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Les espaces littoraux et leurs représentations

I. 2.2.3.1 Le cadre juridique calédonien

L’Accord de Nouméa et la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 et avant cela en 1988, les Accords de Matignon-Oudinot lui confèrent un statut particulier au sein de la République et un découpage de son territoire en trois Provinces. En réalité, cette loi organique a renforcé le pouvoir et disons l’autonomie des Provinces. Cette spécificité locale, engage entre l’État français, la Nouvelle-Calédonie et les Provinces, des transferts de compétence (Annexe 4). Compte tenu de cette spécificité, il paraît indispensable de poser le cadre juridique calédonien, pour conclure sur les textes relatifs au littoral. Nous comprendrons mieux certaines particularités, qui tiennent aux territoires littoraux ainsi qu’à leur gestion. Depuis 1999 donc, la Nouvelle-Calédonie a ainsi la possibilité d’adopter certains textes juridiques par le congrès (Annexe 4). « Chapitre II : Les lois du Pays Art.99 Les délibérations par lesquelles le congrès adopte des dispositions portant sur les matières définies à l’alinéa suivant sont dénommées : "lois du pays"» (Loi Organique n°99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie, 19 mars 1999).

Au-delà de cette réglementation qui est applicable à l’ensemble du Territoire, les provinces ont quant à elles la possibilité d’opter pour des délibérations qui les concernent. En effet, des délibérations25 peuvent être votées afin de répondre au mieux à la politique exprimée par les élus provinciaux et aux spécificités du territoire provincial. Ces délibérations diffèrent d’une province à l’autre quelquefois, d’où la complexité dans l’application des textes juridiques. C’est le cas notamment concernant la réglementation des pêches. « Non seulement (…) la réglementation est différente de celle de la Métropole. Elle l’est également au niveau provincial. Si chaque province possède bien sa propre délibération, il n’y a donc pas de vide juridique, leur contenu est distinct, ce qui ne facilite ni l’accès, ni la compréhension, d’une matière déjà intrinsèquement compliquée » (Mansion, S., 2007, p. 51).

En plus de ces lois du pays et des délibérations provinciales, les communes peuvent prendre des arrêtés municipaux. Ceux-ci réglementent le territoire communal selon leurs préoccupations à l’exemple des zones de baignades et l’interdiction de nettoyage de poissons à proximité (ex. Koumac). D’où la complexité d’une gestion territoriale pour les 17 communes qui ont toutes une partie littorale. Elles peuvent à juste titre se voir attribuer la dénomination de commune littorale. Toutefois la particularité en Nouvelle-Calédonie et spécialement sur la Grande Terre, est que ces communes ont également des territoires bien ancrés, partie terrestre, dans la Chaîne Centrale. Même la commune de Bélep qui est singulière en soi, puisqu’elle est un archipel se trouvant à

25 « Il convient de dissocier les Délibérations qui sont des textes provinciaux, des Arrêtés qui sont des textes

communaux et des Loi de pays qui sont édictées par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie » (entretien

l’extrémité nord de la Province, est traversée par une série de reliefs culminant à 283 m. Nous pouvons donc parler d’interface avec une partie maritime et une autre « montagnarde ».

Ces textes ne donnent toutefois pas une définition précise du littoral et différencient « l’espace littoral et maritime » et « ses activités » selon les compétences de l’État et des Provinces. Un juriste dit :

« L’une des principales caractéristiques de cette spécificité locale est une répartition de type fédéral entre les matières conservées par l'État et celles transférées au Territoire ou aux Provinces. Si l'État s'est réservé des matières pour lesquelles l'unité d'action et l'unité de législation apparaissent indispensables26, le Territoire et les Provinces disposent de compétences qui sont loin d'être négligeables, notamment en matière économique27. Cette répartition des compétences concerne d'une part l'espace littoral et maritime (I), d'autre part les diverses activités marines (II)» (Orfila, D., 1996, p. 8).

À côté de ces textes, il existe d’anciens textes de loi (1887, 1894, 1930, 7 juillet 1933 [Annexe 5], 1946…) qui ont encore une portée sur les territoires littoraux en Province Nord. Cette survivance d’anciens textes complique encore davantage l’espace ainsi délimité, donnant des territoires à l’intérieur du territoire littoral provincial. Examinons ces textes et dégageons ce qui constitue pour la Province Nord « l’espace littoral ». Evoquons toutefois, comme nous l’avions dit précédemment, que ce « littoral d’institution » est surtout un littoral d’interface, entre des textes de loi pour les aspects maritimes et des textes qui touchent davantage à la partie terrestre, mais jamais de concert.

