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L’EXERCICE DU DROIT DE PREEMPTION

Outre la mention en tant que principe de la déclaration de Rio, le principe de participation en matière d’environnement est fondé, en droit

4. L’EXERCICE DU DROIT DE PREEMPTION

En ce qui concerne l’exercice du droit de préemption, le CWATUPE distingue, pour les modalités procédurales de cet exercice, l’hypothèse d’une vente de gré à gré par rapport à une vente publique.

4.1 L

A CESSION DE GRE A GRE

Les articles 177 et suivants du CWATUPE organisent comme suit les modalités de la préemption proprement dite.

4.2 L

A DECLARATION D

INTENTION D

ALIENER

(DIA)

2

Le titulaire d’un droit réel doit faire une déclaration d’intention d’aliéner, adressée par envoi recommandé3 au Gouvernement et à la commune.

Cette DIA, dont le Gouvernement a fixé le modèle par un arrêté du 8 septembre 2005 portant exécution des articles 177 et 180 du CWATUPE4, contient obligatoirement :

« 1° l'identité et le domicile du titulaire d'un droit réel immobilier ; 2° l'adresse de l'immeuble dont l'aliénation est projetée ;

3° la description de l'immeuble et notamment sa désignation cadastrale, la superficie de la parcelle, la superficie au sol du bâti, la superficie de plancher et le nombre de niveaux ; 4° les autres droits réels et les droits personnels qui y sont attachés ;

5° la mention détaillée des permis d'urbanisme ou de lotir, des certificats d'urbanisme relatifs au bien ainsi que la destination urbanistique la plus récente et la plus précise, en indiquant la dénomination prévue aux différents plans d'aménagement ;

6° l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas de vente publique, de l'éventuelle mise à prix ;

1 CJUE, 17 juin 2010.

2 Art. 177, § 1er.

3 En application de l’article 8, al. 1er, du CWATUPE, cet envoi pourrait se faire selon un autre mode s’il permet de donner date certaine à l’envoi et à la réception de la déclaration d’intention d’aliéner.

4 Moniteur belge, 26 septembre 2005, p.41509. Cette déclaration constitue l’actuelle annexe 50 du CWATUPE.

7° à défaut de prix, la valeur conventionnelle de la contre-prestation stipulée à charge de l'acquéreur du droit réel immobilier ;

8° l'indication de ce que les titulaires du droit de préemption ont le droit de visiter le bien. »

On notera tout particulièrement le fait que la déclaration d’intention d’aliéner ne devra pas mentionner l’identité de l’acquéreur potentiel, même si celui-ci est connu. Ceci est important si l’on se réfère aux pratiques trop courantes en France où le préempteur préempte parfois uniquement pour s’opposer à l’acquisition du bien par telle ou telle personne.

Par ailleurs, les juridictions flamandes ont été confrontées à la question du régime applicable lorsque le vendeur vend un ensemble de biens dans lequel seule une partie est en périmètre de préemption. Pour le Tribunal de Dendermonde, dans une telle hypothèse, le vendeur peut, mais n’est donc pas obligé, d’offrir la totalité des biens à la préemption1. Si le vendeur limite sa déclaration obligatoire qu’au seul périmètre préemptable, le préempteur ne peut exercer son droit de préemption sur le tout2.

4.2.1 Le traitement par le Gouvernement3

Le Gouvernement accuse réception de la DIA et en adresse copie aux différents bénéficiaires du droit de préemption en leur rappelant l’ordre de priorité entre eux.

Parallèlement, le Gouvernement consulte soit le receveur de l’enregistrement et des domaines, soit le comité d’acquisition, pour avoir un avis sur la valeur du bien proposé et éclairer ainsi les titulaires du droit de préemption de la portée du prix demandé par le cédant.

En effet, dès réception de cet avis, le Gouvernement en transmet copie aux bénéficiaires du droit de préemption pour leur permettre de se positionner par rapport à cette évaluation.

Il n’est pas certain que, conformément à ce que prévoit l’article 178, §1er, al. 2, prévoit, le comité d’acquisition ou le receveur de l’enregistrement transmette cette évaluation dans les 30 jours de la demande du Gouvernement. On sait combien ces organismes sont débordés.

Peut-être serait-il opportun de prévoir une autre formule d’évaluation subsidiaire.

