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5.1 – Le désenchantement de l’esthétique

a. Retour à la première Critique

Si l’on peut considérer Kant comme l’une des origines les plus importante du romantisme allemand, ce qu’affirment Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy456, une telle responsabilité s’articule en deux temps : d’une part c’est bien au

454 K

ANT E., Prolégomènes à toute métaphysique future, Vrin, Paris, 2016, (Ak. IV, 358), p. 172. 455 S

CHOENBERG A., manuscrit T35.40/109, p. 2. [« Die Möglichkeit des Zusammenhangs zwischen Tönen (was sie

zu logisch erfassbaren Folgen macht) beruht *…+ auf Analogien mit unseren sonstigen Denken. »]

456

« Kant ouvre la possibilité du romantisme. Ou encore, parce qu’il n’est certainement pas inutile d’insister : quelle que soit la justesse des genèses historico-empiriques du romantisme *…+, il n’est pas vrai qu’on puisse passer de Diderot à Schlegel – ni même de Herder à Schlegel – ou qu’on puisse déduire les premiers textes de

criticisme kantien qu’il revient de déclencher une crise du sujet qui, tout au long du

XIXe siècle, n’aura eu de cesse de préoccuper le champ de la pensée en révélant un

problème fondamental, inescamotable parce qu’il définit en même temps les conditions de la raison moderne ; mais d’autre part, c’est en grande partie dans ou à

partir de ce système critique lui-même que l’idéalisme spéculatif, entendu comme la

voie la plus caractéristique du postkantisme et comme l’horizon métaphysique du premier romantisme457, a trouvé, sous la forme d’un dépassement, les éléments susceptibles de sauver ce qui avait été perdu et de renouer dans une certaine mesure avec une légitimation de l’accès au suprasensible.

Ainsi, comme nous l’avons vu à propos de Schopenhauer, rappelons d’abord que le chapitre de l’Esthétique transcendantale ouvre la Critique de la raison pure en contestant l’idée selon laquelle l’espace et le temps seraient des réalités objectives, des déterminations appartenant proprement aux objets ; elle les définit à la place comme les conditions seulement subjectives selon lesquelles une chose peut être intuitionnée. Mais alors, si comme le dit Kant, « tout ce qui, dans notre connaissance, appartient à l’intuition ne contient rien que de simples relations *Verhältnisse]458 », ce qui est ainsi perçu n’est pas la chose elle-même, la chose en soi, mais le phénomène de celle-ci, autrement dit de simples relations d’espace et de temps. La critique se déploie par conséquent à partir d’une proscription de l’intuition

intellectuelle, entendue comme un accès spontané ou originaire à l’intelligible, lequel

ne pourrait à la rigueur être accordé qu’à un « Être suprême459 ». S’il y a intuition chez l’homme, celle-ci est dite dérivée, c’est-à-dire liée à la sensibilité – par l’espace et le temps –, et à ce titre, seulement rapportée au phénomène. L’Esthétique transcendantale est donc le fondement de la réforme critique de la connaissance. Si pour Schopenhauer ce qui fait alors l’objet de l’intuition par l’homme doit être dénoncé comme une illusion, l’accès à la vérité consistant selon lui à contourner la

l’Athenaeum, par continuité du Sturm und Drang ou par voie détournée de Lessing, de Wieland ou des successeurs de Baumgarten. Les romantiques n’ont pas de prédécesseurs. Surtout pas dans ce que le XVIIIe

siècle aura décidément instauré sous le nom d’esthétique. » (LACOUE-LABARTHE P. et NANCY J.-L., L’Absolu littéraire, Paris, Seuil, 1978, p. 42.)

457

Ibid., p. 49.

458

KANT E., Critique de la raison pure, (B66), p. 138.

459

sensibilité, Kant ne résonne pas en ces termes ni ne s’avance sur ce dernier point460. Il se contente de faire de la connaissance une opération toute subjective qui ne permet pas de déterminer ce qu’est la chose en soi : elle consiste à synthétiser les relations sensibles de l’intuition, par l’imagination, puis à poser, par l’entendement, un concept comme sa représentation, c’est-à-dire une pensée de cette synthèse.

