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L'Etat, les forces du marché et la bureaucratie

TABLEAU 29 : LA DEPENDANCE DES HYDROCARBURES DANS CERTAINS PAYS SELECTIONNES

0.6.4 L'Etat, les forces du marché et la bureaucratie

investissements au détriment de l'agriculture et de l'artisanat, qui jouaient un rôle important dans l'économie Algérienne) et humaines (la main d'œuvre qualifiée, a en grande majorité préféré travailler dans Sonatrach, où les salaires étaient plus élevés). Pour cet auteur, le secteur de l'artisanat, qui autrefois exportait plus de 800000 m2 de tapis et qui employait 100 000 personnes, au lendemain de l'indépendance, a beaucoup souffert de l'existence de la rente. En effet, les exportations de ce secteur n'existent plus aujourd'hui, et le nombre de personnes qu'il emploie ne dépasse pas 15000 personnes. Les exportations agricoles qui représentaient 35% en 1965 sont passées à 0% en 1989 ; alors que les exportations des hydrocarbures sont passées de moins de 57% à 97% aux mêmes dates.

Les unités industrielles réalisées avec le surplus des hydrocarbures sont en général des centres de coûts pour l'Etat. Les déficits de ces unités sont épongés par le trésor public. L'épargne pétrolière d'origine externe n'est pas le fruit d'une véritable épargne, qu'il faut bien contrôler et bien surveiller. Comme elle est abondamment et gratuitement mise à disposition des opérateurs économiques, elle est utilisée de façon moins optimale (gaspillage des capitaux). De plus les importations seront favorisées par rapport à l'approvisionnement locale (à travers des taux de change surévalués) et il sera difficile dans ces conditions de mettre en place des richesses reproductibles. Toujours selon cet auteur, le pétrole est utilisé pour avoir la paix sociale afin de prolonger le règne des responsables. L'Etat et les détenteurs du pouvoir vont tenter d'utiliser l'argent du pétrole pour populariser et stabiliser leur statut. Ainsi le pétrole va devenir l'origine de la stagnation et parfois de la régression.

Ceci peut aussi expliquer, pourquoi les pays importateurs de pétrole (Par exemple la Corée du Sud, l’Inde et la Chine), et qui donc sont astreints à extraire plus de surplus de leur économie, développent une logique d'accumulation. Ce qui fait, que sur le long terme, ils s'en sortent avec des économies toujours plus fortes. Si ceci se révèle exact, c'est toute la conception du développement économique, qui s'en trouvera affectée.

Le phénomène du syndrome Hollandais se pose aussi pour certains pays, qui ne disposent pas de rente, mais qui bénéficient d’une aide internationale. Certains auteurs tel que Peter S et Heller s’inquiètent que cette aide défavorise la compétitivité, et augmente les importations tout en augmentant les prix et les salaires dans les PVD (Heller, 20051)

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Heller Peter S ; « pour une aide efficace » in Finance & Développement septembre 2005 pp 9-13

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0.6.4.1 . Allocation administrée des ressources

Il est évident, que le développement ne peut pas être pensé uniquement à court terme. Le développement ne doit pas être de courte durée, et par conséquent doit être durable et non éphémère. C'est dans ce sens, qu'il faut faire une stratégie qui prenne en compte les avantages comparatifs du pays. D’après Stiglitz (Stiglitz, 20011

), la stratégie de développement doit prendre en compte, le fait que l'intervention de l'Etat, doit être une réalité non incontournable. Cependant, cette intervention doit se faire dans des limites bien précises. Il faut que le marché soit en mesure d'identifier les désirs des agents économiques. Pour cela les imperfections du marché (informations incomplètes, concurrence limitée et marchés déprimés) doivent être compensées par l’intervention de l’Etat. Cependant, en Algérie, Le problème de choix de projets, et d'allocation de ressources de manière administrative, persiste encore. Pour Abed (Abed, 20032

) « les pouvoirs publics ne sont pas suffisamment transparents et sont rarement comptables de leur action. »

En effet, l’Etat étant le seul détenteur de la rente, dépense à sa manière les ressources. Les coûts aussi, n'ont aucune relation avec la réalité (corruption, mauvaise évaluation, personnel non compétent et non motivé, pas ou insuffisance de contrôle aussi bien interne qu’externe). Pour certains tel que Byrd (Byrd, 20033) « La rente issue de ce secteur hyper rentable, a permis la création et la reproduction d’un système clientéliste, qui entrave le développement des activités économiques productives et restreint la base sociale du pouvoir aux seuls privilégiés ».

