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3.3.1.2 L’expérience de Lenay

Dans le document Des Fantômes dans la Voix (Page 179-189)

Représentons-nous le Moi comme un réseau de neurones investis et bien frayés les uns par rapport aux autres; soit une quantité [intracellulaire] Q# qui pénètre le

II. 3.3.1.2 L’expérience de Lenay

Les indices de réalité de Freud ont trait spécifiquement à la motricité de la perception.

Pour vérifier un parallèle fonctionnel entre indices de réalité et copies d'efférence, il faut donc appliquer la physiologie de la motricité à la motricité de la perception. Lenay619 étudie grâce à un dispositif expérimental très simple les conditions nécessaires à la constitution du statut de perception. Ce dispositif consiste en une cellule photoélectrique connectée à un stimulateur tactile (voir Figure 16) Le sujet expérimental aux yeux bandés doit localiser une cible sous forme d'une source lumineuse. Quand dans le champ de lumière incidente, la quantité de luminosité dépasse un seuil donné, il y a déclenchement d'un stimulus tactile en tout ou rien. À chaque instant le sujet ne reçoit donc qu'une information minimale, la présence ou l'absence de la stimulation tactile. Quand le sujet, équipé de ce dispositif, a le bras immobilisé, les stimuli sont perçus à la surface de la peau. Ce n'est alors que le mouvement réversible du sujet autour de la cible qui permet de conférer à la cible un statut d'extériorité, c'est-à-dire de perception s.s.. Lenay620 indique que « L'extériorité spatiale de la cible ne peut être constituée que par la possibilité d'aller et venir librement et réversiblement autour d'elle, quittant et retrouvant alternativement le contact. (…) C'est donc la réversibilité, la possibilité de revenir à une même position qui rend possible la construction d'un espace de perception. ». Sans cette liberté de mouvement « les stimuli demeurent perçus à la surface de la peau »621 et le sujet est incapable d'établir un espace extérieur dans lequel

616 BLAKEMORE S.J., FRITH C.D. & WOLPERT D.M. (1999). Spatio-temporal prediction modulates the perception of self-produced stimuli, art. cité.

617 HEINKS-MALDONADO T. H., MATHALON D.H., GRAY M. & FORD J.M. (2005). Fine-tuning of auditory cortex during speech production. Psychophysiology, 42, 2, 180-190; CHRISTOFFELS I.K., FORMISANO E. & SCHILLER N.O. (2007). Neural correlates of verbal feedback processing: an fmri study employing overt speech. Human Brain Mapping, 28, 868-879.

618 e.g. BLAKEMORE S.J., GOODBODY S.J. & WOLPERT D.M. (1998). Predicting the consequences of our own actions: the role of sensorimotor context estimation. The Journal of neuroscience, 18, 7511-7518; BLAKEMORE S.J., WOLPERT D.M. & FRITH C.D.

(2004). Why can't you tickle yourself?. Neuroreport, 11, 11, R11 - R16; JEANNEROD M. & PACHERIE E. (2004). Agency, simulation and self-identification. Mind and Language, 19, 2, 113-146.

619 LENAY C. (2006). Enaction, externalisme et suppléance perceptive, op. cit.

620 Ibid. p. 31, 39.

621 Ibid. p. 28.

situer le monde. Transposé à une situation normale où l'organisme voit de ses yeux les stimuli visuels, ce sont alors les mouvements oculaires de va-et-vient – que Lenay indique de « balayage » – qui permettent cette « mise en extériorité ».

