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Le champ territorial .1 Les périmètres

D’UNE POLITIQUE FONCIERE REGIONALE

2.2.1 Le champ territorial .1 Les périmètres

L’article 175 prévoit la possibilité d’instaurer plusieurs types de périmètres de préemption :

• les zones d’aménagement communal concerté ;

• les zones d’aménagement concerté à caractère industriel ;

• le périmètre d’un plan communal d’aménagement ;

• les domaines des infrastructures ferroviaires ou aéroportuaires et les ports autonomes (art.

21 CWATUPE - décret du 20 septembre 2007) ;

• le périmètre des zones vulnérables (art. 136bis CWATUPE – décret du 8 mai 2008))

• le périmètre d’un site à réaménager ;

• le périmètre d’une opération de revitalisation urbaine ;

• le périmètre d’une opération de rénovation urbaine ;

• tout périmètre visé par la révision d’un plan de secteur portant sur l’inscription d’une nouvelle zone destinée à l’urbanisation.

2.2.1.2 Commentaires

L’article 175 appelle plusieurs commentaires.

1 F. HAUMONT, « L’ordonnance du 18 juillet 2002 relative au droit de préemption », Amén.-Env., 2003, p. 70-76.

a) La nécessité d’une désignation par la Gouvernement

Un périmètre de préemption n’existe pas d’office. L’article 176, § 3, du CWATUPE prévoit explicitement qu’il faut un arrêté du Gouvernement arrêtant le périmètre.

Le Gouvernement pourra prendre un arrêté général visant, par exemple, toutes les zones d’aménagement communal concerté (ZACC) ou tous les PCA. Le Gouvernement peut prendre aussi, ce qui est jusqu’à présent le cas, un arrêté au coup par coup, notamment lors de la mise en œuvre d’une zone d’aménagement différé, lors de l’arrêté fixant un site à réaménager ou lors de l’adoption d’un autre périmètre.

On peut s’interroger sur l’opportunité qu’il y aurait à pratiquer une désignation par catégorie.

C’est ainsi que, par exemple, le Gouvernement pourrait décréter que tous les périmètres de sites à réaménager (SAR) (CWATUPE, art. 167) constituent des périmètres de préemption.

En effet, même si le CWATUPE ne prévoit pas une procédure sophistiquée pour l’établissement de tels périmètres – nous reviendrons sur cette question -, il n’empêche que cela suppose des formalités administratives minimales. La détermination d’une procédure administrative plus complète s’impose, selon nous, au regard des obligations internationales et européennes, comme nous le verrons.

Dès lors, ne faudrait-il pas réfléchir à exprimer formellement la possibilité pour le Gouvernement d’arrêter que certains types de périmètres soient d’office des périmètres de préemption ? Cela permettrait de soumettre l’adoption des périmètres de préemption aux formalités administratives imposées pour l’adoption de la décision qui fondera le choix du périmètre de préemption.

Ce ne serait qu’une mesure assurant un parallélisme avec ce qui se fait en matière d’expropriation. En effet, de nombreux actes administratifs peuvent être adoptés simultanément avec un arrêté d’expropriation. C’est le cas notamment des plans d’aménagement (CWATUPE, art. 59).

b) Les biens exclus du périmètre

Le législateur spécial et le législateur wallon ont l’un et l’autre prévu que certains biens, repris dans un périmètre de préemption, n’étaient néanmoins pas soumis à celui-ci.

• L’article 14 de la loi spéciale

Il faut noter, à propos des périmètres précités, que l’article 14 de la loi spéciale de réforme institutionnelle exclut de ses périmètres les biens du domaine public ou privé fédéral ou communautaire. Mais pas le domaine public ou privé de la Région elle-même ; ce point n’est compréhensible que si l’on vise l’hypothèse de l’instauration d’un périmètre de préemption par le Gouvernement wallon dans lequel un autre pouvoir préempteur – nous reviendrons sur ce point - que la Région est désigné.

Par ailleurs, toujours en application de l’article 14 précité, les droits de préemption existant avant l’entrée en vigueur dudit article 14 (1er janvier 1994) prévalent sur le droit de préemption instauré par la Région wallonne, par exemple. Dans la pratique, cela concerne essentiellement des droits de préemption consentis contractuellement. Il est en effet fréquent que des particuliers ou des personnes morales de droit privé s’engagent contractuellement et confèrent à leur cocontractant un droit de préemption. L’article 14 de la loi spéciale de réformes institutionnelles ne faisant pas la distinction entre les droits de préemption privés et les droits de préemption que le législateur a conférés à un pouvoir public, les droits de préemption privés consentis avant le 1er janvier 1994 prévalent sur le droit de préemption établi en application de l’article 175 du CWATUPE.

