• Aucun résultat trouvé

2. LA THÉORIE DE L’ATTACHEMENT DE NEUFELD

3.2 L’attachement sécure et l’apprentissage

Lorsque tout se développe normalement, ayant pu développer un attachement sécure, l’élève possède la capacité d’entrer en relation avec son enseignant et avec les autres ainsi que le désir d’explorer le monde extérieur à la relation primaire (Geddes, 2012). La section qui suit fait un retour en arrière et explique en quoi la base de sécurité est préalable à l’apprentissage.

3.2.1 La base de sécurité, un préalable aux apprentissages

Très tôt dans la petite enfance, l’enfant, vivant une relation d’attachement satisfaisante avec une personne qui répond adéquatement à ses besoins, développe le concept de base de sécurité. Ainsi, puisqu’il a développé un lien de confiance dans une relation primaire d’attachement, le tout-petit amorce une exploration du monde qui l’entoure. C’est au moyen de ses sens qu’il regarde, tente d’attraper, touche, porte à sa bouche, écoute les bruits des objets auxquels il a accès. Ces multiples

découvertes renforcent et stimulent l’intérêt qu’il porte au monde extérieur (Geddes, 2012).

Toutefois, cette exploration peut engendrer de l’incertitude et de la crainte chez l’enfant. D’après Bion (1967, dans Geddes, 2012), l’enfant compte alors sur sa mère pour le rassurer. C’est en adoptant des réactions qui contiennent l’anxiété et traduisent les sentiments en mots que la mère démontre sa compréhension et son soutien à l’enfant et, de cette manière, l’encourage à continuer son exploration. À force d’expériences sécurisantes, la base de sécurité s’intériorise davantage permettant à l’enfant d’explorer et d’expérimenter un monde plus vaste (Geddes, 2012). Comme l’écrit Geddes (2012), « la capacité de s’intéresser aux objets extérieurs avec curiosité et créativité est à l’origine de la capacité de s’engager dans des apprentissages » (p. 55). Pour un tout-petit, cela peut vouloir dire manipuler des objets ou des matériaux pour découvrir leur potentiel, jouer avec un objet inconnu jusqu’à ce qu’il soit compris, créer une situation pour voir ce qui va arriver, écouter les autres pour comprendre ce qu’ils vont dire ou écouter une histoire pour découvrir ce qui arrive (Geddes, 2012). Chacune de ces expériences d’apprentissage sollicite le processus adaptatif de l’enfant tel que décrit précédemment par Neufeld (2008a) puisqu’elle nécessite une tolérance à la frustration et à l’incertitude de ne pas savoir jusqu’au moment de la compréhension et par le fait même une disponibilité de la base de sécurité pour contenir l’anxiété vécue lors de l’exploration (Geddes, 2012). Pendant que le monde connu de l’enfant s’agrandit, celui-ci en vient à ressentir la connaissance et l’action comme faisant partie des éléments sur lesquels il a de l’emprise puisqu’ils font partie de son esprit. Par conséquent, une fois à l’école, c’est avec ce bagage d’expériences que l’élève fait face à une tâche éducative et tout porte à croire que la nature de ces expériences influence le niveau d’engagement de celui-ci (Geddes, 2012).

3.2.2 La tâche d’apprendre

Apprendre, c’est découvrir quelque chose qu’on ne connaît pas ou que l’on ne comprend pas. À l’école, c’est au moyen d’activités pédagogiques que l’enseignant tente de favoriser l’apprentissage chez l’élève. Ces activités, qui doivent à la fois être à la portée des élèves et stimuler leur curiosité et leur désir de découverte, se situent dans l’espace transitionnel entre l’enseignant et le monde extérieur, c’est-à-dire la classe (Geddes, 2012). Pour qu’un élève s’engage dans une activité d’apprentissage, il doit s’appuyer sur la confiance qu’il a en son enseignant pour tolérer l’incertitude et ne pas se laisser envahir par la confusion. En milieu scolaire, l’enseignant et la classe représentent la base de sécurité éducative (Geddes, 2012).

Un enfant qui est attaché de façon sécure se base sur ses expériences précoces d’attachement pour établir les attentes qu’il a envers son enseignant. Puisqu’il a l’expérience d’adultes sensibles, fiables et de confiance, il s’attend à ce que son enseignant soit secourable et disponible pour lui (Geddes, 2012). De cette manière, l’élève qui considère l’apprentissage comme quelque chose d’intéressant et d’important sera plus enclin à tolérer la frustration vécu tout au long du processus. De surcroît, loin de dépendre de l’enseignant, l’élève peut le consulter au besoin et, étant suffisamment rassuré, acceptera de poursuivre l’activité de manière indépendante et autonome (Geddes, 2012). Ces attitudes et comportements adoptés en situation d’apprentissage sont le reflet d’une expérience d’attachement sécure. À cet égard, le triangle de l’apprentissage est illustré dans la section suivante.

