• Aucun résultat trouvé

L’hôpital : l’exercice peu représenté dans un établissement pourtant omniprésent

La pratique de la médecine

I- Les conditions d’exercice : une pratique à deux visages

3. L’hôpital : l’exercice peu représenté dans un établissement pourtant omniprésent

Sous l’Ancien Régime, l’hôpital est représenté par deux types de structures : l’hôpital proprement dit et l’Hôtel-Dieu. La période médiévale voit naître cette structure rattachée au milieu religieux à vocation « refuge » ou plutôt protectrice à l’égard des pauvres. En parallèle, se développent à l’extrémité des villes les maladreries et léproseries, structures d’exclusion

385 ANM - SRM 195 - d°11 - p° 11 - Lettre du 8 juillet 1786.

386 Voir CONTIS (Alain), Graulhet au XVIIIe siècle, 1710-1792. Familles, fortunes, Mentalités, Thèse de 3e

cycle ss dir. Yves Castan, Université Toulouse II, 1985 ; AMG – Fonds Demonricous.

387 BALSSA (Aimé), Apothicaires…, op. cit., p.28. ; AMM – Fonds Dumont. Cette situation se retrouve

également dans le bourg de Rabastens, où au cours du XVIIIe siècle plusieurs médecins signent des conventions avec la communauté. AMR – BB 12 f°340.

153

pour faire face à la lèpre et autre fléau. La plupart des villes et bourgs comptent encore au XVIe siècle autant d’établissements que de structures religieuses. Au cours du XVIIe siècle,

ces établissements passent sous la coupe royale et sont fusionnés en hôpital général. Les villes et gros bourgs en sont dotés. Les Hôtel-Dieu sont présents pour assurer leur rôle curatif. Au sein de notre aire, les villes et les gros bourgs accueillent des hôpitaux, suite aux fusions certains sont situés hors les murs. La présence d’établissements hospitaliers est relevée dès le Moyen-Age. Ces institutions font partie de la vie du bourg, de la ville. La géographie hospitalière varie en fonction de la taille de la localité. Les hôtels-Dieu forment une structure exclusivement urbaine et les hôpitaux sont présents dans les petites agglomérations en zone rurale388. Sur l’ensemble de notre aire géographique, cette omniprésence est palpable. Pour la

majorité, les établissements ont disparu389. La présence d’hospice et d’hôtel-Dieu était liée au

pèlerinage390. Daniel Hickey a montré la place de ces structures notamment en milieu rural

comme représentatif de la notabilité locale.

Il convient de se pencher plus en détail sur les établissements présents sur notre aire géographique. Dans un premier temps, nous présenterons ceux des villes épiscopales : Albi, Rodez, Castres, Lavaur et Carcassonne. Dans un second temps, nous nous intéresserons aux places de moindre importance. Gardons à l’esprit que la configuration hospitalière a été fortement modifiée au XVIIe siècle dans le sillage du « grand enfermement ». Elle l’est à

nouveau au cours du XVIIIe siècle.

• Les villes épiscopales

Rodez, comme dans la plupart des villes sous l’ancien régime, a vu le nombre de ses établissements croître au Moyen-Age. La ville compte environ dix établissements à l’aube du XVIIe siècle tels que l’hôpital du Pas, l’hôpital de la Parra, l’hôpital Sainte-Croix ou encore

l’hôpital Sainte-Marthe. L’ordonnance de Louis XIV en 1656391 rassemble les établissements

de charité à l’hôpital Sainte-Marthe créant ainsi l’hôpital général. La construction de cet

388 A ce sujet, voir JEORGER (Muriel), « La structure hospitalière de la France sous l’Ancien Régime », in

Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, 32e année, n°5, 1977, pp. 1025-1051. ; GUTTON (Jean-Pierre), Les

administrateurs d’hôpitaux dans la France de l’ancien régime, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2002. ;

HICKEY (Daniel), Local hospitals in Ancien Regime France. Rationalization, resistance, renewal, 1530-1789, Montréal, Mc Gill Queen’s University Press, 1997.

