• Aucun résultat trouvé

Pratiques professionnelles des acteurs de la petite enfance et préceptes de léducation au goût : limpensé des manières dagir, de faire et daccompagner lalimentation des 0-3 ans

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Pratiques professionnelles des acteurs de la petite enfance et préceptes de léducation au goût : limpensé des manières dagir, de faire et daccompagner lalimentation des 0-3 ans"

Copied!
186
0
0

Texte intégral

(1)

MASTER SCIENCES SOCIALES

Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation »

MÉMOIRE DE DEUXIÈME ANNÉE

Pratiques professionnelles des acteurs de la petite

enfance et préceptes de l’éducation au goût :

l’impensé des manières d’agir, de faire et

d’accompagner l’alimentation des 0-3 ans

Présenté par :

Célia Giraudie

(2)
(3)

MASTER SCIENCES SOCIALES

Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation »

MÉMOIRE DE DEUXIÈME ANNÉE

Pratiques professionnelles des acteurs de la petite

enfance et préceptes de l’éducation au goût :

l’impensé des manières d’agir, de faire et

d’accompagner l’alimentation des 0-3 ans

Présenté par :

Célia Giraudie

(4)

L’ISTHIA de l’Université Toulouse - Jean Jaurès n’entend

donner aucune approbation, ni improbation dans les

projets tuteurés et mémoires de recherche. Les opinions qui

y sont développées doivent être considérées comme propre

à leur auteur(e).

(5)

À ma maman, à ma mamie, à Cyril.

« L’éducation au goût va dans la transgressivité des choses, des normes, des règles. »

(6)

,21

Dans un premier temps, je tiens à remercier tout particulièrement Madame Anne Dupuy, maître de mémoire, qui m’a guidée, conseillée et soutenue tout au long de la construction de cette recherche par ses recommandations, ses conseils et ses pistes de travail.

Je tiens également à remercier Delphine Faucon et Sarah Boivin, mes maîtres de stage, pour leur confiance, le temps passé à leurs côtés, leur soutien et leur professionnalisme qui, par les nombreuses expériences de terrain mais également par les conseils qu’elles m’ont apportée tout du long, m’ont permis d’acquérir davantage de connaissances et de compétences.

Je souhaite également remercier les professionnels interviewés pour le temps accordé afin de répondre à mes interrogations ainsi que les informations qu’ils ont pu me transmettre me permettant ainsi d’approfondir ma réflexion et mener à bien ce travail de recherche. Dans ce même sens, mes remerciements vont à l’ensemble du corps enseignant de l’ISTHIA.

Enfin, mes pensées vont aussi à ma famille, à mes proches et à mes amis, pour leur soutien, leur aide au quotidien et leur présence dans les bons moments comme ceux de doute qui ont coloré les six mois qui viennent de passer.

(7)

1

INTRODUCTION GENERALE ... 8

PREMIERE PARTIE – QUE DIT LA LITTERATURE ? ...10

CHAPITRE 1. UNE POLITIQUE PUBLIQUE DE L’ALIMENTATION... ...11

CHAPITRE 2. LA PETITE ENFANCE :ETAT DES LIEUX ...24

CHAPITRE 3. GRANDIR ET S’ALIMENTER, S’ALIMENTER ET GRANDIR... ...52

DEUXIEME PARTIE – QUE DIT LA METHODOLOGIE ?...65

CHAPITRE 1. SANS TERRAIN ET PROBLEMATISATION, L’ENQUETE N’EST RIEN... ...66

CHAPITRE 2. METHODE ET RIGUEUR, LES MAITRES MOTS ...72

CHAPITRE 3. RETOUR SUR LE DEROULEMENT DE LA RECHERCHE ...88

TROISIEME PARTIE – QUE DIT LE TERRAIN ? ...90

CHAPITRE 1. TEMPS DE REPAS ET HORS REPAS : LA REALITE DU TERRAIN ...91

CHAPITRE 2. RETOUR SUR LES HYPOTHESES ... 136

CHAPITRE 3. ET MAINTENANT, QUE FAIRE CONCRETEMENT ? ... 140

(8)

,2

3 2 ,

,

out comme il faut un début à tout, à ce mémoire, il faut bien que la vie commence aussi par quelque chose. La petite enfance en est le symbole. Début de la vie, début des apprentissages dans tous les domaines. Alimentation comprise. Cette dernière fait partie et construit littéralement notre quotidien tout au long de notre existence. Plus que de le construire, elle le façonne, l’adapte, le réinvente au fil du temps et des évolutions. Devant inévitablement se nourrir pour vivre et survivre. Mais cette alimentation peut avoir un lien considérable avec nos habitudes et comportements futurs. Et ce, dès les premiers instants de vie.

