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Le déroulement des études

IV- Les abandons et le coût des études

Deux aspects, intimement liés, doivent compléter ce tableau du cursus universitaire : l’abandon des études et leur coût. Quand bien même nous n’étudierons que les acteurs ayant mené à terme leur cursus, ces facteurs jouent un rôle discret mais crucial dans le contexte dans lequel ils évoluent.

1. Le coût des études

La question financière ou plutôt pécuniaire est une variable non négligeable dans l’approche des trajectoires étudiantes, le coût des études changeant en fonction des universités. Aux droits universitaires doit s’ajouter le coût de la vie dans la ville universitaire. Au-delà du prestige, cette donnée pouvait bien entendu déterminer le choix des familles. Ainsi à Montpellier, les coûts sont plus élevés qu’à Toulouse et Cahors. Ces dépenses n’ont évidemment rien à voir avec celles qu’exigeaient une ville comme Paris où les coûts sont exorbitants.

Les droits universitaires sont fixés par les statuts des universités. Les ouvrages d’André Finot et docteur Dulieu216 donne le détail des frais, à savoir :

- 4 livres par immatriculation - 22 livres pour le baccalauréat

- 50 livres pour les examens per intentionem (examens intermédiaires) - 21 livres pour l’examen probatoire de licence

- 12 livres pour l’acte de licence ainsi que 30 sous pour les cierges - 50 livres pour les triduanes (examens intermédiaires)

- 39 livres et 10 sous pour le doctorat

Les frais supplémentaires engendrés par la licence et le doctorat furent réduits par différents statuts.

216 FINOT (André), op. cit., p.11 ; DULIEU (Louis), La médecine à Montpellier.., op. cit., p. 98. Ces tarifs

émanent d’une affiche datant de 1728, Affiche donnant les tarifs des droits de scolarité à l’Université de

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A Toulouse, les cours étaient initialement gratuits. Les droits d’examen y étaient assez peu élevés217 :

- 38 livres et 12 sols pour le baccalauréat

- 61 livres 18 sols et 30 deniers pour la licence et pour le doctorat

En ce qui concerne l’université de Cahors, selon plusieurs études, le coût de la vie et des droits universitaires y étaient avantageux. Comme le souligne Patrick Ferté, la « facilité d’y vivre » 218 faisait de Cahors une ville attractive en particulier pour les étudiants les moins

aisés.

Les droits universitaires comprennent les droits des professeurs ainsi que ceux des officiers et du personnel de la faculté. En revanche, il n’est pas fait mention des dépenses complémentaires variables en fonction des facultés. Les professeurs font l’objet d’attentions particulières jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

2. Une influence certaine sur l’abandon des études

Ces coûts ne sont pas anodins, et entraînent parfois l’abandon des études, thème abordé par Hélène Berlan, dans sa thèse219. En dehors des motifs graves accidentels (blessures, décès),

deux facteurs semblent dominer : l’aspect financier, logiquement, et l’aspect confessionnel. Ce dernier cas est possible dans la première moitié du XVIIIe siècle, l’autre moitié tendant

vers une certaine souplesse à l’égard des étudiants de sensibilité protestante.

Plus souvent, l’abandon est financier ou conjoncturel. Dans notre corpus, s’y apparente le cas des étudiants ayant entamé un cursus dans l’une des principales facultés pour terminer une faculté de moindre importance. Par exemple, certains étudiants s’inscrivant à Montpellier puis Toulouse, ou inversement, en passant par Orange ou Avignon, pour ensuite prendre le grade dans l’une des facultés majeures. Ces semi-abandons (en fait ces bifurcations en milieu de parcours) ne sont pas réductibles aux stratégies liées à la fraude ou à la réputation des établissements. Les coûts rentrant de toute évidence en jeu ici. Cahors, Avignon et Orange sont réputées pour le coût moindre des études.

217 Les droits universitaires de la faculté toulousaine sont détaillés dans BARBOT (Jules), Chroniques de la

faculté de médecine, op. cit., p. 184. Ces droits figurent dans le Registre des Inscriptions de médecine, 1702-

1720, AMT.

218 FERTÉ (Patrick), op. cit., p.208.

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Nous ne cherchons pas ici à formuler des affirmations mais simplement à poser quelques remarques sur l’influence du coût des études sur la vie des étudiants et la réussite de leur cursus. Le coût des études induit les frais universitaires mais aussi le logement. Certains témoignages attestent du coût élevé de la vie pour les étudiants et leur famille. Ne pouvant pas toujours bénéficier d’une bourse, nombreux sont ceux qui essaient de gagner de l’argent. Philippe Pinel donnait ainsi des cours durant sa scolarité à Toulouse mais aussi lors de son passage à Montpellier.

