1 HISTORIQUE
1.1.1 DE L’EDUCATION SANITAIRE A L’EDUCATION POUR LA SANTE
Au XIX e siècle apparaissent les premières tentatives d’une éducation sanitaire.
L’objectif poursuivi est la lutte contre la mortalité à travers l’amélioration des
pratiques d’hygiène de la population, où l’individu lui - même commence à être
considéré comme un agent de santé.
L’éducation sanitaire a pour cadre la prévention et pour objectif de supprimer les
risques d’exposition aux maladies. Cette éducation sanitaire se distingue dans un
premier temps par son caractère culpabilisant et moralisateur. A la fin du XIX e siècle
et au début du XX e siècle, on observe un fort absentéisme au travail. Les
principales causes en sont l’alcoolisme et des maladies infectieuses telles que la
tuberculose et le « péril vénérien » [8]. L’éducation pour la santé se fait donc au
travers de leçons de morale et par l’édition de quelques slogans tels que : “Où le
soleil n’entre jamais, le médecin entre souvent; Fuyez le petit verre comme la peste;
Sobriété (Bon), Intempérance (Mauvais); La porte du cabaret conduit à l’hôpital” [9].
Bientôt, les différents aspects de la santé de l’homme sont traduits par des médecins
en un discours simple s’adressant aux pauvres, une sorte d’alphabétisation médicale
proposée pour lutter contre les fléaux sociaux. Les auteurs de cette alphabétisation
sanitaire vantent la valeur civilisatrice de leurs discours qui va transformer en premier
lieu les individus des classes laborieuses en personnes saines et productrices, les
rendant de ce fait moins dangereuses [10].
C’est ainsi que l’éducation sanitaire, en jouant sur la culpabilité des individus qu’elle
classe dans deux catégories, les "bons" et les "mauvais", ne réussit pas à engager la
responsabilité individuelle et collective des populations auxquelles elle s’adresse. Or,
déjà à l’époque on ressent la nécessité d’opérer un changement d’attitude et le
principal moyen a été d’étendre l’éducation sanitaire à toute la population.
Dans un premier temps, il s’est agi de former en urgence des professionnels de
santé pour qu’à leur tour, ils enseignent les gestes d’hygiène à l’ensemble de la
population. C'est aussi à cette période que se proclame la laïcisation des hôpitaux et
que se créent des Ecoles d'infirmières. De même, les futurs médecins reçoivent un
enseignement théorique couplé avec des temps d’observation au chevet du patient.
Ces investissements économiques et sociaux font partie d’une politique d’éducation
intentionnelle et correspondent à un modèle d’homme souhaité par les instances
étatiques : un homme plus sain, plus fort avec une espérance de vie plus longue.
Cette éducation sanitaire, pour être efficace, doit être permanente. Elle s’est
progressivement introduite au sein de la famille. Cette pénétration dans le milieu
familial s’est, en grande partie, opérée par l’intermédiaire de l’école et des hôpitaux,
mais aussi grâce à la vulgarisation massive des nouveaux principes d’hygiène. A
ceci, s'est ajouté la volonté de lutter contre les fausses idées et les préjugés sur
l'hygiène, principalement chez les mères. Il est devenu nécessaire de les éduquer,
de les convertir aux nouvelles méthodes et de leur prouver que certaines pratiques
d'antan relatives à l'hygiène pouvaient s’avérer dangereuse à la survie de leurs
enfants. Maintenir les enfants en bonne santé relève désormais en grande partie de
la responsabilité familiale. De cette façon la famille coopère largement aux intérêts
économiques et sociaux de l’État.
Des conseils d’hygiène alimentaire centrés sur les méfaits de l’alcool sur la santé
sont dispensés. Il est recommandé de fuir les boissons alcoolisées. L'exercice
physique est fortement conseillé tant aux enfants qu’aux adultes. L’implication des
scientifiques et le développement d’œuvres sociales comme « La Goutte de Lait »,
mises en place après les années de la première grande guerre pour lutter contre la
mortalité infantile, permettent la diffusion, auprès de la population, des savoirs
contenus dans les ouvrages des hygiénistes du XIX e siècle. En France, Jules Hélot
(1814 - 1873) est considéré comme le précurseur des pratiques d’hygiène. Louis
Stanislas Dumenil (1823 - 1890), intéressé par l’hygiène alimentaire, produit et
présente des recherches sur les conséquences de l’abus d’alcool. Quelques années
plus tard, la lutte contre la typhoïde et la tuberculose s’organise grâce à André
Halipre (1866 - 1956) et Paul Brouardel (1837 - 1906). D’autres s’intéressent à
l’hygiène hospitalière comme, par exemple, Théodore E. Leudet (1825 - 1887) rendu
célèbre par ses observations cliniques sur la « pourriture » à l’hôpital. Avec Raoul
Brunon (1854 - 1929), la question de l’hygiène urbaine apparaît.
Des principes simples d’hygiène sont appliqués également au secteur médical. L’un
des apports les plus importants est sans doute celui de Philippe - Ignace
Semmelweis (médecin Hongrois du XIX e siècle) qui découvre que le simple fait de
se désinfecter les mains avant une intervention chirurgical ou avant un
accouchement permet de préserver la vie des patients et des mères. « (…) il fut un
temps où l’on passait de la dissection d’un cadavre à un accouchement sans se laver
les mains … les affections puerpérales si fréquentes à cette époque (28 décès pour
100 femmes accouchées), diminuèrent pour n’atteindre que 2 % » [6].