Si la transmission et l’intégration de normes, valeurs, et représentations se réalisant de la famille aux enfants est nommée socialisation primaire, ce n’est pas anodin. C’est donc qu’elle est la première, mais qu’elle n’est pas non plus la seule. Alors que pendant longtemps la famille assurait la plus grande partie de l’éducation et de la socialisation de ses enfants, cela ne s’avère plus être tout-à-fait le cas aujourd’hui. En effet, la montée de l’individualisme et de la volonté d’une réussite sociale et familiale, notamment des femmes à l’égard de leur statut professionnel, ont entrainé l’accroissement du développement de la proposition de solutions de garde pour les enfants, dont les crèches. Dès la fin du congé maternité, les mères peuvent donc confier leurs progénitures à ces structures. Elles ont pour but d’assurer une continuité entre le domicile et la crèche ainsi que d’accompagner le développement et d’assurer l’éducation de l’enfant en l’absence de ses parents. Les enfants devront alors faire face à de nouveaux agents socialisateurs, à de nouvelles figures nourricières, voire à une nouvelle alimentation quelque peu différente de celle de la maison. Dans le même temps, découvertes et apprentissages de l’enfant entre 0 et 3 ans vont rythmer ses journées. C’est également au cours de cette période que son acuité sensorielle va se développer et maturer progressivement. Ce laps de temps est aussi riche au niveau alimentaire : premières expériences du lait, d’introduction de nouveaux aliments et de nouvelles saveurs ainsi que changement de texture des repas (liquide, puis plus fluide et épaisse pour arriver à un repas « normal » avec des morceaux). Mais au-delà de cette notion de nourrissage et d’apprentissage de la diversité alimentaire, l’alimentation participe certes à la construction physique de l’être en devenir, mais également à celle identitaire, autant individuellement que collectivement. (de Suremain, 2017) Toutefois, cela ne passe pas uniquement par ça, bien évidemment. La connaissance de son propre soi se faisant également au contact de l’autre. Cette appréhension de l’altérité peut également intervenir

(9)

à travers le goût et les expériences gustatives associées, entraînant sensorialité et émotions, qui peuvent être partagés collectivement. (Corbeau, 2017) L’évocation de ces notions n’est pas sans rappeler la pédagogie de l’éducation au goût…

Relativement récente, l’éducation au goût s’impose petit à petit au sein des politiques alimentaires et acquière une certaine place dans le milieu scolaire, particulièrement en primaire et au collège. Mais rien, ou très peu de choses, ne semble ressortir dans cette dynamique-là pour la petite enfance. Et ce, même concernant une quelconque politique alimentaire ; les enfants n’étant pris en compte dans les recommandations et actions qu’à partir de l’école maternelle. Or, les crèches accueillant les jeunes enfants peuvent aussi leur servir déjeuners et goûters.

Un vide transparaît donc entre petite enfance et politique de l’alimentation, surtout au regard de la pédagogie de l’éducation au goût, envers les 0-3 ans mais aussi concernant les pratiques professionnelles autour de l’alimentation des structures accueillant ces jeunes enfants. Ainsi cette recherche a-t-elle débuté avec les questionnements suivants : « Quelle

est la place de l’éducation au goût dans la politique territoriale de la petite enfance (0-3 ans), notamment au niveau de l’alimentation, et comment arriver à une collaboration trans-services entre les acteurs intervenant auprès de ce public ? »

De ces interrogations a découlé tout le contenu de ce présent mémoire. Dans les lignes suivantes, le lecteur est invité à le déguster en trois temps. En guise d’entrée, une compréhension plus fine des politiques territoriales alimentaires et de la petite enfance lui sera proposée afin de tenter d’analyser les tenants et aboutissants et d’essayer de comprendre comment elles peuvent s’organiser entre elles. Dans le même temps, un focus sur l’alimentation du jeune enfant (0-3 ans) et de son rôle sera mis en parallèle. En plat sera servi toute la préparation et les différentes étapes qui ont été menées pendant six mois et qui ont permis d’imbriquer théorie et pratique aboutissant au dessert qui clôturera cette recherche. En effet, ce temps de dégustation se terminera par la présentation des résultats qui sont ressortis de la confrontation au terrain. Leur analyse permettra de laisser entrevoir en quoi et comment les pratiques professionnelles du secteur de la petite enfance et préceptes de l’éducation au goût peuvent se conjuguer, en partie, au singulier.

