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1 HISTORIQUE

1.3 L’EDUCATION THERAPEUTIQUE DU JEUNE PATIENT EN FRANCE

1.3.2 L’ENFANT ET L’HOPITAL

En Europe, la naissance de la Pédiatrie à la fin du XIX e siècle confirme la grande

préoccupation pour la santé de l’enfant surtout lorsqu’il est très jeune.

Le siècle suivant est celui de découvertes permettant de lutter contre les maladies

infectieuses chez l’enfant comme les vaccins contre la poliomyélite, la variole et la

rougeole. Pourtant, longtemps encore, l’enfant malade occupe à l’hôpital la même

place que l’adulte.

Au XX e siècle encore, l’enfant est soigné comme s’il s’agissait d’un corps adulte,

sans considération pour ses besoins particuliers, notamment affectifs. Ainsi, l’enfant

hospitalisé souffre surtout d’une coupure totale avec son environnement familier.

Le monde hospitalier, inadapté à l’enfant, se révèle guère favorable à sa guérison.

Le corps médical, sans formation à l’enfance, ne prend pas en compte les besoins

spécifiques des jeunes patients comme leur besoin d’extérioriser la peur ressentie

face à un environnement médical mystérieux et triste.

Dans ce contexte, l’enfant reste incompris, les soignants du début du XX e ignorant

les mécanismes psychologiques à l’origine des angoisses de perte de la mère ou de

la vie.

Selon les psychiatres B. GOLSE et M. GUINOT [54], l’angoisse participe au

développement affectif de l’enfant. Elle serait toujours rattachée à un conflit de

perte : perte de l’environnement primordial (traumatisme de la naissance), perte du

sein (sevrage), perte d’une partie de soi (angoisse de la défécation), perte du pénis

(angoisse de castration) et ceci jusqu’à la perte de la vie ou l’angoisse de mort.

La situation d’hospitalisation, la relation avec les soignants, le vécu des soins

peuvent être moins angoissants pour l’enfant que la séparation d’avec sa famille.

D’ailleurs, S. ROSENBERG - REINER [55] écrit que « L’hôpital est pour l’enfant une

expérience difficile à vivre, il aura à affronter un univers étranger générateur de

peurs, d’angoisses (…) dans les premiers temps d’une hospitalisation les inquiétudes

d’un enfant n’ont rien à voir avec la gravité supposée de sa maladie. C’est souvent à

cette occasion que l’enfant fait l’expérience de la douleur qui provoque à la fois

l’incompréhension, la peur, voire la panique ».

En 1909, en Finlande, la puéricultrice Bärbi Luther, attristée par l’isolément des

enfants hospitalisés, organise pour eux des activités. Pour la première fois dans

l’histoire hospitalière, des moments de loisirs leurs sont proposés pendant leur

hospitalisation. D’autres pays comme la Suède suivent cet exemple. C’est le

commencement d’un long processus d’aménagement des espaces hospitaliers et

d’organisation d’activités pour l’enfant malade [56].

Des travaux, notamment sur la psychanalyse et la psychologie du développement

(intellectuel et affectif) de l’enfant (A. Freud, R.A. Spitz, M. Klein, D. W. Winnicott, H.

Wallon, F. Dolto, A. Gesell, J. Piaget …) améliorent la connaissance médicale de

l’enfant.

Après la deuxième guerre mondiale, les travaux de Bolbwy et Robertson en Grande

Bretagne mettent en évidence les séquelles psychologiques de la séparation mère -

enfant. Une association pour les soins de l’enfant naît en Allemagne sur la base

d’une association de parents en 1958. Ce mouvement gagne l’Amérique des années

60 et en 1965, s’y crée l’Association for Care of Children’s Health. Par ailleurs,

l’Institut de Pédagogie Supérieur de Stockholm propose un enseignement spécialisé

d’une durée de trois ans ; son contenu porte sur les méthodes pédagogiques à

mettre en place auprès de l’enfant retardé ou handicapé et de l ‘enfant malade

particulièrement de l’enfant atteint de maladie chronique.

C’est à partir de 1968 qu’émerge la volonté de protéger l’enfant malade, de mieux le

connaître et de l’aider à retrouver un état de santé satisfaisant. On se soucie du

confort de l’enfant à l’hôpital car on sait qu’un enfant angoissé par son hospitalisation

retrouvera plus difficilement l’équilibre de sa santé. On lui propose alors un

environnement approprié à ses besoins affectifs permettant le développement de ses

potentialités malgré la maladie.

