Familiarisation et expérimentation : les maîtres mots

Bien que cette période de néophobie alimentaire soit, pour la plus grande majorité des enfants, « inévitable », elle n’est pas pour autant quelque chose qu’il faut subir en attendant que ça passe.

En effet, la néophobie alimentaire peut se « gérer » et s’apprivoiser. Plusieurs stratégies ou mécanismes, basés sur l’aliment ou sur le contexte de nourrissage qui ont fait leurs preuves, peuvent être mis en place dans l’apprentissage d’un aliment nouveau. L’expérience par « l’association flaveur-flaveur », c’est-à-dire associer un légume moyennement apprécié avec un autre qui le serait davantage pourrait permettre d’augmenter la préférence pour le premier.32 _{(Nicklaus, 2014) L’apprentissage par « simple} exposition » ou « expositions répétées » a de forts effets positifs notamment au moment de la diversification alimentaire. Des études ont également montré que l’appréciation des légumes à l’âge de 2 ans était plus importante quand ils étaient présentés régulièrement aux enfants.34 _{L’exposition conduisant à la familiarisation. La participation à des}

34 _{INRA. Comment se forme le goût chez les enfants ? Dossier OPALINE. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mLS8}

programmes et ateliers d’éducation sensorielle pourrait donc participer à cela. Or, comme nous avons déjà pu le dire, préférences gustatives et habitudes alimentaires de la petite enfance peuvent être liées à celles adultes. Rendre l’aliment plus familier permettra donc de l’accepter plus facilement. Mais cela ne passe pas forcément par le fait de le goûter, l’éducation sensorielle ne s’arrêtant pas qu’à cela. Apporter des connaissances sur l’aliment, sauf nutritionnelles, participe à ce processus de familiarisation : cuisiner, jardiner, lire des livres, ou encore réaliser des jeux sensoriels avec l’aliment sont autant d’expériences permettant d’apprendre littéralement à le connaître, notamment par les sensations qu’il procure via l’éveil des sens. Concernant les stratégies basées sur le contexte affectif, plusieurs peuvent intervenir. Montrer ou demander aux autres personnes environnantes de donner l’exemple dans une dynamique positive et favorisant la consommation de l’aliment, apporter une certaine qualité émotionnelle et un contexte chaleureux, ne pas forcer, ainsi que le style éducatif parental adopté sont autant de facteurs susceptibles d’impacter l’appréciation d’un aliment nouveau. Ainsi, l’intégration du plaisir dans l’acte et la découverte alimentaire est associée positivement aux choix alimentaires réalisés, notamment au niveau des légumes, aliments les moins appréciés à l’âge de 2 ans.34,35 _{(Rigal, 2000 ; Nicklaus, 2014 ; Rigal et Nicklaus, 2015 ; Nicklaus et Rigal, 2017)}

L’alimentation du jeune enfant est donc faite de rebondissements et d’évolutions en tout genre. Changements qui selon la manière dont ils peuvent être apportés et accompagnés vont avoir une influence sur son alimentation à plus ou moins long terme. Plusieurs facteurs vont ainsi rentrer en compte dans la constitution du répertoire alimentaire de l’enfant et de son comportement. (Figure 10) Et ceci dès le plus jeune âge, dès sa présence au sein du ventre de sa mère, renvoyant à la notion des 1000 jours.

Mais tous ces agents impliqués dans l’acceptabilité d’un aliment ou d’un autre et dans la mise en place de la relation alimentaire par et pour l’enfant, incluant préférences et comportement, ne sont pas s’en rappeler un certain parallèle avec les préceptes de l’éducation au goût.

35 _{INRA. Le plaisir de manger chez les enfants : un facteur clef pour des choix alimentaires plus sains. [en ligne] Disponible}

Figure 10 : Facteurs influençant l’acceptabilité à la diversification de l’enfant

ainsi que ses préférences et comportements alimentaires à 2 ans

Source : D’après Nicklaus (2014) Nicklaus et Rigal (2017) et Tartas (2017)

Mais si tous ces points apparaissent aussi importants concernant l’alimentation pour l’enfant de 0 à 3 ans, qu’en est-il exactement sur le terrain des EAJE, cible de notre recherche ? Qu’elles sont les pratiques précises des professionnels du secteur de la petite enfance sur les temps de repas et liés à l’alimentation ? Existent-ils des points communs entre structures ? En effet, bien que la prise en compte de la petite enfance dans les politiques territoriales alimentaires semble quasi nulle, quelle est la réalité du terrain ? Y a- t-il des invariants, des impensés, des constantes au sein de l’alimentation de la petite enfance en crèche ? Si l’éducation au goût ne pousse pas les portes de ce secteur, est-ce pour une raison particulière ? Éducation au goût et petite enfance peuvent-elles et sont- elles déconnectées ou un lien peut être établi voire existe déjà entre les deux ?

Pour tenter de répondre à ces interrogations, la confrontation au terrain est nécessaire. Mais elle ne se fait pas n’importe comment. Une méthodologie et des questionnements de recherche plus approfondis doivent être posés avant de pouvoir aller les vérifier sur le terrain permettant de créer ainsi une feuille de route à suivre pour assurer au mieux le déroulement de cette recherche.

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es bases bibliographiques sont posées. Des questionnements et des zones d’ombre ont pu émerger suite à la compréhension globale du sujet de recherche. Ce sont ces interrogations qui vont guider le reste de cet écrit. Le terrain étudié a également permis d’affiner ces points à éclaircir. C’est ce qui va être présenté dans les lignes suivantes. En effet, le sujet sur lequel je me suis intéressée n’est pas tout à fait dû au hasard. J’expliciterais donc son pourquoi du comment et sur quel territoire cette recherche s’inscrit. J’exposerais également à travers ce chapitre la problématique et les hypothèses qui ont découlées de ce travail bibliographique et notamment du terrain de stage. Il a ensuite s’agit de confronter ces pistes de recherche au terrain, c’est pourquoi la méthodologie choisie sera également dévoilée.

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