• Aucun résultat trouvé

Le dit et le non-dit dans cette construction : propositions explicatives

2. Vers une sémantique de la construction avec aunque

2.4. Une propriété définitoire de la construction avec aunque : la présupposition

2.4.2. Le dit et le non-dit dans cette construction : propositions explicatives

L’expression d’une « exception contredisant une attente »

Dans le domaine hispanique, J. L. Rivarola202 fut le premier à constater que ce qui est propre à une construction avec aunque, c’est son caractère présuppositionnel. Dans un article consacré à « Las construcciones concesivas y restrictivas en español (hipotaxis y parataxis) » l’auteur définit la construction concessive en ces termes :

Una construcción concesiva, sea paratáctica o hipotáctica, es una construcción de carácter presuposicional: ella establece una relación conjuntiva entre los contenidos proposicionales de dos frases, pero esta relación conjuntiva constituye la negación de una relación subyacente –su presuposición– cuya naturaleza es necesario determinar203.

En effet, une construction concessive est une construction qui présuppose une relation sous-jacente. La relation conjonctive dont parle l’auteur constitue la négation de cette relation sous-jacente : en d’autres termes, ce qui est présupposé est contredit par la construction concessive.

La présupposition à laquelle a recours J. L. Rivarola est comprise comme une inférence liée aux conditions de vérité des propositions. Fernando García Murga204 la décrit comme suit : « lo característico de las presuposiciones es que se deducen tanto de una oración como de la correspondiente negación de esa oración »205. La constatation de cette caractéristique inhérente à toute relation présuppositionnelle conduit l’auteur à définir la présupposition en ces termes : « La definición clásica de la relación de presuposición es la siguiente: Presuposición. A>>B si (A B) & ( A B). La oración A presupone B solo si A entraña B y la negación de A

202 J. L. Rivarola, « Las construcciones concesivas y restrictivas en español (hipotaxis y parataxis) », in Giuseppe BELLINI (éd.).

Actas del séptimo Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas celebrado en Venecia del 25 al 30 de agosto de 1980, Roma, Bulzoni,

1982, p. 865-874.

203 Ibid., p. 866.

204 F. García Murga, El significado, Una introducción a la semántica, Munich, Lincom Europa, 2002

67

entraña B »206. En ce qui concerne la construction avec aunque, ce concept de « présupposition » se révèle limité, car l’inférence dont il est ici question n’est pas liée aux conditions de vérité des propositions. Comme le signale J. L. Rivarola, le fait qu’une construction comme « Aunque Erasmo es esmirriado es buen levantador de pesas »207 présuppose « Erasmo es esmirriado y por tanto no es buen levantador de pesas » constitue un contresens, car la construction avec aunque « dit » justement le contraire. Cette contradiction l’oblige donc à reformuler son explication. L’auteur va ainsi soutenir que la condition préalable pour que la relation sous-jacente à une concessive soit présupposée serait l’intégration d’un élément capable d’éviter la contradiction dont il est ici question. L’auteur l’explique dans la citation suivante :

Ahora bien, la condición para que p pueda ser presuposición de q es, como se sabe, que sea también presuposición de ~q, de tal modo que cuando vale q vale p y cuando vale ~q también vale p. De acuerdo con esto, como en nuestro caso ~q = p, tendríamos una contradicción, a saber, que cuando vale q vale ~q. Así, pues, es necesario introducir en (4)208, para que pueda ser presuposición de (1)209 o de (2)210, algún elemento que evite dicha contradicción211.

La contradiction qui résulte de la définition sémantique de la notion de « présupposition » se résout par le caractère prévisible de la relation sous-jacente. Selon J. L. Rivarola :

La construcción concesiva expresa así una excepción, un caso particular en que no se cumple la expectativa. Para despojar a la presuposición de la construcción concesiva de su carácter de implicación lógica introduciremos en (4)212, siguiendo a G. Lakoff213, el elemento Exp, que marca el carácter esperable de la relación214.

206 Ibid., p. 25.

207 Op. cit., 1980, p. 865.

208 (4) x es esmirriado x no es buen levantador de pesas.

209 (1) Aunque Erasmo es esmirriado es buen levantador de pesas.

210 (2) Erasmo es esmirriado pero es buen levantador de pesas.

211 Ibid., p. 865-866.

212 (4): la relation implicative sous-jacente à une construction concessive.

