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2. LA THÉORIE DE L’ATTACHEMENT DE NEUFELD

2.7 Le contexte d’attachement à cultiver

Neufeld (2008a) souligne l’inefficacité des méthodes d’intervention conventionnelles auprès des enfants qui ont des problèmes d’apprentissage et de comportement enracinés dans des blocages. En effet, ces méthodes fonctionnent principalement avec l’enfant qui a atteint une certaine maturité affective et donc qui est intégratif, émergent et adaptatif. À l’inverse, l’enfant bloqué dans sa maturité affective a ces problèmes justement parce qu’il ne possède pas de capacités d’intégration, d’émergence et d’adaptation. C’est pourquoi, il propose une méthode différente qu’il nomme l’approche à trois volets (Neufeld, 2008a).

Le premier volet de cette approche est décrit dans les sections suivantes puisqu’il soulève l’importance de cultiver le contexte d’attachement. À cet effet,

le premier point n’est pas une méthode mais la création d’un CONTEXTE; on n’y établit pas une stratégie mais une RELATION; on n’y apprend pas à faire, mais à ÊTRE le point d’ancrage de l’attachement de l’enfant, sa sécurité que nous soyons enseignant, guide, modèle ou mentor. (Neufeld, 2008a, p. 67)

Ce contexte d’attachement possède sa raison d’être en milieu scolaire puisque, que l’on veuille éduquer, enseigner ou soigner un enfant, il faut d’abord le rejoindre (Neufeld, 2008a). Il semble nécessaire à l’enfant bloqué dans sa maturité affective

puisque, pour lui, les stratégies et les techniques ne sont pas transférables d’une personne à une autre. Par exemple, même si la routine et la gestion de classe du remplaçant sont identiques à celles de l’enseignant, les résultats obtenus avec ce type d’enfant varieront, car la relation d’attachement n’est pas la même. L’enseignant a donc tout intérêt à travailler à établir un contexte d’attachement en éveillant l’instinct d’attachement, en protégeant la relation et en créant un village d’attachements.

2.7.1 Éveiller l’instinct d’attachement

L’enseignant qui travaille avec des enfants qui ne sont pas les siens, spécifiquement avec ceux qui sont bloqués dans leur maturité affective, doit puiser dans le comportement instinctif qu’est le rituel d’attachement pour apprivoiser l’enfant (Neufeld, 2008a). Le tableau 5 (p.67) présente les interventions à privilégier pour éveiller l’instinct d’attachement chez l’élève.

Étant donné l’importance que représente cette étape, Neufeld (2008a) affirme que les intervenants du milieu de l’éducation devraient prendre le temps de cultiver le contexte d’attachement avec leurs élèves avant de s’attendre à pouvoir leur enseigner.

2.7.2 Protéger la relation

Après que l’enseignant ait réussi à créer une relation d’attachement active avec l’élève, il doit travailler pour la maintenir et la protéger. En effet, Neufeld (2008a) est d’avis que, comme c’est l’attachement que l’enfant porte à l’enseignant qui permet de lui enseigner et d’en prendre soin, il est nécessaire de s’en préoccuper.

Pour ce faire, l’enseignant doit faire de la relation une priorité. Pour préserver le contexte d’attachement, il est nécessaire pour l’enseignant d’agir de manière à faire comprendre à l’élève que, peu importe les problèmes ou les conflits vécus avec celui- ci, la relation est priorisée (Neufeld, 2008a). De fait, l’importance de la relation va au-delà des comportements ou des accomplissements de l’élève. Encore davantage en période difficile, l’élève doit sentir que, puisque la relation est plus grande que le

problème la présence et le soutien de l’enseignant sont inconditionnels. S’adresser d’abord à la relation et ensuite au comportement, d’agir avec sincérité et de choisir un ton de voix et des mots apaisants permettent à l’élève de saisir la force de la relation qui l’unit à l’enseignant et de vouloir la préserver à son tour.

TABLEAU 5

LES INTERVENTIONS À PRIVILÉGIER POUR ÉVEILLER L’INSTINCT D’ATTACHEMENT CHEZ L’ENFANT

Interventions à

privilégier L’activation de l’instinct d’attachement se produit lorsque…

1. Entrer gentiment dans la bulle de l’enfant, aller chercher son regard, obtenir un sourire, un hochement de tête.

 le rituel d’entrer en relation est privilégié.

 l’enseignant suscite les interactions de façon amicale plutôt que d’attendre qu’il y ait un problème.

 l’enseignant adopte une approche indirecte et non- envahissante et qu’il fait preuve de patience et de persévérance.

2. Donner à l’enfant « un élément de proximité » auquel se raccrocher.

 l’élève possède quelque chose auquel se raccrocher. En s’y attachant, il s’attache à la personne qui lui offre.  ce que l’enseignant lui offre vient de lui et rappelle

l’attachement au sens figuré plutôt que matériel ou physique.

 l’enseignant porte attention, a de l’intérêt et transmet la chaleur émotionnelle, le plaisir et l’émerveillement.