4.2.2 La réaction des bénéficiaires4

Les bénéficiaires du droit de préemption ont cinquante jours pour envoyer un document attestant leur décision d’acquérir aux prix et conditions proposés. Contrairement au droit français mais à l’instar du droit flamand et du droit bruxellois, il n’y a donc pas de possibilité pour les titulaires du droit de préemption intéressés par l’acquisition d’un bien de proposer une acquisition à un prix différent de celui qui est proposé par le cédant. Nous reviendrons spécifiquement sur cette question.

A défaut d’accepter ce prix dans le délai de cinquante jours, il y a présomption de renonciation à l’exercice du droit de préemption.

Le Gouvernement notifie par envoi recommandé au déclarant, au plus tard dans les vingt jours de l’expiration du délai de cinquante jours précité, la décision ou l’absence de décision des bénéficiaires du droit de préemption5.

1 Civ. Dendermonde, 19 décembre 2002, R.W., 2005-2006, nr 8, p. 313. Voyez sur cette question, S. SNAET, Het recht van voorkoop van de Vlaamse Wooncode, T. Not., 1999, p. 675.

2 Comm. Tongres, 28 mars 2002, R.W., 2005-2006, nr 48, p. 152.

3 Art. 178, § 1er.

4 Art. 178, § 2.

5 Art. 178, § 2, al. 2 (inséré par le décret du 23 juillet 1998).

Cela suppose que la notification de la décision soit intervenue dans le délai prescrit, une notification tardive étant assimilée à une renonciation1.

Il faut noter que la décision de préempter doit être prise par le ou les organes compétents.

C’est ainsi que, selon le Conseil d’Etat, la décision communale de préempter relève de la compétence du conseil communal et non du collège communal2. De même, ne sera pas valable la décision de préempter prise par un organe autre que le conseil d’administration lorsque, en vertu des statuts de la société, seul celui-ci est compétent pour ce faire3.

Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence rendue sur le droit flamand du logement que la décision de préempter prise par une société de logement en application du Wooncode n’est pas un acte administratif susceptible de recours devant le Conseil d’Etat4. droit de par analogie avec le droit flamand, il y a lieu de considérer que les préemptions

4.2.3 L’acquisition

Si un des préempteurs a marqué sa décision d’acquérir dans le délai, il doit régler le prix dans les quatre mois qui suivent la décision d’acquérir le bien et, au plus tard, le jour de la passation de l’acte. Copie de l’acte est envoyé par le préempteur au Gouvernement et à la commune5.

Dans l’hypothèse où il y a une renonciation expresse ou une renonciation implicite à l’acquisition, le vendeur peut vendre mais aux conditions de la DIA et dans le délai de trois ans à dater de la renonciation6.

En d’autres termes, si la vente se fait à un prix inférieur ou après trois ans, le vendeur est tenu d’envoyer une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner.

4.3 L

A VENTE PUBLIQUE

La procédure en cas de vente publique est similaire sachant que la déclaration d’intention d’aliéner est envoyée par le notaire chargé de la vente au moins soixante jours avant la première séance d’adjudication avec mention de la date et des modalités de la vente7. Lors de la séance, à la fin des enchères, avant l’adjudication, le notaire demande si un des bénéficiaires du droit de préemption veut exercer son droit au prix de la dernière offre8. En cas de revente par suite de l’exercice du droit de surenchère, le notaire doit refaire une déclaration d’intention d’aliéner dès réception des surenchères. Cette notification indiquera bien entendu la date et les modalités de la vente9. Lors de cette nouvelle séance de vente publique, le notaire posera la même question à la fin des enchères10.

1 C.E., n°165.768,11 déc. 2006, Debouvrie, par analogie avec le droit bruxellois.

2 C.E., n°165.768,11 déc. 2006, Debouvrie, par analogie avec le droit bruxellois qui vise l’article 117 de la nouvelle loi communale qui a été repris par l’article L.1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation

3 Par analogie avec le droit flamand, C.E., n° 205.680, 24 juin 2010, NV Vaartkaai et NV Wanli Europe.

4 Cass., 10 juin 2005, Pas., 2005, T 4-5, p. 1273, qui casse un arrêt du Conseil d’Etat, n° 131.123, 6 mai 2004, BVBA Peter Van De Velde ; voyez également C.E., n°131.122 du même jour.