Mais d’autre part, le philosophe opère également ici entre l’espace et le temps une distinction plus importante qu’elle ne le semble d’abord. Puisque ces deux formes sont respectivement définies comme le sens externe et le sens interne de l’intuition, leur ligne de partage dessine aussi ce que l’on peut considérer comme une conscience de soi. En effet :

« L’espace, en tant qu’il constitue la forme pure de toute intuition externe, est limité, comme condition a priori, simplement aux phénomènes extérieurs. En revanche, puisque toutes les représentations, qu’elles aient ou non des choses extérieures pour objet, appartiennent néanmoins en elles-mêmes, comme déterminations de l’esprit, à l’état interne, tandis que cet état interne, appartient par conséquent au temps, le temps est une condition a priori de tout phénomène en général, et plus précisément la condition immédiate des phénomènes intérieurs (de notre âme) et par là même aussi, de façon médiate, celle des phénomènes extérieurs461. »

Comme on le comprend ici, même lorsqu’un objet quelconque est d’abord intuitionné sous une représentation spatiale, il faut aussi considérer que celle-ci, en tant qu’elle représente la relation d’un objet au sujet, se rapporte encore au sens interne de sorte qu’elle en constitue la « matière propre462 ». Le temps est alors considéré comme le fondement ou la « condition formelle a priori de tous les phénomènes en général463 », c’est-à-dire de toute relation possible à un objet ; il est la forme même de l’intuition, laquelle peut encore être comprise comme la manière dont « l’esprit est affecté par sa propre activité, *…+ par conséquent par lui- même464 ». Si cette priorité du temps comme sens interne de l’intuition conserve dans l’Esthétique transcendantale une certaine opacité, une analogie avec

460 Kant précise bien en effet qu’il n’est pas « permis de confondre le phénomène et l’apparence en une seule

et même chose. Car vérité ou apparence sont, non pas dans l’objet en tant qu’il est intuitionné, mais dans le jugement porté sur lui, en tant que cet objet est pensé. » (Ibid., (A293/B349-350), p. 329.)

461 Ibid., (A34/B50), p. 128-129. 462 Ibid., (B67), p. 138. 463 Ibid., (A34/B50), p. 128. 464 Ibid., (B67-68), p. 138.

l’expérience musicale semble en partie permettre de la lever. En effet, si toute intuition consiste là aussi en un ensemble de relations de temps et d’espace, la temporalité d’un phénomène musical s’appréhende immédiatement comme la condition fondamentale de son expérience subjective, de son rapport au sujet, notamment parce que c’est elle qui lui représente intérieurement la synthèse successive des états spatiaux, et non le contraire. Le temps est donc bien la forme même par laquelle le sujet se définit lui-même dans son rapport à l’objet, c’est-à- dire, ici, comme le moi de l’expérience musicale.

Or, si le sujet semble en ce sens bénéficier d’une place de choix dans le système critique de la raison, c’est également à cet endroit que surgit ce qui se révèlera comme l’un des points les plus problématiques du kantisme : dans l’imprésentabilité du sujet à lui-même465. Car au côté de cette conscience d’un moi qui accompagne l’intuition de l’objet, la théorie de l’idéalité de l’espace et du temps conduit aussi, pour les raisons évoquées ci-dessus – la réfutation de l’intuition intellectuelle, de l’intuitus originarius – à infirmer la possibilité d’une véritable connaissance de soi- même. Comme le dit Kant, en effet :

« Si le pouvoir de prendre conscience de soi doit découvrir (appréhender) ce qui est présent dans l’esprit, il faut que ce pouvoir affecte l’esprit et c’est seulement ainsi qu’il peut produire une intuition de soi-même *…+ ; car, de fait, il s’intuitionne lui-même, non pas tel qu’il se représenterait immédiatement de manière spontanée, mais selon la façon dont il est intérieurement affecté, par conséquent tel qu’il apparaît phénoménalement, et non pas tel qu’il est466. »

