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CHAPITRE 1 A PPROCHE COMMUNICATIONNELLE ET MUSEOLOGIQUE DES

1. Un effacement de la sensibilité des savoirs au profit de l’affirmation

1.3. L’ AFFIRMATION D ’ UN PROJET DE DIFFUSION CULTURELLE DE LA CST

La conciliation entre les différents objectifs initiaux d’Epicurium, réalisée à la lumière de l’étude prévisionnelle de fréquentation, a conduit à affirmer définitivement l’ambition d’un projet de diffusion culturelle de la culture scientifique, technique et industrielle. Le parcours permanent visait ainsi à proposer une approche pluridisciplinaire des fruits et légumes, avec comme thématiques centrales l’alimentation, l’environnement, l’agriculture, l’industrie et enfin le patrimoine. Le programme muséographique associait pour cela une forme de mise en exposition traditionnelle – dispositifs scriptovisuels et audiovisuels notamment – à des formes de médiation

plus proches de celles des centres d’interprétation, valorisant une approche sensible et centrée sur le visiteur de l’expérience de visite.

Nous souhaitons ici montrer comment, au stade de la conception d’un projet de diffusion culturelle de la CST, s’est articulée la réflexion autour des thématiques à interpréter et des outils à mettre en œuvre pour aider à leur interprétation.

1.3.1. Un parcours thématique élargi

Le scénario de visite a connu de nombreuses évolutions jusque dans les derniers mois de l’aboutissement du projet en 2010. Le premier scenario, datant de janvier 2007, et auquel nous n’avons pas participé, proposait une approche très pluridisciplinaire des fruits et légumes : botanique, histoire et géographie, nutrition et santé, agriculture, transformation, cuisine. Précisons que l’exposition était à ce moment-là envisagée comme semi-permanente, c’est-à-dire avec une organisation thématique fixe mais des exemples destinés à évoluer.

Le programme muséographique

Au cours de l’élaboration du programme muséographique, nous avons conduit un important travail de réflexion sur la façon de traiter l’exposition et les jardins comme un tout. L’objectif était que le parcours thématique puisse inclure l’espace muséographique intérieur, le potager et le verger. Des contraintes pratiques ont fait que cet objectif n’a été que partiellement atteint. C’est effet assez tardivement que nous avons obtenu la possibilité de disposer de 9 000 m² de jardins, alors que le projet initial ne comprenait qu’une parcelle de 500 m² environ. Le projet scénographique a donc été moins approfondi sur les jardins, ce qui s’en est ressenti dans le résultat final. La réflexion sur la répartition des thèmes entre intérieur et extérieur portait sur les modes de médiation les plus pertinents en fonction de chaque thème : pour quel thème pouvait-on se cpouvait-ontenter de racpouvait-onter ou d’expliquer ? pour quels thèmes fallait-il au cpouvait-ontraire mpouvait-ontrer ou illustrer par le vivant ?

Le découpage thématique qui a finalement retenu est le suivant :

- La saisonnalité des fruits et légumes (espace d’exposition : immersion sensorielle); - L’origine géographique des fruits et légumes (espace d’exposition : sas de transition) - L’approche botanique des fruits et légumes(espace d’exposition : grande salle); - Les fruits et légumes dans l’alimentation (espace d’exposition : grande salle) ; - Les fruits et légumes transformés (espace d’exposition : grande salle);

- La création et la diversité variétales (dans le potager) ;

Le parcours et la répartition des thèmes montrent clairement que l’évolution successive des projets a finalement conduit à placer la problématique alimentaire au cœur d’Epicurium, puisque deux des trois thèmes abordés dans la grande salle y sont liés.

La valorisation de l’expérience sensorielle de visite

Pour un objet comme les fruits et légumes, il a paru important de favoriser une approche polysensorielle de l’exposition. Cela s’est traduit par une scénographie de l’espace muséographique intérieur axée sur les couleurs, les odeurs, les sons et les invitations à l’adresse du visiteur de faire fonctionner ses sens. Dans les jardins, le projet a consisté à mettre en place une signalétique de pictogrammes mobiles rappelant également les cinq sens afin d’inciter le visiteur à porter attention à un élément particulier, qu’il s’agisse d’un plant particulièrement odorant ou d’un fruit à l’écorce rugueuse par exemple22.

