• Aucun résultat trouvé

L’expression d’un « obstacle inopérant »

2. Vers une sémantique de la construction avec aunque

2.3.2. L’expression d’un « obstacle inopérant »

Dans les grammaires traditionnelles de l’espagnol, les propositions concessives ont été généralement définies à travers la notion d’« obstacle », et notamment à travers la notion d’« obstacle inopérant ». Selon E. Alvárez Prendes par exemple :

En lo que atañe a la lengua española, las oraciones concesivas han sido tradicionalmente concebidas como aquellas oraciones que expresan una objeción o dificultad para el cumplimiento de lo que se dice en la oración principal, sin que esto impida su realización (RAE 1973: 557; Gili Gaya 1964: 322; también Alarcos 1994: 373). Las gramáticas tradicionales se limitaron, por lo general, a reflejar esta somera caracterización semántica del fenómeno para pasar a continuación a enumerar los distintos nexos susceptibles de introducir ese tipo de oraciones. Sólo aquellas oraciones subordinadas que presentasen explícitamente alguno de los nexos enumerados resultarían concesivas y manifestarían, por consiguiente, una objeción o dificultad a lo expresado en la oración principal141.

Dans son Curso superior de sintaxis española, S. Gili Gaya a recours, en effet, aux notions de « difficulté » et d’« objection » pour décrire le sémantisme des propositions concessives :

Las oraciones subordinadas concesivas expresan una objeción o dificultad para el cumplimiento de lo que se dice en la oración principal; pero este obstáculo no impide su realización. Si decimos, por ejemplo, aunque haga mal tiempo, saldré, enunciamos el cumplimiento de la acción del verbo principal negando eficacia a la dificultad que la subordinada representa142.

Dans l’Esbozo de una nueva gramática de la lengua española, les académiciens reprennent littéralement l’explication de S. Gili Gaya et soutiennent à nouveau que la proposition concessive exprime une objection ou une difficulté qui n’empêche néanmoins pas la réalisation de ce qui est « dit » dans la proposition principale :

En el período concesivo, la subordinada expresa una objeción o dificultad para el cumplimiento de lo que se dice en la oración principal, pero este obstáculo no impide su realización. Si decimos, p. ej., Aunque llueva, saldré, enunciamos el cumplimiento de la acción principal, saldré, negando eficacia al obstáculo que representa la subordinada (aunque llueva)143.

141 Op. cit., p. 89-90. 142 Op. cit., p. 322. 143 Op. cit., p. 557.

45

Cette explication se révèle pourtant limitée, car, ainsi que le fait remarquer A. López García144 dans sa Gramática del español, une proposition concessive n’exprime pas toujours une objection :

El primer problema surge a propósito del término objeción. En A la familia Rodríguez le van bien los negocios: aunque Juan es bastante rico, su hermano todavía lo es más no parece poder afirmarse que la riqueza de Juan representa una objeción respecto a la de su hermano, ni mucho menos un obstáculo para la misma. Un caso parecido, si cabe más notable, es el de aunque ya tenía un fuerte resfriado, ahora he pescado la gripe: evidentemente el resfriado no sólo no obstaculiza la gripe, sino que lo normal es contraerla como consecuencia del resfriado anterior145.

En effet, le fait que Juan ait un frère plus riche que lui ne constitue pas un obstacle pour qu’il soit assez riche. De même, le fait d’être enrhumé n’empêche nullement d’avoir la grippe, bien au contraire. On trouve aussi dans notre corpus des exemples qui illustrent les limitations de cette explication :

(B 20)146 Atardecía, aunque con las cortinas echadas no era muy fácil darse cuenta desde el dormitorio de los padres de Mónica. (p. 87)

Le fait que les rideaux empêchent d’apercevoir le coucher du soleil ne constitue nullement un obstacle pour que le jour tombe. Le terme « objection » s’avère donc restreint pour rendre compte du sémantisme d’une proposition concessive, car il ne peut s’appliquer qu’à l’une de ses multiples capacités référentielles.

Dans sa Gramática de la lengua española, E. Alarcos Llorach emploie aussi les termes « objeción » et « dificultad » pour définir la proposition concessive : « las oraciones degradadas con sentido concesivo expresan una objeción o dificultad para lo dicho en la otra oración, sin que ello impida su cumplimiento »147. Certes, dans le premier exemple fourni par l’auteur, « Aunque era puro y bien intencionado su celo, en vez de corregir irritaba »148, la proposition concessive fait

144 A. López García, Gramática del español. Vol. 1, La oración compuesta, Madrid, Arco/Libros, 1994.

145 Ibid., p. 166.

146 (B 20) = Beatriz y los cuerpos celestes, exemple numéro 20. L. Etxevarría, Beatriz y los cuerpos celestes, Barcelona, Destino, 1998.