(10)

.

.

2

(11)

. 2

3

, . 2 3 .3 3 ,2 2 ,

lors que les notions même de manger et de s’alimenter restent très personnelles et enclin à divers facteurs individuels, comment l’État a pu prendre la main sur de telles dimensions et créer tout un réseau de politiques publiques autour de l’alimentation ? Les sujets portant sur cette thématique se sont politisés et se politisent de plus en plus parallèlement à l’actualité alimentaire. Ce qui peut participer, en partie, à un changement de perceptions et de représentations de l’alimentation par tout un chacun. Mais quels sont les initiatives et projets mis en place par les pouvoirs publics dans cette dynamique-là et comment s’organisent-ils entre eux ?

1. Un peu d’histoire

« L’intuition que l’alimentation conditionne la santé et les maladies est de tous les temps. » (Trémolières, 1964, p. 802) Depuis des décennies, et même des siècles, se

préoccuper de son alimentation et de ses effets sur le corps et l’esprit est une chose constante chez l’humain. Qui ne connaît pas Hippocrate et sa célèbre maxime : « Que ton

alimentation soit ta première médecine. » ? Le ton est donné. L’alimentation n’a pas (plus ?)

pour seule fonction de nourrir. Elle est aussi déterminante d’une santé future et peut lutter contre maladies et infections. Dans cette « ancienne diététique », tout tournait autour de l’individu et le régime alimentaire conseillé tentait de correspondre au mieux à son tempérament et à ses habitudes. Puis progressivement, vers la deuxième moitié du XVIIIème, l’intérêt va passer de l’individuel au général avec l’apparition de normes génériques auxquelles chacun doit se conformer. (Laurioux, 2015)

C’est dans cette même période que la volonté d’éduquer la population à la santé devient un enjeu majeur avec l’apparition du mouvement hygiéniste. Mais il reste très culpabilisateur vis-à-vis de la responsabilité des personnes et de leur régime alimentaire. (Le Bihan et Delamaire, 2012) Au XIXème siècle, le lien entre déséquilibre alimentaire et apparition de maladies est fait. Les grands principes d’une « quantification des besoins

alimentaires » (Laurioux, 2015, p. 136) ayant pour objectif d’éviter le développement de

telles pathologies s’imposent à l’ensemble de la population. Et ce, dans un contexte où les progrès ne cessent de s’accroître en parallèle : à cette époque on pense bien évidemment à Pasteur ou à l’industrialisation du marché alimentaire. Entre microbes, conserves et produits surgelés, les terrains de jeu pour les hygiénistes étaient nombreux. (op. cit.) Prenant en compte ces découvertes, mais voulant également suivre et accompagner les évolutions et les nombreux rebondissements alimentaires, une politique publique de l’alimentation instaurée par l’État s’initie peu à peu. Il s’agit au départ principalement d’une

(12)

question sanitaire et de protection de la santé des consommateurs contre d’éventuels risques alimentaires. (Bellemain et al, 2017)

Bien que les pouvoirs publics vont légitimer la mise en place d’une éducation pour la santé au début du XXème siècle, les actions instaurées vont continuer de reposer sur des principes hygiénistes. Ce n’est qu’au milieu de ce siècle que la notion de prévention va être associée à celle d’éducation. Il ne s’agit plus uniquement de parler de maladie, mais avant tout de santé. (Le Bihan et Delamaire, 2012)

Lorsque l’on parle de politique publique, on fait référence à une action dirigée par une autorité publique dans le but d’agir face à une situation considérée comme problématique. Cette action publique participe au changement social, à une certaine harmonie entre différents groupes et intérêts, mais tente aussi de compenser des inégalités. Une telle politique consiste donc en des formes de régulation sociale et politique des enjeux sociaux d’une société et peut concerner divers domaines. (Lascoumes et Le Galès, 2012) Or, les nombreuses crises et autres scandales touchant de près ou de loin l’alimentation ont entrainé une augmentation de la vigilance de la qualité et de l’hygiène alimentaires. À cela s’ajoutent l’industrialisation de l’alimentation, la modernité et les inquiétudes alimentaires ou encore le développement de l’obésité qui constituent autant de problématiques pour lesquelles l’État a instauré diverses actions publiques.