De manière plus large, c’est également pour cette raison, et pour valoriser la dimension « vivante » de l’objet que sont les fruits et légumes, qu’une attention particulière a été accordée au sentier découverte situé en extérieur et traversant un potager, un verger et une serre. Cette dimension, très peu présente à l’origine, a été renforcée suite à l’étude prévisionnelle de fréquentation et aux opportunités offertes par les propriétaires du terrain de disposer d’une surface plus étendue que ce qui était initialement prévu.

Nous pouvons parler, pour les jardins de mise en exposition sensible du savoir. Dans le potager par exemple, le visiteur va découvrir des parcelles consacrées à la diversité variétale. Il va ensuite observer dans le verger différents milieux caractéristiques du territoire, différentes techniques de conduite des arbres fruitiers et enfin une serre qui permet d’illustrer les techniques de culture en sol et hors-sol.

Le programme muséographique ne s’est donc pas cantonné à des strictes connaissances scientifiques et techniques mais a été élargi à une dimension géographique, historique et plus largement culturelle des fruits et légumes. L’objectif n’est pas de traiter les savoirs scientifiques et techniques pour ce qu’ils sont mais plutôt en tant que reflet d’un patrimoine vivant et de questionnements relatifs aux interactions entre sciences, techniques et société. C’est en ce sens que nous nous pouvons parler d’un projet de diffusion culturelle de la culture scientifique et technique.

22 Faute de temps imparti in fine à la scénographie des jardins, ce projet de signalétique mobile n’a finalement

1.3.2. Un projet de « mise en culture »

Bien que la valorisation du patrimoine ne fasse pas partie des objectifs initiaux du projet, c’est l’étude préalable de fréquentation et la réflexion menée lors de la conception du programme muséographique qui s’en est suivie, qui a mis en évidence la réalité de tout un patrimoine vivant que l’exposition allait mettre en lumière : un patrimoine naturel, notamment au travers de la diversité variétale, résultat d'un processus de diversification des variétés et donc du vivant, naturel mais aussi initié par l'homme ; un patrimoine culturel, avec une place particulière des fruits et légumes dans les traditions culinaires méditerranéennes ; enfin un patrimoine agricole et industriel, propre au Comtat-Venaissin, territoire marqué par l’arboriculture, le maraîchage et la transformation de fruits et légumes (Grison, 2009).

Afin de rendre ce patrimoine signifiant pour le visiteur, nous avons dû trouver des clés de lecture, qui concilient les volontés communicationnelles de l’institution et les représentations des futurs visiteurs. En tant que pôle de compétitivité de la filière, la volonté du PEIFL était de produire une interprétation contemporaine de notre environnement naturel et agroalimentaire, dans laquelle l’ensemble des acteurs de la filière pouvaient se reconnaître. Or pour être signifiant, il fallait également que ce projet d’interprétation s’appuie sur les représentations des visiteurs. Nous avons pour cela réalisé une étude de préfiguration, portant sur plusieurs thèmes clés de l’exposition.

Sans rentrer dans le détail de cette étude de préfiguration – qui par ailleurs constitue déjà une marque de l’affirmation d’un projet culturel sérieux - prenons un seul exemple, celui de l’agriculture. Concernant cette thématique, l’objectif du projet était de faire connaitre d’un point de vue contemporain le métier et les techniques du maraîcher et de l’arboriculteur. Or l’étude a mis en évidence le fait que dans l’imaginaire collectif, l’agriculture reste associée aux valeurs de la terre ainsi qu’aux savoir-faire et modes de vie qui sont ceux des années précédant la révolution agricole des années 50 (Le Marec, 1992 ; Mayaud, 2005). Ce décalage par rapport à la réalité, lié notamment aux angoisses de la modernité alimentaires, conduit à survaloriser le terroir au détriment des techniques modernes (chimie, génétique, culture sous serre…). Dès lors, comment faire comprendre ce qu’est l’agriculture aujourd’hui sans la faire rejeter en bloc par comparaison avec l’agriculture authentique et nourricière de nos imaginaires ? C’est un rapport de Joëlle Le Marec (1992) qui nous a finalement conduit à mettre en avant la dépendance au milieu naturel comme clé d’entrée pour aborder les techniques et métiers agricoles. Cela permet en effet de faire comprendre l’évolution des pratiques agricoles au cours de l’histoire grâce aux interactions entre l’homme et son milieu, mais aussi d’aborder la dimension socio-économique de la thématique et de faire le lien avec l’industrie agroalimentaire qui découle elle aussi de l’effort des sociétés humaines pour s’affranchir des risques naturels.

