Chapitre II : De l’autisme maladie à l’autisme handicap
2. L’autisme reconnu comme handicap :
2.1. Les premières représentations de l’autisme
La représentation de l’autisme a lentement évolué d’une maladie mentale à un
handicap. Quand Bleuler (1911) considérait l’autisme comme un symptôme de la
schizophrénie, Kanner, en 1943, l’attribuait à une distorsion de la relation mère
/enfant. En 1971, le psychiatre Kolvin a publié une étude montrant une différence
nette entre l’autisme et la schizophrénie de l’enfant qui est d’apparition tardive
affectant aussi bien les garçons que les filles alors que l’autisme précoce touche
davantage les garçons.
Quant au mouvement de défense des personnes handicapées, il a émergé dans
les années soixante aux Etats Unis. Dans le domaine de l’autisme, les
pédopsychiatres Edward Ornitz et Brenard Rimland ouvrent la porte au champ de
l’autisme comme un handicap et pas uniquement comme une simple maladie. De
plus, ils ont aidé à la création de la première association de famille en 1965. Les
associations de familles se battent toujours contre l’exclusion des enfants avec
autisme des systèmes sociaux et scolaires.
En 1966 en Caroline du Nord, Eric Schopler a conçu le programme Teacch
(Treatment and Education of Autistic and Related Communication Handicapped
Children). Ce programme d’éducation spéciale a pour objectif l’acquisition d’un
maximum d’autonomie pour l’enfant. En Caroline du Nord, la mobilisation des
parents a permis d’obtenir la gratuité des interventions « Teacch» pour les enfants
avec autisme.
En 1975, aux Etats-Unis, est votée une loi de « the Developmentally Disabled
Act»
31. Ce texte de loi reconnait officiellement l’existence d’incapacités liées au
développement, comme l’épilepsie, le retard mental, l’infirmité et l’autisme. Elle
affirme la nécessité de prises en charge spécifiques pour les personnes atteintes de
handicaps.
2.2. Une évolution lente en France
La première association de parents d’enfants handicapés en France a été créée
dans les années soixante. Cette association a lutté contre le manque de structures. En
1963, un hôpital a été créé à Paris pour les enfants avec autisme.
La première fédération française d’associations de représentation des
handicapés mentaux et de leurs familles est créée en 1960 : L’UNAPEI (Union
Nationale des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés). Celle-ci protège le droit
de toute personne déficiente intellectuellement et cherche un accueil et un
accompagnement pour les personnes handicapées pour favoriser un maximum
d’intégration dans la société.
En 1963 est formée L’ASITP (Association au Service des Inadaptés ayant des
Troubles de la Personnalité) sous l'égide du professeur Clément Launay de l'hôpital
Hérold à Paris. Cette association devient plus tard FFAPI (Fédération Française
Autisme et Psychoses Infantiles), cette dernière est devenue en 1990 la FFSA
(Fédération Française Sésame Autisme).
Ces associations vont jouer un rôle essentiel dans l’amélioration de la vie de
personnes handicapées mentales, pour leur intégration dans la société. Elles ont
cherché à modifier la loi française pour garder le droit à la participation à la
citoyenneté des personnes handicapées.
En 1975, est votée en France la loi d’orientation en faveur des personnes
handicapées. Avec celle-ci, les personnes handicapées bénéficient des mêmes droits
que les autres citoyens. Bien qu’elle donne la priorité à l’intégration en milieu
ordinaire des personnes handicapées, l’intégration des enfants autistes reste difficile.
Ils sont donc accueillis en institutions. En 1986, le rapport de Lafay rappelait que les
institutions fonctionnaient de manière ségrégative et que la prise en charge ne
développait pas assez l’autonomie chez les enfants handicapés (Lafay, France.
Ministère des affaires sociales et de la solidarité nationale, France. Secrétariat d’Etat
à la santé, & France. Ministère de l’éducation nationale, 1986).
Dans les années 90, les associations ont voulu rompre avec la psychiatrie et les
approches psychanalytiques de l’autisme (Chamak, 2008).
