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Des conceptions entre environnement et territoire !

Les espaces littoraux et leurs représentations

Section 4 : Domanialité Article 43

II. 2.2.1 « La terre vue du ciel »

III.3 Comment préserver un littoral changeant ?

III.3.1 Territoires et processus de territorialisation : entre pratiques et usages

III.3.1.2 Des conceptions entre environnement et territoire !

Certaines conceptions recherchent un ‘état de nature’ (tabl. n° 2). En effet, la meilleure chose à faire afin de préserver l’environnement, c’est de ne pas toucher à la nature… Combien cette vision est utopique ! Il s’agissait de la vocation des associations écologiques au départ. Aujourd’hui et particulièrement depuis la Conférence de Rio, elles réalisent combien le fait de vouloir revenir à cet état de nature est à la fois idéaliste et irréel, compte tenu de l’augmentation de la population et des besoins qui l’accompagnent.

En Province Nord, cette conception est sensible pour une part négligeable de la population. Celle-ci est particulièrement notable dans les tranches d’âges les plus élevées (60 ans et plus) et les quelques habitants des territoires littoraux, implantés dans des secteurs reculés (Poum, Pouébo, Hienghène, Canala) et vivant de produits vivriers de l’agriculture, de la pêche et de la chasse. Mais la plupart des personnes n’envisagent pas l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, notamment sur le plan économique, sans toucher à l’environnement, mais ils insistent aussi sur le fait de le faire avec parcimonie et avec précaution (cela ressort de la plupart des discussions avec les habitants). Comment y parvenir ? Et jusqu’à quel point transformer l’environnement, sans dépasser un certain seuil d’acceptabilité pour les populations ?

Une autre conception consiste à dire que nous devons laisser la nature faire une fois que nous l’avons modifiée, afin que les écosystèmes puissent se reconstruire d’eux-mêmes. Mais l’environnement continue de se dégrader tout de même, car les écosystèmes se régulent.

En Province Nord, cette idée ne trouve pratiquement pas d’écho dans la population locale, car les anciennes exploitations minières à ciel ouvert, ces mines que l’on dit « orphelines », continuent d’avoir des effets néfastes sur les versants, dans les rivières et jusque sur les littoraux. Cette conception n’est aucunement retenue par les populations, qui préfèrent l’intervention des sociétés minières et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, afin de participer à la réhabilitation de ces sites. De plus, cette possibilité est écartée dans la mesure où la volonté des populations est aujourd’hui de dégager des ressources financières par le développement d’activités économiques.

Ainsi, modifier l’environnement par des nouveaux comportements se remarque au travers des processus territoriaux. En effet, cette perte de territoire dans l’examen du développement durable, entraînera le départ des groupes de pression. Avec le diagnostic et l’état des lieux, que Mancébo fait intervenir lors de la seconde étape de la mise en place d’un agenda 21 local, nous trouvons immanquablement des changements sociaux et culturels tels que les phénomènes d’acculturation, les évolutions des mentalités, les évolutions de la coutume… et également plus d’individualité dans le rapport à l’économie.

Nous concevons alors fort aisément que la gestion ou même la préservation de l’environnement littoral n’est pas uniquement fondée sur la diversité des milieux (lagon, récifs coralliens, lagunes, mangroves…) et sur des pratiques uniformes d’exploitation des ressources. Elle révèle une organisation particulière de l’espace où s’exercent des activités différentes, répondant à des logiques d’exploitation des ressources parfois antagonistes de chacun des groupes et des acteurs en présence, qui découlent de processus territoriaux difficiles à appréhender. Ce milieu d’interface évolue donc sous des dynamiques souvent complexes, accentuées par des réseaux d’interactions, qu’il convient de prendre en compte dans tout projet de développement et à plus forte raison de développement durable. L’homme n’est-il pas, en effet, au cœur du développement durable, selon le premier principe, et donc de la préservation de ces littoraux ?

