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2. LA THÉORIE DE L’ATTACHEMENT DE NEUFELD

3.4 L’attachement insécure de type résistant/ambivalent et l’apprentissage

Tout d’abord, Ainsworth et Wittig (1969, dans Geddes, 2012) décrivent un autre mode de relation comme étant celui de l’attachement insécure de type résistant/ambivalent. Il en est ainsi lorsque l’enfant est anxieux en présence de sa mère et est perturbé quand il en est séparé. L’enfant ressent de l’ambivalence envers sa mère de sorte qu’il désire son contact, mais y résiste comme si sa présence n’était pas suffisamment sécurisante (Geddes, 2012). C’est donc dire que l’enfant n’a pas

confiance en sa mère pour contenir sa détresse et subvenir à ses besoins. En réponse aux expériences d’attachement précoces vécues, l’enfant sollicite la proximité constante de l’adulte afin de se garantir une certaine certitude face à la peur et ce, même s’il est incapable de se fier à ses réactions.

Ensuite, Geddes (2012) stipule que la nature de l’expérience d’attachement a des répercussions sur la nature de l’expérience de séparation. Dans la dyade mère-enfant dont il est question ici, la mère vit difficilement le processus de séparation et imprègne donc la relation d’anxiété. Comme nous l’avons démontré à la section 3.2.1, la base de sécurité étant préalable à l’exploration et donc à l’apprentissage, l’enfant résistant/ambivalent ne peut guère s’individualiser et explorer le monde qui l’entoure. Puisqu’il a un besoin constant de sentir la proximité de sa figure d’attachement, la séparation provoque une détresse chez lui.

En résumé, d’un côté, l’enfant craint la séparation d’avec sa mère, mais de l’autre ne se sent pas totalement rassuré par sa présence. Comme l’atteste Geddes (2012), les attentes et réactions d’un enfant à l’attachement résistant/ambivalent influencent inévitablement son rapport à l’apprentissage, c’est-à-dire le triangle ainsi que le profil d’apprentissage.

3.4.1 Le triangle de l’apprentissage de l’élève attaché de façon résistante/ambivalente

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la nature de la relation mère-enfant influence les relations futures de l’enfant. Il va s’en dire qu’une relation mère-enfant empreinte d’anxiété, d’ambivalence et d’hostilité se répercute sur la relation que l’enseignant tente de bâtir avec l’élève (Geddes, 2012). Tel que le montre la figure 6 (p. 81), dans le triangle de l’apprentissage, la tension entre l’élève et l’enseignant est telle que cela se fait au détriment de la tâche.

Figure 6 - Le triangle de l’attachement : attachement insécure de type résistant/ambivalent

Source : Geddes, H. (2012). Aider les élèves en difficulté d’apprentissage. L’influence de l’attachement sur le comportement en classe (Trad. Par Françoise Hallet). Bruxelles : Éditions De Boeck Université.

Lorsque vient le temps de s’engager dans une situation d’apprentissage, l’élève est tellement préoccupé par la relation avec l’enseignant qu’il ne peut porter son attention sur la tâche. Le profil d’apprentissage précise les caractéristiques et les répercussions associées à l’élève résistant/ambivalent.

3.4.2 Le profil d’apprentissage de l’élève attaché de façon résistante/ambivalente

Pour commencer, l’enfant qui a, dans son enfance, expérimenté une relation d’attachement insécure de type résistant/ambivalent avec son soignant primaire aborde le milieu scolaire avec des perceptions et des attentes qui lui sont propres. Son expérience d’attachement précoce lui a appris que la séparation et l’autonomie sont niées au profit d’une relation anxieuse avec sa mère et que la crainte de voir ses besoins non-comblés a raison d’être (Geddes, 2012). Ces forts sentiments d’anxiété et d’incertitude faisant partie intégrante de l’élève envahissent la relation avec l’enseignant et influencent le rapport à l’apprentissage.

