• Aucun résultat trouvé

3. Le repas, oui mais pas que

3.1. L’atelier cuisine, un constant

3.1.1. À consommer régulièrement

S’il y a un bien un temps qui est ressorti de manière spontanée ce sont les ateliers cuisine. Toutes les structures en proposent à leurs enfants très régulièrement.

Le sucré est davantage investi lors de ce temps notamment par rapport à une question d’organisation. Mais le salé n’est pas pour autant délaissé.

« Après c’est aussi une question d’organisation, l’atelier cuisine souvent c’est le matin, fin de matinée, pour que les enfants soient arrivés, (…) donc après il faut que les repas des enfants soient terminés, que le four soit disponible, faire cuire le gâteau, le laisser refroidir et après pouvoir le partager. Donc du coup, ouais souvent, c’est un peu cette contrainte-là qui est à prendre en compte. » (Mme AD. Entretien

probatoire n°21)

« Parce que le salé, faudrait qu’ils fassent le matin de bonne heure et les filles elles ont pas le temps. Les enfants arrivent à 8h, y a les parents

qui arrivent, c’est pas vraiment possible non. » (Mme S. Entretien

probatoire n°10)

Là encore, des recettes rapides et faciles à réaliser sont choisies. Pour le sucré, gâteaux, salade ou brochettes de fruits, crêpes, gaufres sont en tête de liste. Pour le salé, cakes, quiches, pizzas, soupes vont être les stars. Toutes ces productions sont dégustées durant le déjeuner ou au moment du goûter. La présence d’une fête calendaire ou d’un anniversaire permet également de mettre en place ce temps avec une recette spécifique. Néanmoins, il n’est pas toujours facile pour les structures d’organiser de telles activités. En effet, lorsqu’elles n’ont pas de cuisine à disposition, il peut s’avérer compliqué de réaliser un atelier cuisine. De plus, le poids des contraintes et des normes d’hygiène peut peser énormément dans le choix de proposer une telle animation.

Les ingrédients peuvent être fournis soit par le cuisinier sur place, soit par la cuisine centrale quand les structures en font la demande, soit par la crèche elle-même allant faire les courses en amont.

3.1.2. Sensorialité, manipulation, langage et découverte alimentaire

Avant de parler de cette question sanitaire, les temps de pratiques culinaires sont l’occasion de porter une attention particulière aux sens, notamment au niveau du goût et du toucher, faisant le lien avec la manipulation et l’expérimentation. Par cet atelier, la connaissance des produits et le processus de fabrication permettant à l’arrivée d’obtenir un gâteau ou un cake sont privilégiés, créant ainsi du lien avec le langage et la verbalisation.

« Mme AO. : Les ateliers cuisines, ce s’ra quand même beaucoup de découverte, de manipulation des aliments, donc c’est aussi la découverte de la farine, de toucher la farine, si c’est doux, voilà mettre des mots sur ce qui se passe, par exemple la farine sous leur main c’est doux, on va y goûter un p’tit peu, ben quel goût ça a ?, et pareil le sucre… faire aussi un peu des différences, par exemple si y a un peu de levure, bon on va leur faire goûter un tout p’tit peu la levure ”Ah ! Bah c’est différent de la farine, ça y ressemble mais c’est différent, au goût c’est quand même bien plus amer la levure”, voilà, c’est vraiment pouvoir leur faire découvrir différentes choses. Les aspects aussi de chaque aliment, les différencier et tout ça fait à la fin un gâteau et de montrer les différentes étapes de son élaboration. (…) Voilà, donc on joue beaucoup sur la découverte et puis sur le côté sensoriel, du toucher, du goût, de l’odorat et voilà, un peu de la… théorie on va dire, de la cause à effet, on fait ça, on mélange tout ça et après d’avoir mis au four ça devient ce gâteau-là.

E. : D’accord. Et c’est important pour vous justement de faire attention à

tout ce côté sensoriel comme vous dites, pour l’enfant ?

Mme AO. : Ah oui bien sûr, parce que c’est un peu on va dire le but

premier de cette activité-là hein. C’est avant même de devoir faire un gâteau parce que c’est l’anniversaire du copain, c’est aussi vraiment cette découverte-là sensorielle. Après y a aussi un peu l’activité, on va dire un p’tit peu plus motrice, verser, vider, remplir, mélanger, etc, là aussi c’est

tout un exercice par rapport à la coordination, la motricité fine, etc… »

(Mme AO. Entretien probatoire n°32)

Ces activités culinaires permettent également de donner accès à des expériences que l’enfant n’aurait peut-être pas l’opportunité ou l’occasion d’avoir à la maison. La crèche, autre lieu de socialisation permet ainsi à l’enfant de compléter son répertoire culinaire et de connaissances.

« Au moins ici les enfants ils ont, je pense, des découvertes qui sont encore différentes que celles de la maison. » (Mme K. Entretien

probatoire n°3)

3.1.3. Le poids des normes sanitaires

La contrainte des normes sanitaires est très souvent revenue dans la mention des ateliers cuisine. La mise en place de certaines règles d’hygiène au cours de ce temps est un point important sur lequel les professionnelles tentent d’être vigilantes, mais qui n’est pas toujours facile à avoir avec des enfants de cet âge-là.