5 Art. 179, al. 2 et 3.

Il est important de noter que, en vertu de l’article 178, § 3, alinéa 4, il est possible pour les titulaires du droit de préemption d’exercer leur droit non pas lors de la séance de vente publique, mais dans les trente jours à dater de l’adjudication en informant le notaire instrumentant de leur volonté de se subroger au dernier enchérisseur. Ce délai peut paraître court au regard du fait que, comme le souligne le Conseil d’Etat, la décision de préempter appartient au conseil communal.

4.4 L

A SUBROGATION

L’article 180 du CWATUP prévoit, à l’instar du droit flamand, une action en subrogation dans l’hypothèse où un droit réel serait aliéné en violation des dispositions du Code.

Un titulaire du droit de préemption peut en effet demander au tribunal de constater la nullité de l’acte et de déclarer le bénéficiaire du droit de préemption acquéreur en lieu et place du tiers moyennant le prix et les conditions stipulés dans l’acte1. Cette action se prescrit par cinq ans2.

4.5 L

E REGISTRE

Contrairement à ce qui existe en France où les communes doivent ouvrir un registre dans lequel sont inscrites les acquisitions par préemption et l’utilisation effective des biens préemptés3, rien n’est prévu en ce sens dans le CWATUPE.

5. LE PRIX

5.1 P

OSITION DU PROBLÈME

Comme nous l’avons vu, les bénéficiaires du droit de préemption ont cinquante jours pour envoyer un document attestant leur décision d’acquérir le bien aux prix et conditions proposés. Contrairement au droit français, il n’y a donc pas de possibilité pour les titulaires du droit de préemption intéressés par l’acquisition d’un bien de proposer une acquisition à un prix différent de celui qui est proposé par le cédant.

On a vu que la section de législation du Conseil d’Etat, dans son avis sur l’avant-projet d’ordonnance bruxelloise relative au droit de préemption qui prévoyait, en son article 12, la possibilité de marquer son intérêt à l’acquisition d’un bien offert mais sur la base d’autres conditions notamment financières et, en cas de désaccord du vendeur, de recourir à l’expropriation pour cause d’utilité publique, n’a pas reconnu le droit des régions de légiférer en ce sens.

En effet, pour le Conseil d’Etat, l’article 14 de la loi du 8 août 1980 limite sur ce point les compétences des entités fédérées4. La section de législation examine, pour asseoir son opinion, les travaux parlementaires sur l’article 14 inséré dans la loi spéciale de réformes institutionnelles. Pour le Conseil d’Etat, il se déduit notamment des déclarations du Premier Ministre que la volonté du législateur spécial était bien de ne pas permettre au pouvoir préemptant de contester le prix demandé et de préempter le cas échéant à un autre montant.

1 Art. 180, § 1er.

2 Art. 180, § 2.

3 Code de l’urbanisme, art. L.213-13.

4 Cons. R.Brux.-C., A-307/1 – 2001/2002, 19 juin 2002, p. 22-24.

Par ailleurs, il y a lieu d’examiner la question de savoir s’il était envisageable de considérer que l’instauration d’un mécanisme de préemption remettant en cause le prix demandé par le vendeur rentre dans les pouvoirs implicites1 de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

Sur l’instauration du droit de préemption en tant que tel, c’est-à-dire sans ce mécanisme de contestation du prix demandé, la section de législation du Conseil d’Etat avait apporté, en 1981, une réponse négative2. En effet, pour le Conseil d’Etat, dès lors que l’article 79 de la même loi attribue aux entités fédérées une compétence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’instauration d’un droit de préemption n’était pas indispensable. En effet, par cette possibilité d’acquisition forcée, les Régions notamment peuvent devenir propriétaires des biens nécessaires à leur politique.

Ce n’était donc pas une compétence régionale, mais une compétence fédérale.

Dans son avis sur l’avant-projet d’ordonnance bruxelloise sur le droit de préemption, la section de législation du Conseil d’Etat ne se prononce pas sur la question de savoir si, implicitement, on ne peut pas considérer que le pouvoir de modaliser la fixation du prix est lié à la compétence aujourd’hui conférée aux entités fédérées d’instaurer un droit de préemption.

5.2 R

EFLEXION POUR UNE REFORME 5.2.1 La nécessité d’une réforme

Il est clair que le fait que l’on ne puisse contester le prix offert par le vendeur dans sa déclaration d’intention d’aliéner, peut constituer un handicap dans le cadre d’une politique foncière.