389 Dossier dans la revue Midi-Pyrénées Patrimoine, dossier spécial, n°37, 2014.

390 Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle traversent une grande partie de notre région. 391 Édit du 27 avril 1656.

154

hôpital débute dans les années 1680. Pour les historiens de l’art, il reste exceptionnel par son ampleur392. Seul l’hôtel-Dieu reste indépendant.

A Albi, le processus est le même : les hôpitaux sont absorbés pour ne laisser place qu’à l’hôpital général et l’hôtel-Dieu ou hôpital Saint-Jacques393. On y trouve des

établissements tels que la maladrerie ou encore le bedomie. Les aïeux de deux médecins de notre corpus ont exercé à l’hôpital Saint-Jacques : Monsieur Ladevèze, « tresorier general de l’hopital » et Monsieur « Derripis medecin de la presente ville » en 1714394. Il semblerait que

Monsieur Deripis cumule les fonctions de médecin mais aussi d’intendant de l’hôpital à en croire les registres395. Comme à Rodez, nous n’avons pas de membre de notre corpus exerçant

à l’hôpital.

A Lavaur, la configuration est la même. Durant la période médiévale plusieurs établissements sont situés rue Carlesse et à l’angle de la rue Peyras396. Un don à la suite du

décès de Monsieur de Mailly, évêque, est à l’initiative de ce projet à compter de 1722. Ce projet est mené à bien mais en dehors des murs de la ville, à l’actuelle place Vialas397. Au

cours des années 1750, il est créé une manufacture royale dans l’enceinte même de l’hôpital. Cette initiative est celle de Jacques Reboul, fabricant d’Avignon, instigateur de la confection de soie dans la cité vauréenne398. Cela ne sera qu’une parenthèse puisqu’en 1768, les biens du

Sieur Reboul sont saisis et l’hôpital reprend ses droits.

392 Voir Revue Midi-Pyrénées Patrimoine, n°37, 2014.

393 Aux archives départementales du Tarn, les documents relatifs à l’hôpital sont classés sous la série HDT. 394 ADT – 1HDT234. La famille Ladevèze est présente à Albi et à Cordes, voir au chapitre précédent. Et

Monsieur Derripis n’est autre que le père de Philippe de Ripis, membre de notre corpus, diplômé de la faculté de Montpellier en 1745.

395 ADT – 1HDT234 – Quittance du Sieur Guillauteau, Monsieur Derripis intendant en semaine.

396 Nous ne disposons aux ADT que des délibérations entre 1748 et 1759 et des registres de comptes de 1715 à

1733, 4HDT/E1.

397 Toujours emplacement de l’actuel centre hospitalier de Lavaur.

398 Au sujet de l’hôpital de Lavaur, voir l’article de VANACKER–XIFFRA (Céline), "De la soie aux soins" in

155

Figure n° 37: Plan de la ville de Lavaur vers 1770. L'hôpital de Lavaur y figure en rouge399.

Aucun de nos médecins n’est un membre des effectifs de l’hôpital général vauréen.

A Castres, les premiers hôpitaux apparaissent dès le IXe siècle, sous la coupe

ecclésiastique : l’hôpital monastique bénédictin, l’hôpital Notre-Dame suivi de l’hôpital de la Trinité. Au XIIIe siècle, l’hôtel-Dieu Saint-Jacques est établi et change à plusieurs reprises

d’emplacement. Entre le XIVe et le XVe siècle, les établissements disparaissent au détriment

de l’Hôtel-Dieu400. En 1689 survient la création de l’hôpital général à la demande du roi Louis

XIV. A vocation refuge, l’hôpital est plutôt implanté à l’extérieur de la ville, comme dans l’ensemble du royaume. Ces deux établissements existent encore de nos jours.