Il n’est évidemment pas aisé pour un pouvoir public de connaître ces droits privés. Il appartiendra au vendeur d’aviser le Gouvernement de ce fait dans sa déclaration d’intention d’aliéner (voir infra) ou dans une notification ad hoc.

• L’article 176, § 2, du CWATUPE

L’article 176, § 2, du CWATUPE exclut, lui, du champ d’application du droit de préemption les biens qui font l’objet d’un arrêté décrétant leur expropriation pour cause d’utilité publique.

Ce qui peut se justifier par plusieurs éléments.

Il paraît cohérent que le législateur impose un mécanisme de subsidiarité. Dès l’instant où le mode d’acquisition envisagé par le pouvoir public concerné est l’expropriation, il nous semble logique que le droit de préemption s’efface. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où il n’y a pas de périmètre d’expropriation que le droit de préemption se justifie.

Ceci est d’autant plus cohérent que, lorsque le bien est repris dans un périmètre d’expropriation, il est de fait invendable1. En effet, qui voudrait acheter un bien qui est menacé d’expropriation ?

En outre, cette exclusion de l’article 176, § 2, protège le propriétaire qui peut de ce fait recevoir, outre l’indemnité de remploi, les indemnités accessoires liées à l’expropriation.

c) L’adéquation de la liste des périmètres

Régulièrement, des types de périmètres nouveaux sont inscrits à l’article 175 lors de révisions du CWATUPE, comme c’est le cas des ZACC et des ZACCI, des zones vulnérables SEVESO ou des zones « blanches » (art. 21 CWATUPE).

On peut s’en réjouir puisque cela élargit d’autant le champ d’application du droit de préemption. Néanmoins, il nous paraît que ce champ d’application présente deux défauts.

Manifestement, il faudrait pouvoir y insérer d’autres périmètres alors que l’opportunité de maintenir certains d’entre eux peut se discuter.

• Les périmètres manquants

L’article 175, alinéa 1, du CWATUPE a une double logique. Tantôt les périmètres listés répondent à un politique très ciblée, tantôt, bien que plus ouverts, ces périmètres ont une logique territoriale limitée.

Lorsque l’article 175 prévoit que les sites à réaménager, les périmètres de zones vulnérables autour des entreprises Seveso ou les domaines des ports autonomes, par exemple, peuvent être des périmètres de préemption, il est clair que la raison d’être de ces périmètres est très ciblée : on veut pouvoir acquérir pour réaménager le SAR, éviter des implantations en zone vulnérable ou faciliter le développement du port autonome.

D’autres périmètres sont plus ouverts. On pense à ceux des ZACC ou des PCA. La multifonctionnalité de principe – encore que des exceptions soient loin d’être exclues – de ces périmètres donnent plus de souplesse au droit de préemption. Pour autant que, par ailleurs, l’on puisse définir des buts élargis. Nous reviendrons ultérieurement sur cette question. Toutefois, ces périmètres sont géographiquement limités et dans une logique particulière.

Il n’en reste pas moins que l’article 175 ne permet pas ou que difficilement de déterminer des périmètres transversaux.

1 C’était l’hypothèse dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède. La Suède a été condamnée pour violation de l’article 1er du Premier Protocole additionnel des droits de l’homme. Cet article qui protège le droit de propriété n’avait pas été respecté du fait de l’adoption d’un arrêté d’expropriation jamais exécuté et qui avait immobilisé de fait pendant 23 ans et 17 ans les biens des requérants.

Or, il existe des hypothèses dans lesquelles l’instauration d’un périmètre de préemption ne répond à aucune des logiques de l’article 175. L’exemple des contrats d’axe liés à l’implantation d’une ligne de transport en commun illustre parfaitement cette situation.

« Un contrat d’axe est une démarche négociée entre l’autorité organisatrice des transports et les territoires pouvant accueillir un projet de transports collectifs :

L’autorité organisatrice des transports s’engage sur un projet de transport (TCSP)

Les Communes et Communauté d’agglomération s’engagent sur des moyens de favoriser la densité autour du TCSP et l’accessibilité aux stations »1.

L’instauration d’un périmètre de préemption se justifie parfaitement pour mener une telle politique. Or, si l’on prend l’hypothèse d’une ligne de quelques kilomètres, les périmètres autorisés par l’article 175 sont inadéquats. Il n’est pas exclu évidemment que, partiellement, on puisse recourir à de tels périmètres lorsque l’on traverse une ZACC ou un SAR. Mais globalement, le périmètre d’un contrat d’axe ne pourra se traduire en un seul périmètre de préemption.

Certes, on peut toujours imaginer de faire de ce périmètre du contrat d’axe un PCA qui pourrait dès lors être un périmètre de préemption. Mais ce n’est pas la logique du PCA que de porter sur un territoire d’un kilomètre de large sur plusieurs kilomètres de long !

