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L’estime de soi

Les premières théories développées autour du concept de l’estime de soi, par le philosophe James (1890) indiquent qu’il s’agit du sentiment né de la réalisation d’un nombre d’objectifs, qui serait supérieur à celui des objectifs non atteints. Le philosophe Cooley (1902) considère plutôt que l’estime de soi n'est pas basée sur sa propre perception de soi, mais sur l’interprétation des réactions et des comportements des autres à son égard. Ces deux philosophes ont posé les bases

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d’une recherche qui s’est poursuivie dans le domaine de la psychologie. Leurs théories ont été depuis discutées et approfondies.

Les premiers travaux de recherche inspirés par les deux théories précédentes ont été menés par Coopersmith (1967). Il a abordé l’estime de soi selon une approche quantitative, dite unidimensionnelle. Il en résulte le concept de « l’estime de soi globale » défini par le sentiment que chacun a au fond de lui-même de sa propre valeur. Mais ces travaux ont été critiqués, du fait de la pauvreté de leur contenu (Rosenberg, 1986), ou parce qu’ils fournissaient peu d’hypothèses causales car, basés sur des fondements théoriques faibles (Bariaud et Bourcet, 1994) ils finissaient par donner l’impression que cette notion englobait tout et n’importe quoi, au point que Wells et Marwell (1976) la qualifient d’ « éponge intellectuelle ».

Ces critiques ont permis aux chercheurs de réfléchir à l’estime de soi en concevant une approche multidimensionnelle par opposition à la précédente. Dans ce sens, Rigon indique que « L'estime de soi se construit comme un édifice en trois dimensions : moi, les autres et la manière dont je me comporte avec eux quand il s'agit de me réaliser personnellement. » (2004).

Harter (1982) développe le concept du sentiment de compétence en se basant sur les travaux de Bandura (1977). Il s’agit selon lui de l’évaluation faite par un sujet sur ses capacités dans différents domaines. Ceux-ci étant conçus de manière multidimensionnelle, ils ont chacun un rôle à jouer dans l’estime de soi qu’un sujet se fait de lui-même à un instant précis. Cette estime de soi l’explique Harter (1988), est alors considérée en rapport avec la perception que le sujet a de lui-même dans plusieurs domaines de compétences, tels que le travail, les relations sociales, le sport, l’apparence physique ou encore la conduite. Les conséquences de cette approche enrichissent la connaissance des domaines qui influent sur l’estime globale de soi. Harter fait remarquer ainsi que l’auto-évaluation du sujet s’effectue dans un domaine donné en comparaison avec d’autres.

Dans la continuité des recherches d’Harter, les travaux de Marsh et Shavelson (1976) portent sur l’organisation hiérarchique de l’estime de soi. Ceux-ci ont étudié les liens existant entre les différents domaines de la perception de soi. Si les travaux de Harter mettent bien en évidence le fait que certains domaines influent sur l’estime globale de soi, ils ne permettent cependant pas d’indiquer leur degré d’influence. Marsh et Shavelson (1985) en revanche, mettent l’accent sur une nouvelle découverte: les relations entre les perceptions d’un sous-domaine et les perceptions globales de soi se font de manière ascendante ou descendante. Ainsi, le renforcement d’un sous-domaine de compétence résultant de l’accomplissement d’une tâche, renforce l’estime de soi dans ce domaine précis. Dans le cadre d’une publication de photos sur Facebook, par exemple, l’accomplissement de cette tâche procure non seulement un sentiment de satisfaction et de compétence, mais il confère également de l’importance au domaine correspondant (la hiérarchisation des photos). Le mouvement inverse s’effectue dans le cas contraire: une dépréciation globale de soi entraîne alors une dévalorisation des domaines inférieurs. A ce propos, Fox et Corbin (1989) postulent que les sous-domaines concrets subissent l’influence des variations des contextes d'évaluation alors que l'estime globale de soi serait plus stable et indépendante des événements de la vie.

D'après Jones, Hansmen et Puttman (1976), l’estime de soi se situe dans la personne et se définit par la cohésion entre ses aspirations et ses succès. Elle émane de la perception consciente de ses

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propres qualités (Tesser et Campbell, 1983), mais se forge aussi sur la perception de son corps (Bruchon-Schweitzer, 1990) et (Biddle et Goudas, 1994).

Orientée sur sa propre personne, l’estime de soi serait alors liée à la perception de sa valeur à différents moments de sa vie (Laporte, 1997). Reprenant cette définition, Pickardt (2002) analyse le terme « estime de soi » à partir de ses deux constituants : le « soi » étant un concept descriptif et l' « estime » un concept évaluatif. L’estime de soi serait alors ce jugement posé sur soi, sur sa valeur, ainsi que sur ses capacités. Ce sentiment procure à l’adolescent une force intérieure qui l’incite à aller à la rencontre d’autrui, à prendre des risques calculés, et avoir par conséquent confiance dans ses possibilités. L’estime de soi réfère ainsi à la perception de soi, de ses capacités et à l’évaluation de celles-ci. Ce n’est autre que le reflet de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes et que l’on révèle à travers notre façon d’être et d’agir. (Anne Bacus, 2003).

L’approche la plus récente et qui semble être la plus complète est celle développée par Lehalle (1995) qui propose une conception de l’estime de soi sur quatre niveaux de représentation:

Le « niveau indifférencié » concerne les stratégies d'adaptation du sujet à l'environnement.

Le « niveau descriptif » répond à la perception qu'a le sujet de lui-même et de ce que les autres pensent de lui.

