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L’administration du marché et le savoir faire

CHAPITRE.4 TRANSFERT DE SAVOIR-FAIRE DANS LES PVD

0.4.5 L’administration du marché et le savoir faire

Le blocage de l'accumulation de savoir-faire a eu lieu dans certains pays à cause d'une intervention inappropriée de l'Etat dans l'économie. L'intervention de l'Etat dans l'économie en elle-même est un sujet controversé. Ces dernières années, même la Banque Mondiale a admis et ce en contradiction avec l'orthodoxie de la théorie classique, qu'il peut y avoir une approche "amicale" du marché qui consiste à corriger les erreurs et externalités qui bloquent le bon fonctionnement du mécanisme des prix. Il est fondé sur une approche non agressive, mais plutôt complémentaire du marché. L'Etat peut intervenir dans le marché pour renforcer son mécanisme et non le remplacer. L'Etat devra donc agir avec le marché et non contre le marché (Planification soutenue par le marché)( Johnson, 19871

)

Si la concurrence libre et parfaite n'existe, l'acquisition et le transfert de savoir-faire ne peut pas avoir lieu s'il est abandonné aux seules forces du marché. L'intervention de l'Etat n'est pas contraire au développement du savoir-faire. Au contraire elle devient obligatoire pour son développement. Les Nouveaux Pays Industrialisés ont systématiquement recouru à l'intervention de l'Etat "les Etats de la

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Johnson Chalmers, “Political Institutions and Economic Performance: The Government-Business Relationship in Japan, South Korea, and Taiwan,” in Frederic C. Deyo, ed., The Political Economy of the New Asian Industrialism (Cornell U. Press, l987)

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Corée du Sud et de Taiwan ont non seulement protégé leur production nationale, mais n'ont pas hésité à manipuler les prix, afin de favoriser les investissements dans les secteurs qu'ils estimaient prioritaires et stratégiques" (JUDET, P. 19921

). La planification centrale du savoir-faire mal utilisée (surtout par les ex. pays du bloc soviétique) a été mal interprétée et remise en cause. Ceci a poussé plusieurs pays à l'abandonner. Pourtant la plupart des expériences des Nouveaux Pays Industrialisés ont réussi expressément grâce à l'ingérence du gouvernement et de l'utilisation de la planification (WADE ,20052

).

Dans un rapport de la Banque Mondiale (World Bank,19933

) basé sur une étude concernant 8 pays du Sud Est Asiatique il a été reconnu que ces pays ont recouru systématiquement à des politiques industrielles. Ces politiques se sont caractérisées par de multiples aides à plusieurs secteurs tels que l'acier, la chimie etc. Ces aides ont consisté à favoriser la maîtrise de la connaissance des processus et la mise à niveau des ressources humaines.

L'expérience des pays nouvellement industrialisés, du Japon et de la communauté européenne montre que l'Etat en tant que principal acteur dans le développement économique est une réalité incontournable. C'est l'Etat qui peut induire et aider le savoir faire. L'expérience des pays qui se sont développés en retard, y compris le Japon et l'Allemagne, montre que c'est l'Etat qui a su insuffler et promouvoir le transfert de savoir-faire. Ce qui est sujet à discussion c'est le rôle de l'Etat et la manière de son intervention dans l'économie.

De plus l'intervention de l'Etat ne se fait pas de manière chaotique et sans consultation. Il y a des conditions à respecter tel que la transparence et à un degré moindre la stabilité et la légitimité (MIRAOUI, 20024). En effet, un régime autoritaire va engendrer un processus de prise de décision politique qui n'admet pas de critiques et donc qui ne peut pas évoluer vers l'élimination des erreurs. Les pays qui ont atteint leur objectif en matière de savoir-faire tel que Le Japon et les pays nouvellement industrialisés ont su créer un environnement où les travailleurs sont devenus disciplinés acceptant des salaires bas et qui ont adhéré aux objectifs économiques de

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JUDET, P. (1992), "Le maître des dragons. Rôle de l'Etat, retour au marché : références asiatiques", Economie et Humanisme, n 323, octobre - décembre, pp. 62

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WADE ROBERT H. (2005) "Bringing the State Back In: Lessons from East Asia’s Development Experience" Macroeconomic policies for a growing neighborhood, edited by Michael Dauderstudt, Friedrich-Ebert-Foundation, Bonn 2005

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World Bank, The East Asian Miracle, Washington dc, 1993.

