et en clarifiant et en accentuant des différences entre les groupes afin d'établir une distinction positive en faveur de l'endogroupe, d'autre part.

En résumé, les stéréotypes contribuent, d'une part, à la constitution de groupes d'individus puisque partager les mêmes stéréotypes renforce la cohésion du groupe et, d'autre part, à la régulation des interactions entre ces différents groupes.

1.1.2.3 Conséquences

Les gens estiment la valeur de leur groupe en la comparant à d'autres groupes. Or, cette comparaison est souvent biaisée pour que l'endogroupe soit valorisé.

D'une part, les individus ont tendance à accentuer et exagérer les différences entre les groupes et à les minimiser à l'intérieur du groupe. Il s'agit d'un processus d'"illusion de corrélation": la fréquence de caractéristiques rares dans le groupe minoritaire est surestimée, tandis qu'elle est sous-estimées dans le groupe majoritaire. Farcoz (2003) rapporte que Tajfel et ses collaborateurs (1978) ont mené une expérience sur la catégorisation et l'accentuation des similitudes à l'intérieur des catégories et celles des différences entre catégories. Les résultats montrent que les individus font preuve de favoritisme envers le groupe auquel ils appartiennent.

(24)

D'autre part, les individus ont tendance à attribuer des caractéristiques négatives aux membres de l'exogroupe et donc à les stigmatiser. De cette manière, la supériorité et la cohésion de l'endogroupe sont renforcées et, par conséquent, l’estime de soi est préservée.

Notons que le processus de stigmatisation implique une situation dans laquelle se trouvent une "victime" et un "oppresseur". L'individu accepte difficilement d'être dans la position d'oppresseur. C'est pourquoi, il va réorganiser les informations qu'il a sur la personne stigmatisée pour justifier l'infériorité de celle-ci. Il est possible que les élèves non-redoublants jugent plus négativement les élèves redoublants afin de justifier la situation scolaire de ces derniers. Il va créer un stéréotype spécifique pour justifier les actions – les comportements – de l'endogroupe à l'égard de l'exogroupe donné. Le stéréotype remplit ici sa fonction de justification sociale.

Les stéréotypes ont donc une fonction à la fois sociale et individuelle : ils contribuent à un renforcement positif de l'image de son groupe d'appartenance et donc de soi-même.

Toutefois, si les stéréotypes semblent avoir une fonction positive sur les membres de l'endogroupe, il ne faut pas oublier qu'ils entraînent la stigmatisation des membres de l'exogroupe, non sans conséquence négative sur leur identité, comme cela sera expliqué dans le chapitre suivant.

1.1.3 LA STIGMATISATION

1.1.3.1 Définition et recherches antérieures

Les travaux de Tajfel et al. (1978, 1981; Tajfel et al., 1971, cités par Bourhis &

Leyens, 1994) montrent que les sujets sont capables de discrimination envers les membres de l'exogroupe, même s'ils ne les connaissent pas et en l'absence de tout facteur qui pourrait habituellement la générer, grâce au paradigme des groupes minimaux.

Les membres de l'endogroupe stigmatisent les membres de l'exogroupe pour promouvoir une image positive de l'endogroupe, et donc d'eux-mêmes. On peut donc penser que les élèves non-redoublants partagent des stéréotypes négatifs à l'égard des élèves redoublants et, par conséquent, les stigmatisent afin de se valoriser.

Afin de confirmer cette hypothèse, Crisafulli et al. (2002) et Farcoz (2003) ont interrogé des élèves non-redoublants de l'école primaire genevoise et valdôtaine. Les résultats

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vont dans le sens d'un stéréotype social qui concerne "les dispositions générales face aux tâches" : les élèves redoublants sont vus comme des élèves distraits, fainéants, mal poli, désobéissants. On peut donc craindre que ces élèves soient victimes d'un processus de stigmatisation de la part de leurs camarades.

La stigmatisation est un processus qui discrédite profondément un individu aux yeux des autres (Goffman, 1963). "Être stigmatisé, c'est posséder une identité dévalorisée, jugée inférieure par les autres" et également "être acculé au bas de l'échelle sociale" (Crocker, Major & Steele, 1998 ; Link & Phelan, 2001, cités par Croizet & Martinot, 2003, p. 27).

Croizet et Leyens (2003, cités par Dutrévis & Crahay, 2013) définissent le stigmate comme une "caractéristique associée à des traits et stéréotypes négatifs qui font en sorte que ses possesseurs subiront une perte de statut et seront discriminés au point de faire partie d’un groupe particulier ; il y aura “eux”, qui ont une mauvaise réputation, et “nous”, les normaux"

(pp. 13-14).