Le logement représente également un problème. Les étudiants sont généralement logés durant leurs études. Les conditions d’hébergement varient selon les revenus de la famille. A Toulouse, les étudiants sont logés chez des artisans ou, lorsqu’ils sont issus d’une famille plus aisée, chez des membres de la bourgeoisie d’office220. François Pellet, docteur de Montpellier

en 1724, mentionne dans l’un de ses envois à la Société royale de médecine, qu’il fut logé avec le docteur Martin, médecin à Avignon, chez le professeur d’Haguenot pendant ses études221. Jean Prat222, médecin rouergat exilé en Louisiane, témoigne des préoccupations.

Alors que son neveu fait ses humanités à Toulouse, Jean Prat voudrait que ce dernier puisse bénéficier du meilleur enseignement en matière de médecine. Il souhaite donc l’envoyer à Montpellier, mais a conscience de la difficulté que son neveu aurait à se loger. Dans une lettre de 1741223, il demande ainsi à Bernard de Jussieu de bien vouloir accorder sa protection.

J’ai receu une lettre d’un de mes neveux ecrite de toulouse en date du 1er avril

1740, il me marque qu’il y etudie en philosophie qu’il s applique beaucoup, et qu’il auroit grande envie de se faire medecin, s’il avoit les secours necessaires comme je suis disposé a l’ayder, je luy destine 600 lt pour cette année […] c’est un garçon d’environ 17 ou 18 ans qui m a paru promettre beaucoup. Si votre amy Mr Fires prenoit des pensionaires, je serois bien aise qu’il le prit chez luy.

Nous nous limiterons ici au stade du questionnement, l’étude portant sur l’ensemble des étudiants diplômés de trois universités méridionales, et non sur l’ensemble des étudiants inscrits. Cependant nous avons pu remarquer quelques cas de figure qui pourraient s’apparenter à des cas d’abandon. Certains étudiants ont seulement pris leur inscription au

220 Voir LEWEZYK (Anaïs), Les étudiants hors les murs…, op. cit.. Les conditions d’hébergement des étudiants

y sont abordées.

221 ANM – SRM 178 d°25 p°8 – Pellet.

222 Jean Prat est un médecin originaire de Laguiole dans le diocèse de Rodez. Il est docteur de l’université de

Montpellier. Les aspects biographiques le concernant seront abordés au chapitre 9.

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sein de la faculté mais n’ont pas poursuivi. Ils ont très certainement suivi des cours. Cette proportion faible d’étudiants n’est autre que la proportion protestante de notre étude. La faculté de médecine de Montpellier acceptait les étudiants protestants. Ainsi l’on note que Marc-Antoine Malzac s’est inscrit à Montpellier en 1745, y a suivi des cours mais n’y a pas pris ses diplômes. Pourtant l’on sait que par la suite, il exerçait à Castres avec plus ou moins de difficultés. Ceci dit son cursus complet reste méconnu. Nous retrouvons le même cas de figure avec Paul Bosc d’Antic224, qui s’inscrivit lui aussi à Montpellier sans y prendre de

degrés. Patrick Ferté note que Bosc d’Antic, de confession protestante, a poursuivi ses études de théologie à Lausanne puis en médecine à l’université de Hardewijck en Hollande où il obtient son doctorat. Certaines pratiques soulèvent la question de l’exercice illégal de la médecine notamment pour les médecins de confession protestante. Rappelons le cas de Malzac (supra, chapitre 1).

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Les cursus des étudiants en médecine s’avèrent multiples. Ils mettent en lumières des stratégies estudiantines visant une graduation à moindre coût et dans le meilleur des cas rapide. En somme, le fait que l’Édit de Marly soit mal appliqué tout au long du XVIIIe siècle.

Quel que soit le cursus, les étudiants méridionaux poursuivent un seul et même but : l’obtention du bonnet de docteur. Les examens pour parvenir au doctorat devraient être le reflet de l’enseignement et peut-être celui de la pensée médicale. Ce passage crucial dans le parcours du devenir médecin nous offre une opportunité documentaire : face au problème récurrent de l’histoire des idées suivant les évolutions par le haut, nous pouvons ici en partie mesurer l’impact des dynamiques scientifiques sur les étudiants par le biais des sujets d’examen, reflets de l’enseignement, de ses choix et de ses priorités.

224 Paul Bosc d’Antic est né à Pierre-Ségade dans le diocèse de Lavaur. Après la pousuite d’un cursus à

l’étranger, il occupe d’importantes fonctions dès son retour en France au cours des années 1780. Il devient médécin du roi par quartier et s’intéresse à d’autres domaines que l’art de guérir. Son fils, Louis, proche de la famille Roland, embrasse une carrière de naturaliste. Il est l’un des fondateurs de la Société d’Histoire naturelle de Paris où il côtoie Pinel. A ce sujet, voir CHAPPEY (Jean-Luc), Des naturalistes en Révolution. Les procès-

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Chapitre 4 :

Les sujets d'examens - preuve de l'évolution