2. Le Plan National Nutrition Santé (PNNS) et le Plan National pour

l’Alimentation (PNA) : une thématisation récente

Alors que le lien entre alimentation et santé publique prend un véritable tournant notamment par un large consensus scientifique confirmant que l’alimentation participe, en suivant quelques principes simples, au maintien de l’état de santé (CNA, 1999), le médical trouve sans trop de difficulté le chemin pour rentrer et intégrer le quotidien de la population. L’apparition du PNNS suivi du PNA début des années 2000 viennent renforcer et compléter le contexte de médicalisation et de nutritionnalisation de l’alimentation s’instaurant au sein de la société. (Poulain, 2013)

2.1. Naissance du PNNS

Bien que déjà présent dans le lien entre alimentation-santé-maladie, c’est véritablement à la fin de l’année 2000 que le point de vue nutritionnel de l’alimentation prend une place importante par sa mise sur agenda. Porté par le Ministère des Solidarités et de la Santé (MSS), le PNNS voit ainsi le jour l’année suivante. En plus de décupler les

(13)

préoccupations autour de la nutrition, cette politique induit également un changement d’interprétation de la notion de risque alimentaire : il n’est plus subi passivement et collectivement, mais il devient un choix et une responsabilité individuels pouvant avoir un effet à long terme. Ce programme concrétise véritablement la nutrition et la santé des personnes comme axes d’actions publiques prioritaires. Le contexte de médicalisation de l’alimentation s’en voit renforcer, les injonctions et recommandations liées, quant à elles, se multiplient. (Bellemain et al, 2017)

S’inscrivant dans un contexte de prise en charge de l’obésité mais aussi sur l’éducation, l’information, la qualité nutritionnelle et l’offre alimentaire, le PNNS a pour objectif d’améliorer l’état de santé de la population française par le biais de l’alimentation et de l’activité physique et repose sur plusieurs objectifs. (Hercberg, 2015) Aujourd’hui, le quatrième volet est en cours jusqu’en 2020.

Toutefois, ce programme trouve ses limites. En effet, bien que fondé sur une approche pluridisciplinaire des acteurs, orienté vers différentes populations et s’attachant à « réenchanter » l’alimentation, ces politiques de santé publique basées sur des caractéristiques individuelles et n’ayant recours qu’à la communication et l’information nutritionnelles auraient pour effet contraire d’aggraver les inégalités sociales en termes de santé par rapport à la nutrition. (op. cit.) Bien que le dernier PNNS en date tente de remédier quelque peu à cela, il n’en reste pas moins que ses phrases mythiques, connues de tous, restent jugées comme injonctives, moralisatrices et porteuses d’effets pervers, particulièrement auprès des enfants et des adolescents. (Corbeau, 2009) C’est en partie dans ce contexte que le PNA voit le jour en 2010.

2.2. La mise en place du PNA

Datant de moins de dix ans, le début d’apparition du PNA repose sur la volonté du ministre chargé de l’Agriculture de l’époque de créer une vraie politique publique de l’alimentation s’inscrivant dans la loi et intégrant l’ensemble des domaines (de la souveraineté et indépendance alimentaire à ses aspects patrimoniaux et culturels) touchant à cette thématique. (Bellemain et al, 2017)

2.2.1. Moderniser et unifier l’alimentation

L’alimentation et l’acte alimentaire constituent des champs complexes regroupant eux-mêmes des sous-champs larges et variés pouvant concerner tout individu. Ces sujets sont également propices à l’apparition de multiples questionnements allant des traditions culinaires, à l’accessibilité alimentaire en passant par la préservation d’un modèle agricole,

(14)

tout en ne perdant pas de vue l’environnement et le développement durable. Tout ceci représente donc autant d’enjeux socio-économiques venant justifier la présence de l’alimentation dans les politiques publiques. Ainsi se manifeste l’objectif du PNA : mettre en place une action publique qui prenne en compte toutes les problématiques de l’alimentation (n’existant pas à cette époque) tout en incluant le modèle alimentaire français, gage de transmission, de convivialité et de prédominance de l’importance du goût et du plaisir. (op.

cit.) Ce PNA a également pour volonté de créer une unicité dans l’action politique

alimentaire dont le sujet était, voire même est encore, dispersé entre divers acteurs et institutions, intérêts et points de vue, face auxquelles le consommateur ne sait plus toujours où donner de la tête. Il s’agit véritablement de concevoir l’alimentation de manière holistique.