213 G. Lakoff, « The role of deduction in grammar », in Ch. J. Fillmore and D. T. Langendoen (éds.), Studies in Linguistic Semantics, New York/Chicago/etc., Holt, Reinehart and Winston, 1971, p. 62-70.

68

En somme, d’après J. L. Rivarola, la relation sous-jacente à une construction concessive exige ce caractère prévisible pour qu’elle puisse constituer le présupposé de ladite construction. Cette relation constitue ainsi selon l’auteur une attente qui se voit réfutée par la construction concessive qui la présuppose.

Or toute construction avec aunque ne présuppose pas une relation à caractère prévisible. Tel est le cas de :

(B 8) Sus arrugas delatan que ya no tiene edad para hacer de mujer fatal, aunque a punto

de cumplir sesenta años todavía mantenga un tipo espléndido. (p. 32)

Dans cette construction, la relation sous-jacente établie entre le fait de ne plus avoir l’âge pour agir en femme fatale et le fait d’avoir toujours un corps magnifique n’est pas la seule envisageable, d’autres suites semblent parfaitement possibles (« aunque todavía llame la atención cuando sale por la calle, aunque siga conservando todo su atractivo, aunque el maquillaje las disimule… »). Le fait que la relation dont il est ici question ne soit pas prévisible amène à soutenir que l’élément E↓P ne constitue pas un descripteur pertinent de la relation présupposé par une construction avec aunque. De ce fait, le terme « attente » se révèle restreint pour rendre compte du sémantisme de ce type de construction.

L’expression de « la L-vérité » vs « la ON-vérité »

Dans leur article « La concession ou la réfutation interdite. Approches argumentative et conversationnelle », J. Moeschler et N. de Spengler ont recours à l’explication d’Alain Berrendonner à propos du verbe « concéder » pour faire remarquer le caractère présuppositionnel de la relation concessive : « Selon Berrendonner (1981), le verbe concéder peut être défini en fonction de ce qu’il pose et de qu’il présuppose : dire je concède que p pose d’une part la L-vérité215 de p et présuppose d’autre part la ON-vérité216 de P »217. Cette « ON-vérité » s’opposant à la vérité du locuteur coïncide avec la relation sous-jacente dont parlait J. L. Rivarola.

215 La vérité du locuteur.

216 La vérité générale.

69

Il faut à nouveau objecter que cette relation ne constitue pas forcément une vérité communément acceptée, autrement dit, que la relation sous-jacente à une concessive ne fait pas nécessairement partie d’un savoir partagé.

L’opposition entre ces deux « vérités » amène J. Moeschler et N. de Spengler à soutenir que la concession est composée de deux mouvements :

[…] une unité argumentative complexe, composée nécessairement de deux mouvements : un premier mouvement lié à la reconnaissance de la vérité d’un contenu p et un deuxième mouvement, complexe, qui invalide la valeur d’argument suffisant de p pour une certaine conclusion218.

Dans le cas d’une construction avec aunque, le premier mouvement, celui de reconnaître la vérité d’un contenu déterminé, se manifeste de façon implicite, car il est formulé sous la forme d’un présupposé. Le deuxième, celui qui invalide la vérité présupposée, est explicité au moyen de la construction concessive elle-même.

Dans un souci de précision, J. Moeschler et N. de Spengler distinguent deux types de concession : la concession argumentative, exprimée au moyen de mais ; et la concession logique, dont l’exemple type est la structure bien que p, q. Selon ces auteurs, la concession logique s’oppose à la concession argumentative en ce que la concession logique instruit une relation d’inférence, à la différence de la concession argumentative qui, quant à elle, instruit une relation d’argumentation. Cette distinction est néanmoins difficile à cautionner, car une construction avec bien que est aussi une relation qui relève de l’argumentation, dans la mesure où elle présuppose, de même que la construction avec pero, une finalité du discours et une opposition discursive. D’autre part, les auteurs défendent que les termes mis en relation par ces deux types de concession ont un statut sémantique différent. Selon eux, bien que pose une relation non entre des énoncés à valeur argumentative, mais entre des contenus dénotant des faits, affirmation difficile à accepter, car, ainsi qu’il vient d’être dit, bien que instruit aussi une relation argumentative. Les auteurs illustrent la concession logique au moyen de l’exemple suivant : « Bien que la rivière fût en crue, le pont ne s’est pas effondré ». Selon eux,

70

Cet énoncé introduit une relation d’inférence et de contradiction dans la mesure où (i) p (la rivière est en crue) « implique » non –q (le pont s’est effondré) et

(ii) on a q (le pont ne s’est pas effondré) qui est en relation de contradiction avec non –q (« impliqué » par p)219.