Figure 16: Dispositif expérimental pour la localisation spatiale dans l'expérience de Lenay

Ce modèle énactif de la perception indique donc que l'expérience d'externalité des stimulations est crucialement constituée par le mouvement du sujet par rapport à la source de stimulations (typiquement, le mouvement oculaire). Pour ce mouvement, comme pour tout mouvement, c'est la copie d'efférence qui donne l'information d'agentivité propre de l'organisme par rapport au mouvement perceptuel. Si c'était précisément l'information de l'agentivité du mouvement perceptuel qui était la clé de la constitution de l'expérience d'extériorité, la fonction de la copie d'efférence rejoindrait alors la fonction que Freud attribue aux indices de réalité, c'est-à-dire la distinction entre images de perception et images internes (ou encore, entre perception et mémoire). Appliquées à la motricité du mouvement perceptuel, les copies d'efférence indiqueraient alors que les contenus mentaux sont le résultat d'une action de perception sur le monde, comme le font les indices de réalité dans le modèle de Freud. C'est précisément ce point – c'est-à-dire le rôle crucial des copies d'efférence des mouvements perceptuels dans la constitution de l'expérience d'extériorité – que suggère le cas clinique suivant.

II.3.3.1.3 Hervé

Hervé est un homme de 45 ans avec un diagnostic de schizophrénie que j’ai rencontré au centre psychiatrique de Beernem (voir I.4.1.2.2 et I.4.2). Le grand-père maternel d’Hervé était revenu traumatisé de la première guerre mondiale. Il battait sa femme et ses enfants, 6 filles et un fils. La mère d’Hervé, l'ainée, fut frappée et abusée le plus. Elle eut deux enfants de son père, un fils, mort à 5 ans d'une maladie rénale et une fille, de 15 ans l'ainée d’Hervé et morte à 45 ans d'une hémorragie cérébrale. Le grand-père se pendit finalement. Hervé ne l'a pas connu comme il n'a pas connu son frère. Il est le fils de sa mère et de son mari, qui avait 24 ans de plus qu'elle. Hervé vécut donc avec ses parents et sa demi-sœur, qui était handicapée mentalement et semblait, d'après le dire d’Hervé, désinhibée sexuellement. Le père battait sa femme et dès 18 ans environs Hervé frappait également sa mère. Voici un témoignage de Hervé (29.11.2005) : « Tout défaire jusqu’ à mes 12 ans – ou bien tout à fait, toute ma vie, revenir au point zéro. Qu'arriverait-il si l'univers retournerait au point zéro?

Il faudra que je recommence, tel que Dieu le veut, en avant et en arrière. Dieu le veut-il?

Que Dieu soit le maître de l'univers, ferait ressusciter les hommes, voilà mon idée. Revenir avec une feuille blanche, recommencer à forniquer recommencer à travailler, par exemple pompier, plombier. Je dois payer pour les péchés d'un autre, de la réincarnation, comment un homme est réincarné, pour les péchés de mon grand-père, ou d'autres péchés que je ne suis pas. ».

Hervé est continuellement sujet à des sensations pénétrantes et il a fréquemment un jaillissement de voix (p.ex., des femmes se disputant entre elles). Il a une réflexion délirante sur les autres et le monde. Il a développé un langage particulier jonché de néologismes (p.ex. il y a au moins deux classes d’humains, dont une est taxée de « oetkers » et l'autre de « kouwekouwes») et d'expressions et de tournures particulières (p.ex. il se réfère systématiquement par « il » au psychiatre, qui est pourtant une femme). Sa difficulté majeure est que quand il dirige un regard sur le monde, la perception de ce monde l'envahit: il a des sensations pénétrantes, le monde lui tombe dessus et lui colle à la peau, les autres l'envahissent, les objets le pénètrent. En d'autres termes, Hervé est incapable de créer une expérience de distance par rapport au monde extérieur. Pour restaurer une relation supportable au monde, il installe un mouvement physique de va-et-vient autour des cibles visuelles: il avance de trois pour en refaire deux en sens arrière, il ouvre une porte et la referme, pour la rouvrir, la refermer un peu etc., il fait et défait ses gestes, dans le sens avant et dans le sens arrière et il demande à ceux qui l'entourent d'en faire autant.