Comment donc mettre en œuvre une préservation des territoires littoraux qui puisse convenir à tout le monde, sachant que leurs organisations divergent ? De quoi va-t-on tenir compte en priorité ? De l’homme, de ses usages et pratiques dans son environnement ou bien avant tout de la fragilité de l’environnement littoral que les pratiques de l’homme contribuent à dégrader, ou à maintenir dans un certain équilibre (plus rare) ? En effet, la préservation sera différente à partir du moment où la protection s’attachera, soit à l’homme dans son environnement, soit à l’environnement surtout, en tenant compte uniquement de cette pression anthropique ! Il sera sans doute plus intéressant de dégager des priorités dans cette préservation, en orientant une réflexion pour chaque territoire.

180 Par exemple, la gestion des territoires coutumiers de Lindéralique à Hienghène (îlots la Poule Couveuse et le Sphinx…) avec des modelés karstiques et une pression anthropique quasi nulle, mais avec une attraction touristique certaine (hors des modelés) sera préservée d’une certaine façon. Tandis que la préservation des plages de Franco à Pouembout, de Foué à Koné et de Gatope à Voh, davantage touchées par certains phénomènes d’érosion et subissant une pression anthropique modérée à forte86 (qui ne cessera de croître, compte tenu de la proximité de l’usine du Nord) sera à envisager autrement. Mais comment donc tenir compte de territoires pertinents pour l’action, sachant que par exemple l’institution provinciale ne s’occupe essentiellement que du DPM, à l’inverse des groupes sur ces différents littoraux (accumulation sableuse, baie envasée avec ou sans mangrove, falaise, estuaire, anse…) ?

Le concept récent de gestion intégrée des zones côtières, ou GIZC, tient peut être davantage compte de ces processus territoriaux et insiste sur des termes comme concertation, compromis entre les multiples acteurs. Cette conception, plus que les précédentes, prend en compte les changements sociaux et culturels. L’homme étant placé au cœur du développement, mais aussi et surtout de l’environnement, pour un meilleur développement soucieux de préserver les ressources pour les générations futures. Il s’agit donc de faire prendre conscience, à l’homme, l’environnement dans lequel il évolue. Comment donc préserver au mieux chaque territoire, dans cette logique de gestion intégrée ?

86 Des études ont été menées dans ce sens par Poignonec Denis pour le compte de la société Koniambo Nickel SAS. Sa thèse soutenue en 2006 s’intitule : « Apport de la combinaison cartographie cognitive/ontologie dans la

compréhension de la perception du fonctionnement d’un écosystème récifo-lagonaire de Nouvelle-Calédonie par les acteurs locaux. » Les documents sont visibles à KNS, il s’agit du volume II, en Annexe, p. 54 à 60.

Diverses conceptions en rapport à l’environnement

Résultat de ces conceptions pour les

territoires

Conclusion de ces rapports, entre conceptions et territoires, pour les populations

Changements environnementaux

Perte de territoires : Déterritorialisation. Début des groupes de pression.

Changements sociaux et culturels : Acculturation, évolution des mentalités, évolution de la coutume…

Plus d’individualité dans le rapport à l’économie.

Revenir à l’environnement

initial87

État de nature : conception utopique

Vocation des associations écologiques au départ. Changement depuis, avec la Conférence de Rio (1992).

Laisser la nature faire Dégradation tout de même car les écosystèmes se régulent.

Possible, mais volonté des populations pour le développement économique avec notamment, l’évolution mondiale et l’économie de marché. Gestion intégrée : Reconstituer un environnement adapté Réinvestissement territorial : Reterritorialisation. On insiste sur des termes comme concertation, compromis entre les multiples acteurs.

Prise en compte des changements sociaux et culturels. L’homme étant placé au cœur du développement, de l’environnement, pour un meilleur développement soucieux de préserver les ressources pour les générations futures. Prendre conscience de l’environnement dans lequel il vit.

Tableau n° 2 : Entre conceptions et territoires : la place de l’homme

Réalisation Bodmer, D., 2010