C’est ainsi que l’article 1er de la Loi n°2010-874 de modernisation de l’Agriculture et de la Pêche instaure les bases pour la mise en place d’une politique publique de l’alimentation par la conception du PNA, intégrant toutes les dimensions de l’alimentation. (MAAF, 2013) Le PNA et le PNNS sont vus comme deux initiatives complémentaires, mais laissent apparaître des points de vue sur la thématique différente, gérés par deux ministères distincts. (Bellemain et al, 2017)

2.2.2. Axes d’orientation du PNA

Comme nous venons de le voir, l’enjeu du PNA est donc véritablement d’apporter une cohérence à l’action politique alimentaire en sortant d’une vision réductionniste, ainsi qu’en redonnant du sens à l’alimentation. Il doit tenir compte des interrogations et attentes nouvelles des consommateurs tout en s’appuyant sur une approche positive et globale de l’alimentation. Sa volonté rentre également dans la mise en place d’un travail collaboratif, interministériel et donc pluridisciplinaire afin d’apporter des réponses spécifiques au grand public. Tel est donc le souhait du PNA de ne plus vouloir être dans le général et de tenir compte des particularismes et besoins locaux de la population. (MAAF, 2013)

Depuis 2010, les axes d’action du PNA ont évolué mais restent globalement tournés autour des mêmes thématiques qui sont à ce jour : la justice sociale, l’éducation alimentaire de la jeunesse, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’ancrage territorial.1

Le point qui va particulièrement nous intéresser ici est celui sur la jeunesse. En effet, le sujet de ce mémoire porte sur la petite enfance. Mais cette tranche d’âge est-elle incluse dans le terme « jeunesse » ?

1 ALIM’AGRI. Programme national pour l’alimentation : les lauréats 2017-2018. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mgRK

(15)

Cet axe concernant la jeunesse constitue une « cible prioritaire de cette politique ». (op. cit, p. 64) Sa priorisation, impulsée en 2012 sous l’égide du ministre Stéphane Le Foll, présente plusieurs objectifs en ayant en ligne de mire que les habitudes alimentaires s’acquièrent très tôt. Bien que la récente brochure « Accompagner les jeunes à choisir leur alimentation, tout le monde s’en mêle ! » (DRAAF AURA, 2017) indique que le PNA s’adresse aux jeunes de 0 à 25 ans et que des témoignages d’acteurs réalisant des actions en direction des 0-3 ans y figurent, rien n’est moins mentionné dans les autres documents relatifs au PNA. Les actions et dispositifs mis en place et valorisés tels que « Un fruit pour la récré », « Plaisir à la cantine » ou encore les « Classes du goût » se font uniquement sur les temps scolaires et périscolaires, incluant la restauration scolaire, et pouvant aller jusqu’au collège voire lycée. (MAAF, 2013, 2014)

Or, il est possible de relier cette thématique de la jeunesse, et plus particulièrement le champ de la petite enfance avec un autre sujet d’actualité, celui des 1000 jours.

3. Les 1000 premiers jours du reste de ta vie

Lorsque dans le PNA il est fait référence à la jeunesse et à l’acquisition de « bonnes » habitudes alimentaires dès le plus jeune âge, on peut, non seulement penser à agir dès l’école primaire, mais également à la thématique des 1000 jours, sujet d’actualité et qui est présent en filigrane dans le dernier PNNS. (HCSP, 2017)

Le concept des 1000 jours correspond aux mille premiers jours qui couvrent la période périconceptionnelle, la grossesse ainsi que les deux premières années de vie de l’enfant.2,3 Lancé par l’OMS via un programme de recherche afin de répondre à l’émergence accrue des maladies chroniques dont les relations précoces avec l’environnement ont été prouvées, la question des 1000 jours est l’exemple même du passage d’une politique « tiers-mondiste », d’abord instaurée pour les pays en voie de développement afin de lutter contre la malnutrition, à une politique « hygiéniste », concernant toutes les femmes et intégrant le domaine politique.3,4 (Porte, 2015)

2 Dossier – Les femmes et les enfants d’abord ! : le défi des 1000 jours. Alimentation, Santé & Petit budget. Juin 2017, n°75,

6 p.

