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6. Collaboration entre petite enfance et restauration collective

6.3. De la réflexivité induite chez les enquêtés

Même si une certaine collaboration est présente quotidiennement entre les deux acteurs, une forme de réflexivité s’est faite ressentir lors de la discussion autour de ce point. En effet, plusieurs enquêtés, notamment au niveau du personnel de la petite enfance en restauration concédée, ont avoué ne pas avoir pensé, ou s’être posé la question, d’aller plus loin dans le partenariat avec la cuisine. Mais cela pourrait leur donner des idées par la suite.

Cette réflexivité a également été induite à d’autres moments de l’entretien et pour plusieurs enquêtés par rapport à leurs pratiques. Elle a notamment été perceptible lorsque je les questionnais sur certaines activités ou sur la possibilité de sortir avec les enfants au

marché par exemple. Lorsque ce n’étaient pas des choses mises en place, les professionnels s’interrogeaient alors sur leurs pratiques ou leur manière de faire se sentant quelque peu honteux de ne pas y avoir pensé ou de ne pas le faire ; cherchant parfois à se « justifier ». Mais ce retour traduit bien à quel point la situation de l’entretien n’induit pas une relation unilatérale mais bien d’échanges. Si l’enquêteur apprend des apports de l’enquêté et doit lui-même faire preuve de réflexivité sur sa recherche, l’enquêté peut également s’enrichir des questionnements qui lui sont posés et s’interroger en retour sur ses propres pratiques ou expériences. La situation d’entretien n’étant alors anodine pour aucune des deux parties.

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’analyse, plus que détaillée, des résultats obtenus est réalisée. Nous avons désormais en main tous les éléments qu’il nous faut pour procéder à la validation ou à l’invalidation des hypothèses de recherche précédemment émises.

Hypothèse 1 : Certaines activités et pratiques professionnelles du monde de la petite- enfance liées à l’alimentation peuvent s’inscrire dans une démarche, plus ou moins importante, d’éducation au goût.

• Sous-hypothèse 1.1 : Le temps du repas constitue l’un des moments les plus propices à une découverte alimentaire et sensorielle.

Bien que des ateliers d’éveil sensoriel ou d’éducation au goût peuvent être mis en place, cela n’a pas été observable pour toutes les structures. Et encore moins de manière régulière. Mais le repas, quelque soit la façon dont il est fourni, est quant à lui nécessairement présent dans les structures. Durant ce temps, les professionnels en profitent effectivement pour sensibiliser les enfants, par rapport, au menu servi, à la découverte de nouvelles saveurs, aliments ou sensations. Les couleurs et les odeurs des plats, le goût des aliments, le ressenti en bouche, l’appréciation ou non du met, l’association d’un ou plusieurs éléments du repas au sein d’une même cuillère, la connaissance du produit brut et de sa transformation sont autant de points favorisant la rencontre avec l’aliment. Rencontre d’autant plus positive lorsque l’accompagnement de la personne encadrant le repas l’est également.

Notons tout de même que ceci peut être limité lors d’une gestion parentale des repas. Les ateliers cuisine font aussi partis des moments les plus propices à de telles découvertes, sensorielles et alimentaires, associées en plus à de la manipulation et de l’expérimentation. • Sous-hypotèhse 1.2 : Les temps liés à l’alimentation sont propices à la verbalisation

des tout-petits.

En effet, que ce soit lors des ateliers cuisines ou des temps repas, les deux moments phares liés à l’alimentation en EAJE, le langage est sollicité. De la part des professionnels qui vont nommer chaque geste réalisé, chaque aliment proposé, chaque ustensile mobilisé. Mais aussi de la part des enfants, qui vont pouvoir répéter ces mots lorsqu’ils en ont les capacités langagières, ou tout simplement apprendre à les connaître en se familiarisant avec. Même si l’enfant n’est pas encore en capacité de parler, il comprend ce qu’on lui dit

et la verbalisation quotidienne lui permet d’enrichir son vocabulaire et la connaissance du monde et des objets qui l’entourent.

