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2. LA THÉORIE DE L’ATTACHEMENT DE NEUFELD

3.3 L’attachement insécure de type évitant et l’apprentissage

Rappelons que l’enfant dont l’attachement est insécure de type évitant a tendance à éviter le contact avec sa mère plutôt que de chercher sa proximité lors d’une situation anxiogène (Ainsworth, 1978). L’enfant développe ce mode opératoire en réaction aux expériences de rejet qu’il a vécues de la part de sa mère, source d’attachement primaire. Les attentes et les réactions forgées par un attachement insécure de type évitant se répercutent sur le triangle de l’apprentissage ainsi que sur le profil d’apprentissage de l’élève.

3.3.1 Le triangle de l’apprentissage de l’élève attaché de façon évitante

La peur de vivre du rejet tel qu’il en a vécu dans sa première relation plane au- dessus de la relation élève-enseignant. C’est pourquoi, comme l’illustre la figure 5 (p. 77), l’équilibre du triangle de l’apprentissage est menacé.

Dans ce triangle, un côté est fragilisé puisque l’élève dont l’attachement est évitant a tendance a dirigé son attention vers la tâche afin d’éviter la relation avec l’enseignant. En effet, l’élève craint que l’enseignant ne soit pas disponible pour le pour le soutenir et l’accepter (Geddes, 2012). Le fait de porter son attention sur la

Figure 5 - Le triangle de l’attachement : attachement insécure de type évitant

Source : Geddes, H. (2012). Aider les élèves en difficulté d’apprentissage. L’influence de l’attachement sur le comportement en classe (Trad. Par Françoise Hallet). Bruxelles : Éditions De Boeck Université.

tâche réduit l’intensité du sentiment d’incertitude et de l’anxiété généré par la relation élève-enseignant. Ces interactions entre l’élève, l’enseignant et la tâche influencent le profil d’apprentissage de l’élève évitant comme l’expose la prochaine section.

3.3.2 Le profil d’apprentissage de l’élève attaché de façon évitante

De façon générale, l’enfant évitant a tendance à éviter tout ce qui lui rappelle sa mère en son absence. En milieu scolaire, cette tendance à l’évitement influence la relation que l’élève a avec son enseignant (Geddes, 2012). Bien qu’il soit sensible à sa présence, il ne recherche pas son contact puisque celui-ci déclenche un sentiment d’incertitude. Cette manière de se protéger prend racine dans des pulsions contradictoires : l’élève ne peut pas trop s’approcher par peur d’être rejeté, mais ne peut pas trop s’éloigner à cause de son besoin d’attachement.

Pour ce faire, l’élève adopte certains comportements et attitudes qui, à prime abord, peuvent être valorisés par les intervenants du milieu scolaire tels que l’indépendance et la confiance en soi (Geddes, 2012). Toutefois, puisque l’élève évitant agit ainsi afin de se protéger, il convient de chercher ce qu’il tend à nous communiquer par le biais de ses attitudes et comportements. En fait, c’est sa façon de nous dire qu’il craint la dépendance et l’état de besoin. Ceci explique pourquoi il adopte l’autosuffisance comme mode de défense. S’il n’a pas besoin de l’adulte, il n’a pas besoin de se rendre vulnérable et il ne risque donc pas d’être rejeté ou blessé.

élève

Puisqu’il évite d’entrer en relation avec les autres, il peut faire un usage limité du langage (Geddes, 2012).

Ce type d’élève fonctionne mieux à l’intérieur d’une structure qu’il connait et dans laquelle il est à l’aise. De cette manière, il peut faire preuve d’autonomie, ce qui lui permet de fuir son besoin de dépendance et, par le fait même, la relation avec l’enseignant (Geddes, 2012). Les activités qui sortent de la structure habituelle, comme les activités créatives, ludiques, plus complexes, imprévues ou nouvelles, font naître chez lui un sentiment d’incertitude puisqu’il craint d’avoir besoin de soutien, mais de ne pouvoir l’obtenir. Cet élève qui nie son besoin d’aide et qui refuse celle offerte par l’enseignant risque de réaliser des performances en deçà de ses capacités. Il se peut aussi que l’enfant dirige l’hostilité que fait naître sa relation avec l’enseignant vers la tâche que ce dernier lui propose.

Puisque l’élève adopte des comportements d’évitement, de son côté, l’enseignant peut se sentir ignoré par celui-ci, voire se sentir provoqué et réagir. Toutefois, Geddes (2012) affirme qu’il ne faut pas chercher à forcer le contact et la proximité avec l’élève à l’attachement évitant au risque de stimuler davantage son attitude évitante. En s’appuyant sur cette affirmation, il convient de travailler sur le côté du triangle le plus solide afin de rejoindre l’élève, c’est-à-dire la relation entre l’élève et la tâche. Voilà donc toute l’importance d’utiliser la tâche pour favoriser la création du lien entre l’élève et l’enseignant.

3.3.3 L’importance de la tâche

Puisque la relation élève-enseignant semble menaçante, en se centrant sur la tâche, l’élève dresse une barrière protectrice contre la crainte d’éventuels sentiments hostiles à son égard (Geddes, 2012). La tâche agit donc comme un pont pour permettre à l’enseignant de rejoindre l’élève sans que celui-ci ne se sente trop vulnérable. Par le biais d’une tâche sécurisante, l’enseignant montre qu’il est possible d’être sensible à la peur de proximité de l’élève tout en étant sensible à son besoin de

soutien. De cette façon, l’élève évitant sent qu’il est pris en compte sans se sentir envahi par l’émotivité de la relation (Geddes, 2012). Selon Geddes (2012), une tâche susceptible d’être sécurisante pour l’élève est structurée et concrète, nécessite peu d’aide, représente un défi raisonnable et fait preuve de flexibilité en laissant de la place à l’élève. L’enseignant peut aussi diminuer l’intensité des réponses écrites qui peuvent être associées à l’expression de soi en adaptant la structure de celles-ci. Des cases à remplir, des phrases à compléter ou des choix de réponses peuvent alors être utilisés. Une tâche qui contient ces caractéristiques diminue la crainte de ne pas savoir et de ne pas être soutenu puisque la structure sécurise l’élève. De plus, comme l’élève peut faire des choix, il sent que l’enseignant lui porte attention et pense à lui. Il peut donc participer en toute sécurité.

En conclusion, l’élève qui n’a pas expérimenté en bas âge la sécurité d’une relation avec une personne disponible, à l’écoute et aidante est susceptible de vivre de l’anxiété face aux défis suscités par l’apprentissage et par le contact avec une personne possédant ces qualités. La tâche, agissant ainsi comme barrière de sécurité émotionnelle entre l’élève et l’enseignant, permet à l’élève dont l’attachement est évitant d’être plus disponible pour apprendre ainsi que pour apprivoiser la relation élève-enseignant (Geddes, 2012). De plus, à force de vivre des expériences d’attachement sécure à l’école, l’élève pourra tolérer l’exploration avec moins d’anxiété.