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Axe Francophone .1 Lausanne

Dans le document Des Fantômes dans la Voix (Page 50-62)

préservée, il s’agit du choix dit « relationnel » en psychologie cognitive et selon le processus secondaire d’après Brakel

I.1.5 Initiatives Européennes

I.1.5.1 Axe Francophone .1 Lausanne

À Lausanne, en Suisse, le neuroscientifique Pierre Magistretti et le pédopsychiatre et psychanalyste François Ansermet ont collaboré à la publication d’un ouvrage sur la plasticité neuronale et l’inconscient, À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et

198 Shevrin, Snodgrass, Brakel, Abelson, Kushwaha & Bazan, en préparation. Étude présentée à Paris, le 17.11.2008 au séminaire de neuropsychanalyse à l’Hôpital Necker Enfants malades, « L’inhibition inconsciente, résultats d'une étude clinique avec observations psychodynamiques et neurophysiologiques », présentation introduite par Ariane Bazan et organisée par le Cercle de Neuropsychologie et de Psychanalyse.

199 Les données de la recherche cognitive indiquent que la composante N100 indique l’attention alors que la synchronisation alpha se rapporte à l’inhibition de l’attention. VOGEL E.K. & LUCK S.J. (2000).The visual N1 component as an index of a discrimination process. Psychophysiology, 37, 190-203; KLIMESCH W., SAUSENG P. & HANSLMAYR S. (2007). EEG alpha oscillations: The inhibition-timing hypothesis. Brain Research Reviews, 53, 63-88.

inconscient 200. Magistretti201 est professeur de neurosciences à l’Ecole Polytechnique Fédérale et à l’Université de Lausanne. Il a fait d’importantes contributions dans le domaine du métabolisme de l’énergie dans le cerveau. Son groupe a découvert quelques-uns des mécanismes cellulaires et moléculaires qui sous-tendent le couplage entre l’activité neuronale et la consommation d’énergie dans le cerveau. Son travail mène à des ramifications considérables pour la compréhension de l’origine des signaux détectés par les techniques actuelles d’imagerie cérébrale fonctionnelle, utilisées dans la recherche neurologique et psychiatrique. Ansermet est psychanalyste, professeur de pédopsychiatrie à l’Université de Lausanne et médecin-chef au service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Genève, développant entre autres des activités spécifiques dans le champ de la médecine périnatale. Ses domaines de recherche sont le stress périnatal et les traumatismes précoces, les conséquences subjectives des avancées nouvelles en biotechnologies périnatales et en médecine prédictive.

Leur ouvrage commun est une œuvre théorique, où les auteurs cherchent à définir une correspondance possible entre les principes de la psychanalyse, incluant les pulsions et les fantasmes, et certaines données neurobiologiques, en particulier, le concept de plasticité neuronale. Cette plasticité est un concept qui a trait en particulier au développement très influençable du cerveau en maturation. Mais les auteurs démontrent comment le cerveau, même arrivé à maturation, n’est pas une organisation fixe de réseaux de neurones, dont les connexions seraient établies de manière définitive, et installant une sorte de rigidité du traitement de l’information. Le réseau neuronal reste structurellement ouvert, modulable par l’événement et les potentialités de l’expérience. C’est cette plasticité qui est responsable du «modelage» de chaque individu, en permettant aux facteurs de l’environnement, aussi bien qu’au vécu interne, de moduler l’expression de son génotype. D’après le modèle des assemblées cellulaires de Hebb, l’expérience induit des perceptions qui entrainent des traces dites synaptiques selon les neurosciences, ou psychiques selon la psychanalyse. La plasticité neuronale c’est le fait que l’expérience laisse une trace dans le réseau neuronal et dans le système psychique. Chaque expérience vécue, également l’expérience psychique, modifie la structure du réseau neuronal.