ON peut dire que les EP, souffrant de liens peu performants avec le propriétaire-Etat, ont produit des managers peu motivés pour le succès du TT en particulier et la rentabilité des capitaux en général. Ce qui a aboutit à une situation où “ l'acheteur de technologie y est le plus souvent en forte position d'infériorité car, par définition, il connaît mal la technologie qu'il souhaite acquérir. Sa position de faiblesse est accentuée par le peu d'intérêt qu'il porte pour assimiler les technologies importées et ceci est accentué par le manque de capacités d'ingénierie. Par ailleurs, le fournisseur de technologie, s'il n'est pas intéressé financièrement dans la production, n'a aucune raison de céder tous les éléments permettant au partenaire d'atteindre un

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Joseph E. STIGLITZ “An Agenda for the New Development Economics “UNRISD, Palais des Nations 1211 Geneva 10, Switzerland 2001

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George T. Abed : « Croissance et mondialisation : pourquoi la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est à la traîne » in Finances & Développement Mars 2003

3 William C. Byrd in CONFLUENCES Méditerranée  ‐  N°45 PRINTEMPS 2003 Algérie – Contre- Performances Economiques et Fragilité Institutionnelle

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niveau de compétitivité internationale »1

L'Etat, non seulement ne sait pas comment gérer son argent, mais ne sait pas aussi comment le contrôler, ou le défendre. Se pose alors, la question, si c’est à dessein ou par hasard. A titre d’indication, les articles de presse sur les détournements surtout dans les postes, les banques, les entreprises publiques etc. sont courants (par exemple les scandales de la Khalifa Banque, la BCIA et la BEA). Cependant, en l'absence d'un réel audit, il semble que ce ne soit que la partie immergée de l'iceberg. Certains auteurs comme Abdelkader Sid Ahmed (Sid Ahmed, 19832), mettent en avant le fait que le type d'organisation socio-économique, qui prévaut dans les économies basées sur l'exportation des hydrocarbures, crée des blocages et ne mène pas au développement.

Il faut réfléchir à long terme, et ne pas oublier que les hausses des prix du pétrole, sont des hausses conjoncturelles et non structurelles3. Par conséquent, tout surplus dans les recettes, dû à une hausse des prix du pétrole, ne doit pas être mal utilisé, comme par le passé. Il y a de fortes chances que les augmentations actuelles, ne soient pas définitives, et que les prix risquent de baisser comme par le passé. En effet, selon la FAO (Finance et développement juin 20064

) les prix élevés du pétrole incitent le développement de l’énergie bioénergétique renouvelable, telle que la canne à sucre ou les graines de tournesol. La part de ces énergies pourrait atteindre jusqu’à 25% des besoins énergétiques mondiale, d’ici 2020.

La forte volatilité du prix du pétrole, est estimée à environ 40 % alors, que pour les autres métaux elle ne dépasse pas 15 %. (Barnet, 20035) Donc il faut mettre en place des procédés pour déconnecter l'économie nationale, du cycle du pétrole. Il faut soit épargner le surplus, dégagé par le cycle de la hausse des prix, ou bien ne

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Hubert Drouvot (ESA, Grenoble) Gérard Verna (Université Laval, Québec) LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE DANS LE TIERS-MONDE EST-IL UNE OPTION STRATÉGIQUE POUR NOS PME MANUFACTURIÉRES ?

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Sid Ahmed Abdelkader "développement sans croissance :l'expérience des économies pétrolières du tiers-monde" in O.P.U. 1983 Alger pp 106

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En effet, si les prix du pétrole demeurent élevés pendant une période relativement longue, ils vont engendrer l'émergence de nouvelles alternatives (énergie renouvelable et/ou mise en valeurs d'autres gisements) avec une rationalisation de l'utilisation de l'énergie et ceci va à son tour engendrer une chute des prix

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Finance et développement juin 2006 pp3

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Barnet Steven et Rolando Ossowski :”Le yoyo pétrolier; pourquoi les pays producteurs de pétrole doivent bien gérer leurs ressources” in Finances et Développement mars 2003

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vendre qu'une partie équivalente aux revenus antérieurs et garder les réserves dans le champ pétrolifère. Cette dernière solution est peut-être difficilement envisageable, à cause des contraintes extérieures et aussi intérieures (la population risque de ne pas accepter cette solution, si le niveau de vie est bas, et si les responsables ne sont pas soutenus par une grande partie de la classe politique). Il faut avoir à l'esprit que le pétrole risque d'être remplacé comme le charbon, et dans ce cas, il pourrait n’avoir aucune valeur.

0.6.4.2 L’investissement

La rentabilité des capitaux investis a commencé à baissé dés le milieu des années 70 (Goumeziane, 19941) Pour William Byrd (Byrd , 20032) « Historiquement, la productivité globale de l’économie algérienne a augmenté dans les années qui ont immédiatement suivi l’indépendance puis a connu une évolution négative à partir du milieu des années 1970. Cette évolution a coïncidé avec la croissance de la production des hydrocarbures, qui augmente régulièrement pour atteindre en 1978 un niveau de 2,7 fois celui de 1962 ». Les tableaux ci-dessus montrent que les investissements qui ont été en majorité réalisés par l’Etat, à travers le secteur public ont conduit à des gaspillages. En effet, malgré un ratio élevé de Formation brute de Capital Fixe sur le Produit Intérieur Brut, (F.B.C.F./ P.I.B), la croissance annuelle du PNB en terme réel, était uniquement de 5 ,4 pour cent, par an en moyenne dans les années soixante dix.