L’attention ainsi portée aux représentations traduit la volonté des concepteurs de « mise en culture » (Lévy-Leblond, 2004) des savoirs et des techniques, consistant notamment à mettre en avant la dimension culturelle susceptible de susciter intérêt et questionnement de la part du visiteur. L’articulation entre savoirs scientifiques et savoirs de sens commun, appelés aussi savoirs sociaux, permet ici d’envisager une culture interprétative commune plutôt que de penser la circulation des représentations entre deux univers sociaux différents (Le Marec, 2001).

Cet exemple illustre tout l’enjeu du processus de conception d’un projet culturel de diffusion de la culture scientifique et technique qui tend à concilier les volontés communicationnelles du concepteur et les thématiques susceptibles d’interpeller le visiteur et de l’amener à un questionnement. Le projet, tel qu’il a été conçu, correspond en tout cas à une réelle volonté de mise en œuvre d’un projet culturel de la part d’une institution engagé économiquement par ailleurs. Au-delà de cette ambition, le projet a-t-il pu réellement se traduire dans les faits ? Que pouvons-nous dire de sa réalisation ?

2. L

A REALISATION

:

LES LIMITES D

UN PROJET DE DIFFUSION CULTURELLE DE

CST

PAR UN POLE DE COMPETITIVITE

Contrairement aux autres expositions analysées, nous ne pouvons proposer une analyse experte aussi approfondie dans la mesure où nous avons-nous-même activement participé à la conception du projet muséographique, en en particulier aux relations avec le comité scientifique, à la rédaction des textes, aux choix iconographiques et à la production des dispositifs audiovisuels et multimédias. Cependant, nous pensons être en état de délivrer un compte-rendu suffisamment distancié sur la réalisation du projet, notamment sur la base de notes que nous avons prises tout au long de la phase de conception et de mise en œuvre. Dans tous les cas, il ne s’agit pas de proposer une analyse des stratégies des acteurs mais d’en observer les manifestations communicationnelles dans les dispositifs muséographiques.

2.1. Les ambivalences de la réalisation : d’une approche

culturelle des fruits et légumes à la valorisation de la filière ?

Tout projet d’interprétation, au sens commun comme au sens muséographique du terme, est l’aboutissement d’une démarche singulière de médiation émanant de la subjectivité d’une institution. Dans le cas d’Epicurium, qui émane d’un pôle de compétitivité dont la vocation

première est d’être au service des acteurs de la filière pour accélérer son développement économique par l’innovation, le traitement muséographique de sujets qui dépassent la dimensions patrimoniale pour s’inscrire dans le domaine des relations entre sciences, techniques et société, pose question. Comment concilier la garantie de fiabilité attachée à l’institution muséale et la nécessité de respecter les acteurs économiques, scientifiques et politiques du pôle de compétitivité ?

Nous pensons que c’est précisément le recours à la démarche spécifique des centres d’interprétation, telle qu’elle a été exposée dans la partie précédente, qui peut apporter une certaine garantie, en offrant des outils pour comprendre et s’interroger plutôt que des connaissances pour expliquer ou argumenter. Par l’attention portée au visiteur, à ses attentes et à ses représentations, la médiation proposée doit favoriser la capacité interprétative du visiteur, permettant ainsi la formation d’une pluralité de points de vue dans l’activité de réception. Nous avons ainsi par ailleurs défendu l’idée que « la démarche des centres d’interprétation, par la place qu’elle accorde au visiteur et les dispositifs spécifiques de médiation qu’elle met en œuvre, amène à dépasser l’expression d’un seul point de vue dans l’exposition et se prête de ce fait au traitement muséographique de thématiques socialement vives » (Grison, 2009 : p. 144)

Malgré cela, c’est-à-dire malgré cette affirmation sincère d’un projet d’interprétation des fruits et légumes, nous devons reconnaitre quelques limites à la réalisation de cette ambition.

