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3.3 – L’harmonie des deux mondes ou la construction de l’organique

Ces observations à propos des esquisses de la symphonie puis de l’oratorio doivent nécessairement tenir compte de leur inachèvement respectif. Puisqu’aucun de ces travaux n’est terminé, il est délicat de considérer la fonction exacte des procédés d’écriture dans ces œuvres musicales qui, en tant que telles, restent inexistantes. Néanmoins ces pages poursuivent avec une persévérance certaine des tendances qui permettent d’observer la mise en place progressive de la structure de pensée que nous avons identifiée à propos de l’idée musicale. Dans un contexte

308 D’après le plan, on peut imaginer que d’autres voix devaient ensuite se mêler avant que n’interviennent

également les différents ensembles orchestraux, annonçant peut-être dans cet interlude la représentation fantasmée d’une grande communion dans la prière à laquelle participe l’ensemble des chœurs à la fin du livret, avant leur retour sur Terre.

programmatique où la prière et la dévotion sont présentées comme un accomplissement suprême, la construction par l’écriture d’un idéal de relations entre les sons exerce un rôle analogue à la référence au monde divin pour la représentation dramatique : dans les deux cas il s’agit de réévaluer le déroulement moderne du monde matériel en l’inscrivant sous la loi d’un principe transcendant. Jusqu’à l’époque d’Erwartung, l’esthétique expressionniste du compositeur manifestait une tension extrêmement forte entre les sphères du sensible et de l’intelligible ; une crise qui se manifestait alors par une négation de la matière, ou au moins une déconsidération pour ce qui se présente comme tel, justifiée par la volonté d’une expression plus immédiate de la forme – « J’ai subordonné tout sens à la forme », dit bien le personnage de l’Appelé –, de l’idée comme Einfall. Or comme nous l’avons dit, il s’agit ici d’une théologie caractérisée au contraire par le développement d’une poétique des deux mondes. La réception de Swedenborg, de sa théorie des représentations et des correspondances filtrée par Balzac et Strindberg, dispose désormais le compositeur à s’intéresser au bas-monde lorsque celui-ci correspond aux principes divins, à en tolérer la matière. S’il ne s’agit donc plus de faire advenir l’Au-delà, la question n’est pas non-plus de nier la distinction ontologique entre la fange et l’absolu ou de renoncer au royaume des vérités et s’adonner au dénuement du sens. Le compositeur accepte au contraire la vision apaisée d’un monde dichotomique où s’équilibrent ces deux pôles. Tout comme le réel reçoit de l’idéal son illumination et lui assure en échange une existence objective, les mondes naturel et spirituel paraissent reposer en une interdépendance plus harmonieuse et organique dans L’Échelle de Jacob.

a. Un modèle compositionnel

Dans l’écriture de Schoenberg, les deux axes que nous avons identifiés depuis La

Main heureuse ne permettent pas encore à une logique strictement musicale de

répondre par ses propres moyens au rapport ontologique exposé sur scène. Si la démarche programmatique des œuvres engage la composition dans la représentation didactique d’un monde supérieur, d’un absolu in-existant, purement intérieur, la tendance à élaborer rationnellement des relations objectives entre différents éléments de la construction musicale ne participe qu’à la sobriété

compositionnelle, à la subordination consentie de la forme à une matière rationalisée. Ainsi dans La Main heureuse, la représentation de l’idéal dans la composition n’est encore affirmée que par le contenu conceptuel : par le texte chanté, par les moyens de la scène et les procédés musicaux qui s’y rapportent, ceux que nous avons interprétés comme une construction du lyrisme309. Toutefois, c’est avec le projet suivant seulement, celui qui conduit à L’Échelle de Jacob, que la dramaturgie trouve dans la conquête d’une aspiration résignée son véritable objet. Lorsque Schoenberg s’attache alors à mettre en musique la teneur spirituelle dont le programme est empreint, la réalisation sonore nécessite des moyens appropriés, relatifs à l’idée de la prière. Ainsi dans ces derniers travaux, l’écriture sobre s’accompagne d’un dispositif logique permettant aux sons de se positionner eux- mêmes vis-à-vis de leur propre idéal et de mettre en œuvre ce rapport, anticipant par-là l’établissement de certains principes de la méthode dodécaphonique. Par rapport aux pratiques précédemment observées, signalons alors deux tendances importantes qui s’affirment de façon encore inégale dans le Scherzo et l’oratorio.