Par ailleurs, Stéphane Tarnier (1828 - 1897) en France, applique dans son service
les idées pasteuriennes, l’antisepsie, puis l’asepsie, faisant reculer de cette façon la
fièvre puerpérale. On lui doit différents instruments d’obstétrique dont le plus connu
est un forceps à tracteur devenu classique. Il est aussi l’inventeur de la « couveuse »
destinée aux nourrissons très fragiles.
Dans le passé, le but de l’éducation sanitaire était d’essayer, de manière persuasive
et systématique, de transformer le comportement de l’individu et de la communauté
vis – à - vis des activités : curatives, préventives ou de réhabilitation ainsi que de
promouvoir une meilleure santé. Cette approche était conforme à l’avis des
professionnels de la santé et elle a dominé les actions d’information menées par le
secteur sanitaire jusqu’à une période récente [11].
Ainsi, l’éducation sanitaire commencée au XIX e siècle atteint au siècle suivant son
but principal : préserver la vie en éloignant la mort avec comme moyens l’application
de gestes simples et pertinents d’hygiène. L’éducation sanitaire, dont la finalité se
résumait à la préservation de la vie, avait trouvé comme piliers la foi en la médecine
en tant que science de la vie et la pleine confiance en la propagande pour
révolutionner les manières de vivre de la population.
Au XX e siècle, le concept éducation pour la santé apparaît. L’éducation pour la
santé comporte, selon P. PATRICK [12], deux volets, la prévention des maladies et
la promotion de la santé. Cette éducation se veut plus ample dans ses actions
préventives tentant de réduire les risques liés aux comportements nuisibles pour la
santé des populations. A partir d’un problème de santé publique (l’alcoolisme, le
tabagisme, l’obésité, les accidents de la route), l’éducation pour la santé entreprend
des actions d’information et si nécessaire de changement de comportements
existants à des niveaux différents et complémentaires pour toute la population
susceptible d’être touchée par le même problème de santé. Les méthodes de cette
éducation sont l’information massive utilisant tous les supports de communication
mais aussi les mesures légales coercitives contraignantes pour le public concerné
dans le but de l’empêcher de mettre en danger le reste de la communauté et enfin,
une démarche éducative visant à rendre l’individu autonome et responsable de ses
choix en matière de comportement. Aussi, pour S. TESSIER et al. [11], l’éducation
pour la santé :
« (…) a pour objectif les modifications de comportements qui présentent un risque
pour la santé des individus ou celle de la collectivité. Elle repose sur l’information du
public, soit générale, soit ciblée en fonction d’expositions particulières à certains
risques (travailleurs) ou de sa capacité d’apprendre (jeunes, écoliers).
L’éducation pour la santé dans sa perspective actuelle vise à renforcer l’autonomie
de décision des individus et leur responsabilité. Elle entre dans le cadre de
l’apprentissage de la promotion de la santé».
Grâce aux découvertes des vaccins, la plupart des maladies infectieuses sont
actuellement quasiment contrôlées (tuberculeuse, scarlatine, diphtérie, lèpre), voire
éradiquées (peste). Le travail de l’éducation pour la santé a su tenir compte des
travaux des hygiénistes en plus d’une approche organique de la santé pourtant,
selon B. SANDRIN - BERTHON [13], dans les programmes scolaires en France,
l’éducation pour la santé n’apparaîtra officiellement qu’en 1991.
L’INPES est l’organisme français de référence en éducation pour la santé. L’une de
ses principales missions est d’organiser des campagnes nationales de
communication, d’information et d’éducation basées sur les techniques de
communication modernes. Des actions d’éducation pour la santé sont également
menées par les mutuelles, la Caisse Nationale d’Assurances Maladies (CNAM), les
Caisses Régionales d’Assurances Maladies (CRAM), les Comités d’Hygiène et de
Sécurité des entreprises, la Prévention Routière, les compagnies d’assurances et
autres plus ou moins dépendants du Ministère de la Santé.
Selon Ph. LECORPS [10], l’éducation de l’individu ne peut rester au niveau d’une
prévention exigeant de celui - ci sa soumission à un ordre moral de bonne conduite
mais doit le considérer comme un individu autonome, capable de choisir un
comportement qui engage sa responsabilité à la fois comme individu et comme
membre de la société. De ce fait, la responsabilité d’entretenir la santé, ainsi que
d’éviter la contagion par une éducation pour la santé s’adressant à l’individu lui -
même lui appartient en tant qu’être social.
Prenant en compte l’évolution et l’apparition de plusieurs maladies aiguës et
chroniques, « l’éducation» prétend non seulement atteindre l’individu sain afin de
prévenir l’apparition des maladies (éducation pour la santé), mais également
l’individu malade dans le but de contrôler les maladies (éducation thérapeutique).
Pour Kaplun et al. , cité par A. DECCACHE et E. LAVANDHOMME [14], « (…) un
patient chronique ne peut être considéré comme malade lorsqu’il est bien équilibré,
en état stable, situation courante dans la prise en charge du diabète, de
l’hypertension, de l’asthme, etc. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) propose
le concept hybride de personne malade en bonne santé (Healthy ill people) pour
désigner cet état ».
Dans le document
Ressorces éducatives dans l'éducation thérapeutique du jeune patient atteint de maladie chronique
(Page 35-39)