2.1.1. Etude de cas : la présence de l’agroalimentaire au sein de l’exposition

Contrairement aux autres expositions sur l’alimentation que nous avons analysées, la dimension « filière » reste très présente à travers les thématiques abordées, et ce malgré son absence explicite dans le programme muséographique. L’exposition ne s’attache pas uniquement au produit fini, mais également à l’ensemble des acteurs de la chaine de production : semenciers, agriculteurs, industriels et consommateurs.

De même, une lecture attentive des premiers documents de communication sur le projet montre l’utilisation de l’expression récurrente « fruits et légumes frais et transformés », plutôt qu’uniquement « fruits et légumes ». Cela fait écho à un problème identitaire de l’institution qui, y compris en tant que pôle de compétitivité, est souvent perçue au sein même de la filière comme représentant uniquement l’amont ou l’aval de la filière, selon le point de vue duquel on se place. C’était un enjeu stratégique que le PEIFL soit reconnu aussi bien par les acteurs du monde agricole que ceux de la transformation et cet enjeu stratégique a en quelque sorte été

transféré à Epicurium. On retrouve là une caractéristique de la filière fruits et légumes – avec une grande fracture entre l’univers de la production et de la transformation – mais aussi les représentations sociales concernant les fruits et légumes, avec une tendance à la forte dévalorisation des produits transformés (Rozin, 1998 ; Corbeau et Poulain, 2002).

Finalement, la volonté de ne pas évincer la dimension agroalimentaire de l’approche thématique a conduit à consacrer une partie entière de l’exposition à la transformation industrielle des fruits et légumes alors que cela ne correspondait pas nécessairement aux attentes du public. Il s’agit d’une conséquence de l’impératif de représentativité de la filière, nécessaire pour cautionner le projet Epicurium au sein du pôle de compétitivité. L’espace d’exposition permanente étant relativement petit, il a fallu décider de traiter certains thèmes uniquement à travers le parcours d’interprétation situé dans les jardins et il était plus cohérent que les pratiques agricoles soient traitées de cette manière plutôt que d’autres thèmes. Cette différenciation dans l’espace donne également plus de visibilité à l’agroalimentaire, sans que ce choix corresponde véritablement à la volonté des concepteurs.

A cela s’ajoute le modèle économique d’Epicurium, reposant pour un tiers sur des financements provenant de sponsors privés. Bien que les entreprises ne soient absolument pas intervenues dans l’élaboration du programme muséographique – la plupart d’entre elles ayant d’ailleurs rallié le projet après -, il est apparu nécessaire, consciemment ou non, de ne pas froisser les entreprises agroalimentaires ou les entreprises de semences – toutes deux plus riches que la profession agricole. Même si celles-ci n’interviennent à aucun moment dans la conception de l’exposition, on ne peut exclure une forme d’auto-censure née de l’anticipation de la visibilité future du lieu et de la fidélisation de ces partenaires dans la durée. De fait, des précautions très importantes ont été prises lors de l’élaboration des dispositifs d’exposition relatifs à l’agroalimentaire ou à la création variétale, cherchant à éviter au maximum toute manifestation d’une de position de la part de l’institution.

Dans le cas des procédés agroalimentaires, ces précautions ont donné lieu à des cartels assez austères sur les avantages et les inconvénients de chaque procédé, au regard de critères tels que la nutrition, les qualités organoleptiques ou la praticité. Concernant ce dernier critère, il n’est pas forcément fréquent lorsque l’on souhaite comparer la qualité de produits alimentaires et nous pouvons ici supposer qu’il a été intégré au discours d’exposition afin de ne pas dévaloriser exagérément le secteur des plats cuisinés et leur faible qualité nutritionnelle. De même, il n’a pas été fait mention de certains inconvénients de la quatrième gamme – celle des fruits et légumes crus prêts à consommer -, tels que l’usage de produits de lavage chlorés par exemple. Paradoxalement, ces avantages et inconvénient ont été privilégiés par rapport à l’explication des procédés techniques, et ce afin de donner des clés aux visiteurs pour se positionner dans les

débats contemporains sur l’alimentation industrielle. D’ailleurs, la filière n’est finalement pas traitée en tant que telle, contrairement par exemple à Cité Nature où l’on parle explicitement des acteurs de l’agroalimentaire et de l’organisation des filières.