Au sein de notre corpus, seul un médecin de Castres exerce au sein l’hôpital « civil », Félix Malzac, le dernier représentant de cette dynastie401. Nous ne disposons pas, malheureusement,

d’informations complémentaires à ce sujet. Alexis Pujol et Jean-François Icart officient à l’hôtel-Dieu.

Un établissement existe dans la cité de Carcassonne. La documentation ainsi que les sources sont rares sur le sujet. Nous savons seulement, grâce à la correspondance de la société royale de médecine, que le docteur Fabre exerçait à l’hôpital402.

399 Ce plan a été tiré de l'article de Céline VANACKER-XIFFRA, "De la soie aux soins" in Midi-Pyrénées

Patrimoine, n°37, 2014, pp. 46-49.

400 A ce jour aux ADT, ne figurent que certaines archives pour la période qui nous intéresse : recueil de malades

de l’Hôtel-Dieu 1744-1752 – 2HDT1 et pour l’hôpital général 2HDT2.

401 Cette information figure dans le Dictionnaire de l’An X, p. 559. Félix Malzac y est nommé en 1793. 402 ANM – SRM Carcassonne.

156

• Dans les autres villes et gros bourgs

La documentation est cependant plus fournie à l’égard des villes de moindre importance. Les structures hospitalières étaient présentes sur l’ensemble du royaume dans les villes comme dans les grands bourgs. Autre élément déjà mentionné et non négligeable : le passage dans le Haut Languedoc des chemins de Saint-Jacques de Compostelle, moteur certain à la prolifération d’établissements à l’époque médiévale. Au sein des fonds d’archives, nous n’avons pu trouver que la trace de certains établissements, d’autres ne sont connus que par quelques mentions. Comme précédemment, nous procéderons géographiquement en débutant par le Rouergue.

En Rouergue, plusieurs villes de relative importance se démarquent comme Millau ou Villefranche de Rouergue. Concernant Millau, hormis l’hôpital de l’Aubrac nous n’avons pas de données. A Millau, l’initiative de la formation de l’hôpital général est amorcée dès 1668 mais réalisée en 1725. Le premier hôpital de la ville fut l’hôpital Mage. Une maladrerie est présente sur la communauté : la maladrerie Saint-Thomas.

A Villefranche-de-Rouergue, il existe un hôpital. Cette ville était considérée comme capitale administrative sous l’Ancien Régime, lui conférant une certaine importance. Plusieurs travaux ont été réalisés sur l’hôpital général403. Comme pour l’ensemble des villes et

gros bourgs du royaume, la ville comptait déjà un hôpital à en croire son architecture comprenant la tour ronde de l’hôpital. Cette dernière est détruite en 1795 à la demande de Lobihnes404. La présence d’un hôpital est attestée dès le XIIIe siècle. Au cours du XIVe siècle,

trois autres établissements voient le jour. En tout premier lieu, l’Hôtel-Dieu est fondé en 1304 au centre de la cité par Barthélémy Delpech. Cet édifice fut détruit à la suite d’un incendie. L’hôpital Saint-Jacques, deuxième arrivant, fut créé vers 1330 pour héberger les pèlerins. Il est placé sous l’autorité des consuls. Enfin l’hôpital Saint Esprit, puis plus tard Saint-Loup, situé à l’entrée de la cité, est créé en 1355 par Géraud Teste. Cet hôpital avait pour fonction d’accueillir les indigents. Rappelons qu’au Moyen-Age, le milieu hospitalier est placé sous l’égide de l’évêque et par conséquent de l’Église. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la situation

évolue suite à l’ordonnance de 1662 imposant la création d’un hôpital général de toutes les villes importantes du royaume. Ces établissements sont souvent des transformations de structures déjà existantes. Le premier établissement en Rouergue est celui de Rodez. L’hôpital

403 HOCQUELLET (Pierre), « Inventaire sigillographique des archives de l’hôpital général de Villefranche-de-

Rouergue » in Pages d’histoire du Bas Rouergue, p. 57-73.