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MIRAOUI in colloque international : l'entrerise à l'heure de la G.R.H. "pratiques réelles et approches théoriques" 11, 12,13 mai 2002

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Pour toutes ces raisons invoquées, l'intervention de l'Etat est souhaitée dans le cadre des politiques de développement économique et d'encouragement du savoir-faire. Cependant, Le marché comme mécanisme d'allocation des ressources ne doit pas être ignoré. En effet, Le marché, malgré ses insuffisances, est plus efficace que des gouvernements corrompus ou incompétents. L'Etat gère le marché, mais d'une manière qui ne le remet pas en cause. L'Etat doit utiliser le marché pour l'orienter vers ses objectifs et non se substituer a lui. Fixer des prix, donner des subventions de manière illimitée et chaotique tout en créant des monopoles, constitue un comportement qui ne favorise pas l'émergence d'une économie saine et compétitive.

L'expérience des nouveaux pays industriels émergents montre que le transfert de savoir-faire a eu lieu dans les PVD parce que l'Etat à su pratiquer des politiques économiques de développement judicieux (Wade, 19901). Il faut une sorte de “cocktail” entre l'intervention de l'Etat et le fonctionnement du marché.

Les exemples sont là pour montrer que les pays asiatiques ont tous pratiqué des politiques d'intervention dans le système bancaire, dans l'allocation des crédits, la subvention aux exportations, le contrôle de l'investissement direct étranger, l'importation de la technologie et la création des entreprises publiques (BRASSEUL, J.19932

) .

Les pays émergents ont utilisé le recours systématique à la protection et au soutien de l'industrie naissante, afin de réduire le fossé technologique. Ils ont tout fait pour préserver le développement embryonnaire des branches exportatrices, de favoriser la compétitivité internationale de la production et de diversifier le tissu industriel selon une stratégie de remontée des filières.3Chaque époque de développement correspond à un type particulier du niveau des sciences et de la technologie. A chaque époque a correspondu une stratégie particulière d'acquisition. Contrairement aux «firsts joiners" et aux "late comers" les NPI ont fondé leur industrialisation non pas sur l'invention et l'innovation technologique comme les pays qui les ont précédés, mais sur l'apprentissage. Ce qui a rendu l'intervention de l'Etat

1

WADE R., "Economic Theory and the Role of Government in East Asian Indutrialization", Princeton University Press, 1990

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BRASSEUL, J.(1993) Les nouveaux pays Industrialisés et l'industrialisation du tiers monde, Armand Colin,Paris

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Dans cette étude, la Banque Mondiale reconnaît pour la première fois que l'intervention de l'Etat a été importante en Asie orientale, que cette intervention n'a pas nui à la croissance et que, bien au contraire, elle aurait produit une croissance plus élevée et égalitaire que celle à laquelle on aurait assisté en absence d'intervention [BANQUE MONDIALE, 1993: 5-6]

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nécessaire. Le mécanisme du marché aurait été incapable de stimuler une industrialisation malgré des bas salaires car, le niveau de productivité devenant de plus en plus élevé (grâce à la robotique et au remplacement des tâches répétitives par des machines) et des salaires bas ne pourront plus être un atout important dans plusieurs secteurs.