Goffman (1963) distingue trois différents types de stigmate : les déformations physiques, les aspects du caractère que l'on peut critiquer, et le stigmate concernant la race, la nation ou la religion qui sont transmis de génération en génération. Dans ces trois cas, un individu possède une particularité sur laquelle les autres se concentrent et qui efface le caractère positif que d'autres de ses attributs pourraient avoir, et il n'obtient pas le même respect et la même considération que les personnes "normales". En ce qui concerne les redoublants, ce sont les aspects du caractère qui sont particulièrement pointés du doigt.

Il existe une double perspective du stigmate (Goffman, 1963) : soit l'individu stigmatisé est conscient que son attribut est déjà connu et, dans ce cas, il est une personne discréditée, soit l'individu pense que sa diversité n'est pas connue des autres et on dira, alors, qu'il est une personne discréditable. Dans ce deuxième cas, se pose le problème du "contrôle de l'information" : l'individu a-t-il davantage intérêt à révéler sa différence aux autres ou à la garder pour soi ? En effet, s'il ne la révèle pas, il doit accepter d'être traité comme s'il n'avait pas cette différence. Il est possible que les élèves redoublants se trouvent face à ce dilemme.

La stigmatisation est un processus de nature essentiellement sociale. Pour qu'il y ait stigmatisation d'une catégorie par une autre, il faut que les deux catégories partagent des représentations et stéréotypes relatifs à une caractéristique psychologique ou à un événement social. C'est pourquoi, pour mieux appréhender les conséquences possibles de la

(26)

stigmatisation des élèves redoublants, il apparaît important à Dutrévis et Crahay (2013) d'interroger également des élèves redoublants sur les stéréotypes les concernant et sur leur estime de soi. Ils vont même plus loin en mesurant une distinction entre connaissance et adhésion aux stéréotypes, car ils expliquent que si la simple connaissance des stéréotypes peut avoir des effets nuisibles (Leyens, Yzerbit, & Schadron, 1996), l'adhésion aux stéréotypes signifie que l'individu a intériorisé ces caractéristiques comme connaissance de soi qui influenceraient son comportements en classe (Allport, 1954 ; Eccles, Adler, Futterman, Goff, Kaczala, Meece, & Midgley, 1983).

Les résultats confirment l'existence de stéréotypes négatifs à l'égard des élèves redoublants. D'une manière générale, les non-redoublants ont une plus grande connaissance du stéréotype que les redoublants, mais tous ont connaissance de l'image négative des élèves redoublants. Ils concernent les dimensions suivantes : les compétences scolaires, l'attitude en classe et les émotions. Or, la simple connaissance des stéréotypes négatifs par les élèves redoublants peut avoir un effet préjudiciable sur leur réussite, car la crainte d'être jugé sur la base de ces stéréotypes peut exercer une pression psychologique sur ces élèves (Steele &

Aronson, 1995). En ce qui concerne l'adhésion au stéréotype, le niveau de celui-ci est significativement inférieur au niveau de connaissance. Les élèves, redoublants et non- redoublants, attribuent même certaines caractéristiques positives aux redoublants. Toutefois, il est possible, selon eux, que cela soit un moyen de compenser les stéréotypes négatifs à l'aide de stéréotypes positifs sur des dimensions dont la valorisation sociale est moins élevée (Fiske, Cuddy, Glick & Xu, 2002, cités par Dutrévis & Crahay, 2013).

Les résultats ont également mis en évidence une estime de soi plus faible chez les élèves redoublants sur les dimensions suivantes : compétences dans le domaine de l'école, conduite et sentiment de valeur propre.

1.1.3.2 Conséquences

Le processus de stigmatisation a lieu en deux temps. Dans un premier temps, la personne victime d'un stigmate intériorise le point de vue de la société sur ce qu'est être une personne "normale" puis, dans un second temps, elle réalise qu'elle possède un stigmate et ne pourra donc pas être totalement acceptée par les autres et être sur un même pied d'égalité (Goffman, 1963).

(27)

La stigmatisation peut avoir des conséquences négatives sur la construction du soi – de l'identité – de l'individu qui en est victime, puisqu'il y a un risque que celui-ci adhère aux stéréotypes négatifs à son encontre, intériorise une image négative de lui-même et, par conséquent, se dévalorise. Il risque de commencer à se considérer comme les autres le jugent et de se laisser convaincre qu'il ne deviendra jamais la personne qu'il souhaite être.

