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TESTS DE DIFFERENTES METHODES

4. IMPACTS ATTENDUS

4.1 O

BJECTIFS DE POLITIQUE DU LOGEMENT

De l’analyse que nous avons faite des pratiques de nos voisins, nous identifions trois principaux objectifs, déclarés ou non.

4.1.1 Pallier l’insuffisance de résultats de la politique de logement

Flandre et Luxembourg ont adopté une mesure linéaire pour pallier l’insuffisance de résultats de la politique de logement : face aux besoins non satisfaits, principalement de logements « abordables », ces deux autorités ont opté pour un programme politique (le décret de politique foncière et immobilière » en Flandre, la loi dite « pacte logement » au GDL) comprenant un ensemble de mesures devant permettre de changer la donne et d’assumer l’objectif quantifié de production de logements. La mesure « charges sociales d’urbanisme » n’est en fait qu’une mesure parmi d’autres. On dira donc que dans ces deux régions, vu l’importance des enjeux et les limites des politiques précédentes, la raison de l’implication obligée du privé dans la production de logements abordables est que « la fin justifie les moyens ». La Région de Bruxelles Capitale est à classer dans cette même catégorie : face à l’importante crise du logement qu’elle connaît sur son territoire, elle a choisi de faire participer à l’effort le privé mais, dans son cas, presque exclusivement le secteur de l’immobilier de bureaux.

4.1.2 Favoriser la mixité sociale

La France, dans les motivations exprimées pour justifier la mesure, met elle surtout en avant sa volonté de favoriser la « mixité sociale », c-à-d de lutter contre la ségrégation sociale dans la spatialisation de l’habitat.1 La possibilité est laissée aux communes de faire ce choix lors de l’élaboration de leur plan local d’urbanisme. Selon un auteur, « cette mesure s’applique essentiellement sur les quartiers qui jusque là étaient peu concernés par le logement social afin de permettre une meilleure homogénéité dans la répartition des HLM dans toute la ville et favoriser le développement de programmes sociaux. Et dans un département des Hauts de Seine où le prix du foncier explose, ce nouveau PLU doit permettre aux classes moyennes et modestes de continuer à se loger sur place »2.

4.1.3 Accélérer la production des logements

Sans que cela soit dit dans les documents officiels, il semble tout de même que le pouvoir public espère aussi que les logements sociaux ainsi produits soient livrés plus rapidement.

4.2 O

BJECTIFS FONCIERS

Les effets repris ci-dessous sont ceux qui touchent directement la politique foncière et d’aménagement du territoire. Ils visent à illustrer le fait que la mesure « charges d’urbanisme en logement » peut induire d’autres effets que la production de plus de logements abordables et/ou la mixité sociale de nouveaux quartiers. Des impacts fonciers intéressants

1 Sur le concept et les pratiques de mixité sociale en Belgique et à l’étranger, voir la toute récente étude de W.

BERVOETS et M. LOOPMANS (2010), Diversité et discrimination dans le logement social : pour une approche critique de la « mixité sociale », Bruxelles, STeR, juin 2010, 96 p.

2 C. LEVRON, La loi SRU : une loi en péril. Controverses et difficultés d’application, mémoire Univ. Paris X, 2006-2007, p. 43 (http://www.memoireonline.com/05/08/1128/m_la-loi-SRU-une-loi-en-peril28.html).

peuvent naître des charges en logement, ce que nous avions déjà abordé en octobre 2010 (essentiellement en annexe 4). En voici le rappel.

4.2.1 Incidence sur les prix des terrains au niveau local Une première incidence est le prix de vente du terrain nu.

Face à l’obligation qui lui est faite, le promoteur, pour maintenir sa marge bénéficiaire, peut avoir comme moyen d’action d’influencer le vendeur afin qu’il lui vende son bien à moindre prix. Ce qui peut avoir comme effet secondaire une diminution de la pression foncière locale.

Nous avons mentionné dans le rapport d’octobre 2010 des – premiers - témoignages français de ce type d’effet.