C’est probablement le périmètre de revitalisation urbaine qui pourrait correspondre le mieux.

Mais compte tenu du mécanisme de l’article 172 – un euro à charge de la Région pour deux euros investis par le privé (dont un dans le logement) -, le périmètre traditionnellement retenu pour ce type d’opération est nécessairement limité2.

Il y a donc une lacune dans le CWATUPE à cet égard. A titre d’exemple, le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (art. 260 du COBAT) a opté pour un régime plus souple puisque, potentiellement, tout le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale est susceptible d’être un périmètre de préemption.

• Les périmètres « inadéquats »

Par ailleurs, on doit s’interroger sur l’adéquation de certains périmètres, à savoir les périmètres des nouvelles zones destinées à l’urbanisation dans les plans de secteur et les périmètres des sites à réaménager.

Sous l’angle de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, il va de soi que ce type de périmètre est tout à fait cohérent. En revanche, sous l’angle financier, il s’avère que faire de ces périmètres des périmètres de préemption est inadéquat.

En effet, l’inscription des périmètres des nouvelles zones destinées à l’urbanisation dans les plans de secteur ou des périmètres de sites à réaménager en périmètres de préemption est financièrement moins intéressante que leur inscription en périmètre d’expropriation.

S’agissant des nouvelles zones destinées à l’urbanisation inscrites au plan de secteur, leur acquisition par le biais du droit de préemption ne pourra se faire, dans le droit actuellement en vigueur, comme nous le verrons, qu’au prix demandé par le propriétaire-vendeur ou en tout cas au prix accepté par un tiers acquéreur. Il va de soi que le prix susceptible d’être obtenu par le vendeur sera fonction de la nouvelle destination inscrite au plan de secteur. Si le terrain est en zone d’activité économique mixte (CWATUPE, art. 30), le vendeur souhaitera obtenir un prix correspondant à cette destination.

1 AUT-TAU, Guide méthodologique pour la mise en œuvre des contrats d’axe, septembre 2007, p. 3.

2 La pratique prévoit que la Région wallonne limite son intervention à 1.250.000 € se qui, pratiquement, limite le périmètre de ces opérations.

En revanche, si le nouveau périmètre destiné à l’urbanisation est repris comme périmètre d’expropriation, l’article 64 du CWATUPE trouve à s’appliquer. Celui-ci prévoit que, « pour le calcul de la valeur de l’immeuble exproprié, il n’est pas tenu compte de la plus-value ou de la moins-value, qui résulte des prescriptions du plan (…) ».

Concrètement, cela signifie que si une révision d’un plan de secteur aboutit à inscrire une nouvelle zone d’activité économique mixte en lieu et place d’une zone agricole, faire de cette zone un périmètre d’expropriation en permettra l’acquisition à la valeur de terre agricole.

Même si l’on tient compte de l’indemnité de réemploi et des indemnités accessoires complémentaires qui reviennent à l’exproprié, le pouvoir expropriant paiera incontestablement moins que s’il préempte le même bien.

C’est également des raisons financières qui doivent poser question à propos des sites à réaménager classés en périmètre de préemption.

Le propriétaire-vendeur fixera en principe librement son prix sans se soucier nécessairement du coût de réhabilitation qu’il laissera, s’il le peut, à l’acquéreur. En outre, il tiendra compte dans le prix qu’il fixe de l’éventuelle nouvelle destination fixée dans l’arrêté du site à réaménager.

Or, en cas d’expropriation, l’article 181, al. 5, du CWATUPE impose une règle similaire à celle de l’article 64 : on ne tient pas compte de la plus-value qui découle de la décision de réaménager le site et sa nouvelle destination.

Par ailleurs, l’article 182, § 2, permet d’imposer des charges de réhabilitation pour les sites à réaménager, charges dont le coût doit être supporté par le propriétaire. Cela permet de déduire de l’indemnité d’expropriation revenant à l’exproprié ledit montant (art. 182, § 3). La Cour constitutionnelle a validé ce mécanisme1.

Dès lors, dans le cadre du régime de préemption actuellement en vigueur qui ne permet pas de contester le prix demandé par le vendeur, il est plus intéressant de recourir dans les deux hypothèses mentionnées ci-dessus à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Pour être complet, il faut mentionner que les mécanismes précités des articles 181 et 182 du CWATUPE s’appliquent aussi aux périmètres de revitalisation urbaine ou de rénovation urbaine ainsi qu’aux périmètres de zones vulnérables autour des entreprises Seveso.

Toutefois, les écarts de valeur dans de telles hypothèses ne devraient pas être importants.

Ils iront même plutôt dans le sens d’une diminution de valeur pour les zones vulnérables. La préemption de tels biens peut donc se faire à leur juste valeur.