Le « niveau évaluatif » correspond aux concepts d'estime de soi et de sentiment de compétence, c'est le niveau le plus conscient et explicite pour le sujet.

Le « niveau intégratif » se réfère essentiellement au concept d'identité.

2.5. Les théories de la motivation

Les théories modernes s’intéressant à la motivation ont pour clé de voûte la notion de besoin présentée comme une sorte de socle. Mais celles-ci ne font pas toujours référence aux besoins physiologiques, comme avancé par les béhavioristes. Maslow (1943), Deci et Ryan (2002) ou encore Stevens & Fiske (1995) évoquent l'existence de besoins d'ordre psychologiques, physiologiques voire même sociologiques en les distinguant d'un fonctionnement purement organique.

La théorie de Maslow repose sur une hiérarchie des besoins physiologiques, de sécurité, d'appartenance, d'estime et de réalisation de soi. Autrement dit, une fois que l'individu évolue dans un cadre rassurant et stable, que ses besoins psychologiques fondamentaux sont satisfaits, qu'il a un abri, de la chaleur, de la nourriture et une sexualité satisfaisante, il peut chercher à satisfaire ses besoins supérieurs d'amour, d'estime et de réalisation de soi. L'homme doit alors être sincère avec sa propre nature afin d'atteindre la réalisation de soi selon la formule "what a man can be, he must

be" (Maslow, 1954, p :91). Pour ce faire il faut tout de même remplir les conditions de justice ou de

liberté d'expression.

Selon Maslow il est donc évident que la réponse à un besoin en fait naître d'autres beaucoup plus élevés car l'homme ne fonctionne pas qu'à l'instinct. Il a effectivement des besoins supérieurs qui sont plus vastes et moins bestiaux et pour les atteindre, il doit se défaire de sa crainte pathogène. Dès lors, le constat de Maslow apparaît comme un pêle-mêle de préconisations incluant des

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observations sur la sagesse, la maturation psychologique et les psychothérapies. Maslow inscrit donc sa réflexion dans une psychologie globale de l'individu comme en témoigne son ouvrage "Vers une psychologie de l’Etre" (1989). Il préfère de ce fait une psychologie du développement à une psychologie de l'adaptation. Toujours selon lui, de trop grandes frustrations rendent agressif et il convient de répondre aux besoins fondamentaux comme à des étapes sur la voie de la réalisation de soi.

Maslow considère en outre que les besoins de l’être humain sont essentiellement satisfaits par les autres, ce qui entraîne une dépendance vis-à-vis de l'environnement et peut engendrer un manque de liberté. Or, ceux qui poursuivent la réalisation de soi et gratifient leurs besoins élémentaires, sont beaucoup moins dépendants et bien plus autonomes et libres. Ils sont poussés par des stimuli intérieurs tels que leurs capacités et possibilités, leur besoin de se connaître et de devenir de plus en plus intégrés et unifiés et non par les influences de l'environnement. Du fait qu'ils dépendent moins des autres, ils sont moins ambivalents à leur égard.

Robert Ardrey (1971), quant à lui, définit dans une grille trois besoins de l’être humain : la sécurité, la stimulation et l’identité. Les deux premiers besoins sont à la fois opposés et complémentaires, représentant d’une part une tendance à la passivité et une autre qui pousse à l’action. La réalisation de ces deux besoins serait source d’harmonie, d’équilibre et donc de bonheur. L’identité est définie comme le fait d’être soi-même, de faire partie d’un cadre géographique et d’une communauté linguistique et culturelle, de vivre en harmonie avec le milieu physique, psychologique et social, de se reconnaître dans ce qui est semblable et ce qui nous différencie. Pour satisfaire le besoin d'identité, il faut avoir des racines qui s'enfoncent profondément dans l'origine, et des branches tendues vers le devenir.

Fabien Fenouillet (2012) définit la motivation comme étant une force individuelle déterminée de l’intérieur ou de l’extérieur expliquant le déclic qu’un individu peut avoir face à un comportement ou une action et sa persévérance dans l’effort fourni. Pour définir cette force, Fenouillet propose d'analyser la direction, le déclenchement et la persistance de la motivation.

La direction représente les finalités vers lesquelles se dirige la motivation. Il est alors très difficile de comprendre la motivation d'un comportement sans en connaître le but. C'est cette dernière qui par exemple permet de comprendre que l'inaction peut être motivée à dessein.

Dans cette optique, le déclenchement du comportement, de son côté, a un poids considérable en ce qu'il permet d'expliquer pourquoi l'individu passe du repos à l'action bien que ce changement puisse aussi s'expliquer par des mécanismes cognitifs, notamment lorsque l'individu modifie son comportement après s'être rendu compte qu'il ne permettait pas d'atteindre le but escompté. En revanche, en initiant le changement d'un comportement, il marque alors l’amorce d’une action et lui donne sens. Ce déclenchement révèle alors une motivation nouvelle.

Finalement, pour ce qui est de la persistance, il s'agit d'évaluer que l'adoption d'un comportement sur la durée implique qu'une certaine force soit exercée volontairement.

Dès lors, l'impact de la motivation s'étend à l'action et ne se limite plus au comportement. L'action soutenue ne peut donc avoir lieu que si elle est entretenue et qu’elle alimente la motivation, les deux allant de pair.

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Si les théories volitionnelles expliquent la persistance dans l'action par la volonté, la théorie de l'autodétermination, quant à elle, estime que le self cherche uniquement à satisfaire ses besoins fondamentaux.