« Influencer à la baisse le prix du foncier. Pour justifier leur opposition, certains lobbys, en Flandre comme au Luxembourg, ont mis en avant leur conviction qu’elle allait avoir l’effet contre-productif suivant : le manque à gagner des promoteurs sera répercuté sur le prix de vente des autres logements des zones visées, ce qui renforcera la tendance haussière des prix du foncier et, partant, l’inaccessibilité d’une partie de la population à la propriété. L’étude que nous avons produite sur la pratique française – où, rappelons-le, l’adoption de la mesure est, là, facultative - donne à ce sujet des éléments très intéressants laissant penser que l’effet pourrait être contraire à la crainte exprimée. Un urbaniste qui a étudié ces questions écrit que, « outre son efficience directe et sa vertu pour les finances publiques, ce mode de production présente l’intérêt de rétroagir sur les valeurs du foncier brut, en laissant aux opérateurs privés, souvent plus convaincants vis-à-vis des propriétaires que les pouvoirs publics, le soin d’infléchir à la baisse le prix des terrains pour tenir compte de cette obligation nouvelle. Au bout du compte, cette pratique apparaît comme une planche de salut pour booster la production sans trop mettre à contribution les collectivités locales déjà fragilisées. »1 Un autre promoteur, agissant dans une commune de 12.500 habitants située dans les Bouches du Rhône, évoque sa réaction face au règlement municipal imposant 50 % de logements sociaux sur les zones urbaines : « Dès que nous savons ce que la collectivité attend de nous, nous commençons à travailler et c’est en fonction des demandes de la mairie et des objectifs de notre clientèle privée que nous pouvons élaborer un programme, en entretenant cette concertation avec les responsables techniques et de l’urbanisme des communes pour établir un programme cohérent mixte avec à la fois du social et des logements privés. C’est la commune qui définit le nombre de logements sociaux qu’elle souhaite sur l’opération ainsi que la taille et leur typologie. La seule difficulté que nous rencontrons au départ est de trouver un bon compromis avec le propriétaire du terrain, car bien entendu, lorsque nous, professionnels, nous vendons de la SHON à un opérateur social, nous savons que nous perdons de l’argent. Il faut alors équilibrer le bilan quelque part et cela se négocie avec le propriétaire. En revanche, ce système a pour effet, dans notre région, de stabiliser depuis quelques temps le coût foncier qui partait dans des sommes où l’on ne maîtrisait rien. A partir du moment où nous avons cette bonne concertation, où nous savons où nous allons, quel type et le nombre de logements sociaux la mairie attend de nous, cette dernière nous indique le bailleur social qu’elle souhaite pour cette opération. Il suffit ensuite de trouver un bon compromis avec cet opérateur social. Nous en avons trouvé un avec qui nous travaillons depuis quelques temps en concertation. Nous lui imposons que notre société vise son permis pour qu’il s’intègre bien dans l’opération globale. Nous essayons de travailler avec son architecte de manière que l’opération mixte social/privé vive bien. Ensuite nous présentons le projet à nos clients privés. Dès que l’on parle social, les gens ont parfois peur. Nous essayons de leur expliquer exactement qui va venir dans ces logements. Nous gardons la majorité dans les

« Association syndicale libre » créées pour que les acquéreurs privés puissent toujours prendre des décisions définitives de concert avec le social. Toutes les opérations mixtes que nous avons menées dans la région jusqu’à aujourd’hui se sont déroulées sans problème ». »2

4.2.2 Incidence sur la densité

1 ID.

2 Notre rapport d’octobre 2010, p. 15.

Les promoteurs peuvent également avoir comme réaction d’accroître la densification. Ici aussi, l’étude du cas français a confirmé cette incidence.

Mais une incidence négative de la densification est celle-ci, mentionnée en octobre 2010: « il convient d’attirer l’attention sur un phénomène quasi systématiquement constaté, à savoir le fait que plus une parcelle a une superficie limitée – tout en permettant bien évidemment d’exercer l’usage auquel elle est destinée -, plus le prix au mètre carré est élevé, sachant que le marché retient le coût global d’acquisition d’une parcelle plutôt que le coût au mètre carré. Plus le terrain est petit, moins il coûte globalement, ce qui permet au vendeur de demander un prix plus élevé au mètre carré. » (octobre 2010, annexe 1).

Ce contre effet est à connaître sans que nous puissions ici proposer de mesure correctrice.

4.2.3 Incidence sur le prix des nouvelles unités de logements

Le prix du terrain est une chose. Le prix de vente de l’unité de logement – le « prix de sortie » - est une autre donnée à prendre en compte.

4.2.3.1 Le prix des logements publics issus de la charge

Le prix d’acquisition est dans la pratique le résultat de la négociation entre le producteur du logement et l’acheteur. C’est une règle universelle dans un marché libre.

La réussite d’une opération d’obligation de « charges en logement » passe par la détermination de prix plafonnés. Mais pas seulement.