Voici, dans les paragraphes suivants, un compte-rendu de quelques propos qu’Ansermet et Magistretti tiennent dans et à propos202 de ce livre. Certaines de ces traces inconscientes seraient inscrites à l’insu des voies sensorielles primaires par l’intermédiaire de l’amygdale, une structure sous-corticale qui permet d’établir une mémoire émotionnelle (voir aussi II.1.1.3.3). Ces traces seraient directement inconscientes, formant ainsi un inconscient primaire, alors que d’autres traces deviennent inconscientes par association.

Les traces sont liées à des états somatiques, c’est-à-dire que se constitue un complexe avec un versant représentationnel fantasmatique associé à des états somatiques. Toute perturbation de l’état somatique, par exemple la faim ou la soif chez le nouveau-né, entraîne un déséquilibre homéostatique déplaisant qui déclenche une pulsion vitale poussant l’individu à se défaire de cet état somatique désagréable. Cette tension, par exemple liée à

200 ANSERMET F. & MAGISTRETTI P. (2004). A chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient. Paris, Odile Jacob, 264 p.

201 Magistrettiest aussi directeur du centre de neurosciences psychiatriques du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois. Il a été président de la Fédération Européenne des Sociétés de Neurosciences (2002-2004). Le groupe dirigé par Magistretti compte une vingtaine de scientifiques. Il est l’auteur de plus de 100 articles publiés dans des revues scientifiques internationales.

202 voir aussi la conversation des auteurs avec Lisa Ouss, pédopsychiatre et Sylvain Missonnier, psychologue, psychanalyste à l’occasion de la sortie de l’ouvrage: http://www.psynem.necker.fr/PedopsychiatrieNeuroSciences/Cyberscopies/

AChacunSonCerveau/index.htm; Lassonde M. (2009). A chacun son cerveau, plasticité neuronale et inconscient. Canadian Psychology. http://findarticles.com/p/articles/mi_qa3711/is_200508/ai_n15704711/

la faim, l’enfant ne peut pas la décharger tout seul. Un organisme seul ne peut se décharger de son excitation, de sa tension, de la destructivité qui habite le vivant. Pour qu’elle se décharge, il faut l’action spécifique de l’autre. Quand cette action spécifique de l’autre est faite dans la simultanéité, elle constitue l’expérience de satisfaction de Freud et laisse une trace ou inscription, c’est-à-dire, du point de vue physiologique, une modification du réseau neuronal. Dans le chapitre VII de l’Interprétation des rêves, Freud dit que l’expérience de satisfaction laisse une trace qui fait qu’on ne peut plus remonter de la trace à l’expérience.

On retrouve une trace, mais on ne retrouve plus l’expérience. C’est-à-dire que l’expérience s’inscrit, mais puisqu’elle est inscrite, l’inscription sépare aussi de l’expérience.

Un état somatique est une sorte de mémoire du corps, une mémoire inconsciente, et c’est de la tension entre la trace et l’état somatique que résulte une décharge psychique qui dirige l’action. Le sujet qui agit, poussé par cette pulsion, peut être surpris (ou non) par sa propre action et instituer ainsi le réarrangement de traces pour en créer de nouvelles.

Une trace peut également s’associer à d’autres traces et créer ainsi de nouvelles traces qui sont elles-mêmes des stimuli nouveaux, chaque trace étant associée à un état somatique particulier. Ainsi se constitue une réalité interne inconsciente, complètement détachée de la réalité, telle qu’elle a été vécue, perçue, comporables aux parle « perceptions endopsychiques » de Lacan. La trace rejoint aussi le concept de signifiant chez Lacan. Voici ce qu’il en dit dans le séminaire des Quatre concepts fondamentaux: « ... à nous en tenir à la lettre à Fliess – lettre 52 – les Wahrnehmungszeichen (les traces de la perception), ça fonctionne comment? Freud déduit de son expérience la nécessité de séparer perception et conscience... Il nous désigne alors un temps où ces Warhnehmungszeichen doivent être constituées dans la simultanéité. Qu’est-ce que c’est, sinon la synchronie signifiante?