La stigmatisation des élèves redoublants peut donc avoir des conséquences négatives sur leur scolarité puisqu'ils peuvent penser qu'ils sont des "mauvais" élèves, qu'ils ne sont pas capables de réussir. Or, il est important d'avoir une bonne estime de soi pour se sentir bien psychologiquement et pour favoriser la réussite des activités entreprises. Lorsqu'un individu se sent capable, il se montre plus motivé et s'investit davantage dans ce qu'il fait; il met, par conséquent, plus de chances de son côté de réussir. Une recherche menée par Crahay (1996) révèle que les enseignants interviewés estiment que le redoublement n'affecte pas la confiance dans ses capacités et l'estime de soi de l'élève. Pourtant, les recherches menées par Byrnes (1990) et Crahay (1996) montrent que les enfants vivent le redoublement comme une épreuve douloureuse : celui-ci est ressenti comme un traumatisme.

De plus, s'ils attribue la cause de leur échec à un manque d'intelligence, c'est-à-dire une cause interne, stable et incontrôlable, le redoublement sera vécu comme une incapacité à réussir et ils peuvent se résigner à l'idée qu'ils sont destinés à la défaite (Crahay, 2007).

Les élèves redoublants sont peu nombreux. Il arrive souvent qu'un élève redoublant soit le seul de sa classe. Le fait d'être le seul représentant d'un groupe stigmatisé peut avoir des conséquences encore plus négatives sur l'estime de soi pour deux raisons : d'une part, l'élève éprouve un sentiment de responsabilité pour l'ensemble du groupe et, d'autre part, il ne peut pas recourir à des comparaisons "protectrices" en se comparant à d'autres élèves de son

"groupe".

En conclusion, les précédentes recherches sur le sujet (Crisafulli et al., 2002; Farcoz, 2003; Dutrévis & Crahay, 2013) ont démontré que les élèves redoublants sont victimes de stigmatisation de la part de leurs camarades: ils sont notamment vus comme des élèves distraits, fainéants, mal poli et désobéissants. Dutrévis et Crahay ont montré que même si, d'une manière générale, les non-redoublants ont une plus grande connaissance du stéréotype que les élèves redoublants, tous ont connaissance de l'image négative des élèves redoublants.

Concernant l'adhésion au stéréotype, le niveau de celui-ci est significativement inférieur au niveau de connaissance.

(28)

Notre objectif est de confirmer la présence de stéréotypes négatifs envers les élèves redoublants et d'observer sur quelles dimensions ils portent. Nous souhaitons également savoir dans quelle mesure les redoublants les partagent : les connaissent-ils? Y adhèrent-ils?

Comme il l'a été expliqué, si la simple connaissance de ces stéréotypes négatifs peut avoir un effet préjudiciable sur le vécu de l'élève, il existe également le risque que ces élèves redoublants adhèrent aux stéréotypes négatifs à leur encontre, intériorisent une image négative d'eux-mêmes et, par conséquent, se déprécient. D'autre part, nous effectuons une distinction des élèves selon leur niveau scolaire afin d'isoler l’effet du stéréotype concernant les redoublants de celui du niveau scolaire des élèves et d'observer le comportement des différentes catégories d'élèves.

La prochaine partie présente et explique des concepts liés à la construction du soi de l'individu afin de mieux comprendre comment celui-ci est influencé par les perceptions d'autrui.

1.2 LE SOI ET L'ESTIME DE SOI

Ce qui nous intéresse dans ce travail, c'est de savoir si les élèves redoublants sont victimes de stigmatisation et si oui, de quelle manière cela affecte leur construction de soi.

Relativement peu de recherches ont été menées sur le sujet – même s'il en existe sur d'autres groupes d'élèves stigmatisés, ce qui nous permet d'avancer nos hypothèses. Les résultats des quelques méta-analyses menées (Holmes & Matthews, 1984; Jimerson, 2001) semblent démontrer que le redoublement a un effet nul ou négatif sur l'estime de soi des élèves.

Toutefois, on ne sait pas exactement ce qui a été mesuré puisque qu'il s'agit souvent d'une catégorie "dimensions non-scolaires".

Le concept de soi est très complexe car il comporte plusieurs dimensions et il est difficilement accessible. L'estime de soi n'est pas un synonyme de soi; elle n'est qu'une dimension du soi : sa dimension évaluative. Les individus cherchant sans cesse à se valoriser, celle-ci est biaisée par des stratégies de protection. L'intérêt de cette recherche ne porte donc pas uniquement sur l'estime de soi, mais plutôt sur la manière dont l'élève vit cette expérience du redoublement et les conséquences qu'elle a sur sa personne et sur sa scolarité.