Contrairement à ce que la Banque Mondiale a toujours soutenu, Les Nouveaux Pays Industrialisés ont systématiquement intervenu sur les prix. Certains auteurs (Bustelo, 19941

) rejettent la conception de la Banque Mondiale et pensent que c'est une approche "non amicale" puisque les prix ont été dénaturés. Par exemple les salaires ont été maintenus artificiellement bas grâce à une politique de répression des travailleurs et d'exclusion des syndicats. Les prix domestiques ont été délibérément maintenus haut , afin de protéger l'industrie nationale (encourager les investissements privés à la fois local et étrangers) réduire le pouvoir d'achat et d'augmenter l'accumulation à travers des profits hauts pour les entreprises (Bustelo, 19942

). Par contre les prix à l'exportation ont été maintenus bas à travers des taux de changes anormalement bas de la monnaie nationale (par exemple en Chine, le système financier est entièrement sous le contrôle de l’Etat et le yuan, la monnaie nationale est fixée arbitrairement bas par rapport au dollar. L'Etat résiste à toutes les pressions en achetant massivement des dollars et en maintenant une parité artificiellement basse) ainsi qu'un système efficace de stimulation des exportations.

Même les prêts bancaires étaient alloués à des taux d'intérêts préférentiels à des secteurs faisant partie de la stratégie de développement.

Cette intervention dans le marché n'a pas hésité à créer des distorsions délibérées qui ont créée des comportements planifiés et délibérés des agents économiques. Les entreprises ont bénéficié d'avantages à conditions de réaliser les objectifs prévus dans plusieurs domaines tels que l'exportation, la production, les coûts de production etc.

L'Etat se charge de créer un environnement compétitif pour les entreprises. Celles dont l'influence est substantielle sur l'économie et/ou celles dont les branches sont susceptibles d'un intérêt dans le cadre de la stratégie à long terme (public ou privé) sont l'objet d'un soin particulier. C'est dans ce cadre de compétition que les investissements dans les ressources humaines (en matière de formation et de santé) seront efficaces et à moindre coût.

1 Bustelo Pablo La Banque Mondiale et e développement économiue des nouveaux pays industriels asiatiques: une analyse critiques Colloque Nouveaux Dynamismes Industriels et Economie du développement Grenoble Octobre 1994

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L'existence du secteur public n'est pas aussi remise en cause par les expériences des PNI. Ce qui est remis en cause c'est la protection excessive et sans objectif d'un retour à la normale. En effet, les entreprises,que ce soit privée ou publique, importatrice de technologie qui ont bénéficié d'une protection excessive à la fois sur un marché et durant une longue période n'ont pas réussi à concrétiser leur objectif en matière de formation et d'acquisitions de savoir-faire. Par contre celles qui ont été poussées après une période relativement courte à se lancer dans la bataille de la concurrence ont généralement atteint leur objectif et sont maintenant en train de gagner des parts importantes du marché à des entreprises qui autrefois semblé imprenable.

Le problème n'est pas de savoir quelles mesures ont favorisé le développement de la formation, mais plutôt de savoir dans quelles conditions le processus de transfert de technologies et de savoir-faire a eu lieu. Il ne faut pas culpabiliser les entreprises ou les dirigeants, mais critiquer les conceptions naïves de développement auto- centrée et autarcique. En effet, les stratégies de substitution des importations ne doivent pas dépasser une période assez courte et doivent viser l'ouverture graduelle dans un délai plus ou moins court.

L'argument de l'industrie naissante n'est pas aussi remis en cause. Le risque est de voir peu à peu les pressions sociales et politiques monter et rendre de plus en plus difficile une ouverture de l'économie, même programmée. Le marché en tant que générateur de signaux induit un comportement de la société. L'existence de monopoles et d'externalités requiert l'intervention de l'Etat pour débloquer les situations. Cependant, cette action ne doit pas s'opposer au fonctionnement des lois du marché. Le plan doit corriger et compléter le fonctionnement de cette loi et non la combattre.

0.4.6 L’intervention de l’Etat et le savoir faire