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CHAPITRE 1 A PPROCHE COMMUNICATIONNELLE ET MUSEOLOGIQUE DES

1. Analyser la mise en exposition de QSTS

1.1. L’ APPROCHE SOCIOSEMIOTIQUE DE L ’ EXPOSITION EN SCIENCES DE L ’ INFORMATION ET DE LA

1.1.1. L’exposition résulte de la mise en exposition

Le processus de mise en exposition est essentiel pour notre recherche dans la mesure où nous le considérons comme l’acte par lequel les auteurs et concepteurs traduisent leur intention communicationnelle par la mise en forme d’un dispositif construit. En d’autres termes, nous considérons la mise en exposition comme un geste opérateur d’une médiation révélant les intentionnalités des concepteurs et aboutissant de fait à une forme de construction sociale d’un objet scientifique et/ou technique.

L’exposition comme dispositif sociosémiotique

Plusieurs caractéristiques de l’exposition conduisent à développer une approche de type sociosémiotique permettant de l’appréhender dans sa globalité.

Tout d’abord, nous considérons l’exposition comme un média (Davallon, 1999), c’est-à-dire un dispositif technique producteur de sens et inscrit dans un espace social. Ceci implique de s’intéresser à son opérativité sémiotique ainsi qu’à son inscription sociale. Or il s’agit d’un système plurisémiotique qui associe un registre des objets, un registre de la mise en espace et un registre de l’écrit (Poli, 2002). Ce système caractérise une situation de communication qui constituera l’objet de l’analyse.

Cette situation de communication résulte autant de l’intentionnalité des concepteurs exprimée par la mise en œuvre d’une stratégie communicationnelle, que de l’inscription sociale de l’exposition et de l’interprétation qui sera développée par les visiteurs en situation de confrontation au dispositif. L’approche sociosémiotique permet ainsi d’extraire la pensée de l’exposition du modèle linéaire de transmission des connaissances – développé avec les premières recherches sur la vulgarisation des sciences et des techniques - pour l’insérer dans un modèle de communication sociale où le dispositif de communication est co-construit par différents acteurs et paramètres externes.

L’exposition : outil de communication sociale ou de transmission de connaissances ?

Le fait de considérer l’exposition comme dispositif de communication sociale rend inadéquat la mobilisation du modèle de la transmission des savoirs. Ce modèle, inspiré de la didactique des sciences, a longtemps été utilisé pour penser et analyser l’opérativité de l’exposition comme outil de vulgarisation. Les recherches de ces deux dernières décennies en muséologie tendent à considérer ce modèle comme dépassé (Davallon, 1998 ; Le Marec, 1996, 1998) : il est approprié pour un modèle de communication institutionnelle, dans lequel le musée de sciences est pensé comme le détenteur de l’accès à un savoir à travers la présentation de ses collections, et non dans une logique d’espace public (Davallon, 1998).

Ce sont les évolutions connues par la muséologie des sciences et techniques en particulier qui ont conduit à repenser le modèle de la communication dans l’exposition. Deux évolutions concomitantes – le fait que le savoir soit devenu l’enjeu d’intérêts croisés et le fait de considérer le visiteur comme acteur social – ont conduit à basculer de l’institution à l’exposition comme élément central du dispositif de communication : d’un modèle de communication restreint, centré sur la transmission des savoirs, à un dispositif de communication élargi, organisé selon une logique de médiation des savoirs et donc d’interprétation (Davallon, 1998). En tant que dispositif de médiation inscrit dans un espace social, l’exposition ne s’inscrit en effet ni dans une logique de vulgarisation ni d’éducation : elle n’est pas un instrument – malgré ce que peuvent en penser les concepteurs d’exposition - et sa dimension sociale et symbolique est essentielle (Davallon, 1998).

L’exposition s’est vue alors assigner un double objectif : présenter effectivement les savoirs d’une part et les contextualiser de l’autre. La logique de médiation des savoirs dépasse ainsi le simple dispositif visant à faire comprendre un contenu scientifique. L’enjeu de l’exposition est alors autant de présenter des savoirs (communication institutionnelle) que de donner un message sur leur dimension sociale (communication culturelle) (Davallon, 1998). Ce qui est intéressant dans le cas des questions sensibles, c’est l’indissociabilité de ces deux objectifs de la médiation des savoirs : ceux-ci, de nature instable, n’existent que par leur contextualisation sociale, c’est-à-dire uniquement parce que certains acteurs s’en saisissent. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons la construction des indicateurs d’analyse à partir des enjeux spécifiques à la mise en exposition de QSTS.

Malgré cette inadéquation pour penser l’exposition, nous considérons que le modèle de la transmission reste présent dans les pratiques des concepteurs d’exposition. En ce sens, nous pensons que l’analyse en termes fonctionnels reste opérante pour penser la mise en exposition, celle-ci résultant d’une intention, liée effectivement à des savoirs scientifiques aussi bien qu’à leur contextualisation sociale. Par conséquent, nous le mobiliserons non pas comme une manière théorique de penser l’exposition mais comme un indicateur d’une forme de modalité communicationnelle dans l’exposition. Il s’agit ici d’une distinction importante entre des modèles conceptuels mobilisés pour penser l’exposition – communication culturelle vs communication pédagogique - et des indicateurs d’intention communicationnelle des acteurs – intention pédagogique vs intention culturelle.

Cette importance accordée à l’acte de mise en exposition dans la production de sens ne doit pas laisser penser que les intentions communicationnelles déterminent la réception du dispositif par les visiteurs. Dans le cadre d’une communication sociale, le sens est co-construit par la production et la réception. Comme nous le verrons dans la dernière partie de notre travail consacrée aux évaluations menées dans le cadre de la conception d’un dispositif d’exposition en particulier, l’anticipation de la réception est donc au cœur du processus de production du dispositif d’exposition.

Nous dissocions ainsi délibérément le concept d’exposition comme dispositif de communication sociale – dont le sens provient de la conjonction des intentionnalités du concepteur et de l’interprétation du visiteur – et le concept d’exposition comme dispositif sociosémiotique. Ce dernier est pour nous un concept opératoire pour appréhender la mise en exposition en tant que mise en œuvre de stratégies communicationnelles. Nous le mobiliserons dans cette partie consacrée à l’analyse du sens « voulu » par les concepteurs et non du sens « interprété » par les

visiteurs en situation effective de confrontation au dispositif que nous aborderons dans un second temps.

Nous plaçons donc dans un premier temps la mise en exposition au centre de notre analyse : la mise en exposition comme mise en œuvre de stratégies communicationnelles et comme opérateur de médiation. C’est l’analyse de ces modalités communicationnelles à travers l’analyse experte du dispositif de médiation qui nous permettra de caractériser la mise en exposition des questions scientifiques et techniques sensibles.