147 Op. cit., p. 373.

46

référence à un obstacle ou une difficulté, dans la mesure où l’enthousiasme pur et bien intentionné ne constitue pas a priori une condition favorable pour irriter les autres. Or toute concessive ne permet pas cette interprétation. L’exemple que l’auteur utilise pour illustrer le rôle syntaxique de ce type de propositions permet de le montrer : la construction concessive « Es preciso alimentarse, aunque sea haciendo un esfuerzo », ne donne pas lieu à interpréter que le fait de se forcer à absorber de la nourriture n’empêche nullement qu’il soit nécessaire de se nourrir.

Selon E. Alarcos Llorach, dans les propositions en aunque le sens concessif se manifeste explicitement (c’est le cas aussi des concessives avec si bien, aun cuando, siquiera, ya que, y eso que, bien que, mal que, a pesar de que, aun supuesto que, aun + gerundio) par opposition à certaines constructions où le sens concessif ne se manifeste pas explicitement mais résulte de l’opposition sémantique des énoncés mis en relation :

Sinónimas son ciertas construcciones degradadas por que contiguas a un adjetivo o a un adverbio precedidos por la preposición por:

Por + sustantivo + que Por + adverbio (más) + que Por + adjetivo + que Por + adverbio (mucho) + que

No es la construcción en sí la que sugiere el sentido concesivo en estos casos, sino esa suerte de contraposición semántica que se observa entre los dos términos de tales enunciados149.

Il y a néanmoins tout lieu de penser que, de même que la proposition en aunque n’exprime pas forcément une objection, il est des constructions concessives n’ayant pas recours à ce relateur qui ne l’expriment pas non plus.

Parmi les grammaires de l’espagnol destinées à un public francophone on trouve aussi des ouvrages qui ont recours à cette notion d’« obstacle » pour rendre compte de la proposition concessive. Dans la Grammaire de l’espagnol courant, D. Ligatto et B. Salazar affirment150 :

149 Op. cit., p. 375-376.

150 D’après cette grammaire, la relation concessive est une relation qui peut s’exprimer syntaxiquement moyennant la coordination ou la subordination. La coordination concessive est celle qui est introduite par pero, la subordination concessive par aunque. On ne tiendra compte que de l’explication concernant ces dernières.

47

Elles introduisent un contenu qui est présenté comme ayant pu faire obstacle à l’accomplissement de ce qui est énoncé dans la proposition principale.

Dans l’exemple Aunque llueve, saldré (Bien qu’il pleuve, je sortirai), la pluie est présentée comme un obstacle écarté151.

Il s’agit en l’occurrence d’un obstacle potentiel, autrement dit, qui existe en puissance. Mais, comme on s’y attend, cet obstacle virtuel est écarté. En dépit de son caractère virtuel, le terme « obstacle » s’avère toujours insuffisant, car toutes les concessives n’introduisent pas forcément un contenu qui a pu constituer un obstacle. L’expression d’un tel contenu n’est que l’une des raisons qui peuvent conduire un locuteur à énoncer une concessive. Lorsque les auteurs font la différence entre deux types de concessives, ils ont recours au terme « réserve » : « les concessives peuvent introduire également des réserves non sur le contenu de l’énoncé mais sur le fait même de le dire »152. Ce terme se révèle lui aussi restreint, car le fait de vouloir manifester une réserve n’est à nouveau que l’une des causes qui peuvent amener à énoncer une concessive. De surcroît, la distinction signalée par les auteurs entre le « contenu » et le « dire » paraît discutable, car, ainsi qu’il sera expliqué plus loin, il est difficile d’accepter qu’une relation concessive puisse se fonder sur des « contenus ».

C’est la même analyse que proposent P. Gerboin et C. Leroy. Dans leur Grammaire d’usage de l’espagnol contemporain, ils décrivent la proposition concessive en ces termes :

Cette proposition exprime une objection, une opposition on l’appelle parfois subordonnée d’opposition à la réalisation de ce qu’exprime la principale. Cette proposition peut porter sur un fait réel ou considéré comme tel Je sors tous les jours bien qu’il fasse froid (le locuteur considère qu’effectivement il fait froid au moment où il parle) ou sur un fait hypothétique ou considéré comme tel Je sors tous les jours même s’il fait froid (le locuteur n’affirme pas, au moment où il parle, qu’il fait froid, ce n’est qu’une possibilité)153.

Cette description est, premièrement, insuffisante, car, ainsi qu’il a été déjà signalé, une proposition en aunque n’exprime pas forcément une « objection ». De surcroît, lorsqu’elle exprime une objection, celle-ci est inopérante, condition sine qua non que les auteurs oublient de

151 Op. cit., p. 276. 152 Op. cit., p. 276. 153 Ibid., p. 484.

48

faire remarquer. Deuxièmement, la distinction, purement référentielle, entre les concessives qui portent sur un « fait réel » et celles qui portent sur un « fait hypothétique », ne permet pas, comme il sera montré dans le chapitre consacré à la sélection modale, de justifier le mode employé dans une proposition en aunque.

En somme, une explication qui se veut précise ne peut pas se contenter du simple signalement que la proposition en aunque exprime un obstacle qui n’a pas d’effet, puisque beaucoup de constructions échappent à cette lecture.