C’est ainsi que nombreuses études sur l’enfant hospitalisé se succèdent dans les

années 70. Aujourd’hui, nous savons qu’avant 7 ans, l’hospitalisation pour l’enfant

est vécue comme un abandon, une punition. C’est, d’après M. RUFO [57], la

séparation imposée qui fragilise l’enfant et peut constituer une rupture radicale dans

sa vie : en effet, ses repères et rituels habituels lui sont nécessaires pour le rassurer

et l’aider à guérir. Ainsi, progressivement les soignants mettent à disposition de

l’enfant des jeux, des jouets et aménagent l’espace d’accueil des enfants.

Selon B. MINGUET [58], la pratique du personnel soignant «prend en compte (à

présent) la dimension relationnelle associée à la dimension technique et médicale du

soin. Elle propose de rencontrer l’enfant (aussi) dans sa globalité, de s’adapter à son

niveau de compréhension, à son langage, à son état émotionnel, à son individualité à

l’intérieur même des différents systèmes dans lesquels il évolue ».

Les soignants, chargés d’apprendre à l’enfant atteint de maladie chronique à gérer

sa maladie, doivent pour y parvenir, prendre en compte son angoisse, son stress dus

à l’hospitalisation, aux séparations : mère - enfant et environnement - enfant.

A Stockholm, en 1974, le « Conseil National pour l’Environnement Ludique des

Enfants » organise une exposition sur les besoins des enfants hospitalisés. A cette

occasion, des enfants ont pu évoquer leur vécu à l’hôpital. Il ressort de cette

expérience que «le jeu est au cœur de la vie», qu’il est nécessaire d’aménager des

espaces et d’équipements de locaux pour créer des services de thérapie de jeu.

En France, la circulaire d’août 1983 du Ministère de la Santé concernant l’enfant

hospitalisé fait des propositions portant non seulement sur le confort de l’enfant à

l’hôpital, mais aussi sur l’entrée de l’école afin de poursuivre la scolarité pendant

l’hospitalisation. Quelques propositions concernent la formation du personnel à la

thérapie par le jeu. On y insiste sur le soutien aux parents, mais aussi sur le soutien

à l’enfant malade par ses parents en milieu hospitalier, surtout dans le cas des

bébés, des enfants issus de familles immigrées et des enfants handicapés.

Finalement, il y est exigé que le personnel soignant reste vigilant aux besoins de

l’enfant, qu’ils soient d’ordre affectif, physique ou psychologique.

Le Ministère Français de la Santé de 1983 adopte les propositions suédoises, en

conformité avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (ONU, 1959) :

Droits de l’enfant, Nations Unies, 1959. Préambule «(…) l’enfant, en

raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin

d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une

protection juridique appropriée, avant comme après la naissance

(…).

Article 3- N° 2 «Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la

protection et les soins nécessaires à son bien - être (...).

Article 17- N°2 «Les Etats parties reconnaissent l’importance de la

fonction remplie par les médias et veillent à ce que l’enfant ait accès

à une information et à des matériels provenant de sources nationales

et internationales diverses, notamment ce qui visent à promouvoir

son bien - être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique

et mentale » [59].

Il est ainsi reconnu, à l’enfant aussi, le droit d’être informé, par tous les moyens

adaptés à son âge, sur les soins dispensés et sur les traitements médicaux qu’il

suivra. Dans ces conditions, il est considéré comme une personne à part entière.

L. ARENILLA et al. [60] constate que la scolarisation de l’enfant malade est devenue

une priorité ; tous les acteurs ont progressivement pris conscience que l’école

constitue un excellent support à la thérapie, voire comme certains l’avancent, une

thérapie elle - même. Les classes en milieu hospitalier se sont multipliées, elles ont

vu leur situation administrative se préciser en 1991. Cependant, le modèle « l’école à

l’hôpital » est devenu progressivement moins exclusif sous l’effet, entre autres, des

récents progrès de la médecine qui permettent de raccourcir les séjours du jeune

malade en donnant priorité aux cures ambulatoires.

Aujourd’hui, des dispositions réglementaires ont été prises pour que l’enfant atteint

de troubles de santé évoluant sur une longue période puisse bénéficier, dans sa

classe (ou établissement scolaire) d’origine, d’une éducation conjuguée à des soins,

prodigués par des personnels spécialisés, dans le cadre d’un Projet d’Accueil

Individualisé (PAI), (cf. l’annexe 7).

Les efforts accomplis en matière d’enfance hospitalisée rendent peu à peu cet

univers moins étranger à l’enfant et sa famille.

En France, d’ores et déjà, des associations de patients et de parents, l’association

Sparadrap [61] par exemple, se sont données pour objectif d’amener l’hôpital vers

l’enfant et sa famille, afin qu’ils connaissent mieux cette structure de santé et

minimisent ainsi l’angoisse que ce monde engendre.