Et, bien sûr, Freud le dit d’autant plus qu’il le dit cinquante ans avant les linguistes. Mais nous pouvons tout de suite leur donner, à ces Wahrnehmungszeichen, leur vrai nom de signifiants. Et notre lecture s’assure encore de ce que Freud, quand il revient sur ce lieu dans la Traumdeutung, en désigne encore d’autres couches, où les traces se constituent cette fois par analogie. »203. Freud appelle donc la trace de l’expérience de satisfaction « le signe de la perception », et Lacan dit « le signe de la perception, je lui donne son vrai nom qui est celui de signifiant »204. Ces traces associées font des enchaînements, une chaîne de signifiants qui aboutit à un autre signifié, qui n’a plus rien à voir avec le signifié de départ qui était à la base de la perception. En d’autres termes, ce signifiant peut avoir un destin, comme dit Freud: d’une trace de la perception à Inconscient, à Préconscient à Conscient.

Le génie de Freud, c’est d’avoir dit que perception et mémoire s’excluent réciproquement, et que les choses s’inscrivent dans des systèmes différents, dont il pensait que c’était des systèmes neuronaux différents. Lacan parle d’un parasite à propos du langage: le sujet est parasité par cet autre organe que son organisme, qu’est le langage qui lui préexiste, et qui participe à l’organiser, et, en particulier, à organiser le réseau neuronal.

Le réseau neuronal est un système fait pour aller vers la singularité. Le sujet humain est génétiquement déterminé pour être indépendant de sa détermination génétique. Il est biologiquement déterminé pour être sujet à la contingence. En explicitant les enchaînements associatifs de la trace psychique, il est possible de la modifier. Le caractère modulable des réseaux synaptiques correspond aux modulations possibles de la trace psychique sur lesquelles parie la démarche psychanalytique; parallèlement à ces modifications de l’expérience, l’on observerait les changements au niveau cérébral.

203 LACAN J. (1964/1973). Le séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse,op. cit., p. 46.

204 Ibid. , p. 46.

Le concept de l’inconscient est au cœur du débat entre psychanalyse et neurosciences.

Pour faire une distinction entre l’inconscient psychanalytique et l’inconscient neurologique, certains cognitivistes préfèrent le terme de « non-conscient ». Selon Ansermet et Magistretti205,« Utiliser le terme non-conscient au lieu d’inconscient est un choix délibéré…

L’idée freudienne de l’inconscient va avec celle d’une série de traces et d’associations tout à fait singulières qui ne sont pas immédiatement accessibles à la conscience si ce n’est à travers le rêve, le lapsus, les oublis, les actes manqués et les autres formations de l’inconscient dont les significations peuvent être dévoilées par le travail psychanalytique. ».

Le 27 mai 2008, Magistretti organise un débat inédit, dans le cadre de la chaire internationale qu’il occupe, réunissant chercheurs en neurosciences et psychanalystes: Neurosciences et psychanalyse: une rencontre autour de l'émergence de la singularité. Ce débat à l’amphithéâtre Marguerite-de-Navarre du Collège de France fait salle comble. Magistretti206 déclare : « Le terme d’inconscient a des significations multiples qui ont indubitablement contribué à créer des malentendus, des incompréhensions, voire des antagonismes entre neurosciences et psychanalyse. Cette journée pourrait être le point de départ de collaborations concrètes et nouvelles entre les deux approches.».