Tout d’abord, c’est un pas marqué vers un retour à l’unicité de la figure référentielle. S’il ne s’agit en aucun cas d’une nouveauté à l’échelle de l’histoire de la musique, rappelons que la recherche expressive de Schoenberg avant la première guerre mondiale avait jugé comme une nécessité le fait d’affranchir entièrement l’expérience compositionnelle de toute structure thématique et motivique. Superficielle, celle-ci était alors vécue comme une entrave à la manifestation véritablement Une et organique de l’intuition. Mais alors que les sections tardives de

La Main heureuse réintègrent plusieurs éléments qui trahissent le retour d’un souci

formel et constructif310, les travaux suivants s’inscrivent délibérément dans le cadre d’un thématisme généralisé311. Dans L’Échelle de Jacob notamment, la composition s’appuie sur une véritable profusion de thèmes qui structurent la partition à plusieurs niveaux, d’après les interventions des différents personnages et au sein même de

309 Rappelons que La Main heureuse représente au contraire l’échec de celui qui ne parvient pas à se résigner. 310

Pour mémoire : un motif de trois sons dans la scène du crescendo, puis le thème de cor, et enfin l’accord- ostinato dans les scènes I et IV.

311

chacun de leur discours312. Mais par-delà cette abondance de figures musicales transitoires et éphémères, sujettes à un développement continu, nous avons également pu observer l’apparition d’une entité abstraite, maintenue comme une référence unique et préservée de toute altération. Ainsi l’hexacorde reste-t-il le même durant tout l’oratorio malgré les diverses réalisations dont il est l’objet ; de même dans le Scherzo, c’est toujours de la même structure d’intervalles qu’est déduit le matériau lié à la série. Dans de tels contextes, dès lors que l’écriture rapporte les différents objets musicaux à ce qui demeure identique, à ce qui ne se plie pas au perpétuel mouvement d’un réel fuyant et insaisissable, ils maintiennent entre eux une relation dont la validité logique tient pour une manifestation sensible, une présentation, de leur forme idéale.

De toute évidence le Scherzo est plus avancé sur ce point que L’Échelle de Jacob : dans les parties des esquisses qui souscrivent à la pratique sérielle, la logique de déduction y est conduite de façon plus rigoureuse. Mais dans un cas comme dans l’autre, Schoenberg ne cherche pas encore à l’ériger comme une pratique à part entière concernant l’intégralité de la composition. Si Ethan Haimo estime dans son étude sur les premières étapes de la méthode dodécaphonique que le compositeur n’était pas alors capable de déduire d’une unique figure génératrice un matériau suffisamment diversifié313, il semble plus pertinent de considérer l’influence encore limitée de cette structure de pensée d’après son rôle programmatique. En effet si l’oratorio fait apparaître l’hexacorde comme le noyau commun d’une partie seulement des thèmes et des motifs, nous ne connaissons de cette œuvre que la première partie, celle qui se déroule sur Terre, avant que les âmes n’aient pu observer le monde spirituel et s’en imprégner comme d’une vision de l’Être le plus pur, avant qu’elles n’assimilent les discours de Gabriel sur la prière et le souvenir de l’esprit ; de même en ce qui concerne le Scherzo : si la déduction logique du matériau à partir d’une structure dodécaphonique concerne une seule des deux zones thématiques, ce mouvement n’est prévu que comme le début du long cheminement spirituel devant se réaliser sur l’ensemble de la symphonie. Déjà dans La Main

312

Christensen analyse par exemple l’intervention de l’Appelé comme une Aria de forme ABA’, chacune de ses sous-sections possédant un matériau spécifique (Arnold Schoenberg’s Oratorio, Die Jakobsleiter, p.391-418).