L’exemple français est éclairant à cet égard. En effet, en droit français, le pouvoir doté du droit de préemption peut se déclarer intéressé à préempter tel bien mais à des conditions financières différentes. La contre-offre, si elle est acceptée par le vendeur, clôture la procédure de préemption. En revanche, si le vendeur conteste cette contre-offre, deux possibilités se présentent à lui : soit il renonce à la vente, soit il saisit le Juge de l’expropriation pour que le prix de préemption soit fixé. Ce sont alors les critères de détermination de la valeur vénale d’un bien, utilisés dans le cadre de la fixation de l’indemnité d’expropriation, qui vont jouer, sachant bien entendu que la préemption se fait à la valeur vénale déterminée par le Juge de l’expropriation, sans indemnité complémentaire contrairement à ce qui se passe en matière d’expropriation.

Nous avons relevé, à propos de l’inadéquation de certains périmètres de péremption visés par l’article 175 que cette inadéquation était liée au mécanisme de fixation du prix. Celui peut s’avérer défavorable pour le préempteur alors que s’il se mue en expropriant, le calcul des indemnités est sans comparaison aucune.

Dès lors, il paraît important, si l’on veut donner à certains périmètres de péremption leur intérêt, de pouvoir officiellement revenir sur le prix demandé dans la déclaration d’intention d’aliéner. Il n’y a pas de raison de laisser au vendeur le bénéfice d’une plus-value provenant de la seule décision de l’autorité publique. Il n’y a pas de raison de l’exonérer de l’obligation qu’il aurait de supporter le coût d’une réhabilitation d’un site économique délaissé.

5.2.2 Le fondement juridique de la réforme

1 C’est-à-dire les pouvoirs non explicitement conférés aux Régions, par exemple, mais qui sont indispensables à l’exercice d’une compétence qui, elle, a été formellement transférée.

2 Avis n° 13.909, 3 février 1981.

Comme nous l’avons relevé, la section de législation du Conseil d’Etat n’admet pas que les Régions puissent instaurer un système permettant de remettre en cause le prix demandé par le vendeur dans sa déclaration d’intention d’aliéner. Cette compétence relèverait des compétences de l’Etat fédéral.

On pourrait évidemment tabler sur la future révision de la loi spéciale de réformes institutionnelles pour modifier en conséquence l’article 6, § 1er, de ladite loi en insérant, dans le bloc de compétences relatif à l’aménagement du territoire (I), au point 6° à propos de la politique foncière, l’indication que cette compétence implique le droit de modaliser le calcul du prix auquel un bien peut être préempté.

S’il s’avérait que cette voie est politiquement difficile en raison notamment du fait qu’elle n’est pas prioritaire, il faudrait examiner dans quelle mesure, sur la base de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, on ne peut pas remettre en question l’avis de février 2003 de la section de législation du Conseil d’Etat.

En effet, la Cour constitutionnelle a eu l’occasion de se prononcer sur le concept de « loi » au sens de la loi spéciale de réformes institutionnelles, mais aussi au sens de l’article 16 de la Constitution1.

Effectivement, l’article 16 de la Constitution belge prévoit que :

« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

Pour la Cour constitutionnelle, « en utilisant les termes « par la loi » dans l’article 16 de la Constitution, article dont le contenu est demeuré inchangé depuis 1831, le Constituant a uniquement voulu exclure la compétence du pouvoir exécutif, en réservant aux assemblées délibérantes démocratiquement élues la compétence d’établir les cas et modalités d’expropriation »2.

Si le législateur régional en venait à contraindre le vendeur de vendre à un prix moindre que celui que ce dernier recherchait, cela pourrait d’une certaine façon être assimilé à une mesure de privation de la propriété. Si l’on se réfère à l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle, cette réforme pourrait être de la compétence des Régions puisque les termes « par la loi » de l’article 16 de la Constitution couvrent aussi l’hypothèse de modalités fixées par un décret régional.

Il y aurait donc là un fondement possible d’une réforme du droit de préemption.

Enfin, comme nous l’avons relevé, la section de législation du Conseil d’Etat ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si le pouvoir de modaliser la fixation du prix à laquelle s’opère la préemption rentre dans les pouvoirs implicites de la Région.

On pourrait en tout cas, à la lumière des réflexions développées ci-dessus, défendre l’idée qu’effectivement une telle modalisation est indispensable à l’exercice du droit de préemption pour en faire un outil efficace de la politique foncière, compétence incontestablement attribuée aux Régions.