157

Saint-Loup absorbe la maladrerie405 en 1714. Une manufacture est créée en 1741. En 1797, le

médecin en chef de l’hôpital est Charles Delpech, exerçant dans la ville depuis une vingtaine d’années. A cette période, l’hôpital a connu une extension dès 1792 grâce au concours de Louis Lobinhes, maire de Villefranche406. En Rouergue, il est fait mention d’hôpitaux à

Aubin407 crée en 1348 et à Najac au nombre de deux408. La création des nouveaux

établissements survient en 1745 à Saint-Géniez d’Olt409 et en 1756 à Conques410.

En Albigeois, plusieurs villes disposent de structures hospitalières et vont faire l’objet de la mesure édictée par le roi. Pour la ville de Gaillac, deux établissements existent : l’hôpital Saint-André et l’Hôtel-Dieu. L’Hôpital Saint-André est situé hors les murs de la ville.

La ville de Réalmont, gros bourg de 1809 habitants411, a elle aussi une histoire hospitalière412.

Depuis sa création au XIIIe siècle, la ville a connu deux hôpitaux, disparus lors des tumultes

des guerres de religion413. Suite à l’ordonnance royale, la réorganisation est initiée, pour

l’ensemble du diocèse, par Messire Legoux de la Berchère, archevêque d’Albi. Jean-Pierre Carayon, médecin et maire de Réalmont dans le dernier quart du XVIIIe siècle, ne relate aucun

fait concernant l’hôpital. Visiblement il n’y exerce pas.

A Rabastens, il est signalé la présence d’un hôpital414. Comme dans de nombreuses villes,

figure à Rabastens un quartier de pestiférés hors les murs ainsi qu’un hôpital Saint-Jacques, Rabastens se trouvant sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, situé près du château. Se trouvait également un autre établissement : l’hôtel-Dieu ou hôpital Notre-Dame, situé à l’opposé de l’hôpital Saint-Jacques, présent dès le XIIIe siècle. Il semblerait que les deux

structures aient fusionné dès le XVe siècle. Un acte de 1637 fait mention de « l’hôpital Notre-

Dame et Saint-Jacques du Grand Faubourg 415». Un médecin et un chirurgien exerce dans cet

hôpital. Une délibération du 10 août 1757 fait état de deux médecins exerçant par alternance à raison d’un semestre chacun. Ces derniers doivent également prodiguer des soins à domicile. Il est également fait mention de deux hôpitaux à Cordes. Les villes du diocèse de Carcassonne

405 Confirmation par lettres patentes d’octobre 1696. Voir CABROL (U), …., p.285. 406 HOCQUELLET (Pierre), « Inventaire sigillographique… », op. cit.

407 HOCQUELLET (p.), op. cit., p.61. 408 Idem.

409 HOCQUELLET (P.), op. cit., p.60 410 Idem.

411 Chiffre tiré du dictionnaire de l’Abbé Expilly, Dictionnaire géographique historique politique des Gaules et

de la France, chez Desaint & Saillant, 1768.

412 A ce sujet voir THOMAS (Emile), « L’hôpital de Réalmont » in Revue du Tarn, n° XXX, 1913, p. 323-334. 413 ADT – E3611.

414 Sur ce point nous n’avons trouvé qu’un seul travail, MENAUD (Arlette), L’hôpital de Rabastens (1689-

1796), Mémoire de stage, 1988.

158

possédaient, elles aussi, certainement des hôpitaux et des maladreries. Nous n’avons pas de plus amples informations à ce sujet.

Les structures hospitalières sont nombreuses sur l’ensemble de notre aire, à la fois en zone urbaine et en zone rurale. Cependant l’exercice des médecins de notre corpus n’est pas visible dans ces établissements. Officier à l’hôpital est pourtant le moyen de se forger une réputation en particulier au début de la carrière. Dans sa pratique, le médecin est amené à côtoyer d’autres thérapeutes.

II- Les relations avec les autres professions de santé : reflet des grandes thématiques