Hypothèse 2 : La pratique plus ou moins poussée de temps liés à l’alimentation et à l’éducation au goût dépend de certains facteurs liés aux structures.

• Sous-hypothèse 2.1 : La présence d’un cuisiner sur les EAJE permet un investissement et une collaboration entre acteurs facilités sur ces temps.

Cette sous-hypothèse ne peut-être complètement validée. Sur les structures en restauration autogérée, l’agent en cuisine va en effet pouvoir être davantage présent sur les temps des repas, pouvant aider et accompagner la prise alimentaire d’un enfant ou présenter le menu. Tout comme lors de récolte de quelques fruits ou légumes dans le potager de la crèche. Les aliments pourront être éventuellement inclus dans le menu du jour alors que cela n’est pas possible sur de la gestion concédée. La collaboration et les relations entretenues entre lui et le reste de l’équipe de la structure sera effectivement plus aisée et régulière qu’en gestion concédée. Néanmoins, la pratique plus ou moins recherchée de temps liés à l’alimentation et à l’éducation au goût dans ces structures va venir se heurter à l’implication et à l’envie d’implication plus ou moins importante de la personne en cuisine. Tout comme ses habitudes, ressentis et préférences personnelles pourront transparaître dans les menus et venir faciliter la proposition de tel ou tel plat ou recette.

• Sous-hypothèse 2.2 : La présence d’une restauration concédée sur les EAJE limite en partie ces temps.

Cette sous-hypothèse fait écho à la précédente. Celle-ci est en partie validée. En effet, les seuls cas ressortis où les repas n’étaient pas toujours adaptés au mieux pour les enfants concernaient des structures qui recevaient les repas en livraison. Cependant, et comme nous avons pu commencer à le cerner, toute l’éducation au goût et l’alimentation ne sont pas présentes que sur des temps de repas. Les structures restant relativement autonomes et libres sur la proposition de temps d’activités. Ce caractère de gestion concédée peut venir limiter la proposition et la pratique plus ou moins poussée de ces temps dans la mesure où les crèches n’ont pas entière main sur les menus proposés. L’adaptation entre activités ou sorties réalisées et menus proposés ne peut donc se faire aussi spontanément que cela pourrait l’être en restauration autogérée. Les repas étant préparés à l’avance, il convient d’organiser cela en amont afin d’en tenir informé la cuisine centrale pour rectifier la production. De plus, la collaboration entre cuisiniers d’un prestataires de services ou

d’une cuisine centrale et personnel de crèche est plus restreinte que lorsque la cuisine est

in situ. L’intervention des cuisiniers sur des temps alimentaires est très rares. La distance

entre les deux lieux et le nombre de structures gérées par le fournisseur ne lui permet pas de se libérer du temps facilement et régulièrement.

• Sous-hypothèse 2.3 : Les moyens humains, matériels et géographiques constituent des variables impactant la mise en place de temps dédiés à l’alimentation et à l’éducation au goût.

Le manque de personnel encadrant et la localisation géographique des EAJE sont des points touchant négativement la possibilité de réaliser des sorties à l’extérieur. Lorsque les structures sont en gestion concédée, l’équipement des cuisines au sein des crèches est plus limité que pour une cuisine in situ. Ceci peut donc venir limiter le choix et la réalisation de certaines recettes en atelier cuisine, devant s’adapter aux conditions et à la taille des équipements, notamment du four. Les locaux et leur agencement impactent également la proposition de différents types d’atelier, comme le potager par exemple. Un frein financier est également perceptible impactant fortement la liberté des professionnelles dans la proposition d’activités liées à l’alimentation. Bien que certaines structures conservent un petit budget leur permettant de pouvoir se rendre au marché et acheter deux-trois légumes, cela n’est pas le cas pour toutes. Les restrictions budgétaires et les démarches administratives à faire, souvent longues, pour obtenir quelques euros ne permettent pas toujours aux établissements de pouvoir proposer tout ce qu’elles aimeraient faire aux enfants. Le juste nombre de personne en crèche renvoie également au fait que, lors d’une autogestion, le cuisinier se retrouvant seul en cuisine, ne peut facilement se dégager du temps pour présenter le menu aux enfants, l’aliment préparé du jour ou encore animer des ateliers cuisine, car pris devant ses fourneaux pour assurer la préparation des repas et le service en temps et en heure.