3. Inviter l’enfant à la

dépendance.  l’enseignant transmet son intention de soutenir, d’aider et de prendre soin de l’élève.  l’élève comprend que son enseignant est digne de

confiance et qu’il peut compter sur lui. 4. Servir de boussole

à l’enfant.  l’enseignant oriente l’élève dans le temps et l’espace, face aux gens et aux événements, sur le sens et les circonstances.

 l’élève se retrouve dans une situation où il a besoin de dépendre de l’enseignant et donc où il a tout intérêt à garder l’enseignant prêt de lui.

Inspiré de : Neufeld, G. (2008a). Rejoindre les jeunes en difficulté. Semaine intensive de formation. Montréal.

Tableau 5

En outre, l’enseignant a la responsabilité d’aider l’élève à maintenir le lien d’attachement. Plus l’enseignant s’engage à préserver le sentiment de proximité, plus l’attachement de l’élève est solide (Neufeld, 2008a). Saluer l’élève est un geste efficace que l’enseignant peut utiliser pour maintenir la connexion. À l’inverse, omettre de le faire envoie le message que la relation n’existe pas ou n’a pas d’importance. Puisque la relation élève-enseignant est remplie de séparations physiques, l’enseignant doit s’efforcer de développer des stratégies grâce auxquelles l’élève se sent proche malgré la séparation physique. L’encourager à atteindre des modes d’attachement plus profonds (voir section 2.2) comme le sentiment d’importance et l’intimité affective et psychologique ou parler de sa vie personnelle, raconter une activité vécue pendant une période d’éloignement, offrir un objet que l’élève peut apporter avec lui aussi bien que rédiger un journal personnel sont des exemples d’action qui favorisent le maintien de la relation.

2.7.3 Créer un village d’attachements

Neufeld (2008a) définit le village d’attachements comme étant « un ensemble d’attachements positifs, une force cohésive qui offre un contexte au sein duquel travailler avec l’enfant » (p. 73). Selon cet auteur, les fonctions du village d’attachements sont les suivantes :

 soutenir ceux qui sont responsables de l’enfant et partager les responsabilités;  fournir à l’enfant un plus large espace où se sentir chez lui;

 réduire les vides d’attachement;

 gagner un sens de la continuité en passant d’un adulte à un autre.

Neufeld (2008a) suggère trois interventions à utiliser pour favoriser la création du village d’attachements. La première intervention est l’importance de faire les présentations nécessaires. En présentant à l’élève les adultes susceptibles d’assumer des responsabilités auprès de celui-ci ou de jouer un rôle dans sa vie, l’enseignant contribue à élargir le cercle d’attachements. De plus, entrer en relation de façon amicale avec un adulte auquel l’élève est déjà attaché et à l’aise constitue

l’élément essentiel pour joindre le village de cet élève. Dans la même lignée, la seconde intervention suggère à l’enseignant de jouer les entremetteurs entre les élèves et les personnes en charge. Pour jouer les entremetteurs, il suffit tout d’abord de préparer les deux personnes de manière à ce qu’elles soient disposées à former un attachement. Une façon de le faire est de décrire chacune à l’autre en témoignant l’appréciation de celle-ci ou en transmettant des compliments. Enfin, organiser une rencontre dans un climat agréable facilitera la connexion. La troisième intervention est de miser sur l’attachement plutôt que sur le rôle pour interagir avec l’élève. Pour l’élève immature, c’est l’attachement envers un adulte qui confère à celui-ci une autorité ou une influence et qui rend l’enfant réceptif à ses conseils. Bref, en situation difficile, il apparaît essentiel de s’appuyer sur la force de la relation existante pour s’occuper de l’élève plutôt que sur le rôle de la personne en charge de le faire. En agissant comme un « pont d’attachement », les interventions de l’enseignant se répercutent sur l’élève en créant autour de lui une communauté d’individus solidaires qui fonctionne comme une constellation d’attachements (Neufeld, 2008a).

Pour conclure, la théorie de Neufeld (2008a) offre une place primordiale à la relation d’attachement dans le développement de l’enfant en s’appuyant sur le fait que son éducation ne peut se faire que dans un contexte d’attachement. Côtoyant ces enfants au quotidien, les enseignants ont la possibilité de devenir des agents d’attachement pour ceux-ci. Cela est d’autant plus vrai et nécessaire pour les enfants bloqués dans leur maturité affective. Pourtant, ils ne sont pas conscients de leur immense besoin d’attachement et du fait que les adultes du milieu scolaire peuvent combler ce besoin (Neufeld, 2008a). La troisième section de ce chapitre met l’accent sur l’attachement en milieu scolaire en s’intéressant à l’implication de la relation d’attachement dans le rapport à l’apprentissage.

3. L’IMPLICATION DE LA RELATION D’ATTACHEMENT DANS L’APPRENTISSAGE

Tel que Geddes (2012) le mentionne, les réactions, les attentes et les prédispositions d’un individu à vivre des expériences sont influencées par les expériences relationnelles qu’il a vécues dans sa petite enfance ainsi que par les événements importants qui ont ponctué sa vie. Il en est de même pour l’apprentissage. Cette auteure en est donc venue à développer un modèle qui lie l’attachement et l’apprentissage. Puisque l’enseignant y trouve une place importante, tout d’abord, nous faisons état de l’importance de sa perception. Par la suite, chacun des quatre styles d’attachement est étudié de manière à définir ses impacts sur le plan des apprentissages.