Ces auteurs déterminent ainsi la nature de la relation sous-jacente dont parlait J. L. Rivarola. Il y a en effet tout lieu de penser qu’il s’agit d’une relation implicative entre deux éléments, dont l’un d’eux est exclu. Selon eux, l’élément impliquant est celui précédé par la locution conjonctive bien que (« la rivière est en crue ») et l’élément impliqué, l’élément sans relateur (« le pont ne s’est pas effondré »). Cette lecture est cependant problématique, car, ainsi qu’il sera démontré dans ce qui suit, elle ne permet pas de rendre compte de l’implication sous-jacente à toutes les constructions dites « concessives ».

L’expression d’une « contradiction reposant sur une relation implicative »

Dans l’article que J.-C. Chevalier, M. Launay et M. Molho consacrent au signifiant aun/aunque, les auteurs expliquent que l’un des effets d’une construction avec aunque est de déclarer l’existence d’une contradiction et, en même temps, de la lever. À la question « Sur quoi la contradiction repose-t-elle ? » ils s’accordent à répondre : « Sur un mécanisme d’implication »220. Les auteurs illustrent leur explication au moyen de l’exemple « Aunque llueve, salgo » :

[…] l’implication consiste en ceci que l’énoncé A /salgo/ que je pose est vu impliquer un /no llover/ en contradiction avec le /llover/ (énoncé B) que je pose également. Soit : A implique

B, alors que je pose B. En figure : A B

B. A221.

En effet, l’implication neutralisée par une construction dite « concessive » ne peut pas être B A, comme le prétendaient J. Moeschler et N. de Spengler. Les auteurs le démontrent au moyen de l’exemple « Vive en Andalucía, aunque ignoro en qué ciudad », dans lequel l’implication démentie ne saurait être que celle-ci : la déclaration A (« X vive en

219 Op. cit., p. 15. 220 Ibid., p. 3. 221 Ibid., p. 3.

71

Andalucía ») implique l’absence de la déclaration B (« ignoro en qué ciudad »). Cette constatation les conduit à soutenir que l’implication sous-jacente à une construction avec aunque s’établit entre deux actes énonciatifs, et non entre les phénomènes rapportés par ces actes :

Ce que laisse apparaître, au vrai, la phrase (8) [Vive en Andalucía, aunque ignoro en qué ciudad ] est que l’implication sous-jacente à toute phrase en AUNQUE est une relation entre deux énoncés, ou, mieux, entre deux actes énonciatifs, et non entre les phénomènes rapportés222.

Dans certains cas, la relation établie entre deux actes énonciatifs se fonde certes sur une relation entre les phénomènes référés, mais, comme l’expliquent les auteurs, cette manifestation phénoménologique n’est qu’une possibilité :

[…] cette relation entre les phénomènes n’est que l’une des raisons qui peuvent conduire le locuteur à mettre en rapport deux déclarations : dans ce cas particulier, c’est parce que dans le monde des phénomènes, /pleuvoir/ (llover) est vu impliquer un /non-sortir/ (salir) qu’on peut poser au niveau linguistique qu’une déclaration A (salgo) implique théoriquement l’absence d’une déclaration B (llueve). Par quoi l’on voit que les deux lectures théoriquement possibles de l’implication en cause correspondent à deux niveaux différents de l’analyse : celui des phénomènes et celui des dires qui y fait référence223.

Par conséquent, il sera défendu, à l’instar de ces auteurs, que dans une construction du type A aunque B, « Salgo aunque llueve » aunque dément une relation implicative entre une déclaration A et l’absence d’une déclaration B, la déclaration impliquante étant celle qui n’est pas introduite par aunque. Lire cette implication en sens inverse, c’est-à-dire considérer, comme le font beaucoup d’auteurs, que, dans une construction du type A aunque B, c’est B qui implique non A, c’est-à-dire que /la pluie/ implique /ne pas sortir/, répond, comme le font remarquer les auteurs, à une analyse des phénomènes et non de dires qui y font référence. Ne pas différencier les uns des autres constitue, comme l’affirme J.-C. Chevalier, une forme du « péché de réalité » :

Les études linguistiques ont été très souvent attentives à distinguer le signifié des vocables ou des phrases de ce qu’elles appelaient leur référent. Le soin qu’elles ont mis à opérer ce partage ne leur a pourtant pas épargné des confusions fort préjudiciables. Ainsi est-il fréquent qu’elles

222 Ibid., p. 4. 223 Ibid., p. 4.

72

substituent la représentation que l’on peut se forger du référent à la représentation qui effectivement constitue le signifié du vocable ou de l’expression qu’elles analysent : ce qui est ici appelé « péché de réalité »224.