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heureuse, Schoenberg se détachait d’une écriture intuitive à partir seulement de

l’instant où l’Homme échoue dans sa quête d’absolu. Ici encore, la logique de l’écriture accompagne et réalise dans les sons la progression dramatique ; sa présence seulement partielle accompagne en ce sens la lutte spirituelle, le combat avec l’ange.

D’autre part, le second aspect déterminant de cette nouvelle structure de pensée tient à l’intérêt grandissant du compositeur pour les propriétés structurelles de la figure référentielle. Notons que la présence du total chromatique dans la série du Scherzo est encore à interpréter ici en lien au contenu programmatique. En effet cette caractéristique fondamentale de la future méthode dodécaphonique n’apparaît pas de façon systématique avant le début des années 1920, à partir de la « Valse » des Pièces pour piano op. 23 et du « Sonnet de Pétrarque » de la Sérénade op. 24. Qu’il s’agisse d’un thème, d’une ligne mélodique ou d’un agrégat harmonique, la présence resserrée du total chromatique ne peut donc être tenue en 1914 pour un événement anodin dans le langage schoenbergien. Il est d’ailleurs significatif que

L’Échelle de Jacob en revienne à une matrice de seulement six sons. Les passages qui

les complètent par un moyen ou un autre sont à la fois rares et hautement symboliques : il s’agit par exemple des toutes premières mesures de l’œuvre, de la première phrase chantée par le personnage de l’Élu, du grand ostinato durant lequel s’accomplit la transmutation du Mourant en Âme, ou encore des courtes séquences réalisées spécifiquement à partir de l’hexacorde à la fin de l’interlude symphonique. Les parties esquissées du Scherzo montrent alors pour la première fois un emploi systématisé, mais pas encore constant, des douze sons et de leur renouvellement. Dans sa première section thématique, la structure référentielle informe donc potentiellement de sa logique la totalité du sensible musical ; en anticipant quelque peu sur le développement de cet aspect avec la méthode dodécaphonique, tout n’est plus dans l’écriture que la perpétuelle reformulation, aussi variée soit-elle, d’une seule et même forme, un principe absolu, une harmonie universelle à laquelle se soumet chacun des événements concrets. Mais surtout, alors que les esquisses relatives au thème de cor dans La Main heureuse permettaient d’abord à Schoenberg de mettre au point des agencements contrapuntiques et des constructions motiviques, celles du Scherzo montrent de nouveaux types de manipulations.

Puisqu’il s’agit ici d’une véritable série, que l’ordre de ses hauteurs est fixe, l’écriture parvient à en retirer une forme supérieure de relation entre les sons. L’intérêt que montre notamment Schoenberg pour l’invariance est de cet ordre. Puisque certains sons restent les mêmes dans différentes formes, ils représentent l’immuable à l’intérieur même de la série, ce qui reste indifférent au temps et à l’espace, c’est-à- dire aux catégories de la représentation sensible, aux lois de la réalité matérielle. Selon la logique musicale qui se met alors en place, les sons qui reflètent ainsi les propriétés spécifiques de la structure sérielle, son essence même, jouissent d’un degré d’Être supérieur. Plus que les figures déduites de la série – comme l’ostinato de douze sons lui-même ou différents découpages récurrents –, la véritable entité fondamentale se définit ici comme un ensemble indéterminé de propriétés logiques, de relations privilégiées entre différentes formes d’existence possibles. Indépendamment d’une quelconque réalisation musicale, au-delà de l’exploitation ou non de caractéristiques sensibles communes entre les figures déduites, la série fournit un modèle de relations. Il est toutefois essentiel de rappeler que celui-ci n’est fondé que sur les hauteurs, c’est-à-dire sur une valeur purement théorique qui néglige à la fois les conditions de son incorporation sensible et de sa perception. La récurrence des agrégats auxquels donne lieu la réalisation apparaît alors comme une garantie seulement logique, possible, d’une relation objective entre les phénomènes de l’expérience musicale.

