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Des réglementations à l’échelle planétaire

Les espaces littoraux et leurs représentations

I.2. Caractérisation du littoral

I.2.2. Le littoral « d’institution »

I.2.2.1. Des réglementations à l’échelle planétaire

Il n’y a pas à proprement parler de réglementation commune à toute la planète en ce qui concerne la préservation des littoraux et de fait aucune définition, ni délimitation juridique uniforme du littoral à l’échelle planétaire. Toutefois, en analysant succinctement les grands programmes tournés vers cette gestion, nous essaierons de voir si finalement en tenant compte d’une échelle plus étendue (du global au local), nous arrivons à donner des limites cohérentes à cet espace géographique.

Commençons par l’UNESCO22 qui encourage l’identification, la protection et la préservation du patrimoine culturel et naturel à travers la planète, en tenant compte de la valeur exceptionnelle pour l’humanité du « bien » considéré. Cette valorisation est envisagée au travers de différents programmes tels que « l’homme et la Biosphère (MAB) » en 1970, « Coastal region and Small Island » (CSI), la « Commission Océan Indien » (COI, 1995-2000), le « Programme Marin » en 2005 et le « Patrimoine mondial - Pacifique 2009 » pour ne citer, peut être, que les plus ambitieux, pouvant concerner les territoires littoraux de Nouvelle-Calédonie.

Prenons deux exemples. Celui sur les côtes et les petites îles. « CSI (…) a pour ambition de développer la mise en valeur des régions côtières et des petites îles. » L’UNESCO utilise un critère biochimique dans sa définition lorsqu’il dit : «l'endroit où la terre rejoint la mer et où l'eau douce et l'eau salée se mélangent [et qui] remplit la fonction de tampon et de filtre entre la terre et la mer » (Dumas, P., 2004, pp. 62, 63). Ainsi, il est bien question de « zone côtière », mais rien que le fait de dire « l’endroit » où se rencontrent mer et eau douce, sanctionne le caractère flou de cette zone, ainsi que sa limite. Pour la COI, l’UNESCO donne une autre définition de la zone côtière et utilise un critère plutôt socio-économique, propre à chaque usage,

22 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization. Nous aborderons davantage ce programme et l’inscription de sites au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, lorsque nous aborderons la gestion des littoraux et l’inscription du Récif Calédonien.

68 disant qu’il s’agit d’«une zone marquant la limite entre les biotopes continentaux et marins (…) : la portion « terrestre » de la zone côtière est celle en relation fonctionnelle avec la côte et dans laquelle s’exercent diverses activités (les conditions locales permettent seules de délimiter cet espace, de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres de profondeur) » (Pennanguer, S., 2005, p. 40). Apprécions toutefois que ces programmes préconisent la limitation des espaces considérés, afin de mieux les gérer.

Ainsi sur un total de plus de 800 sites classés, 31 sites du patrimoine mondial comprennent des zones maritimes et quelques 30 sites bordent des zones côtières. Pour permettre de développer l'application de la Convention du patrimoine mondial pour les sites marins, le Comité du patrimoine mondial a officiellement approuvé en juillet 2005 le programme marin du patrimoine mondial. Même dans ce programme, il n’existe guère de réelle définition de ce concept de littoral, tout dépend des objectifs visés ! Nous pouvons donc avoir autant de délimitations que de problématiques envisagées, ce qui n’est pas sans poser de problèmes sur la réussite des programmes de préservation de ces sites classés dans les États concernés. Qu’en sera-t-il pour le récif calédonien ? La gestion de ces zones « mal définies » en rapport avec leur inscription au Patrimoine de l’UNESCO engendrera-t-elle des conflits supplémentaires ?

Ainsi pour l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) tout dépend de l'objectif visé. « Du point de vue de la gestion et de la science, cette zone sera plus ou moins étendue selon la nature du problème. Elle devra s'étendre aussi loin vers le large et l'intérieur des terres que l'exige la réalisation des objectifs de gestion » (OCDE, 1993, In. Dumas, P., 2004, pp. 62,63). Ainsi, le bornage de cette zone côtière n’est pas fixe et concerne deux dimensions « l’une parallèle au rivage (l’axe littoral) et l’autre perpendiculaire au rivage (l’axe terre/mer) » (OCDE, 1993, In. Pennanguer, S., 2005, p. 36) et « c’est l’articulation autour de ces deux axes qui constitue le fondement de la notion de zone côtière.»Il ajoute : « peut-on le restreindre à une ligne où à un ensemble de lignes ? » (Pennanguer, S., 2005, p. 36) Les limites dépendent ainsi fortement des problématiques posées pour gérer les territoires littoraux concernés. La zone ainsi délimitée présente de vagues frontières et nous apprécierons d’autant mieux les mots de Bavoux lorsqu’il parle de «ruban à géométrie très variable » (Bavoux, 1997, In. Dumas, P., 2004, p. 62).

À l’inverse, le PNUE définit le littoral comme « un écotone compris entre la lisière extérieure des plateaux continentaux (jusqu’à une profondeur de 200 mètres) et les limites continentales des plaines côtières (jusqu’à une altitude de 200 mètres environ au-dessus du niveau de la mer)» (PNUE, 1991). Mais du coup nous pourrions dire que Paris est une « ville côtière » ! Cette définition est donc inadaptée pour les territoires de certains États, comme le souligne M. Houdard en 2003 (In. Pennanguer, S., 2005, p. 39).

La Convention de Montego Bay (signée en 1982) des Nations Unies, texte constituant les fondements applicables en droit de la mer, ne nomme pas le littoral expressément, mais insiste sur « la mer territoriale» (Pennanguer, S., 2005, pp. 37, 38). Et au-delà de ces eaux territoriales nous trouvons la zone économique exclusive (ZEE). La figure suivante la représente.

Figure n° 6: Représentation schématique des limites de référence en zone côtière.

Source : Pennanguer, S. et al., In. Pennanguer, S., 2005, p.38

Cette convention est bien représentée à l’échelle de la planète depuis 1982, mais ne concernera la Nouvelle-Calédonie qu’après 1996, comme l’indique le juriste D. Orfila : « La maîtrise du milieu marin est devenue un enjeu considérable. La Nouvelle-Calédonie est évidemment intéressée par cette transformation du droit, même si la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n'y est pas encore applicable » (Orfila, D., 1996, p. 9). Pour S. Pennanguer, ces définitions tant des grandes organisations mondiales que des politiques publiques des Etats et de l’Union Européenne (UE) sont dites « prospectives » (Pennanguer, S., 2005, p. 36). En effet, elles ont surtout « valeur de réflexion » et demandent même parfois à être traduites sur le terrain.

70 Retenons surtout que ces définitions juridiques applicables aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, donnent des fondements indispensables dans notre quête d’une délimitation du littoral. Elles ont une valeur juridique et permettent théoriquement une meilleure gestion de la zone côtière, notamment pour ce qui est de la gestion des conflits d’usages ou pour ce qui est d’engager une responsabilité et/ou des compétences. Nous verrons des exemples concrets en Province nord à Poya, Hienghène et Touho (cf. chap. 5 et 8).