I.1.5.1.2 Paris

En France, à Paris, quelques anciens neuropsychiatres, Christian Derouesné, Bernard Lechevalier, et quelques psychanalystes, Widlöcher, Fedida, Jean Bergès, Bianca Lechevalier, Hélène Oppenheim, et l’équipe de la Salpêtrière, Lisa Ouss, Catherine Morin et Catherine Fayada, ont traditionnellement travaillé de tels liens entre psychanalyse et neuropsychologie autour de patients avec des lésions cérébrales, mais sans les formaliser207. Ces cliniciens tentent de développer, à partir de l’intersubjectivité, des pistes de réflexion pour la prise en charge, intégrant tant les données neuropsychologiques, cognitives, neurologiques, neuronales que psychodynamiques. Inversement, ils sont conduits à interroger la plasticité de leurs modèles et leur capacité à subir ces mutations indirectes que les patients cérébrolésés leur somment de penser. C’est d’abord autour de pratiques cliniques, puis de séminaires que s’élaborent les zones d’échange. En 1994, un groupe de « Confrontation entre neurologie et psychopathologie autour de la clinique des patients traumatisés crâniens » s’organise autour du neurologue Jean-Luc Truelle, et du psychiatre psychanalyste Oppenheim, qui devient par la suite le « Club psychopathologie et blessure cérébrale » à partir de 1997 et ce jusqu’en 2003. Enfin, un groupe de travail autour d’Ouss et Fayada se crée en 2000 à la Salpêtrière. Il aboutit à un séminaire, d’abord confidentiel en 2001, puis ouvert plus largement au public en 2003. À ces occasions, des neurologues, des psychiatres, formés à la psychanalyse et aux sciences cognitives (Widlöcher, Nicolas Georgieff), des psychanalystes (Fédida, Lechevalier, René Roussillon), des neurobiologistes (Tassin, Alain Prochiantz) ont exposé leur réflexion sur la question de l’interdisciplinarité. En 2005, une journée sur « Le concept anglo-saxon de neuropsychanalyse: intérêts et limites » est organisée par Ouss et Bernard Golse à l’Hôpital Necker. Pédopsychiatre et psychanalyste, chef de service à l’Hôpital Necker-Enfants Malades et professeur à l’Université René Descartes à Paris, Golse s’est penché

205 ANSERMET F. & MAGISTRETTI P. (2006). L’Inconscient au crible des neurosciences. Dans Freud et la science, La Recherche, mai, 397, 36- 39.

206 Sciences et Avenir (juillet 2008). Psychanalyse et neurosciences Rencontre au sommet, nº737.

207 Texte de ce paragraphe et le suivant établis sur base de OUSS - RYNGAERT L. (2007). Impact des neurosciences sur la pratique psychanalytique: la double lecture comme clinique " neuro-psychanalytique ". Revue Française de Psychanalyse, 71, 419-436.

particulièrement sur la question du développement des processus de sémiotisation et de symbolisation chez l’enfant208.

Enfin, en 2006, le CNEP209, le « Cercle de Neuropsychologie et de Psychanalyse, » est né qui officialise les réunions qui, depuis une quinzaine d’années, permettaient aux cliniciens et aux chercheurs de disciplines différentes d’échanger sur leurs connaissances et leurs pratiques. En 2007, le CNEP rejoint officiellement l’INPS en tant que branche française. Les activités régulières du CNEP se répartissent entre Necker, où le séminaire d’Ouss, « Neuropsychanalyse de l’enfant et de l’adolescent » est plus centré vers l’enfant et l’adolescent du fait de la formation des promoteurs, et la Salpêtrière, où se déroule depuis plusieurs années un séminaire régulier, animé par Fayada et Ouss, qui invite thérapeutes et neuropsychologues à la réflexion, à partir d’expériences cliniques. La pédopsychiatre, psychothérapeute et docteur en psychopathologie et psychanalyse de l’Hôpital Necker, Lisa Ouss, travaille depuis vingt ans avec des patients présentant une atteinte neurologique, notamment des bébés et est co-créatrice du CNEP. Membre actif du CNEP, le psychologue clinicien à la Maternité de l’Hôpital de Versailles, psychanalyste et professeur en psychologie clinique à Paris X, Sylvain Missonnier travaille les questions de la périnatalité, la parentalité et l’enfant210. La docteur en psychopathologie psychanalytique, psychothérapeute auprès d'enfants cérébro-lésés depuis plus de vingt cinq ans Anne Boissel rejoint le cercle de psychopathologie des lésions cérébrales d'Oppenheim en 1999, et participe à la création du séminaire de neuropsychanalyse de l'enfant et de l'adolescent à Necker puis du CNEP.