De ce point de vue, il est évident que l’ordre interchangeable des hauteurs de l’hexacorde dans L’Échelle de Jacob réduit considérablement son influence réelle sur le matériau. Nous avons vu que si Schoenberg semble tout de même accorder un statut privilégié à sa forme fondamentale, celui-ci reste aussi symbolique que les quelques figures très ponctuelles utilisant le total chromatique, et qu’hormis la transposition, les manipulations de type sériel comme l’utilisation de formes inversée et rétrograde ou la répartition récurrente de certains découpages sont inopérantes ici. Mais paradoxalement, alors que son poids sur l‘écriture est en ce sens restreint vis-à-vis de la série du Scherzo, l’hexacorde tient bien dans la dramaturgie de l’oratorio pour une telle structure logique, son traitement apparaît précisément comme la représentation par les sons de l’inscription de la vie sous la loi unique d’un ordre idéal et irreprésentable.

b. Un modèle théorique

Entre ces deux travaux séparés chronologiquement d’au moins deux ans, il semble que Schoenberg ait rationnalisé une tendance compositionnelle engagée d’abord de façon inconsciente dans le Scherzo, une pratique qui ne s’y développe que comme la conséquence particulière du travail thématique réalisé sur la figure de douze sons314. Rappelons qu’au mois d’Avril 1917, très exactement entre l’achèvement du livret de L’Échelle de Jacob et le début de l’écriture de la partition, le compositeur rédige le manuscrit ZKIF que nous avons évoqué au premier chapitre. La partie dédiée au concept de relation [Zusammenhang] le conduit notamment à un ensemble de considérations portant sur la structure même de la pensée – musicale aussi bien que non-musicale. En ce qui concerne le travail de l’hexacorde et son rapport au reste du matériau, elles montrent une concordance frappante avec l’écriture de l’oratorio.

Ainsi, lorsque Schoenberg s’intéresse à la capacité pour une idée d’être comprise, à son degré de « saisissabilité », il considère d’une part que comprendre revient à reconnaître la similarité : « Pour comprendre une chose, il est nécessaire de reconnaitre qu’en un grand nombre de ses parties, elle peut être similaire ou même identique aux choses ou parties qui sont connues315. » D’autre part, ce qui est similaire est interprété comme étant « en partie identique, en partie différent316 ». Indépendamment de toute question relative au contenu d’une pensée, l’analyse de sa structure est donc rapportée ici à une pure dialectique de la différence et de l’identité, laquelle justifie notamment la réintégration depuis La Main heureuse de procédés explicites de répétition dans la création artistique. Retenons deux des directions dans lesquelles la réflexion est alors poursuivie. D’un côté Schoenberg s’interroge sur la fonction du motif :

« Un motif doit être défini comme suit :

314 Les esquisses qui concernent le Scherzo montrent en effet que les recherches de Schoenberg sur les

manipulations sérielles ne sont pas préalables à la composition mais qu’elles interviennent au contraire au cours du travail, au moment même où le compositeur cherche à développer la structure sérielle (Haimo E., op.

cit., p. 50). 315

SCHOENBERG A., ZKIF, p. 10. [« Um ein Ding zu verstehen, ist es nötig zu erkennen, dass es in vielen Teilen

ähnlich oder gar gleich ist, Dingen oder Teilen, die bekannt sind. »] 316

Une chose est appelée un motif si elle est déjà sujette à l’effet d’une force motrice, si elle a déjà reçu son impulsion, et si elle est sur le point d’y réagir.

C’est comparable à une sphère sur un plan incliné au moment où elle s’apprête à rouler ; à une graine fertilisée ; à un bras prêt à frapper, etc.317 »

Il ajoute plus loin : « Le motif se reproduit lui-même en se répétant et en engendrant de nouvelles formes de lui-même318. » Afin d’éviter alors la « monotonie », qui apparaît comme l’un des dangers de la répétition, deux méthodes sont distinguées pour varier un motif : la première est dite « ornementale », lorsque les changements « disparaissent souvent sans laisser de trace319 » ; la seconde est appelée « variation

développante [entwickelnde Variation] », et « les changements progressent plus ou

moins directement dans le but de permettre à de nouvelles idées de survenir320 ». Parallèlement, le compositeur établit également la nécessité pour une forme artistique de reposer sur un rapport d’identité entre le tout et les parties321 : « Une forme *…+ est une forme artistique si les relations identifiables comme telles *…+ sont

essentielles de la même façon pour la partie que pour le tout. » De façon purement théorique, il expose comme suit un modèle censé répondre à un tel critère :