I.2.2.3.2 Les textes de loi : loi organique, loi du pays, décret, arrêté !

Voici comment les textes décrivent « la consistance » de l’espace littoral et maritime28 :

«La mer côtière comprend une zone littorale et un espace maritime. Font partie de la zone littorale : le rivage de la mer, la zone des pas géométriques, survivance des "anciens règlements des îles"; les ports, rades, wharfs et installations sur le rivage, les estuaires des fleuves et rivières, le territoire des communes littorales. Cette zone littorale se prolonge par un espace maritime constitué par les eaux intérieures, les eaux territoriales, le sol et le sous-sol de

26 « Par exemple les relations extérieures, les relations financières avec l'étranger, le commerce extérieur, la

francisation des navires, les communications extérieures en matière de navigation, de desserte maritime et aérienne, les règles de sécurité en matière de circulation aérienne, l'exploration, l'exploitation, la gestion et la conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique, la monnaie, la défense etc. » (In. Orfila, D., 1998, p. 8)

27 « La fiscalité, la réglementation de la circulation et des transports routiers, les communications par voie

maritime ou aérienne d’intérêt territorial, les équipements portuaires d’intérêt territorial, la réglementation en matière d’assurances etc. V loi référendaire du 9 novembre 1988, art.9, JORF 10 nov. 1988, p. 14087 » (In.

Orfila, D., 1998, p. 8)

76 la mer territoriale. Cet espace maritime est lui-même prolongé par la zone économique exclusive (Orfila, D., 1996, pp. 9, 10).

Cela rejoint la figure n° 6 et les limites de référence en zone côtière de S. Pennanguer, lorsqu’il montre les limites des eaux intérieures avec leurs estuaires, des eaux territoriales, prolongées par la ZEE auxquelles nous ajoutons la ligne de rivage, puis les 81,20 m côté terrestre (les 50 pas du roi ou pas géométriques) et enfin le territoire des communes proches de la mer. La consistance de cet espace littoral détaille même des aspects liés à l’exploitation de ces territoires avec les ports, les rades, les wharfs et les installations (digues, aménagements tels que polder, bassins aquacoles…). Il s’agit ainsi de tout ce qui marque l’inscription spatiale de l’activité humaine sur le littoral et qui en modifie également l’aspect. Notons encore la distinction faite entre « zone littorale » qui recouvre surtout la partie terrestre et « espace maritime » pour la mer, son sol et sous-sol.

Par la loi organique du 19 mars 1999 (cf. Article 4529, fig. n° 7), l’État transfère la compétence du domaine public maritime (DPM) aux Provinces. Ce DPM réunit «la zone dite des cinquante pas géométriques, les rivages de la mer, les terrains gagnés sur la mer, le sol et le sous-sol des eaux intérieures, dont ceux des rades et lagons, telles que définies par les conventions internationales, ainsi que le sol et le sous-sol des eaux territoriales. » Cet article prend en compte le lagon dans les eaux intérieures et avec les 12 miles, les eaux territoriales. Nous rejoignons ainsi, le même cadre juridique et les limites de la Convention de Montego Bay (fig. n° 6). Quant à la partie terrestre du DPM, elle s’étend sur 81,20 m. Cela délimite, de façon juridique, le domaine de compétence (ou d’intervention) des provinces sur le littoral depuis la limite des eaux territoriales et jusqu’à environ 81, 20 m dans sa partie terrestre.

Toutefois pour certains, ce DPM ne peut pas être défini comme étant le littoral, car selon R. Hostiou (1990), « il n'y a pas de correspondance entre le domaine public maritime et le littoral, le domaine public maritime n’est pas tout le littoral, même s'il en constitue la fraction la plus avancée, la plus fragile et la plus convoitée » (In. Dumas, P., 2004, p. 58). En effet, au regard du littoral physique, la zone littorale s’étend beaucoup plus loin dans les terres que ces cinquante pas géométriques, tandis qu’elle s’étire moins loin dans les eaux territoriales en se limitant aux « lignes » des récifs barrières.

29 Les articles 44 et 46 sont intéressant du point de vue des aspects coutumiers et de la gestion comme nous le verrons plus loin.

Section 4 : Domanialité