En 1994, les associations de familles d’enfants autistes déplorent
principalement l’existence de problèmes concernant le diagnostic, le dépistage et la
vie des personnes autistes. Elles soulignent l’importance de traiter l’autisme comme
un handicap et pas comme une psychose. Les associations affirment le droit de leurs
enfants à l’éducation et demandent l’ouverture plus nombreuse de classes intégrées
(Sigman, 2001).
Tout cela a conduit Simone Veil, ministre des Affaires sociales, de la santé et
de la ville, à demander en 1994 trois rapports sur la situation des personnes avec
autisme en France (Sigman, 2001) :
- Le premier rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)
montre le manque de moyen sur le dépistage, l’insuffisance des dispositifs de
soin et de prises en charge,
- Le deuxième rapport de l’Agence Nationale concerne le développement de
l’évaluation médicale. Ce compte rendu évalue les méthodes de prise en
charge de l’autisme. Il souligne l’importance d’entreprendre des travaux
d’évaluation comparative de différentes méthodes de prise en charge.
- Finalement, le troisième rapport de la Direction des Affaires Sociales
souligne les carences qualitatives de la prise en charge des adultes. Il
rappelle le manque de places dans les structures. Il pointe l’incoordination
entre ces structures et l’inadéquation de l’hôpital psychiatrique comme lieux
de vie pour ces personnes.
Ces rapports insistent sur l’importance de mettre en œuvre des moyens
financiers, le besoin de création de centres spécialisés et la nécessité d’appliquer des
critères de diagnostic en adéquation avec les critères des classifications
internationales.
En 1995, la circulaire Veil AS/EN n° 95-12 annonce la mise en œuvre d’un
réseau de prises en charge adapté en faveur des enfants, adolescents et adultes
autistes et pour les plus jeunes, des actions à dominance sanitaire et médico-sociale.
Ces actions intègrent une composante pédagogique et éducative et un suivi
thérapeutique pour les adolescents et les adultes (Sigman, 2001). Malgré tous ces
efforts, cettecirculaire continue à nommer l’autisme comme une psychose infantile.
En 1996, l’autisme sort du champ des maladies mentales et est enfin reconnu
officiellement comme un handicap spécifique. La loi n°96-1076 du 11 décembre
1996 qui modifie la loi de 1975, est consacrée uniquement à l’autisme. La loi de
Chossy insiste ainsi sur la nécessité d’un pluralisme des prises en charges en plus de
l’accompagnement éducatif, pédagogique, thérapeutique et social.
La loi Handicap du 11 février 2005 contre la discrimination des handicapés,
donne le droit à l’inclusion scolaire de tout enfant porteur de handicap.
Malheureusement, l’intégration des enfants autistes demeure difficile faute
d’intégration de l’autisme dans la liste des handicaps. Aucune disposition
particulière pour l’autisme n’a été prise par cette loi. De plus, les moyens
compensatoires spécifiques pour l’accessibilité au savoir des enfants autistes sont
souvent absents des écoles. Une circulaire spécifique en faveur des personnes
autistes est publiée le 8 mars 2005. Elle donne la priorité à la scolarisation en milieu
ordinaire des enfants présentant des Troubles Envahissants du Développement.
En 2007, la secrétaire d’État à la Solidarité définit le Plan Autisme pour la
période 2008-2010. Dans ce plan, est préconisée une scolarisation plus adaptée à la
capacité de l’enfant et si possible en école ordinaire avec un accompagnement
adapté.
Enfin, la Haute Autorité de Santé a proposé en 2010 une définition plus
correcte de l’autisme : cette dernière reconnait la classification internationale de la
CIM-10, qui situe l’autisme dans les Troubles Envahissants du Développement. En
2012, la Haute Autorité de Santé publie ses recommandations de bonnes pratiques
Chapitre III : Vers une scolarisation des enfants
Dans le document
L'intégration scolaire des enfants en situation de handicap : le cas particulier des enfants avec autisme
(Page 65-69)