Si aucune forme de raisonnement ne peut faire de cette conscience du moi l’objet d’une connaissance, en déduire objectivement des propriétés qui lui sont propres, il est clairement affirmé que l’onaccède à l’intuition de soi-même au mieux comme à celle d’un autre, comme un simple phénomène, parce que l’intuition s’en remet nécessairement aux relations de la sensibilité. Par conséquent, si la Critique de la

raison pure entend surtout débusquer les paralogismes et autres antinomies dans

lesquelles se fourvoie nécessairement la raison dès lors qu’elle se laisse illusionner

465 C’est en tout cas ce que suggère Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy : « C’est de là qu’il faut partir,

de cette problématique du sujet imprésentable à lui-même et de cette éradication de tout substantialisme, si l’on veut comprendre ce que le romantisme recevra, non pas en legs, mais comme « sa » question la plus difficile et peut-être la plus intraitable. » (Op. cit., p. 43.)

466

par ses propres fantasmes, dès lors qu’elle s’imagine accéder aux choses en soi et en retirer des connaissances objectives, l’esprit humain en paye immédiatement le prix de son intégrité. Du « Je pense donc je suis » cartésien, Kant ne retient en effet que le Je pense comme une forme logique qui accompagne nécessairement une représentation, une forme qui reste selon ses propres termes « tout à fait vide et sans conséquence467 ». Comme le disent encore Lacoue-Labarthe et Nancy, « du moment où le sujet se vide de toute substance, la forme pure en quoi désormais il consiste *…+ se réduit à n’être qu’une fonction d’unité ou de synthèse468. » Conformément à l’analogie musicale employée ci-dessus, c’est également à cette désubstantialisation du sujet que Schoenberg semble conduit lorsqu’il évoque les symphonies de Mahler dans l’hommage de 1912, conséquence qui s’impose formellement avec l’œuvre atonale. Dans un tel contexte en effet, si le temps reste inévitablement la condition de la synthèse des perceptions musicales, de la conscience de son unité sous la forme d’un je pense, nous avons vu précédemment qu’en l’absence d’un centre tonal la composition ne semble plus garantir au sujet qui en fait l’expérience la possibilité de s’y re-connaître, c’est-à-dire de ressentir et d’identifier dans ses mouvements une présentation du moi comme soi-même.

Pour Kant, c’est au système critique complet qu’il revient alors de montrer par où le sujet serait susceptible de reconquérir quelque chose lui appartenant. Ainsi la seconde Critique offre-t-elle à des fins pratiques ce que refuse la première comme connaissance, c’est-à-dire l’usage, au nom de la Liberté, de principes relatifs au monde intelligible. En ce sens, si du moi je ne sais rien ni ne peux rien dire, il m’est néanmoins possible d’en faire un sujet moral, c’est-à-dire d’accorder ma volonté, mes désirs sensibles, à l’influence d’un usage transcendant de la raison grâce auquel je m’institue à moi-même ma propre loi. D’autre part, la critique de la faculté de

juger, qui n’est pas tant un domaine à part entière du système de la raison que la médiation469 des champs de la théorie et de la pratique, ou de la connaissance et de

la morale, est consacrée au régime spécifique du jugement réfléchissant. Contrairement au jugement de connaissance pour lequel la synthèse de l’intuition

467

KANT E., Prolégomènes, op. cit., (Ak. IV, 334), p. 137.

468

LACOUE-LABARTHE P. et NANCY J.-L., op. cit., p. 43.