Ses travaux portent sur les effets psychopathologiques à long terme des sujets ayant eu un traumatisme crânien sévère durant l'enfance211.

De manière indépendante, le psychologue clinicien, psychanalyste et psychosomaticien Jean-Benjamin Stora crée une autre branche française de la société de neuropsychanalyse, autour de la dimension psychosomatique. Stora préside l'Institut de Psychosomatique « Pierre Marty » de 1989 à 1992 et la Société Française de Médecine Psychosomatique de 2000 à 2002. Il est consultant en psychosomatique au CHU La Pitié-Salpêtrière. En 2006, il crée à la Pitié-Salpêtrière le « Diplôme Universitaire de Psychosomatique Intégrative, Psychanalyse, Médecine et Neurosciences ». Il effectue une recherche sur le stress professionnel, les phénomènes psychosomatiques et sur

208 ex. GOLSE B. & MISSONNIER S. (2005), Récit, attachement et psychanalyse. Pour une clinique de la narrativité, Toulouse, Érès.

209 Cercle de Neuropsychologie et Psychanalyse, fondé en particulier par D. Widlöcher, C. Fayada et L. Ouss. Ce cercle, qui associe des chercheurs, cliniciens divers, a pour but de « mettre en commun des connaissances et des expériences sur le fonctionnement du psychisme, en particulier dans le champ de la neuropsychologie, des neurosciences cognitives et de la psychanalyse, sur les plans clinique, théorique et de recherche. » Le Conseil d’Administration est composé de A. Bazan, S. Benisty, A. Boissel, J. Chambry, B. Claudel, C. Fayada, A Funkiewiez, M. Gargiulo, N. Georgieff, V. Hahn Barma, G. Leloup, L. Mallet, S.

Missonnier, L. Ouss, C. Papeix, A. Robert-Pariset, M. Sarazin ; le Conseil Scientifique est composé de J-F. Allilaire, F. Ansermet, S.

Bakchine, A. Braconnier, P. Delion, C. Derouesné, B. Dubois, B. Golse, G. Haag, B. Hanin, O. Lyon Caen, L. Naccache, R. Roussillon, D. Widlöcher.

210 ex. MISSONNIER S. (2003). La consultation thérapeutique périnatale, Toulouse, Érès; MISSONNIER S., GOLSE B. &

SOULÉ M. (2004). La grossesse, l'enfant virtuel et la parentalité. Éléments de psycho(patho)logie périnatale, Paris, PUF.

211 BOISSEL A. (2008). Psychopathologie d'un traumatisme crânien survenu durant l'enfance. Effets à long terme sur le sujet et sa famille. Directrice de recherche: Professeure Dominique Cupa, Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense; BOISSEL A. (2009).

Parcours scolaire après un traumatisme crânien: à propos d'un cas clinique. Nouvelle Revue de l'Adaptation et de la Scolarisation, numéro Avril-Juin 2009.

les conséquences psychiques des greffes d'organes 212 . Son groupe s’intéresse à la

«bio-régulation et les relations entre l’appareil psychique et les fonctions organiques » et s’intitule: « Nouveaux horizons psychosomatiques: psychanalyse, psychosomatique et médecine ». En 2006, Stora publie, dans la collection Que sais-je?, un ouvrage, La neuro-psychanalyse 213 qui tente de « faire la synthèse des approches croisées de la psychanalyse et des neurosciences, de leurs apports et des pistes de recherche d’une discipline en construction ».