Dans le but d’éviter les confusions dont parle l’auteur, il est essentiel de bien faire la différence entre « ce dont on parle » et « ce qu’on en dit » afin de ne pas introduire dans les mots ce que l’analyse de la réalité à laquelle ils se réfèrent a pu leur fournir.

L’expression d‘une « préférence individuelle » vs une « préférence socialement acceptée »

Dans sa Gramática del español, A. López García constate la difficulté d’analyser la relation concessive à travers le concept de « présupposition » tel qu’il a été défini préalablement, ce qui l’amène à proposer de comprendre la protase des relations de ce type comme une « préférence » pour la négation de leur apodose. Le concept de « préférence » a pour objectif, comme le signale S. Rodríguez Rosique, d’amplifier l’idée d’expectative logique proposée par J. L. Rivarola. A. López García parle ainsi d’une attente dans le comportement : « el Concediente plantearía unas expectativas de comportamiento que se ven contradichas por el Concedido (en “aunque llueve, saldré”) partimos de que lo habitual cuando llueve es no salir y sin embargo destacamos nuestro propósito de hacerlo »225. Le caractère normal ou prévisible introduit par J. L. Rivarola est intégré par A. López García en termes de « préférence sociale » : « Lo que se está ventilando aquí entre Concediente y Concedido no es ni un obstáculo, ni una expectativa, sino una “relación de preferencia”: “Concediente + Concedido” significa que el Concediente habría preferido la negación del Concedido »226. D’après cet auteur, le « schéma perceptif » des expressions concessives serait le suivant :

[Fondo: concediente] activador de preferencia [Figura: concedido] antipreferencia manifestada227.

224 Op. cit., p. 92. 225 Op. cit., 1994, p. 167. 226 Op. cit., 1994, p. 169. 227 Op. cit., 1994, p. 170.

73

Cette explication se révèle cependant insuffisante, car l’implication presupposée par une construction avec aunque ne constitue pas toujours une relation de préférence. Le schéma qui en rend compte semble aussi contestable, car, s’il est vrai que dans le monde phénoménologique la pluie implique « ne pas sortir », il y a tout lieu de penser que l’implication sous-jacente ici démentie est l’inverse : la déclaration /salir/ implique l’absence de la déclaration /llover/. Autrement dit, si l’on tient compte de « ce qu’on dit » et non de « ce dont on parle », c’est le « concedido » qui active la préférence. Le « schéma perceptif » au moyen duquel A. López García essaye d’expliquer le sémantisme d’une relation concessive constitue ainsi une forme du « péché de réalité ».

L’auteur poursuit son explication en approfondissant le concept de « préférence sociale ». Dans ce but, il a recours à la « loi de préférence », loi qui implique une tension hétérogène entre l’émetteur et le récepteur. Dans cette perspective, une relation concessive opposerait une préférence individuelle à une préférence socialement acceptée. D’après l’auteur, cette opposition constitue une caractéristique permettant de différencier les concessives des adversatives :

En una verdadera adversativa no hay propiamente preferencia socializada, sino preferencia individual puesta por el hablante; en una concesiva siempre es posible analizar lo dicho desde el conocimiento enciclopédico del mundo que todo hablante posee228.

Cette affirmation est pourtant contestable, car une construction avec aunque, traditionnellement conçue comme concessive, peut aussi opposer deux préférences individuelles. Comme le montre l’exemple suivant :

(CTB 11, 12, 13, 14)229 Supongo que por eso tengo […] la tendencia a querer comprenderlo todo, cuanto se dice y llega a mis oídos, tanto en el trabajo como fuera de él, aunque sea a distancia, aunque sea en uno de los innumerables idiomas que desconozco, aunque sea en murmullos indistinguibles o en susurros imperceptibles, aunque sea mejor que no lo comprenda y lo que diga no esté dicho para que yo lo oiga, o incluso esté dicho justamente para que yo no lo capte. (p. 38-39)

228 Op. cit., 1994, p. 183.

229 (CTB 11, 12, 13, 14) = Corazón tan blanco, exemple numéro 11, 12, 13, 14. J. Marías, Corazón tan blanco, Barcelona, Anagrama, 1992.