Hypothèse 3 : La mise en place d’une pratique d’éducation au goût au sein des structures peut se heurter aux perceptions de l’enfance par les professionnels de la petite enfance et aux pratiques parentales.

• Sous-hypothèse 3.1 : Le développement sensori-moteur et physique de l’enfant constitue une variable à partir de laquelle ces professionnels considèrent qu’il est plus ou moins pertinent de mettre en place des temps d’éducation au goût.

Bien que lorsqu’on leur demande s’il est possible de faire de l’éducation au goût auprès de tous les enfants quelque soit leur âge, les professionnelles répondent oui ; dans les faits

cela s’avère plus nuancé. En effet, les activités proposées liées à l’alimentation ou à l’éducation au goût concernent le plus souvent les grands. Les moyens vont pouvoir y participer, mais plutôt en fin d’année, quand ils seront devenus un peu plus grands, et parfois sur des choses plus simples. En activité cuisine, certaines capacités motrices, de concentration et de tenue sur une chaise sont requises pour y participer. En sortie, il faut que les enfants soient aptes à pouvoir marcher un certain moment et qu’ils puissent comprendre ce qu’on peut leur apporter et expliquer. Il faut qu’il y a ait un intérêt pour lui à réaliser les activités. Elles sont donc proposées en fonction de ses capacités et de son développement afin qu’il ne soit jamais mis en difficulté et qu’il puisse y trouver du plaisir. Les plus petits, avant 1 an et demi-2 ans, sont donc plus absents de ces temps, peu de choses autour de la thématique alimentaire leur étant globalement présentées. Mais lorsque c’est le cas, manipulation et sensorialité seront investies pour les tout-petits. Sensorialité oui, mais la notion et la pratique du goût étant également une variable importante à prendre en compte dans la proposition d’activité liée à l’alimentation au regard de l’âge de l’enfant.

• Sous-hypothèse 3.2 : Les pratiques parentales ne permettent pas toujours de pouvoir faire de l’éducation au goût auprès de tous les enfants.

Le leitmotiv des EAJE est d’assurer une continuité et une cohérence entre la maison et la crèche. Ainsi, rares sont ceux qui vont amener l’enfant sur des évolutions ou progressions sans que cela ne soit discuté au préalable avec les parents ou fait à la maison. Le point le plus important de cette sous-hypothèse concerne particulièrement les moins de 1 an par rapport à l’introduction d’aliments nouveaux. Lors de la période de diversification alimentaire, la grande majorité des structures ne proposent aux enfants que des aliments déjà intégrés par les parents. À ces derniers de faire les premières découvertes et introductions avec leur enfant avant que la crèche ne puisse le faire à son tour. Ceci de même avec l’introduction des morceaux. Mais une fois le cap de l’intégration des premiers morceaux réalisé, la progression au niveau de la texture est plus souple du côté des professionnels, adaptant les repas aux capacités de l’enfant.

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ous savons ce qui se pense, se fait et se réalise autour de l’éducation au goût dans la petite enfance. Une réponse a été apportée aux questionnements que nous nous posions. Mais après ? Quelles sont les propositions concrètes à proposer suite à ces résultats ? Ce dernier chapitre sera l’occasion de mettre en parallèle résultat de terrain et expertise du commanditaire pour proposer quelques recommandations et pistes d’actions possibles autour de notre thématique de recherche.