Figure 17: Page écrite et gardée par Hervé

« A Dymfna. Cette sale veste de gras, petites côtes de cave. Une aiguille dans mon œil. Désintégration de mon appareil photo quand G.C. passait au niveau de l’armoire dans le premier living. Aspirer mon œil 28-11-’95 Un pénis à travers mon couteau 28-11-‘1995. Mon muscle pectoral déchiré quand P.L. passait dans le couloir. À cette époque transféré à St. Cornélius. Mes entrailles sorties par C.C.

au niveau de l’ancienne laverie le 21-12-’97. 21-11-98. Quand l’ergothérapeute se rendait à l’atelier de reliure. Lieve C. au lieu de Koen C. Quand J.D. allait de l’endroit où pend l’ouvre-boîte à sa chaise. Mes couilles décrochées ou fondues.

Le commandant des pompiers allait à la ferme. Mon gros intestin un peu déchiré quand le commandant des pompiers allait à la ferme. Quand M.D. allait du WC vers l’extérieur. Mes couilles sorties. P.M.U. Dr. Oetker te D. tel. »

Une chaîne spécifique d'évènements est douloureuse pour lui. Il témoigne du fait que le mouvement soudain d'autres gens ou d'objets provoque un « pétillement» ou un

« pincement » de la rétine et est la cause « directe et unique de pensées indésirables ».

Quelques exemples de telles pensées indésirables: « une aiguille dans mon œil; la désintégration de mon appareil photo quand G.C. passait au niveau de l'armoire dans le premier living; mon œil aspiré; un pénis à travers mon couteau; mes couilles décrochées ou fondues quand J.D. allait de l'endroit où pend l'ouvre-boîte à sa chaise » (voir Figure 17).

Pour être quitte de ses pensées, les gens concernés doivent défaire les mouvements qui sont à l'origine de ses pensées indésirables.

Il y a une ressemblance frappante entre les symptômes d’Hervé et le modèle de Lenay622: Hervé ressemble au sujet de l'expérience de Lenay à qui on a immobilisé le bras.

Dans l'incapacité de bouger son appareil de perception, ce sujet perçoit le monde à la surface de la peau, ou pénétrant cette surface. Pour installer une sensation de distance, le sujet expérimental doit pouvoir bouger son bras dans un mouvement de va-et-vient autour de la cible. Or, Hervé est capable de bouger son appareil de perception: il suit les cibles visuelles de mouvements oculaires en apparence normaux. D’où lui vient alors l’impossibilité de tenir une distance par rapport aux cibles? L'hypothèse proposée serait qu’Hervé ne puisse pas utiliser les mouvements de ses yeux pour construire un espace extérieur de perception du fait que les copies d'efférence des mouvements oculaires d’Hervé soient manquantes ou dysfonctionnelles. Comme indiqué, Frith avait déjà formulé une telle hypothèse pour les voix dans la psychose. Cette hypothèse permet de faire sens du comportement d’Hervé.. En effet, d’abord, sans le fonctionnement normal du retour par copie d’efférence des mouvements oculaires, en particulier à l’occasion de changements brusques du champ visuel, Hervé en serait réduit à faire l’expérience d’un monde lui collant à la peau, semblable au vécu des sujets expérimentaux de Lenay. De plus, le mouvement physique de « balayage » qu’Hervé installe par rapport à la cible visuelle pourrait être compris comme un remplacement du mouvement réversible oculaire inconscient constitutif de la perception par un mouvement physique conscient. Hervé serait alors obligé de substituer son manque structurel d'information venant d'un mouvement normalement vécu non consciemment par un mouvement physique pleinement conscient. Qui plus est, sans l'information de la copie d'efférence, le mouvement réflexe que font les yeux par rapport à une cible subitemant mouvante serait vécu passivement, comme si il y avait interférence par une force externe: ceci pourrait expliquer la sensation de pincement ou de pétillement au niveau de la rétine. Il est remarquable qu’Hervé reprenne quasi textuellement le propos de Lenay623 quand celui-ci souligne, à propos de la réversibilité du mouvement, « la possibilité de revenir à une même position » dans la déclaration suivante à propos de ses mouvements inverses: « Tout doit revenir au même point. ».