3.2.3 Le triangle de l’apprentissage d’un enfant attaché de façon sécure

Le triangle de l’apprentissage construit à partir du profil de l’enfant attaché de façon sécure illustre l’équilibre qui existe entre les besoins de l’élève, la présence de l’enseignant et les exigences de la tâche (Geddes, 2012). Tel que présenté à la figure 4 (p. 74), à l’aide de ce triangle, Geddes (2012) décrit les relations qui existent entre

les trois participants au processus d’apprentissage, c’est-à-dire l’élève, l’enseignant et la tâche.

Figure 4 - Le triangle de l’attachement : attachement sécure

Source : Geddes, H. (2012). Aider les élèves en difficulté d’apprentissage. L’influence de l’attachement sur le comportement en classe (Trad. Par Françoise Hallet). Bruxelles : Éditions De Boeck Université.

Un élève attaché de façon sécure possède les habiletés préalables à l’apprentissage soit la capacité d’entrer en relation avec son enseignant et la capacité de tolérer la part d’incertitude qu’implique la présence de la tâche éducative (Geddes, 2012). Puisqu’au fil de ses expériences précoces d’attachement, l’enfant a acquis le concept de base de sécurité, il peut s’impliquer dans une tâche même si celle-ci requiert un certain niveau de tolérance à l’incertitude de ne pas savoir. L’élève accepte de participer activement, car il a confiance en la disponibilité de son enseignant. En réponse aux attentes de l’élève, l’enseignant fait preuve de sensibilité aux émotions vécues par celui-ci pendant le processus d’apprentissage ainsi que de disponibilité et de soutien lorsque l’élève sollicite son aide. Afin d’épauler l’élève dans sa progression, l’enseignant lui fournit des tâches à la fois réalisables et stimulantes. Ces tâches stimulent l’engagement et l’intérêt de l’élève qui désire connaître la satisfaction de découvrir quelque chose de nouveau. Bref, ce triangle représente une dynamique fluide entre les relations, la tolérance à l’incertitude et la tâche qui sont reliées pour composer la situation d’apprentissage.

élève

3.2.4 Les résultats pour l’élève

L’expérience de relations significatives satisfaisantes qui a permis à l’enfant de développer un attachement sécure en bas âge influence les réactions et les attentes de l’élève et donc le prédispose aux apprentissages. Vivre l’équilibre du triangle d’apprentissage à l’école engendre de multiples conséquences positives pour l’élève. Geddes (2012) dresse la liste que voici :

 un sentiment d’efficacité et de valeur de soi;

 la capacité de pouvoir supporter la frustration, la difficulté et l’incertitude;  la capacité de développer son propre esprit;

 un sentiment d’organisation personnelle;

 un renforcement de la résilience émotionnelle et cognitive.

Bref, promouvoir la sécurité affective de l’élève en favorisant la sensibilité de l’enseignant face à l’incertitude, de même qu’en l’impliquant dans des tâches qui suscitent son intérêt et sa participation renforce positivement l’image de soi qu’il développe.

3.2.5 L’école comme base de sécurité

Pour conclure cette section, il convient de rappeler l’importance pour le milieu scolaire de se préoccuper de la relation d’attachement comme moyen de favoriser la réussite éducative de l’élève. Les intervenants du milieu doivent donc se concerter afin de renforcer la capacité de l’école à agir en tant que base de sécurité (Geddes, 2012). Les relations que les élèves entretiennent avec les adultes signifiants à l’école leur permettent de vivre plus positivement leur parcours scolaire ainsi que le processus d’apprentissage comme tel. Il y a donc lieu de favoriser la relation élève-enseignant.

Jusqu’à présent, nous avons montré comment l’élève attaché de façon sécure aborde les relations et l’apprentissage en contexte scolaire. Toutefois, il en est tout

autrement pour l’élève attaché de façon insécure. Pour cet élève, c’est une version déformée du triangle de l’apprentissage qui prévaut. En effet, comme Geddes (2012) le précise, « l’équilibre dans la relation entre l’élève, l’enseignant et la tâche peut être perturbé par des expériences qui influencent les attentes envers (sic) l’enseignant et l’engagement dans la tâche/le monde extérieur » (p. 62). En devenant une base de sécurité, le milieu scolaire peut offrir des expériences plus positives à l’enfant et constituer une source de résilience. Les prochaines lignes abordent l’insécurité d’attachement de type évitant, résistant/ambivalent et désorganisé en lien avec les réactions de l’élève face à l’apprentissage et suggèrent des modes d’intervention adaptés à la nature du problème.