« Si un tout, G, est constitué des parties A – B – C – D – E, [et que]

La partie A est constituée de a b c f g " B " " a c g d e " C " " a b c e " D " " a f g " E " " f g e

Alors le tout est constitué de a b c d e f g, et les parties ont de bons rapports les uns aux autres.

Maintenant si l’arrangement est tel que le rapport des parties assemblées saute aux yeux, alors la saisissabilité est accrue.

317

Ibid., p. 26. [« Das Motiv wird folgendermassen zu definieren sein {: } Als Motiv ist ein Ding dann zu

bezeichnen, wenn es bereits unter der Wirkung einer treibenden Kraft steht, ihren Impuls bereits empfangen hat und im Begriff ist, ihm Folge zu leisten. Es ist vergleichbar mit einer Kugel auf einer schiefen Ebene im Augenblick bevor sie fortrollt; mit einem befruchteten Samen; mit einem zum Schlag erhobene Arm etc. »] 318 Ibid., p. 36. [« Das Motiv pflanzt sich fort {,} indem es sich wiederholt, und aus sich neue Gestalten hervorbringt. »]

319 Ibid., p. 38. [« [Die Veränderungen] verschwinden oft wieder spurlos. »]

320 Idem. [« Die Veränderungen gehen mehr oder weniger direkt auf das Ziel los neue Gedanken entspringen zu lassen. »] Il s’agit ici de la première évocation par Schoenberg de la variation développante.

321

Ibid., p. 8. [« Ein Form *…+ ist Kunstform, wenn die als solche erkennbaren Zusammenhäng, wenige deren ihre

einzelnen Bestandteile miteinander verbunden sind, in gleicher Weise für den Bestandteil, wie für das Ganze wesentlich sind ».]

Par exemple, si la partie A est faite de a b c f g a et si B, qui commence aussi par a, lui succède322. »

En cherchant à définir la fonction structurante de la répétition pour la pensée, Schoenberg donne alors une assise théorique aux tendances qui s’affirment à cette époque dans son écriture, deux pôles marqués pourtant d’une contradiction logique évidente : l’image de la surface inclinée sous-entend un processus de transformation continue n’admettant aucune possibilité de retour au point initial tandis que le modèle proposé comme une forme unitaire s’oppose à l’inverse à toute possibilité de faire advenir quoi que ce soit de réellement nouveau, d’étranger, dans le cours de la pensée. Cette opposition est d’ailleurs maintenue dans ses écrits ultérieurs, développée comme les deux méthodes – contrapuntique-polyphonique et homophonique-mélodique – de présentation des idées musicales. Il écrit ainsi dans un manuscrit de 1934 destiné à The musical idea :

« L’idée contrapuntique se distingue de l’idée homophonique par sa prédisposition à produire un type d’image différent.Dans l’homophonique les images musicales émergent par la "variation développante" *…+ ; avec cette manière de penser et de sonner, quelque chose de nouveau vient toujours à paraître. Ces images montrent le destin du motif. *À l’opposé,+ l’idée contrapuntique produit des images qui doivent différer grandement l’une de l’autre dans la sonorité globale mais très peu dans le contenu thématique *…+. Parce qu’une idée contrapuntique a une formulation initiale permettant de décaler la position des différents constituants de manière kaléidoscopique *…+323. »

Comme nous l’avons vu, c’est précisément cette relation qu’exploite la réalisation de L’Échelle de Jacob, tant sur le plan dramatique que musical. Cette

322

Ibid., p. 25. [Version originale allemande : cf. annexe n°3.2]

323

SCHOENBERG A., The Musical Idea, [83], p. 100. [« The contrapuntal idea is distinguished from the homophonic

idea by its predisposition toward a different kind of image production. In homophonic (main- or upper-voice)