Erickson et al. (1985, dans Geddes, 2012) précisent, qu’en milieu scolaire, il existe deux profils d’élève résistant/ambivalent : celui qui est impulsif et tendu ainsi que celui qui est désemparé et craintif. Cependant, de façon générale, puisque l’élève n’est pas certain que l’enseignant réponde à ses besoins d’attachement, il adopte un comportement collant et contrôlant (Geddes, 2012). Étant très anxieux, il tente de s’accrocher à l’enseignant afin de conserver son attention. L’élève

élève

résistant/ambivalent peut aussi utiliser ses compétences langagières pour tenter de dominer ou de manipuler l’attention de l’enseignant. Autant l’élève recherche la proximité de l’enseignant, autant il peut agir avec hostilité à son égard s’il craint que ses besoins ne soient pas comblés ou puissent ne pas l’être.

De même que la relation avec l’enseignant préoccupe l’élève à un point où il peut difficilement s’engager dans une tâche. En fait, il considère celle-ci comme une intrusion dans la relation allant jusqu’à l’ignorer. Cela fait en sorte qu’il fasse preuve d’une dépendance évidente envers l’enseignant pour s’engager dans l’apprentissage. En fait, il éprouve de grandes difficultés à essayer seul. Par conséquent, l’élève évolue en deçà de ses possibilités obtenant des résultats scolaires plutôt faibles.

Une autre caractéristique du profil d’apprentissage de ce groupe d’élèves est le manque d’assiduité scolaire (Geddes, 2012). Ce serait l’anxiété de séparation qui serait à l’origine du problème d’absentéisme. Il semblerait que l’anxiété exprimée par l’élève soit générée par la mère. Ainsi, de bénignes maladies ou blessures associées à l’anxiété deviennent, avec l’aide du parent, un motif valable pour rester à la maison (Geddes, 1999, dans Geddes, 2012). Par ailleurs, certains enfants ressentent le besoin de prendre soin de leur parent qu’ils sentent vulnérables et s’organisent donc pour ne pas avoir à s’en séparer pour aller à l’école. Cette relation préoccupante peut alors interférer avec la fréquentation scolaire de l’élève résistant/ambivalent.

Enfin, les enseignants ont tendance à qualifier les élèves qui composent ce groupe d’attachement de dépendants. Geddes (2012) suggère qu’une meilleure compréhension de leur attachement permet d’interpréter le comportement différemment. En fait, l’élève contrôle anxieusement la relation de peur de perdre l’attention voire la présence de l’adulte. C’est pourquoi il est incapable de se centrer sur la tâche d’où l’importance de sécuriser la relation et la structure de travail.

3.4.3 L’importance de la relation

Comme la relation élève-enseignant occupe une place importante dans l’esprit de l’élève au point où elle entrave le processus d’apprentissage, l’enseignant se doit de sécuriser la relation. En contenant l'anxiété de l'enfant attaché de façon résistante/ambivalente, l’enseignant aide cet enfant à s’ouvrir au monde qui l’entoure et à le découvrir (Geddes, 2012). Ainsi, il s'ouvre à la présence de la tâche qui agit à titre de présence symbolique en faisant le pont entre l’élève et le monde extérieur (Geddes, 2012). Sécuriser la relation, c’est aussi montrer à l’élève qu’on croit en lui ainsi qu’en ses capacités à vivre séparé et à s’engager dans une tâche.

Pour ce faire, l’enseignant doit adapter la structure qui entoure la tâche de manière à démontrer à l'élève qu’il sera là en cas de besoin. L’élève doit sentir que même s’il en n’a pas l’habitude, il peut obtenir le soutien fiable et cohérent de l’adulte. Séquencer la tâche et récompenser par sa présence à chaque étape, utiliser une minuterie pour diminuer l’anxiété ou prêter un objet spécial (transionnel) à l’élève pendant que l’enseignant s’éloigne un peu sont des moyens que ce dernier peut employer pour soutenir l’élève dans la réalisation de parties de tâche seul. Ces moyens permettent à l’élève de sentir un équilibre entre ses besoins d’attachement, de séparation et d’autonomie et de sentir que l’enseignant sera là quoi qu’il arrive. Le fait de planifier et d’expliquer l’organisation de la journée et de prendre le temps d’avertir lors de changements peut aussi apaiser l’anxiété de séparation de l’élève qui serait déclenchée s’il se retrouvait devant une incertitude. Autrement dit, diminuer les tensions et l’anxiété présentes dans la relation entre l’élève et l’enseignant développe la disponibilité de l’élève à porter son attention sur les situations d’apprentissage (Geddes, 2012).