Tableau 5: Quelques convergences proposées entre le modèle de Freud et le modèle sensorimoteur

Symptômes d’Herv É Freud Sensorimoteur

pétillement/pincement

de la rétine / absence/dysfonctionnement

des copies d’efférence des mouvements oculaires perceptions pénétrantes

élicitées par des invalidation des signes de

réalité associés à la vue hypothèse: le dysfonctionnement des copies d’efférences oculaires

622 voir aussi BAZAN A., An attempt towards an integrative comparison of psychoanalytical and sensorimotor control theories of action, art. cité; BAZAN A. & VAN DE VIJVER G., L’objet d’une science neuropsychanalytique. Questions épistémologiques et mise à l’épreuve, art. cité; VAN DE VIJVER G., BAZAN A., ROTTIERS F. & GILBERT J. (2006). Enactivisme et internalisme: de l’ontologie à la clinique, op. cit.

623 LENAY C. (2006). Enaction, externalisme et suppléance perceptive, op. cit., p. 39.

stimuli extérieurs en présumées dysfonctionnelles, jouent un rôle clé, au niveau du mouvement (oculaire) de perception, dans la constitution du vécu d’extériorité d’une image mentale grâce à l’inhibition précise et ciblée qu’elles mettent en place. Comme indiqué, l’idée d’un dysfonctionnement ou d’une dynamique altérée des copies d’efférence dans la psychose fut proposée antérieurement pour la perception des voix. Dans ce qui suit, nous proposons un deuxième cas dont nous suggérons qu’il trouve également une cohérence dans le cadre proposé, mais ou la fonction atteinte n’est pas la perception (visuelle ou auditive), mais l’attention.

Denis est un homme de 45 ans avec un diagnostic de schizophrénie que j’ai rencontré au centre psychiatrique de Beernem (voir I.4.1.2.2 et I.4.2)624. Il est le fils unique d’une mère issue d’une grande famille originaire de la France et d’un père dont le nom et les affiliations sont flamands. Le couple et Denis ont habité une région en Flandre occidentale proche de la frontière Française. La mère était comptable dans l’entreprise de son père, spécialisée dans la réparation de métiers à tisser; cette entreprise s’est beaucoup développée dans les dernières décennies. Son arrière-grand-mère maternelle est morte sous les bombes anglaises à Courtrai durant les derniers mois de l’occupation en 1944. Son père, fils unique, travaillait dans les assurances. La famille du père sont des gens « très simples625 », dont certains travaillaient dans l’entreprise du grand-père maternel. Il indique que sa maladie remonte à ses 15 ans, quand il avait à apprendre le Français. « Je dois », s’écrit avec un

« s » final, alors qu’on ne l’entend pas : « Pourquoi faut-il l’écrire alors? Il y a une lettre en trop! Peut-être qu’il y a longtemps, on l’entendait. La langue évolue. » (30.09.2005).

Plus tard, le problème se représente avec l’Anglais : « Pourquoi faut-il un “k” à “I know”?

(..) I work, he works – pourquoi? Quelle est la raison pour laquelle ils ont fait ça, ces

624 Voir également VAN De VIJVER G., BAZAN A., ROTTIERS F. & GILBERT J., Enactivisme et internalisme: de l’ontologie à la clinique, art. cité. Denis s’y trouve sous les initiales C.V.

625 en Flamand « doodgewoon », c'est-à-dire « simples comme la mort ».