Les neurosciences vont-elles offrir une nouvelle légitimité conceptuelle à la psychanalyse? Une vision qui est loin d’être partagée par les psychanalystes du monde francophone: pour un nombre d’entre eux la psychanalyse peut se passer des neurosciences. Mieux, pour le psychiatre, psychanalyste et maître de conférences à l’université de Nantes, Gérard Pommier, un nombre important de résultats obtenus en neurosciences ne peuvent être interprétés sans la psychanalyse. Dans Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, Pommier214 propose: « Les neurosciences montrent l’existence de processus qu’elles auront du mal à intégrer sans des concepts qui n’appartiennent ni à leur champ ni à leur expérience ». Les neurosciences montreraient, par exemple, comment le développement des circuits du langage est préalable à une expansion des capacités proprement humaine. Le phénomène d’attrition neurologique implique que si les potentialités du langage ne sont pas utilisées par le cerveau dans un certain délai, il perd une partie de ses possibilités. Les avancées des neurosciences montrent aussi que le corps est psychique: en se remémorant une scène, le cortex visuel s’active, en se représentant une action, les aires motrices correspondant à celle-ci se mettent en fonction.

Dans le phénomène du membre fantôme, le patient continue à percevoir le membre disparu et à en souffrir. Ces observations indiquent que les sensations ne deviennent conscientes qu’en fonction de leur investissement pulsionnel. Cette pulsion est modulée par la demande maternelle et cette demande est si violente qu’un rejet – le refoulement primordial – est nécessaire. Les pulsions rejetées à l’extérieur animent

le monde: un double de soi, un fantôme, habite le monde. » Pommier propose que ce refoulement induise une latéralisation, tant du corps dans l’espace qu’au niveau du cerveau:

« Tout se passe comme si le corps devait répartir entre deux lieux le rapport contrarié entre image et signifiant. ». Les images ne pensent pas car elles fonctionnent par analogie, par glissement des unes vers les autres, et elles piègent la pulsion. Au niveau cérébral, il y aurait une bipartition entre un lieu du pulsionnel « localisé » dans les aires corticales droites et un lieu pour sa symbolisation, les aires du langage dans l’hémisphère gauche. L’acte de parole effectue le refoulement de l’excès pulsionnel: « La pulsion est refoulée par la parole selon un circuit dont on peut suivre la trace de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche ».

D’autre part, Pommier propose que plusieurs questions aussi essentielles que celle de la conscience demeurent insolubles en neurosciences sans le concept d’inconscient. Pour Pommier, l’inconscient présentifie la tension grammaticale quand « ça parle ». Il ne s’agit donc pas d’une instance séparable de la conscience, qu’on pourrait isoler à une localisation cérébrale. La perception humaine dépend de la relation à autrui et du langage. « L’homme n’a conscience d’aucune sensation sans la médiation du symbole », car c’est le symbole lui-même qui fonde l’événement d’origine. Dans le passage de droite à gauche qu’est le

212 STORA J.-B. (1999). Quand le corps prend la relève, Paris, Odile Jacob.

213 STORA J.-B. (2006). La neuro-psychanalyse, Collection « Que sais-je?», Paris, PUF.

214 POMMIER G. (2004). Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse. Paris, Flammarion.

refoulement, il y a une dépense d’énergie et un délai, qui correspondent à la confrontation de la perception avec un autre événement déjà mémorisé. D’un point de vue neuroscientifique, le lobe préfrontal a un rôle intégrateur de fonctions grâce à sa réflexivité; pour Pommier, il est la traduction dans l’organique du narcissisme, qui a en effet une fonction d’intégration psychique. Pommier propose qu’un souvenir est inconscient « lorsque son sujet ne parvient pas à en prendre la mesure... L’inconscience n’est pas un lieu ou une substance. C’est

refoulement, il y a une dépense d’énergie et un délai, qui correspondent à la confrontation de la perception avec un autre événement déjà mémorisé. D’un point de vue neuroscientifique, le lobe préfrontal a un rôle intégrateur de fonctions grâce à sa réflexivité; pour Pommier, il est la traduction dans l’organique du narcissisme, qui a en effet une fonction d’intégration psychique. Pommier propose qu’un souvenir est inconscient « lorsque son sujet ne parvient pas à en prendre la mesure... L’inconscience n’est pas un lieu ou une substance. C’est

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