« Ben c’est surtout l’hygiène, voilà, bien faire attention à se laver les mains avant de faire l’activité, (…) juste autour de l’hygiène : on trempe pas son doigt dans le gâteau après avoir mis dans la bouche, des trucs un petit peu de base. » (Mme V. Entretien probatoire n°12)

Afin que le respect de l’hygiène ne soit pas privilégié au détriment de l’intérêt de l’activité, une stratégie consistant à instaurer deux temps ou saladiers distincts peut être envisagé.

« Ils mettent dans un petit bol mais on met pas trop dans la cuisine, parce que c’est vrai qu’ils ont souvent le nez qui coule (rires), et ils font ça (mime le geste de s’ennuyer le nez avec sa main), et c’est vrai qu’au niveau hygiène c’est pas très très top. » (Mme F. Entretien exploratoire

n°5)

Cette référence au respect de la méthode HACCP peut même aller jusqu’à limiter véritablement la pratique, la manipulation d’œufs frais devant être le plus possible évitée.

« Mme AL. : On est obligé de respecter certaines normes, on peut pas manipuler des œufs et autres… Malheureusement, si on veut faire manger aux enfants, on est obligé de prendre des produits industriels, voyez des pâtes déshydratées et puis on rajoute le lait.

E. : D’accord. Vous pouvez pas faire la pâte vous entière ?

Mme AL. : Si on respecte les normes, on peut la faire, mais on peut pas

la faire manger aux enfants derrière.

E. : Ah d’accord !

Mme AL. : Voilà, c’est les normes de l’HACCP. Parce que tout ce qui est

alimentation, manipulant les œufs, les produits sensibles, ça doit être fait dans une cuisine collective etc, donc on peut faire manipuler aux enfants, mais derrière on peut pas leur faire manger. » (Mme AL. Entretien

Or, seule cette structure a mentionné un tel niveau de vigilance à l’égard du respect des normes HACCP. Pour les autres, une attention toute particulière à l’hygiène est inévitablement présente, mais ne leur empêche pas d’utiliser des produits et œufs frais. Ou en tout cas, n’ont pas précisé que normalement cela ne serait pas autorisé. Cette zone de tension au niveau des normes d’hygiène peut s’expliquer en partie par le fait que la réglementation sur l’application de la méthode HACCP n’est là encore pas très claire. En effet, bien qu’elle constitue une obligation à respecter pour les EAJE, en tant que restauration collective, lorsqu’ils préparent les repas ou lié au fait que le personnel doit réchauffer les plats reçus, rien n’est moins précisé en ce qui concerne des ateliers cuisine dans lesquels les enfants confectionnent un plat.47,48 (Parlement français, 1997) Bien que des mesures de bonnes pratiques au niveau de l’hygiène sont à respecter et à avoir en tête lors de tels temps, aucune réglementation n’est en vigueur pour déterminer à partir de quel moment ou de quelle taille de structure la méthode HACCP doit s’appliquer hors cas de restauration collective ou commerciale.

3.1.4. Un atelier spécifiquement pour les grands

Le développement psychomoteur et intellectuel de l’enfant sont des caractéristiques prises en compte lors de la proposition d’atelier cuisine. Seuls les plus grands peuvent bénéficier de cette activité car disposant des compétences et capacités nécessaires.

« Par rapport au fait qu’ils arrivent, ben déjà à tenir debout autour d’une table, avoir l’appréhension suffisamment solide pour porter un truc rempli de lait, ou quelque chose, voilà ça c’est vraiment par rapport à la capacité de l’enfant. C’est aussi par rapport… à la capacité de concentration sur un même atelier. (…) Donc ça aussi, après pour les plus petits, c’est plus compliqué. » (Mme AM. Entretien probatoire n°30)

Les moyens pourront également participer au temps cuisine, mais plutôt en fin d’année quand ils seront devenus des « moyens grands » et que leurs capacités leur permettront de tenir l’activité. En effet, les professionnels ne souhaitent pas mettre les enfants en situation de difficulté face à quelque chose qu’ils n’arriveraient pas à faire.

Cependant, bien que la manipulation à proprement parlé soit réservée aux plus grands, tous les enfants, quelle que soit leur âge, peuvent assister à l’atelier cuisine. Ceci est notamment ressorti dans des structures de petite taille ou disposant de plusieurs professionnelles pour être présentes sur ce temps. Les capacités motrices et de

47 LES SERVICES DE L’ÉTAT DE LA MEUSE. Les ateliers cuisine – Réglementation. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mbo9

(Consulté le 23/08/2018)

48 LES PRO DE LA PETITE ENFANCE. Idées reçues sur l’organisation de la cuisine en crèche. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mboj (Consulté le 23/08/2018)

concentration de l’enfant ne sont alors plus un obstacle. Ce qui lui sera demandé sera bien évidemment adapté en fonction de son âge et de ce qu’il est en capacité de faire. Mais la seule présence de l’enfant fait déjà qu’il participe à l’atelier au même titre que les autres.

« On peut très bien emmener tout le monde. (…) Bon bien sûr on va pas faire éplucher quelque chose à un enfant de 2 mois, on est bien d’accord, à partir du moment où ils savent faire des choses, mais déjà rien que de l’inclure dans le groupe, peut-être tirer, j’sais pas, la chaise haute ou l’assoir sur une petite chaise parmi les grands, ben voilà, il est avec nous il est pas mis à l’écart, même s’il y a des choses qu’il peut pas faire. » (Mme AI. Entretien probatoire n°26)