3 SOCIETE FRANÇAISE DOHAD. Les 1000 jours. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mgtB (Consulté le 27/05/2018) 4 FOURNIER Tristan. Enjeux et promesses de la génomique nutritionnelle. Cours de Master 2 Sciences Sociales Appliquées à

(16)

3.1. Un impact quasi indélébile

Ces 1000 jours renvoient à la notion d’épigénétique et de nutri-épigénétique4 : cette période correspond à une fenêtre critique de sensibilité et de vulnérabilité de notre organisme face aux effets de l’environnement et de facteurs nutritionnels qui pourraient venir le « changer » durablement.2,4 Les gênes ainsi modifiés pourraient même parfois se transmettre de génération en génération.3 Cette notion d’influence de l’environnement ou de la façon dont un individu commence sa vie pouvant jouer un rôle important sur le long terme se retrouve aujourd’hui sous le concept de DOHaD (Developmental Origins of Health and Diseases ou « origine développementale de la santé et des maladies »), qui a repris et suivi le programme de santé publique et de recherche lancé par l’OMS.5 (Porte, 2015)

3.2. Pourquoi s’intéresser si tôt à l’alimentation ?

L’alimentation représente une variable pour laquelle l’observation de l’impact de l’environnement nutritionnel sur le génome humain est avérée. En plus d’être en plein développement et d’être extrêmement sensible à son environnement de manière générale, les 1000 jours correspondent aussi à la période durant laquelle s’acquièrent et se construisent les comportements de l’enfant. C’est ainsi que la dimension socio-culturelle vient rencontrer et s’imbriquer avec le biologique : l’alimentation, les pratiques et habitudes alimentaires de la mère durant les neuf mois de gestation auraient un impact sur l’expression des gènes de son bébé et donc de sa future santé. Tout comme les comportements alimentaires prodigués par les parents sur les deux premières années de vie de l’enfant. Si l’on veut avoir des enfants en bonne santé, il faudrait donc agir tôt, très tôt, avant même leur conception, et être d’autant plus vigilant sur les deux premières années de vie. Autant de points et de concepts qui posent la question de la responsabilité intergénérationnelle, de la potentielle culpabilité envers les parents et de l’évolution de la relation avec l’alimentation, qui ici, (re)prend une dimension de médicalisation. (Fournier, 2015 ; FFAS, 2017)

3.3. Entre développement précoce et sensorialité…

Bien que le concept des 1000 jours soit apparu il y a moins de dix ans, une interaction existante, s’éloignant du domaine de l’épigénétique, entre environnement nutritionnel, fœtus, dès le développement le plus précoce, et bébé avait déjà été montré. En effet, même in utero, il y a une perception et une mémorisation, par le fœtus, de

5 LE GRAND FORUM DES TOUT PETITS. Les 1000 premiers jours de vie. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mQ7a (Consulté

(17)

certaines traces odorantes, flaveurs et arômes des aliments consommés par la maman. Cela induit des attentes sensorielles spécifiques et une réponse attractive envers ces odeurs et flaveurs par le nouveau-né qu’il sera capable de reconnaître. Cette transmission d’arômes se poursuit également à travers le lait maternel si le bébé est allaité. Cette réactivité sensorielle participe fortement à la formation des préférences alimentaires, qui perdurent et s’accommodent tout au long de la vie et des expériences alimentaires. 6 (Schaal, 2015)

Ces notions de sensorialité et d’apprentissage précoces autour des sens renvoient à un autre concept touchant spécifiquement à cette thématique et porté, tout comme le PNA, par le Ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (MAAF) : l’éducation au goût et les Classes du Goût.

4. L’éducation à quoi… ?

On l’a vu, éduquer la population constitue un enjeu majeur de santé publique, et encore plus concernant les enfants. L’éducation est un des facteurs qui joue un rôle important, si ce n’est le plus, sur ses comportements alimentaires actuels et futurs. (CNA, 2009) Dès la fin de l’année 2000, le Conseil Européen mettait en avant l’importance d’une éducation à l’alimentation dès le plus jeune âge en considérant la nutrition comme un des facteurs majeurs de la santé. (Ologoudou, 2004) Mais une telle éducation peut se faire de différentes manières.