écriveurs? » (22.03.06). Quand il a 17 ans, son père meurt d’asphyxie à la suite d’une longue maladie respiratoire. À 20 ans il fait son service militaire, après quoi il fait un stage d’apprentissage et travaille dans une entreprise de fûts pendant un an: « C’est alors que tout a commencé. J’étais crevé, crevé à mort de réfléchir. À chaque moment libre, j’étais au lit. J’ai combattu, combattu les pensées obsessionnelles. ». Quand il semble être guéri pendant les vacances qui suivent, il sort à Courtrai et dans les environs, fait la fête à outrance et ne dort pas. À 24 ans il est admis pour la première fois en psychiatrie pour épuisement et surmenage. À 25 ans, désespéré par les idées obsessionnelles, il fait une tentative de suicide par prise de médication. Il indique que sa situation s’est ensuite d’abord stabilisé, jusqu’à ce qu’un ami d’enfance proche, portant le même prénom que lui et ayant un frère jumeau identique, et sa copine se tuent dans un accident de voiture en Allemagne.

L’enterrement à Courtrai fut, selon les dire de Denis, « très bizarre ». Les copains d’enfance, s’étant retrouvé, se mettent à part et se racontent des anecdotes d’avant. « Je ne me suis pas senti à l’aise, je suis sorti avec un ressenti bizarre. Je n’en ai pas parlé. On a beaucoup pleuré à l’enterrement. J’ai aussi pleuré. J’ai vu un copain pleurer, pleurer, pleurer. D’autres, des “durs” ont pleuré aussi. (…) Je ne fais plus de tombes. Ca ne me fait aucun bien, j’en suis mal durant des journées. ».

Denis souffre donc fondamentalement du fait que ses pensées qui s’imposent violemment à lui et investissent son espace mental qu’il le veuille ou non. En session, il rend compte de ce qu’il vit: quand il perçoit le monde, son vécu est envahi par les détails de cette perception. C’est-à-dire, s'il se laisserait aller, il serait rapidement englouti par le pointillé du papier peint, par les dessins dans le bois, par les irrégularités dans le dessin du sol, par les lignes des contours des meubles, etc. – et en particulier par toute asymétrie, irrégularité ou par tout dépassement. Ces asymétries et imperfections sont de véritables menaces pour son attention; elles sont capables d’envahir tout son espace mental et de le mener de question en question: d’où vient cette asymétrie, qui l’a produite, pourquoi, quel était l’intention de celui qui l’a produite? Voici ce qu’il en dit par ailleurs: « Au plus on sait, au plus on se rend compte qu’on ne sait pas. Chaque question engendre une nouvelle question. » (14.11.05); « Comment se fait-il que je me pose ces questions et que personne ne se les pose? A propos de l’orthographe par exemple? Pourquoi mes quatre doigts n’ont ils pas tous la même longueur? » (15.12.05).

Voici encore un exemple: « Dans le secondaire j’avais des cours d’optique: lentilles concaves, lentilles convexes, lentilles biconcaves, biconvexes, concaves-convexes … image inversée, image virtuelle … Pourquoi certains endroits brillent-ils et d’autres ne brillent-ils pas? (…) Le tourment commence avec les objets qui sont faits par l’homme, ces objets-là me poussent au diable – contrairement aux choses qui sont faites par Dieu. Je regarde autour de moi et je vois par exemple cet ordinateur. Alors je pense: à quoi l’homme qui a fait le premier ordinateur pensait-il? Comment en est-il venu à ça? Quelle est la source de tout? Pourquoi? De quoi cet homme était-il inspiré? Quel était le raisonnement qui a fait qu’il l’a fait tel qu’il est? Pourquoi nos doigts n’ont-ils pas tous la même longueur? Pourquoi nos orteils n’ont-ils pas la même longueur? » (19.10.05).

Denis indique que ces questions ne l’intéressent pas fondamentalement, il est simplement pris par elles. Il doit alors investir une quantité énorme de temps et d’énergie à contre-penser une masse de pensées qui lui rendraient la vie impossible. « Je dois filtrer mes pensées. Je suis à la recherche de défauts, d’imperfections. On ne peut pas tout savoir. Si l’on vivrait éternellement, on pourrait peut-être tout savoir.» (06.10.05). Cet état des choses oblige Denis à investir de façon structurelle dans son programme journalier une quantité de temps dédiée à l’activité de contre-penser. Il se fatigue mentalement tant du fait de devoir

