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Les espaces littoraux et leurs représentations

Section 4 : Domanialité Article 43

II. 2.2.1 « La terre vue du ciel »

II.3. Entre terres et eaux 1. Le littoral et l’île

II.3.2. Le littoral et la Province Nord

II.3.2.1. L’Extrême Nord et ses îles

Les territoires (carte n° 9) s’organisent autour de trois communes (voire quatre avec Bélep), celle de Poum pour la plus reculée au nord avec ses nombreuses îles, celle de Koumac se terminant sur les littoraux plus à l’ouest, et celle de Ouégoa, plus enclavée, s’achevant au nord nord-est sur le littoral, avec l’embouchure du fleuve Diahot. La commune de Pouébo s’étirant le long de la Côte Est jusque dans ce grand nord, présente de nombreux aspects liés à cette côte. Nous éviterons ainsi de la classer dans cet Extrême Nord, exception faite des territoires de Pam (lieu-dit) et de Tiari (tribu et propriété), qui s’en rapprochent le plus.

Carte n° 9 : Les territoires de l’extrême Nord de la Grande Terre (vue satellite) Source : DITTT Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, conception Bodmer, D., réalisation Maviet, D., 2011

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Carte n° 10 : Des baies de Poum (Ouest) à l’estuaire du Diahot à Ouégoa (Est) Source : DITTT Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, mise en page Bodmer, D., 2011

L’Extrême Nord abrite de nombreuses îles et îlots, dont les plus importants sont habités, à Baaba, Taanlô, Yenghebane, Yandé et Balabio. Leur population, presque totalement Kanak, augmente en période de vacances scolaires, lorsque les jeunes scolarisés sur la Grande-Terre reviennent chez eux. Les îles de Néba et de Mouac, entre autres, ont une occupation occasionnelle, souvent en rapport avec les campagnes de pêches (holothuries, crabes…) et le tourisme. Pour certaines autres, les espaces sont occupés de temps à autre par les familles auxquelles elles appartiennent, au titre du lien à la terre. La majorité des îles hautes au Nord de Poum présentent des côtes à falaise dans leurs parties au vent, touchées également par les courants dominants, tandis que dans les espaces plus protégés, nous avons de courtes plages de sable blanc, de coraux morts, blanchis. Les espèces littorales sont courantes, comme les filaos (Casuarina equisetifolia), les pandanus (Pandanaceae), les bois de rose (Aniba rosaeodora) et les acacias de bord de mer (Acacias spirorbis). Les banians (banigyana) et les niaoulis (Meulaleucas quinquenervia) se rencontrent sur la plupart d’entre eux, notamment autour des étangs de Mouac et de Néba, tandis que de nombreux cocotiers jalonnent les arrières-plages.

Le cas particulier de l’archipel des Bélep entre moins dans cette division à divers points de vue, qui tiennent pour la plupart à l’ensemble des îles le constituant, et à la distance le séparant de la Grande-Terre (60 km). Cette originalité fait de cette commune un territoire à part qu’il convient d’observer dans cet ensemble unique, sans toutefois négliger les rapports étroits qu’elle entretient avec la commune de Poum (à proximité immédiate) et ses liens à la Grande-Terre. D’ailleurs, la Chaîne Centrale s’abaisse en se prolongeant vers le nord dans la mer, sous forme résiduelle d’îlets vallonnés. Les îles de Bélep se retrouvent dans cette catégorie. Les sols des principales îles présentent, comme les sommets exploités de la Grande-Terre, des surfaces latéritiques ayant une coloration rouge orangé. La végétation de type maquis minier et de niaoulis (Melaleuca Quinquenervia) couvre la plupart des versants, jusque sur la frange littorale. La montagne semble se jeter dans la mer particulièrement à l’Est, ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour définir les limites de sa bande littorale. Cette forêt sèche et les maquis miniers, résiduels dans certains lieux, laissent à l’érosion continue son long travail de sapement des couches superficielles. La végétation du littoral est par endroit bien conservée.

Ce nord calédonien, qui fut longtemps, du fait de l’importance de son exploitation minière, une des régions les plus actives, subissait les soubresauts de l’histoire et de l’économie de marché (récession économique…). Les richesses de son sous-sol ne sont plus à démontrer entre les mines d’or (Fern-Hill), de cuivre (La Balade-Murat, Pilou…), de plomb et de zinc (Mérétrice…), de chrome (Tiébaghi, Chagrin…), de cobalt (Yandé, Poum, Tiébaghi…) et de nickel ou garniérite (Poum…). Aujourd’hui, il ne reste pour la plupart que des friches. Seules les mines de Poum (réouverture progressive en 2007), de Tiébaghi et de l’Etoile du Nord sur Koumac, fonctionnent. Les traces de cette histoire minière sont encore visibles sur les faciès

130 montagneux, présentant des versants éventrés, avec de nombreuses griffes d’érosion, qui ne manquent pas en temps de pluie de donner une coloration bistre à cette eau fortement chargée en sédiments qui se déverse dans la mer.

Planche D. Photos n° 34 à 37: Quelques façades littorales des Bélep et leur végétation

Clichés, Bodmer, D., n° 34 et 36 le 06/11/2009 ; n°35 et 37 le 30/09/2009

Sur la photo n° 34 deux Kanak marchent sous la végétation littorale, sur la côte ouest de l’île de Pott. La mer se trouve à moins de 10m.

