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TESTS DE DIFFERENTES METHODES

3.2 D E QUELQUES QUESTIONS DE DROIT EN RAPPORT AVEC LES CHARGES D ’ URBANISME EN LOGEMENT

3.2.1 Le fondement légal

La première question que l’on doit se poser si l’on veut pouvoir imposer, à l’occasion de la délivrance de certains permis, une charge d’urbanisme sous la forme de la construction de logements sociaux, est celle de savoir si l’article 128 du CWATUPE, dans sa version actuellement en vigueur, peut servir de fondement à une telle charge.

Sous cette question, il y a en fait deux sous questions.

La première est liée au type de charge. La seconde, elle, a trait à la compétence de la rendre obligatoire.

3.2.1.1 Le fondement légal de la charge sous forme de construction de logements L’article 128 du CWATUPE énonce ce qui suit :

8 Voyez notamment, F. HAUMONT, Les charges d’urbanisme, Amén.-Env. 1994, pp. 170-181 ; L. VANOOST, L’appréciation du bon aménagement des lieux au niveau des charges d’urbanisme, in L’urbanisme dans les actes, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 133-211 ; M. KESTEMONT-SOUMERYN, Les conditions assortissant les permis, les charges d’urbanisme et la péremption des permis, in La réforme du droit wallon de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, Bruxelles, Bruylant, 1998, pp. 337-356 ; G. PARTSCH, Les charges d’urbanisme prévues à l’article 86, § 2, al. 2, du CWATUP, Les Cahiers de droit immobilier, 2000, pp. 3 et s. ; P. HENRY – N.

VAN DAMME, Le permis de lotir et les charges d’urbanisme, Les Cahiers de l’urbanisme, Le permis de lotir, n°

hors série mars 2001, pp. 73-93 ; Ph. LEVERT, Les charges d’urbanisme en Région de Bruxelles-Capitale, Amén.-Env. 2008, pp. 258-273.

§1er. Le permis visé à l'article 88, 89, 107 ou 127 est refusé ou assorti de conditions s'il s'agit de bâtir ou d'urbaniser un terrain n'ayant pas d'accès à une voie suffisamment équipée en eau, en électricité, pourvue d'un revêtement solide et d'une largeur suffisante, compte tenu de la situation des lieux, et pour autant que les conditions en matière d'épuration des eaux usées du Code de l'eau ne soient pas rencontrées pour la ou les parcelles concernées.

§2. Sans préjudice de l'application de l'article 129quater, à l'initiative du demandeur ou d'office, le collège communal, le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement peuvent subordonner la délivrance des permis à l'ouverture, la suppression ou la modification de voiries communales ainsi qu'aux charges qu'ils jugent utiles d'imposer au demandeur dans le respect du principe de proportionnalité.

Outre la fourniture de garanties financières nécessaires à leur exécution, les charges sont supportées par le demandeur et couvrent la réalisation ou la rénovation de voiries, d'espaces verts publics, la réalisation ou la rénovation de constructions ou d'équipements publics ou communautaires ainsi que toutes mesures favorables à l'environnement.

En outre, le collège communal, le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement peuvent subordonner la délivrance du permis à une déclaration par laquelle le demandeur s'engage, au moment où les travaux sont entamés, à céder à la commune ou à la Région, à titre gratuit, quitte et libre de toute charge et sans frais pour elles, la propriété de voiries, d'espaces publics, de constructions ou d'équipements publics ou communautaires.

§3. Lorsque la demande de permis porte sur un bien situé le long d'une voie de la Région ou de la province, l'autorité chargée d'instruire la demande la soumet à l'avis de l'administration concernée.

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer de manière générale sur la réglementation en vigueur en droit bruxellois dont le libellé est assez proche de celui du CWATUPE.

L’actuel article 100, § 1er, du COBAT prévoit ce qui suit :

Le collège des bourgmestre et échevins, le fonctionnaire délégué et le Gouvernement peuvent subordonner la délivrance du permis aux charges qu'ils jugent utile d'imposer au demandeur dans le respect du principe de proportionnalité, charges comprenant notamment outre la fourniture des garanties financières nécessaires à leur exécution, la réalisation, la transformation ou la rénovation à titre gratuit de voiries, d'espaces verts, de bâtiments publics, d'équipements publics et d'immeubles de logements.

En outre, ils peuvent subordonner la délivrance du permis à une déclaration par laquelle le demandeur s'engage, au moment où les travaux sont entamés, à céder à la commune à titre gratuit, quitte et libre de toute charge et sans frais pour elle, la propriété de voiries publiques, d'espaces verts publics, de bâtiments publics, d'équipements publics et d'immeubles de logement ainsi que les terrains sur lesquels ils sont ou seront aménagés.

Ils peuvent, en lieu et place ou complémentairement à la réalisation des charges susmentionnées et dans le respect du principe de proportionnalité, subordonner la délivrance du permis au versement d'une somme d'argent destinée à contribuer au financement d'actes et travaux qu'ils déterminent et qui ont pour objet la réalisation, la transformation ou la rénovation de voiries, d'espaces verts, de bâtiments publics, d'équipements publics ou d'immeubles de logements.

Les charges sont mentionnées dans le permis d'urbanisme.

Dans un arrêt du 15 juin 20099 sur un recours contre l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 12 juin 2003 relatif aux charges d’urbanisme, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la liste des charges d’urbanisme mentionnée dans le droit bruxellois et la portée de l’adverbe « notamment ».