74

Il n’y a pas dans cet énoncé de préférence proprement sociale, car le fait de vouloir tout comprendre n’implique pas forcément, dans notre société, que l’auteur d’un message soit proche de nous, que sa langue nous soit connue, que l’articulation et la prononciation soient claires, que le message nous soit destiné. Autrement dit, les constructions avec aunque de cet énoncé contredisent des relations implicatives exprimant des préférences individuelles, celles du narrateur, en l’occurrence, un traducteur professionnel fasciné par le pouvoir du langage. À ce propos J.-C. Chevalier, M. Launay et M. Molho s’expriment avec clarté : « Il va de soi que les motifs qui peuvent conduire à poser une implication et à la déclarer neutralisée sont infiniment divers et susceptibles de varier selon les communautés et même les individus »230.

Selon A. López García, la « loi de préférence » implique que chaque membre d’une relation concessive est attribué à chacun des interlocuteurs, « aunque X, Y significa “yo enuncio X, y, a pesar de que la sociedad de la que tú eres un conspicuo representante habría esperado no Y, se da Y” »231. Cette lecture est néanmoins difficilement recevable : s’il est vrai qu’en l’absence de relateur concessif, la relation implicative sous-jacente doit constituer une préférence sociale pour que la construction puisse être interprétée comme concessive, une construction du type aunque X, Y présuppose une implication dont le caractère peut être soit social soit individuel. Par conséquent, le caractère de la préférence ne constitue pas un critère descriptif pertinent du sémantisme de ce type de construction.

L’expression de « la rupture d’une attente »

Dans son article consacré aux constructions concessives et adversatives, L. Flamenco García postule aussi l’existence d’une relation implicative sous-jacente à ces constructions. L’auteur a recours à cette information implicite lorsqu’il définit la notion de « contraste » : « la ruptura de una expectativa surgida del vínculo implicativo que de un modo subyacente se establece entre las dos situaciones denotadas »232. À quoi il faut objecter, d’une part, que le lien implicatif dont parle l’auteur n’exprime pas forcément une expectative. La

230 Op. cit., p. 4. 231 Op. cit., p. 176.

75

compréhension de ce lien requiert, comme l’auteur tient à le signaler, certaines connaissances extralinguistiques appartenant au savoir implicite partagé par l’émetteur et le récepteur, des connaissances qui, loin d’être prévisibles, varient selon les communautés et les individus. Il faut objecter, d’autre part, que ce lien ne s’établit pas entre les situations rapportées. Dans certains cas, la relation implicative sous-jacente se fonde certes sur une relation entre les phénomènes référés, mais cette relation entre les phénomènes n’est que l’une des raisons qui peuvent conduire le locuteur à mettre en rapport deux déclarations.

En ce qui concerne la lecture de ce lien implicatif, L. Flamenco García soutient :

Con todo, dicho mecanismo inferencial se produce de distinta manera en concesivas y adversativas. Así, en una construcción concesiva aunque impone el procesamiento del primer miembro como causa inoperante, introduciendo un contenido que podemos llamar presupuesto […]233.

Autrement dit, selon cet auteur, le membre introduit par aunque constitue le terme impliquant, une explication inadéquate, car elle est à nouveau basée sur une observation purement phénoménologique. Le fait que toute construction avec aunque n’exprime pas une cause inopérante rend inacceptable l’affirmation selon laquelle la proposition introduite par ce relateur constitue l’origine notionnelle de l’implication.

L’expression d’une « structure à trois termes fondée sur une relation stéréotypique »

Dans l’article intitulé « Les connecteurs concessifs sous une optique argumentative », paru dans le recueil déjà cité Dynamiques concessives, F. Mª. Bango de la Campa considère que la relation implicative sous-jacente dont il est ici question est une « relation stéréotypique » entre deux contenus sémantiques (p, q), qui ne coïncident pas nécessairement avec ceux des segments empiriques reliés par le connecteur. Il s’agirait donc d’une structure à trois