469

par l’imagination et sa représentation en concept ont pour but de déterminer l’objet particulier de l’expérience selon les principes universels de la raison, il s’agit ici au contraire d’imaginer pour lui un tel principe, une idée de sa forme, comme s’il reposait au fondement de sa possibilité réelle ; comme le dit Kant : « on ne fait en cela que juger la nature elle-même, mais simplement d’après l’analogie avec un art, et cela dans le rapport subjectif à notre pouvoir de connaître, et non pas dans le rapport aux objets470 ». Par-là, le jugement téléologique et le jugement de goût permettent respectivement d’appréhender les fragments de nature qui se présentent à l’expérience comme des totalités cohérentes, des organismes, et d’accorder une valeur universelle au sentiment pourtant subjectif du Beau. Or, puisque la connaissance humaine reste chez Kant nécessairement discursive et conceptuelle, c’est toujours comme une antithèse de celle-ci que le philosophe laisse apparaître quelque chose de l’ordre de l’intuition intellectuelle, comme le paradigme d’une connaissance idéale, surhumaine471, à laquelle aspire toujours la raison. Lorsque le sujet semble donc récupérer là quelque chose de positif, parce qu’il s’agit enfin de considérer ses Idées, de donner une consistance à son propre monde nouménale, c’est néanmoins uniquement comme maximes, au titre d’un usage régulateur, autrement dit encore dans une perspective seulement pratique ou hypothétique. En aucun endroit le système critique n’offre réellement au sujet l’opportunité d’objectiver une connaissance comme celle du moi ni ne lui cède la faculté de s’intuitionner lui-même comme un être intelligible. Si la philosophie kantienne se présente alors comme un outil critique grâce auquel la raison autonome, débarrassée de toutes formes de tutelle et de superstition, pourrait progresser sur des bases solidement établies, scientifiques, elle se fait à la fois un éducateur et un témoin sévère des bouleversements de sa condition moderne, autrement dit du

désenchantement qui accompagne le basculement de la raison dans un âge « mûr

et adulte472 ».

Comme le résume alors Walter Benjamin par ces quelques mots :

« Sitôt que par la voix de Kant, non pas certes pour la première fois mais pour cette fois de manière explicite et insistante, l’histoire de la philosophie eut

470

Ibid., p. 27.

471

TILLIETTE X., L’intuition intellectuelle de Kant à Hegel, Paris, Vrin, 1995, p. 20.

472

affirmé pour la pensée, en même temps que la possibilité d’une intuition intellectuelle, son impossibilité dans le champ de l’expérience, on vit surgir les multiples manifestations d’un effort presque fiévreux pour restituer à la philosophie, comme garantie de ses prétentions les plus hautes, le concept de réflexion. Cet effort vint en premier lieu de Fichte, de Schlegel, de Novalis et de Schelling473. »

Ainsi, parce que fait alors défaut ce qui devrait en assurer précisément la clôture et l’unité des parties, c’est sur la fondation du système que les premiers interprètes de Kant, critiques ou continuateurs, portent leur attention. De façon quelque peu apparentée à ce que Schoenberg revendiquera pour la composition musicale, Fichte projeta ainsi dès 1794 une Doctrine de la Science censée mettre fin à la multiplicité et à la pluralité des domaines particuliers de la raison en déterminant un principe

premier, le seul qui ne puisse souffrir d’aucune contestation et qui se suffise comme

unique fondement à partir duquel le tout du savoir humain pourrait être rationnellement déduit, une science qui renferme toutes les conditions a priori de l’expérience et de la pensée. Dans un rapport ambigu vis-à-vis de la philosophie kantienne, un tel principe se découvre selon le fondateur de l’idéalisme allemand dans le Moi : le moi empirique qui accompagne formellement toute représentation, qui s’abstrait de la matière de celle-ci, mais aussi et surtout l’Idée d’un Moi absolu d’où procède en chacun la liberté. Puisque son affirmation comme fondement se doit alors de n’avoir aucune présupposition, ce Moi s’offre lui-même comme intuition. En considérant alors qu’il n’est pas seulement le principe, vide, de la conscience dans sa relation à l’objet, mais qu’il en est aussi celui de tout le contenu objectif, Fichte entend bien prolonger le criticisme kantien. En effet, puisque tout vient de l’esprit, de l’intelligence, et y retourne, on ne peut même plus dire que le phénomène est lié à la descendance problématique – indéterminable – d’une chose en soi. Mais en débarrassant ainsi l’esprit de ses limites extérieures, ce geste ouvre malgré lui la voie à un idéalisme spéculatif qui radicalise le principe réfléchissant, outrepassant de beaucoup l’usage régulateur du monde nouménal. Ainsi pour le jeune Schelling, fasciné aussi bien par la critique kantienne que le substantialisme spinoziste, l’intuition intellectuelle n’est pas une connaissance immédiate et spontanée d’une