Pour le Conseil d’Etat, « s’il est vrai que l’emploi du terme «notamment» implique que cette énumération n’est pas limitative, il ne pourrait toutefois en être déduit que le législateur ait eu l’intention de permettre à l’autorité de subordonner la délivrance d’un permis à toutes charges généralement quelconques, mais seulement à des obligations d’une nature comparable à celles que ces dispositions énumèrent; que les charges «en nature» (…) consistent en des travaux en relation immédiate avec la construction ou le lotissement autorisé par le permis, et ont pour objectif d’éviter qu’une opération immobilière rentable pour le maître de l’ouvrage ait des répercussions néfastes sur les finances du pouvoir public intéressé – le plus souvent la commune – en l’obligeant à réaliser des travaux qui profitent principalement au bénéficiaire du permis; qu’ainsi que l’indiquent la doctrine et les travaux préparatoires cités par la partie adverse, les charges «en numéraire» (…) sont une autre manière de permettre la réalisation des mêmes travaux, ceux-ci étant alors exécutés par l’autorité, mais financés par le bénéficiaire du permis ; que, dans un cas comme dans l’autre, il ne peut s’agir de travaux sans relation avec les ouvrages autorisés par le permis ; ».

Si derrière ce considérant, il y a aussi la question de la proportionnalité de la charge – question sur laquelle nous reviendrons ci-après -, c’est aussi la nature de la charge qui est en cause.

En droit bruxellois, le COBAT mentionne explicitement « la réalisation, la transformation ou la rénovation à titre gratuit (…) d'immeubles de logements »10. L’arrêt précité du Conseil d’Etat conduit à interpréter cette possibilité d’imposer une telle charge comme étant limitée à la réalisation de logements qui, par exemple, assure une mixité de fonctions au sein du quartier, mixité qui serait mise à mal par le projet à autoriser ou assure au sein de la fonction

« logement » une mixité sociale qui ferait défaut du fait du projet.

Il ne s’agirait pas de pouvoir autoriser, comme charge d’urbanisme, la construction de logements sociaux sans lien, ne fût-ce qu’indirect, avec le projet autorisé.

Le libellé de l’article 128 du CWATUPE semble plus large que celui du COBAT. Encore que, lorsque l’on se réfère à la circulaire ministérielle du 20 mai 2009 relative aux charges d’urbanisme visées à l’article 128 du CWATUP, les bâtiments dont il est fait référence sont des bâtiments publics ou communautaires. On sait, certes, que le Conseil d’Etat a – à juste titre – considéré que le logement social était de service public ou communautaire au sens de l’article 28 du CWATUPE11. Néanmoins, l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 15 juin 2009 nous porte à suggérer de compléter explicitement l’article 128 pour s’assurer que l’imposition de la construction de logements sociaux sans lien avec le projet autorisé rentre bien dans la catégorie des charges d’urbanisme que le législateur wallon peut imposer.

3.2.1.2 Le fondement légal de l’imposition d’une charge d’urbanisme

9 C.E., n° 194.193, 15 juin 2009, U.P.S.I. et crts.

10 D. LAGASSE mentionne que sur 710.000 m² de bureaux autorisés de 1997 à 2000 en Région bruxelloise, 465.000 m² ont fait l’objet de charges d’urbanisme à concurrence de 35.000.000 € dont plus de la moitié a été affectée à la construction et à la rénovation de logements et environ un tiers à l’amélioration des espaces publics (in « Connaissance approfondie du droit administratif en rapport avec le notariat », ULB, note de cours, 2005, p. 114).

11 C.E., n° 197.983, 18 novembre 2009, Carpentier et crts.

L’autre question qui doit être tranchée est celle de savoir si les autorités compétentes pour l’octroi d’un permis peuvent être tenues d’imposer, dans certaines circonstances, une charge d’urbanisme sous la forme de construction de logements sociaux.

A l’heure actuelle, l’article 128, § 2, al. 1er, du CWATUPE mentionne que ces autorités

« peuvent » subordonner l’octroi du permis aux charges qu’elles jugent utiles d’imposer.

Face à une faculté identique en droit bruxellois, le Conseil d’Etat a considéré, d’une part, qu’il n’était pas possible qu’un arrêté du Gouvernement exonère d’office certains permis de toute charge d’urbanisme12 et, d’autre part, qu’il n’était pas possible non plus qu’un arrêté gouvernemental – il s’agissait en l’occurrence du Plan régional de développement – impose d’office, dans certains cas, une charge d’urbanisme13. En d’autres termes, pour le Conseil d’Etat, si le législateur régional a donné une compétence facultative notamment au collège communal, celui-ci doit pouvoir l’exercer librement dans un sens ou dans un autre. Il ne peut donc être contraint dans son choix d’imposer ou non une charge.

Ceci a conduit le Parlement bruxellois, par son Ordonnance du 14 mai 2009, a ajouter un 3e

§ à l’article 100 du COBAT qui mentionne ce qui suit :

« Le Gouvernement détermine les circonstances dans lesquelles l'imposition de charges d'urbanisme est obligatoire et fixe la valeur minimale des charges d'urbanisme imposées dans ces circonstances. Le Gouvernement peut également déterminer les circonstances dans lesquelles l'imposition de charges d'urbanisme, tant obligatoires que facultatives, est exclue. »

Si la Région wallonne entendait obliger notamment la commune à imposer telle ou telle charge d’urbanisme sous la forme de la construction de logements sociaux, il y aurait lieu de modifier en conséquence l’article 128 du CWATUPE pour habiliter le Gouvernement à prévoir une telle obligation. Cela vaudrait aussi évidemment pour une exonération d’office d’une telle charge.