4.1. DES éducationS

Dans le champ de l’alimentation, les acteurs de prévention et de santé publique peuvent faire appel à plusieurs types d’éducations différentes mais complémentaires à la fois. Or, il peut être parfois difficile de bien faire la distinction entre toutes. « C’est un peu

tout mélangé. » (Mme A. Entretien exploratoire n°1)

Ainsi, nous pouvons retrouver, entre autres :

a) L’éducation nutritionnelle, portant sur la connaissance nutritionnelle des aliments et des besoins de l’organisme (IFN, 2008) et pouvant s’appuyer sur des apprentissages liés aux savoirs, savoir-être et savoir-faire. (Le Bihan et Delamaire, 2015) Largement mise en avant grâce au PNNS, cette éducation est parfois la cible de plusieurs critiques, notamment par rapport aux enfants (Corbeau, 2009, 2012b),

6 ANR. Programme National de Recherches en Alimentation et Nutrition Humaine (PNRA) 2006 – Projet OPALINE. [en ligne]

(18)

pouvant participer un peu plus à la nutritionnalisation des assiettes. (Masdoua-Lathélize, 2008)

b) L’éducation alimentaire, dans laquelle l’attention se porte sur l’aliment de manière générale. Elle considère aussi les dimensions socio-culturelles et affectives de l’acte alimentaire et de ses décisions, mais sous-entend également une ouverture au monde et aux différences culturelles tout en gardant à l’esprit la présence d’une ritualisation et d’une socialisation de l’alimentation se faisant à plusieurs niveaux. (Poulain, 2001 ; IFN, 2008) Dans les années 2000-2010, nombre de sociologues, psychologues et scientifiques tels que Michaud (2001), Corbeau (2010, 2012b, 2015), Chiva (2001) ou encore Poulain (2001), Dreyfus (2004, 2008) et Ologoudou (2004), y portaient une attention favorable.

c) L’éducation au goût ou sensorielle. Il s’agit d’apprendre à connaître l’aliment par les sens, les perceptions sensorielles, intervenants avant, pendant et après la dégustation, afin d’aller au-delà du simple « c’est bon/c’est mauvais » et ainsi créer une vraie rencontre entre l’aliment et le mangeur. Ici encore, au sein de la littérature, nous pouvons dégager un certain consensus sur une telle pédagogie, sur son importance et sa pertinence. (CNA, 1999, 2009 ; Ologoudou, 2004 ; Dreyfus, 2008 ; Corbeau, 2012b ; Politzer, 2012 ; ANEGJ, 2017a)

d) L’éducation à l’environnement, proposée pour la première fois en 1977, permet aux individus de prendre conscience de l’interaction entre l’homme, dans toute son intégrité et ses aspects, et l’environnement afin d’acquérir des savoirs, savoir-faire, et savoir-être pour intervenir de manière active dans la prévention et préservation d’un environnement de qualité.7,8 (UNESCO, 1997 ; Bergerie Nationale, 2008) e) L’éducation à la santé environnementale comprend la perception des risques sur la

santé liés à des « facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux,

psychosociaux et esthétiques de notre environnement ». (IREPS, 2011)

Toutefois, rappelons que cette liste n’est pas exhaustive, et que bien d’autres éducations peuvent être mentionnées, faisant plus ou moins le lien avec celles précédemment citées : éducation aux cultures alimentaires (Corbeau, 2012b, 2015), à la consommation9, au patrimoine culturel (Bergerie Nationale, 2008), etc… Toutes aux contours et à la définition flouent. En effet, mise à part pour les cinq premières éducations évoquées, ce qui n’est pas toujours le cas en réalité, il n’est pas toujours facile de trouver

7 GRAINECENTRE-VAL DE LOIRE. Qu’est-ce que l’éducation à l’environnement ? [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/muFS

(Consulté le 27/07/2018)

8 MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE. L’éducation à l’environnement et au développement durable. [en

ligne] Disponible sur https://lc.cx/muF6 (Consulté le 27/07/2018)

9 MANGERBOUGERPRO. L’éducation nutritionnel au goût et à la consommation. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/msNN

(19)

une définition claire et précise de chacune d’entre elles, toutes étant plus ou moins liées ensemble, et le vocabulaire pouvant fluctuer (« pour », « à », « par »,…).

« L’éducation alimentaire j’dirais que c’est beaucoup plus théorique. Par rapport à un enfant, autant on peut la faire avec des parents, par rapport à un enfant, lui dire "Aujourd’hui c’est 10 grammes de viande ou 30 grammes…". C’est très compliqué et en plus… les quantités, l’enfant… il mesure pas. Par contre de lui dire "Ben tu vois dans la journée il faut que tu manges un fruit, il faut que tu manges un légume" ça on va y arriver mais par le jeu. » (Mme J. Entretien probatoire n°2)

J’aimerais également m’arrêter sur une autre éducation, celle à l’alimentation. Difficile là encore de trouver une définition précise pour cette dernière. Lorsque l’on étudie les documents dans lesquels elle peut apparaître, il n’y a jamais de définition détaillée proposée pour celle-ci. Cependant, lorsqu’elle est mentionnée, plusieurs éducations (nutritionnelle, alimentaire, au goût), sont incluses et indiquées en même temps. (CNA, 2017) On peut donc en déduire que l’éducation à l’alimentation constituerait un champ vaste regroupant l’ensemble de toutes ces éducations touchant à l’alimentation, voire même serait le point de rencontre entre toutes. Cela reste révélateur d’un manque d’information sur ces notions, et que finalement l’une n’irait pas sans l’autre.