La pratique en cours montre que ces opérations doivent passer par la création d’un partenariat de confiance entre les promoteurs et les sociétés de logement de services publics, chacun ayant intérêt à trouver un accord équilibré pour assumer ses missions propres et atteindre ses objectifs.

Il est donc question ici – a minima - de période d’adaptation pour qu’une pratique « gagnant-gagnant » se mette en place entre acteurs (autorité, vendeur, promoteur et acheteur) plutôt que d’impossibilité de concrétiser une baisse du coût pour l’autorité publique.

L’objectif pour l’autorité publique est d’aboutir à la création de logements abordables à coût moindre que si elle avait dû elle-même les produire.

En octobre 2010, nous rapportions deux cas concrets :

« Les expériences que nous avons analysées sont récentes et ne peuvent donner lieu à aucune conclusion quantitative sur le gain financier pour la collectivité. Mais des témoignages laissent à penser que le coût pour l’Etat (la collectivité) d’un logement pourrait vraisemblablement être moindre via cette procédure.1 Nous écrivons en annexe que « Un urbaniste de Montpellier, M.

JAMOT, auteur d’une étude sur la production de logement social sur le territoire de la région de Languedoc-Roussillon2, rapporte que 28 logements sociaux ont pu être réalisés en plein cœur de Montpellier à l’aide de cette disposition avec une charge foncière consentie par l’aménageur privé de seulement 214 € le m² utile, soit un niveau inférieur à celui pratiqué dans les ZAC publiques. Le même mécanisme a été utilisé dans un lotissement de Maguelonne où l’aménageur privé a cédé 25 charges foncières à l’opérateur de l’agglomération, au prix minoré de 260 € le m² utile. »

4.2.3.2 Le prix des logements classiques

Un effet redouté est que le prix de l’unité logement non sujette à l’imposition soit plus élevé qu’en cas de non usage de charges d’urbanisme.

1 Ceci reste à vérifier, en prenant en compte tous les coûts directs et indirects, et pas seulement le seul prix d’achat du logement.

2 C. JAMOT, Les freins à la production de logements sociaux en Languedoc-Roussillon, dans Etudes Foncières, n° 143, janvier-février 2010, p. 43-46.

Autrement dit, que le manque à gagner du promoteur soit répercuté sur le prix de vente de ces logements. Et que cette réaction ait comme conséquence de ne plus permettre à la catégorie de clients juste à la limite de pouvoir acheter de devenir propriétaires.

Faut-il vraiment craindre cela ?

Comme relevé ci-dessus, les premiers retours d’expériences que nous avons collectés en France permettent de penser que la diminution de la marge bénéficiaire due à la vente à prix négociés et conventionnés des logements sociaux produits peut être compensée par le prix d’achat du terrain et/ou une meilleure densification.

L’avis suivant, formulé dans une publication d’un groupe de travail sur la production de logement collectifs1, estime le contraire :

« Il conviendrait également « d’arrêter de faire financer le foncier du logement social par le logement privé », ce qui constitue un vrai obstacle à la baisse des prix pour l’acheteur, et ce d’autant plus que « le principe de péréquation est normal à l’échelle de la fiscalité locale, pas de l’opération d’aménagement (1) ». (p. 19)

La note (1) étant :

« Avec cette expression, Françoise Bonnet (Nexity Apollonia) fait référence au phénomène suivant.

Depuis la loi SRU, les aménageurs demandent de plus en plus aux promoteurs d’intégrer des logements sociaux dans leurs programmes de logements. La part du foncier affectée au logement social est souvent vendue au promoteur à un prix moins élevé que le foncier affecté au logement libre, mais cet écart de prix est en général insuffisant pour compenser le différentiel de prix de vente, d’autant que la différence entre le coût de construction des logements libres et celui des logements sociaux n’est pas toujours significative (notamment, s’agissant des programmes destinés à des primo-accédants – dont les prestations sont ajustées de manière à comprimer les prix de vente – alors même que les exigences qualitatives des sociaux ont tendance à augmenter).

Aussi, la réalisation des seuls logements sociaux se fait souvent à marge négative pour le promoteur. Mais, en pratique, le promoteur raisonne de manière consolidée sur l’ensemble du programme, logements libres et sociaux compris. Toutes choses égales par ailleurs, il va donc compenser le manque à gagner sur le logement social par une augmentation du prix de vente sur le logement libre. Ce qui revient à dire que l’acquéreur d’un logement libre du programme va en partie financer les logements sociaux du même programme.