contre-penser sa perception, qu’il n’est plus capable de libérer de l’énergie pour les tâches simples de la vie et n’est plus capable de vivre une vie autonome. Il indique avec précision sa stratégie qui consiste à « contre-penser »: « Les idées obsessionnelles prennent tant d’énergie qu’on ne peut plus fonctionner, ce sont des pensées qui ne te lâchent pas. Chez d’autres ce virement de l’attention se passe sans heurts. (…) Normalement ces pensées sont filtrées, je vois tout. Je vois un rond sur l’ordinateur et je me demande: pourquoi est-il là? Je ne peux pas virer à autre chose, ce n’est pas amusant. Ça a commencé à 15 ans, à l’école, mes pensées étaient ailleurs tout le temps. Par exemple Edison: pourquoi? (…) Je dois forcer mon esprit à ne pas se laisser prendre. Je suis un lutteur mais psychique. (…) Ce système de contre-calcul, j’essaye de l’appliquer à tout maintenant, peut-être avec le temps, il deviendra automatique, si j’ai de la chance. » (23.12.05). Et encore: « Ma maladie est que je n’arrive pas à me concentrer. (…) Ma maladie est qu’il y a tellement d’information à mon esprit que je coince au niveau de mon cerveau … je coince pendant une à deux secondes et à chaque fois je dois rediriger [mon attention] … j’ai construit un système interne grâce auquel je peux contre-penser la pensée obsessionnelle en une seconde… quand je pense à quelque chose qui est, je pense alors “arrête ça!” et alors je ne poursuis pas. …. chez les gens normaux ça se passe de façon fluide … Les nouveaux stimuli sont le plus menaçant, un nouvel environnement, alors je n’arrive plus à me concentrer et après ça retombe. Je ne peux pas y prêter d’attention (…) L’avenir? Ce système d’effacement, j’essaye de l’appliquer sur tout, peut être qu’avec les années ça deviendra plus fluide, si j’ai de la chance. (…) On

contre-penser sa perception, qu’il n’est plus capable de libérer de l’énergie pour les tâches simples de la vie et n’est plus capable de vivre une vie autonome. Il indique avec précision sa stratégie qui consiste à « contre-penser »: « Les idées obsessionnelles prennent tant d’énergie qu’on ne peut plus fonctionner, ce sont des pensées qui ne te lâchent pas. Chez d’autres ce virement de l’attention se passe sans heurts. (…) Normalement ces pensées sont filtrées, je vois tout. Je vois un rond sur l’ordinateur et je me demande: pourquoi est-il là? Je ne peux pas virer à autre chose, ce n’est pas amusant. Ça a commencé à 15 ans, à l’école, mes pensées étaient ailleurs tout le temps. Par exemple Edison: pourquoi? (…) Je dois forcer mon esprit à ne pas se laisser prendre. Je suis un lutteur mais psychique. (…) Ce système de contre-calcul, j’essaye de l’appliquer à tout maintenant, peut-être avec le temps, il deviendra automatique, si j’ai de la chance. » (23.12.05). Et encore: « Ma maladie est que je n’arrive pas à me concentrer. (…) Ma maladie est qu’il y a tellement d’information à mon esprit que je coince au niveau de mon cerveau … je coince pendant une à deux secondes et à chaque fois je dois rediriger [mon attention] … j’ai construit un système interne grâce auquel je peux contre-penser la pensée obsessionnelle en une seconde… quand je pense à quelque chose qui est, je pense alors “arrête ça!” et alors je ne poursuis pas. …. chez les gens normaux ça se passe de façon fluide … Les nouveaux stimuli sont le plus menaçant, un nouvel environnement, alors je n’arrive plus à me concentrer et après ça retombe. Je ne peux pas y prêter d’attention (…) L’avenir? Ce système d’effacement, j’essaye de l’appliquer sur tout, peut être qu’avec les années ça deviendra plus fluide, si j’ai de la chance. (…) On

Dans le document Des Fantômes dans la Voix (Page 179-189)