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Répartition des diplômés de médecine au XVIIIème siècle

III- La décadente université de Cahors

1. Une université pontificale éphémère

Figure n°19 : Emplacement actuel de l'ancienne université de Cahors.

L’université de Cahors, plus tardive que sa voisine, est fondée en 1331 par le pape Jean XXII. Cela marque une certaine spécificité face aux autres universités méridionales car il s’agit d’une création pontificale. Il promulgue le « 7 des ides de juin 1331 »144depuis Avignon une

144 FERTÉ (Patrick), L’université de Cahors au XVIIIe siècle (1700-1751). Le coma universitaire au siècle des

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bulle de fondation pour un « generale studium », dans sa ville natale145. Les statuts de

l’université sont rédigés en 1332 puis modifiés et augmentés en 1367. Éprouvée par les différentes guerres, elle s’éteint. Une ordonnance de Charles, Duc d’Aquitaine la fait renaître en 1469.

Elle est constituée de quatre facultés à l’image de Toulouse : droit, théologie, médecine et arts, ainsi que plusieurs collèges (3) : le collège Saint-Nicolas, le collège Saint-Etienne de Rodez et le collège Saint Michel de Tornès. Mais il faut savoir que l’université ne dispose pas de bâtiment propre avant le XVIIe siècle, les cours sont d’ailleurs dispensés dans des locaux

de fortune et des couvents de la ville. Les travaux débutent en juillet 1661, entre la maison Debugis et la Porte-Neuve. L’édifice est achevé en 1680. Ce nouveau bâtiment se délabre dès le début du XVIIIe siècle tout comme l’image de son université.

Très secouée par la guerre de Cent ans et les guerres de religion, elle connaît l’âge d’or entre ces deux périodes (fin XVe-fin XVIe siècle). La fréquentation des salles de cours s’accroît

largement, et on note la présence de professeurs illustres comme le grand Cujas146.

Parallèlement, se développent dès cette période, abus et relâchement dans le corps professoral, tout comme dans le corps étudiant.

Le XVIIIe siècle marque la décrépitude de l’université de Cahors : problèmes financiers,

matériels et humains. Patrick ferté définit ainsi le XVIIIe siècle cadurcien « cursus

pathologicus de universitatis cadurcensis morboso statu »147. La faculté de médecine ne

compte que deux chaires de médecine. Jean Mailhès148 illustre à lui seul cette décadence :

docteur de la faculté de médecine de Montpellier et professeur de médecine à Cahors puis doyen de l'université. Sa seule nomination à la chaire de médecine en atteste. Patrick Ferté dans son étude de l'université de Cahors149 définit Jean Mailhès comme un usurpateur zélé.

145 Le pape Jean XXII est né à Cahors en 1244.

146 Le professeur Cujas (1522-1590) était un prestigieux professeur de droit. Originaire de Toulouse, il y entama

sa carrière avant de partir enseigner brièvement à Cahors puis à Bourges. Il fut l’un des principaux représentant de l’humanisme juridique. A ce sujet voir BERRIAT-SAINT-PRIX (Jacques), Histoire du droit romain, suivi de

l’histoire de Cujas, Paris, Fanjat, 1821, et un travail plus récent PRÉVOST (Xavier), Jacques Cujas (1522- 1590), le droit à l’épreuve de l’humanisme, thèse de doctorat, Université Paris I – Sorbonne, 2012.

147 Ferté Patrick, L’université de Cahors, op. cit., p.30.

148 Jean Mailhès (1687-1751), natif de Villefranche de Rouergue (diocèse de Rodez), médecin diplômé de

Montpellier et membre de notre corpus.

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Malgré l’édit de Marly de 1707, l’université sera supprimée en 1751. Suite aux incessantes plaintes, le chancelier fit promulguer un édit par le roi réunissant l’université de Cahors et celle de Toulouse150.

2. Faible fréquentation par les étudiants

Figure 20 : Les docteurs de la faculté de médecine de Cahors (1707-1751)

DIOCÈSE ALBI CARCASSONNE CASTRES LAVAUR RODEZ TOTAL

NOMBRE

D'ETUDIANTS 2 0 1 2 8 13

Dans le cadre de notre étude, les docteurs de Cahors ne représentent qu’une infime partie de notre corpus. La principale raison en est la fermeture prématurée en 1751, elle-même liée à la situation décadente de l’université. Un fait paradoxal quand on sait que la réputation frauduleuse et décadente de certaines universités attire plus qu’elle n’éloigne…L’étude des comportements estudiantins révèle que certaines universités suscitent l’intérêt par la facilité avec laquelle elles délivrent leurs grades. Ce point sera abordé au chapitre suivant.

Figure n°21 : Répartition des docteurs de la faculté de médecine de Cahors (1707-1751)

150 L’université de Cahors est supprimée pour « trafic de faux grades ». Au cours du XVIIe siècle, deux

professeurs, Guillaume Galtier (1600-1653) et Bernard Douvrier (1648-1676), ont été condamnés comme faux- monnayeurs.

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Entre 1707 et 1751, il s’agit d’une dizaine d’individus, plus exactement 13 docteurs soit 4,2% de notre corpus. Sur l’ensemble de la période, la faculté de médecine a vu son effectif, principalement constitué de Tarnais et d’Aveyronnais, considérablement diminué. Pour autant l’omniprésence de Tarnais et d’Aveyronnais ne s’explique pas seulement par la position géographique. Rappelons que le diocèse d’Albi entretenait une relation privilégiée avec celui de Cahors. L’université était très prisée, ce depuis des siècles, par les Tarnais. Les consuls et l’évêque d’Albi s’insurgèrent contre la suppression de l’université cadurcienne. Les consuls d'Albi rédigèrent une pétition151.

Concernant le diocèse de Rodez, Patrick Ferté parle de « prépondérance rouergate »152 liée à

la présence de Jean Mailhès, doyen de l’université, natif de Villefranche de Rouergue et protégé de Pierre Chirac.

L’absence d’Audois peut s’expliquer par l’éloignement géographique de Cahors et la proximité de Montpellier. De plus, les travaux de Patrick Ferté montrent que l'état de délabrement de la faculté n'a pas encouragé sa fréquentation. En effet, on imagine aisément avec un climat rude, que les étudiants soient réticents à suivre "une scolarité loqueteuse, blottie dans un coin de cour, sous un espèce de préau"153.

Toutes sensiblement nées au Moyen-âge, les universités méridionales ont connu une fondation et une évolution différentes. Au cours du XVIIIe siècle, la faculté de Toulouse,

malgré l'apport des effectifs quercynois, reste à la traîne derrière celle de Montpellier. Pourtant selon le Dictionnaire de l'an X, l'université de Toulouse est celle qui a gradué le plus de médecins derrière Montpellier.

Toutes ces universités connaissent cependant le même sort au moment de la Révolution en 1793.