Autrement dit, la péréquation s’exerce au niveau de la seule opération d’aménagement, alors que cette nécessaire solidarité pourrait légitimement être mise en œuvre par une population plus large socialement (sans se limiter aux acquéreurs de logements neufs) et géographiquement (sans se limiter aux acquéreurs de logements neufs sur cette opération d’aménagement). Au-delà de la question politique (à quelle échelle la solidarité doit-elle s’exercer ?), ce phénomène conduit à majorer le prix des logements neufs, et rentre ainsi en contradiction avec la volonté du gouvernement de favoriser l’accès à la propriété au grand nombre ». (p. 41) »

Cet avis, à nouveau exprimé l’année suivante2, est certes à prendre en compte. Il semble cependant faire l’impasse des retours d’expériences que nous évoquons ci-dessus, montrant que le promoteur peut réagir pour que le « toutes choses égales par ailleurs » ne soit pas de mise. C’est-à-dire qu’il peut agir en jouant sur le prix d’achat du foncier, par densification, par négociation avec l’autorité…

1 Housing platform. Plate-forme d’échanges sur le coût de construction et la qualité des logements collectifs.

Comparaison entre six projets en France et six projets ailleurs en Europe, Collection Les miniPA, n° 37, mai 2009, p. 19 et 41.

2 Housing platform 2. Plate-forme d’échanges sur le coût et la qualité des logements collectifs. Essai comparatif entre cinq projets en France et cinq projets aux Pays-Bas, Collection Les miniPA, n° 38, mars 2010, p. 25-26.

A ce stade, dans l’attente de plus nombreux retours d’expérience confirmant ou infirmant les premiers constats, cet impact négatif de répercussion sur les prix du logement libre ne nous semble pas acquis.

Relevons aussi que, déjà aujourd’hui, les charges d’urbanisme telles l’aménagement d’une voirie, d’un parc, d’un rond-point ou d’une crèche sont également susceptibles - ni plus ni moins que les charges logements - d’être répercutées dans le prix de vente des logements privatifs produits.

Cela s’est-il dans les faits produits, à quelle hauteur ? Seule une étude spécifique permettrait de répondre à cette question. Etude qui permettrait aussi de vérifier si les charges d’urbanisme ont provoqué chez les promoteurs un changement de comportement visant à agir plus systématiquement sur le prix de vente ou la densification et avoir comme effet indirect une détente du marché foncier local dans certaines zones.

4.2.4 Constitution de réserves foncières publiques

La loi française prévoit un droit de délaissement qui permet aux propriétaires à qui la

« servitude d’urbanisme en logement » est imposée de s’acquitter de leur obligation par cession du foncier.

« La servitude [en logement], qui s'applique seulement aux constructions neuves, est levée après la réalisation des programmes définis par le PLU ou après la cession de la partie du terrain sur lequel sera réalisé le programme à un opérateur social.

En contrepartie de la réservation, un droit de délaissement est ouvert aux propriétaires dans les conditions posées par les articles L. 230-1 et suivants du code de l’urbanisme. Il compense les restrictions apportées par la servitude à l'exercice de leur droit de propriété en contraignant la collectivité locale à acquérir leurs terrains lorsqu'ils ne sont pas en mesure de réaliser ou de faire réaliser les logements sociaux ou intermédiaires exigés. »1

En Suisse, la possibilité de convertir la « charge » en cession de foncier existe également :

« Selon les cas, la loi oblige à construire un minimum de 25% à 50% de logements sociaux. Par exemple, pour un projet sur une zone de fond villa déclassée après le 1er janvier 2007, l’opérateur immobilier doit construire un minimum de 15% de LUP [logements d’utilité publique] et 15% de HM (ou coopératifs), ou alors il doit céder 25% du périmètre à l’Etat, à une commune, ou autre

organisme sans but lucratif afin qu’il réaliste du LUP »2

La « charge d’urbanisme en logement abordable » peut donc indirectement conduire à la cession de foncier plutôt qu’à la concrétisation de logements.

1 F. ZITOUNI, PLU et logement. Fiche n° 4 : servitudes de logements, 28 juillet 2008, p. 2, sur http://www.gridauh.fr/fileadmin/gridauh/MEDIA/2010/travaux/seminaires_praticienschercheurs/ecriture_plu/4880 aa713dd68.pdf

2 V. BORCARD, Les LUP [Logements d’utilité publique] vont entrer dans Genève, dans Habitation. Revue trimestrielle de la section romande de l’Association suisse pour l’habitat, mars 2009, p. 27.