Sur la photo n° 36 à Art, la plage s’érode lentement au gré des marées et les éléments les plus fins du sable sont entraînés alors qu’il ne reste que les éléments les plus grossiers et les coraux morts. Sur l’arrière-plage la végétation est constituée de cocotiers, de filaos, de bois de rose et autres arbres des littoraux.

Sur les photos n° 35 et 37 les versants de Art dévoilent des sols latéritiques à nu et se terminent par de courtes plages, émaillés de rochers, dans la mer. La végétation de maquis miniers colonise les sols latéritiques sur les deux photos, alors que nous distinguons bien sur la photo n° 37 trois taches de couleur correspondant aux maquis en haut, puis la savane herbeuse en dessous et enfin, en vert plus foncé à gauche et le long de l’arrière-plage, les espèces littorales.

Mais il est également certain que plus nous nous rapprochons de la pointe nord de la Grande-Terre à Boat-Pass, dans la commune de Poum, et plus les paysages de savanes à niaouli (Melaleuca Quinquenervia), de steppes herbeuses, voire de sols nus, dominent. Les formes de ces paysages arides sont remarquables. Cela s’explique en partie par les précipitations peu nombreuses dans ce grand nord et par les sols blanchâtres aux tons plutôt mauves, allant vers le rose au crépuscule, qui contrastent avec ces nombreuses plages de sable blanc (plages de Kéjaon, Nennon, village de Poum) et une mer d’un bleu turquoise, limpide, à forte concentration en sel. Ces plages font partie des plus longues plages de sable blanc de cette Province.

En revenant au sud, les baies et les estuaires s’élargissent et s’envasent, laissant place à des paysages tropicaux où le visiteur découvre des forêts de mangroves, dont les hauteurs de palétuviers ne sont certes pas aussi impressionnantes que celles d’autres régions à travers le monde, mais qui à l’échelle de l’île, présentent quelques particularités appréciées pour sa diversité faunistique. Les baies les plus connues sont celles de Néhoué et d’Harcourt. La première, celle de Néhoué, se situe à l’embouchure de la principale rivière, en revenant vers le sud, celle de Néhoué, et la seconde se trouve directement (après les Bouches de Diahot estuaire de plus de 1,2 km environ et la baie Pilu) dans le prolongement du fleuve de Nouvelle-Calédonie, le Diahot, dont la source est à environ 80 km au sud dans la Chaîne Centrale. Les Occidentaux y voient surtout une longue rivière serpentant les fonds de vallées plutôt intermittentes, voire sèches, en progressant vers le nord… Les couleurs d’eau de mer s’assombrissent au gré des crues des affluents, et du bleu limpide, nous passons à un bleu-vert avec moins de transparence. Aussi, en baie d’Harcourt et dans cette partie plus au nord-est, les eaux fortement chargées en sédiments lors des crues, ne sont que très rarement marquées par l’érosion des friches d’anciennes activités minières situées en amont. À l’inverse, la baie de Néhoué est davantage touchée par cette érosion, même si en comparaison avec d’autres baies plus au sud, cet apport terrigène depuis les versants exposés, peut paraître négligeable.

Les forêts de palétuviers élisent domicile dans ces grandes baies (Tanlé, Néhoué à Poum, Harcourt à Ouégoa), comme dans la plupart des baies et des anses à accumulation de sédiments souvent vaseux. Avec elles, les grandes nurseries s’installent et une quantité massive et diversifiée d’animaux se côtoient. La grande chaîne alimentaire commence ainsi, entre les racines, pieds dans l’eau de ces rhizophora et autres avicennia, bruguiera et lumnitzera pour la plupart. Au large, les premières vagues viennent mourir sur les récifs barrières et celles qui continuent leur route sur les quelques récifs frangeants. Autrement, sans cette protection, comme dans les passes notamment, la violence des courants et des houles de fonds arrive sur les côtes, pour laminer les sédiments fins des plages et ainsi parfaire ce long travail d’érosion, laissant apparaître quelques fois sur de courtes distances, des beach-rocks. Nous retrouvons ainsi des côtes sableuses, d’autres gravillonaires, voire rocheuses, particulièrement vers les pointes (Pointes de Nahârian, de Poingam, de Babouillat, de Paagoumène, de Arama, de Tiari et de Pam).

La planche photographique suivante tente de présenter certains aspects de ces territoires de l’extrême Nord.

132 Planche E. Les paysages de l’Extrême Nord

La plupart des écrits tendent à délimiter ce lagon nord depuis Koumac jusqu’au « Grand Passage » au nord après les Bélep et l’île Balabio à l’est. Cet espace lagonaire peut atteindre des profondeurs de l’ordre de 60 m plus au nord, mais en général les profondeurs sont de l’ordre d’une quarantaine de mètres. Les fonds meubles sont importants, notamment par l’abondance des apports terrigènes du Diahot, ce qui ne permet pas le développement de récifs intermédiaires ou intra-lagonaires, qui sont ainsi peu visibles dans cette zone. Le récif barrière a la particularité d’être pratiquement continu sur plus de 200 km (Grand récif de Cook à l’Est et Grand Récif des Français et Grand Récif des Nénéma à l’Ouest), compte tenu du petit nombre de passes (Passe de Yandé, de Poum) et il s’élargit à l’est en aboutissant sur un vaste espace récifal au nord de l’île Balabio, très peu accessible (www.ifrecor.nc).