TABLEAU 30: F.B.C.F. (PUBLIC ET PRIVE) ET P.I.B. EN MILLIARDS DINAR COURANTS F.B.C.F. P.I.B. EN % 1/2 1967 3,4 14,6 23,3 1970 8,2 21,2 38,7 1973 12,4 30,5 40,7 1976 30,8 60,7 50,1 1978 47,6 86,8 54,8 1979 48,9 109,5 44,7 1

Goumeziane S. « Le mal algérien »1994 in Beau N. Problèmes Economiques. 1995/02/15. - n. 2411, p. 25-28 : graph. - Article publié par l'Expansion dans son numéro du 7-20/11/94.Paris (FRA) : Fayard, 1994.

2 William C. Byrd in CONFLUENCES Méditerranée  ‐  N°45 PRINTEMPS 2003 Algérie – Contre- Performances Economiques et Fragilité Institutionnelle

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1981 64 158 40 1982 73 177,5 41,1

SOURCE : M.P.A.T.-D.S.C.N.,

Figure 5: Evolution du taux de croissance de la PIB

Source: The Economic Statistics Branch of the United Nations Statistics Division TABLEAU 31 : EPARGNE ET INVESTISSEMENTS COMPARES

PAYS Période Epargne Nationale/ Investissement Epargne domestique / Investissement Investissement Domestique (%)/ PIB Epargne Nationale PIB (%) Algérie 1973-85 1.05 0.94 41.7 43.3 Cameron 1972-86 0.79 1.11 20.2 16.0 Côte d'Ivoire I 1960-78 0.84 1.36 21.1 17.7 Egypte 1964-85 0.47 0.85 16.1 8.6 Kenya 1961-79 0.49 0.55 36.0 17.5 Afrique du Sud 1960-74 1.05 1.31 22.2 25.3 Tunisie 1970-81 0.98 0.96 26.1 24.7 Moyenne 0.81 1.01 26.2 21.9

Source: Jean Claude Berthélemy and Ludvig Söderling “The role of capital accumulation, adjustment and structural change for economic take off: empirical evidence from African growth episodes” OECD Development centre Working Paper No. 150 Research program on: Economic Policy and Growth: Factors of Manufacturing

Le tableau ci-dessus montre, que l'Algérie s'est située au dessus du lot des pays Africain, avec des ratios investissement par rapport au P.N.B, plus élevés.

Evolution du taux de croissance de la PIB

-15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 1971 1973 1975 1977 197 9 1981 1983 198 5 1987 1989 199 1 1993 1995 1997 1999 2001 2003 Année Taux d e cr fo is sance Taux

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0.6.4.3 L’Etat et la gestion de l’économie

Depuis 1980, et surtout durant la crise des années 90, l'Etat est devenu plus soucieux et plus actif aux réalités du marché. Ceci n'était pas interprété comme une renonciation à la planification, mais une approbation, que reconnaître et tolérer ou adapter et/ou administrer les forces du marché, est une démarche plus prudente, que de chercher à les ignorer ou à les contredire..

Pour Saadi (Saadi, 20051), certaines théories sont directement opposées à l'Etat en tant qu'agent économique et ceci relève d’une opposition à l'interventionnisme. « L'économie de marché libérée de tout interventionnisme et laissée à ses propres mécanismes naturels produit un résultat meilleur. L'économie de marché est un système auto régulateur qui forme spontanément un ordre social harmonieux ». Cet état d'esprit a été renforcé par l'effondrement des pays de l'Est et par la mondialisation.

Ceci ne veut pas dire disparition de l’Etat mais la réhabilitation u rôle de l'Etat. Pour cet auteur, l'organisation de marché a besoin de règles et d'ordre, qui n’est garantis que par l'Etat. Il faut passer d'un Etat gros et impotent à un Etat fort.

L'engagement continue à la planification (avant 1980), et à un secteur public, a aboutit à la continuité d'une bureaucratie gestionnaire et a handicapé l'efficacité et la productivité. Après la crise de 1986, la stratégie du pouvoir a changé. On ne nie plus les insuffisances du régime, mais on attribue les échecs aux hommes. Le manque de compétitivité dans l'industrie et dans l'agriculture, a été spécifiquement souligné à plusieurs occasions dans la dernière décennie. Les présidents qui se sont succédés ont à mainte fois, dénoncé l'incompétence des gestionnaires, la non performance des normes de production et les pratiques monopolistiques et autres résultant de cette situation. En principe des sanctions - y compris la faillite - ont été instituées à l'égard des Entreprises Publiques non performantes.