(29)

Ce chapitre sera divisé en deux parties qui expliquent :

• comment se construit le soi

• comment celui-ci est mesuré dans cette recherche.

La première partie donne un éclairage théorique sur les étapes de développement du soi, la manière dont se construisent les connaissances et les schémas de soi, l'importance d'autrui dans cette construction et l'estime de soi.

La seconde partie présente les mesures utilisées pour appréhender le soi de l'élève : les souvenirs autobiographiques et les mesures d'identification. Il s'agit également de champs de recherche qui seront ici essentiellement utilisés afin de mesurer le vécu de l'élève.

1.2.1 LA CONSTRUCTION DU SOI

Il est difficile de donner une définition unique du soi, car il en existe beaucoup dans la littérature spécialisée. Toutefois, pour faire simple, le soi correspond à la manière dont nous nous définissons, à "ce que nous voulons signifier en disant "Je"" (Martinot, 2008, p. 7). Il est un ensemble de représentations, plus ou moins organisées, que l'individu a de soi-même : les connaissances de soi. Il s'agit d'un concept complexe constitué de différentes facettes : intellectuelle, esthétique, sociale, etc. Le soi peut également être considéré comme un synonyme d' "identité".

De plus, le soi d'un individu est complexe dans le sens où il n'est pas immuable, statique, donné à la naissance. Au contraire, il est malléable et dynamique car il est une construction. De nombreux auteurs (par exemple Cooley, 1902; Mead, 1963) vont même plus loin en expliquant qu'il s'agit d'une construction sociale, puisque l'individu se construit en relation avec les autres.

Il est possible de distinguer le soi privé du soi public. Le soi privé est l'image que l'on a de soi-même, tandis que le soi public correspond à l'image que les autres ont de nous.

Toutefois, la relation entre les deux est étroite, car ce que les autres pensent de nous influence notre propre perception de nous-même. La manière dont autrui influe sur le soi est développée subséquemment dans ce travail.

Paradoxalement, l'individu a besoin de se considérer, à la fois comme "unique" et

"ressemblant à autrui". Une expérience menée par McGuire et McGuire (1988) prouve

(30)

d'ailleurs qu'on a tendance à se décrire avec des caractéristiques qui nous distinguent des autres. Cette unicité correspond à l'identité personnelle (individuelle) de l'individu – le soi personnel ou individuel – et cette similarité avec autrui correspond à l'identité sociale (collective) – le soi social. Dans le soi social, il est également possible de distinguer le soi relationnel qui s'élabore à partir des relations interpersonnelles avec des personnes spécifiques et le soi collectif qui se construit sur des appartenances au sens large, comme des collectifs impersonnels ou des catégories sociales. Ce concept de soi social – ou d'identité sociale – est également expliqué ultérieurement.

1.2.1.1 Le développement du Soi

Comme il l'a déjà été expliqué, le soi d'un individu n'est pas une entité stable et immuable; il est, notamment, en perpétuelle mutation liée aux différentes phases de son développement. À partir d'auto-description d'élèves, Martinot (2004) distingue six grandes étapes de développement du Soi.

Durant la petite enfance, vers 3-4 ans, un enfant se définit à l'aide de caractéristiques concrètes faisant référence à des comportements, des compétences, des attributs physiques, des émotions, des possessions, des préférences, etc. Elles se limitent aux attributs directement observables par autrui. Il s'agit d'attributs séparés ; aucune représentation cohérente de l'image de soi n'existe. De plus, ils sont incapables de généraliser leurs compétences et de reconnaître qu'ils peuvent posséder des caractéristiques ou ressentir des émotions de valence opposée.

Un constat intéressant apparaît : les enfants de cet âge s'auto-décrivent de manière extrêmement positive. Cela peut s'expliquer par le fait, qu'ils sont encore incapables de réaliser des comparaisons avec autrui pour s'auto-évaluer et à distinguer leur soi réel – ce qu'ils sont – de leur soi idéal – ce qu'ils aimeraient être.

Au milieu de l'enfance, vers 5-7 ans, l'enfant a toujours une perception toujours irréellement positive de lui même. Il surestime ses compétences, car il est toujours incapable de se comparer socialement. Toutefois, il commence à réaliser que les personnes qui participent à sa socialisation ont un point de vue particulier sur lui et son comportement.

Une autre explication à la surestimation de ses propres compétences à cet âge-là, est le fait que l'enfant devient, en revanche, capable d'effectuer des comparaisons mais uniquement

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