473

Benjamin W., Le Concept de critique esthétique dans le romantisme allemand, Paris, Flammarion, 1986, p. 48-49.

chose en soi mais la révélation d’un Moi qui se confond presque avec l’Absolu, royaume divin de l’éternité, ciel éthéré de l’Un ou de l’Être pur. Dès 1795, sans qu’on ne sache réellement qui en est l’auteur parmi Schelling ou Hegel, voire Hölderlin, le célèbre manifeste fragmentaire connu comme Le plus ancien programme

systématique de l’idéalisme allemand revendique dans cet esprit une nouvelle

philosophie fondée sur cette conception enthousiaste du sujet, elle-même déduite d’un rapport privilégié à l’esthétique :

« Avec l’être libre, conscient de soi, surgit en même temps tout un monde – à partir du néant – la seule véritable et pensable création à partir du néant. *…+ Liberté absolue pour tous les esprits créateurs qui portent en eux le monde intellectuel et qui n’ont pas à chercher en dehors d’eux Dieu ou l’immortalité. En dernier lieu, l’Idée qui les unit toutes, l’idée de la beauté, le mot étant pris dans son sens platonicien le plus haut. Car je suis convaincu que l’acte suprême de la raison, celui par lequel elle embrasse toutes les idées, est un acte esthétique et que vérité et bonté ne sont sœurs qu’unies dans la beauté *…+474. »

Il s’agit là de l’impulsion historique de l’idéalisme postkantien entreprenant de

résoudre les lacunes du sujet kantien par une extrapolation spéculative prenant

notamment appui sur les largesses du système, une refonte de celui-ci en un véritable système du sujet dans lequel se reconnaissent en partie les auteurs de l’Athenaeum. L’« acte esthétique » dont il est question ci-dessus, « acte suprême de la raison » qui réunit le Vrai et le Bien dans l’Idée du Beau, annonce significativement la subsomption des facultés de l’esprit sous les catégories kantiennes de la réflexion – la finalité, le beau, le génie, le sublime – désormais associées à une conception transcendantale et absolue du sujet.

Il est nécessaire de situer ici Schopenhauer bien que celui-ci fût tout à fait opposé à ces philosophes, jusqu’à les qualifier de toutes les variantes possibles de la sophistique. Ainsi pour ce dernier, au côté d’un Hegel maître du « charlatanisme475 », Fichte et Schelling sont les agents d’une « jactance vide476 » dont l’intuition

intellectuelle apparaît justement comme l’emblème. Dans les termes, son emploi

serait contradictoire parce qu’il dote la raison d’une capacité à connaître les choses

474 Le plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand, publié dans : L

ACOUE-LABARTHE P. et NANCY

J.-L., op. cit., p. 53-54.

475

SCHOPENHAUER A., Le monde…, op. cit., Préface à la deuxième édition, p. 12.

476

en soi ; et d’autre part, un absolu de la raison ne devrait être rien de plus que la matière477. Si le postkantisme de Schopenhauer reste en ce sens fidèle à la première

Critique pour la distinction entre phénomène et chose en soi, nous avons pu voir

dans son système les fortes résonances d’une conception spéculative de l’esthétique qui, depuis les romantiques d’Iéna, accorde à celle-ci le privilège d’une ouverture du sujet à l’intelligible. Sans qu’il ne se revendique explicitement de la Critique de la

faculté de juger, on remarque ainsi que les principaux critères qui assurent pour

Schopenhauer les conditions propices à la contemplation, au sens d’une négation de la raison, du monde sensible et toute opération intellectuelle, sont précisément ceux que déduit successivement Kant pour établir quatre définitions du sentiment du Beau : « indépendamment de tout intérêt » ; « universellement sans concept » ;