Ce traitement de la thématique agroalimentaire reflète donc les ambivalences liées à l’identité de l’institution porteuse, dont l’objectif est réellement un projet de diffusion de culture scientifique et technique mais dont les contraintes institutionnelles l’empêchent de le réaliser pleinement. Il en résulte un amoindrissement considérable de la force du discours d’exposition, notamment dans le traitement des QSTS.

2.1.2. Le traitement des QSTS

Nous avons exposé précédemment les différentes facettes du patrimoine – naturel, culturel, technique et industriel – qu’il était possible d’aborder par l’intermédiaire des fruits et légumes. Le deuxième enjeu majeur du projet Epicurium est de sensibiliser et d’aider à l’interprétation de thématiques porteuses de débats qui dépassent la dimension patrimoniale pour mieux s’inscrire dans le domaine des relations entre sciences, techniques et société. La volonté de s’attacher plutôt à la dimension contemporaine et sociétale des connaissances scientifiques et techniques conduisait naturellement à devoir traiter de sujets sensibles tels que les modes de production agricole, les OGM, la qualité des produits industriels ou encore le bénéfice supposé des fruits et légumes dans la prévention de certaines maladies.

Comme évoqué par ailleurs, les fruits et légumes sont en effet à la croisée de problématiques liés à l’alimentation, à l’environnement ou aux biotechnologies, qui sont autant de sujets relevant du domaine des questions scientifiques et techniques sensibles. Par exemple, la sensibilisation à la biodiversité amène par exemple à évoquer les techniques de création variétale par hybridation, qui d’une part sont souvent considérées comme étant « contre-nature » et d’autre part font surgir un ensemble de représentations liées aux organismes génétiquement modifiés, mêlant inquiétude sur l’évolution de la production agroalimentaire et doutes quant à la capacité des institutions scientifiques et politiques à intégrer l’incertitude dans les procédures décisionnaires (Simonneaux, 1999 ; Marris et al., 2002). De même, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire sont également des thématiques traversées par des questions sensibles. Elles sont en effet, par le poids symbolique et affectif attaché à tout ce qui concerne notre alimentation, au cœur de controverses et de questions plus larges sur l’avenir des relations entre techniques et société, traversées par une tension entre logiques économiques et préoccupations sociales, sanitaires et environnementales.

Or il convient de rappeler encore une fois que nous sommes à Epicurium dans une situation particulière puisque le projet muséographique émane d’un pôle de compétitivité, dont la vocation première est d’être au service des acteurs de la filière pour favoriser son développement économique par l’innovation. Ses adhérents sont donc par exemple des centres de recherche, des semenciers, des industriels, des groupements de producteurs ou des organismes publics représentant la filière. Pour des sujets qui suscitent parfois une réelle opposition frontale entre citoyens et professionnels, la question du positionnement à adopter n’est alors pas simple à résoudre.

Sans que la décision soit clairement formulée ou même débattue, cette nécessité de conciliation a finalement abouti à un positionnement extrêmement neutre dans le traitement des QSTS, voire même à une éviction de celles-ci pour une grande majorité des thématiques traitées. Les savoirs stabilisés dominent nettement le discours d’exposition, et la modalisation n’intervient que pour marquer une certaine distance vis-à-vis de savoirs sensibles. Nous avons d’ailleurs réalisé la même observation à l’Alimentarium et la corrélation entre une posture distante vis-à-vis des QSTS et un positionnement institutionnel proche d’une structure économique nous a été confirmé lors de l’entretien réalisé avec Martin Schärer en 2008 :

« Ca n’est pas du tout notre rôle de commenter ou de promouvoir et là il y a peut-être un