« J’allais dire je vois pas l’un sans l’autre en fait [en parlant de l’éducation au goût et de l’éducation alimentaire]. (Silence) Parce que… ben l’alimentaire c’est le goût, et le goût c’est l’alimentaire quoi (rires). On peut pas faire de l’alimentaire sans l’goût, c’est pas possible, enfin si c’est possible mais… mais du coup… y a aucune éducation au goût en fait, et… c’est là où plus grands les enfants vont pas avoir un goût très développé et que du coup ils pourront manger tout et n’importe quoi, pour eux ça fera aucune différence. » (Mr O. Entretien probatoire n°7)

« Ben… Non parce qu’après… (Souffle), non j’vois pas trop de différence, j’trouve que c’est assez complémentaire [en parlant de l'éducation au goût et de l'équilibre alimentaire, nutritionnel] » (Mme V.

Entretien probatoire n°12)

Le schéma présenté ci-après (Figure 1) représente la vision de l’éducation à l’alimentation, et le lien entre chacune de celles précédemment citées, au regard des recherches menées mais également par rapport à la sensibilité qui en ressort au sein de mon lieu de stage. De plus, le schéma et le contenu des différentes éducations ont été pensés ici en priorité en lien avec le domaine de la petite enfance, c’est pourquoi des mots tel que « diversification » peuvent apparaître.

(20)

Figure 1 : Liens entre les différentes éducations au regard du domaine de la petite enfance

Source : personnelle

Pour la suite de ce chapitre, et comme a pu l’indiquer l’intitulé de ce mémoire, nous allons plus particulièrement nous focaliser sur l’éducation au goût et ce, dans un contexte politique de la petite enfance.

4.2. L’éducation au goût

La thématisation de l’éducation au goût reste, dans notre laps de temps et par rapport à d’autres thématiques, relativement récente. C’est avec les Classes du Goût lancées dans les écoles primaires en 1975 par Jacques Puisais que cette approche prend une véritable ampleur. Bien qu’ayant perdu un peu de vitesse durant un temps donné, ce sujet sera rapidement remis sur le devant de la scène début des années 2000, motivé par les préoccupations sociétales actuelles notamment portées autour des jeunes et des enfants. Malgré un vif engouement afin de redynamiser ces pratiques pédagogiques, les acteurs à l’œuvre se heurtent à un manque de communication et d’organisation collaborative entre eux, multipliant les actions ponctuelles et dispersées, tant au niveau des contenus, des outils que des objectifs des séances proposées.10

En parallèle, la ferveur et le consensus autour de cette éducation ne cesse d’augmenter. En effet, la mention du goût et de ses dimensions, liée à celles de gourmandise, de plaisir, d’émotion, de partage et de convivialité revient très souvent dans

10 ALIM’AGRI. Éducation au goût : réseau national dédié. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/ggPM (Consulté le 04/11/2017)

ÉDUCATION AU GOÛT

•5 sens

•Dépassement du j'aime/j'aime pas •Développement de la curiosité alimentaire ÉDUCATION ALIMENTAIRE •Origine du produit/aliment •De la production à la consommation •Savoir-faire alimentaires •Saisonnalité ÉDUCATION À L'ENVIRONNEMENT •Développement durable

•Gestion des déchets et restes alimentaires •Impact environnemental de l'alimentation •Méthodes de production alimentaire

ÉDUCATION NUTRITIONNELLE •Connaissance des groupes alimentaires •Alimentation équilibrée •Diversité nutritionnelle Div ersificat ion Lien pla isir/ san Va riété a lim entaire Choix perso nnels et cu lturel s ÉDUCATION À L’ALIMENTATION àConsom’acteur SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

• Réduction des expositions environnementales et de ses conséquences • Gestion et prévention des

facteurs environnementaux • Impact des polluants sur

la santé Influence Lien santé/ envir onne ment

(21)

les avis du CNA (1999, 2009, 2010) et est encore d’actualité avec, notamment, la recommandation de la mise en place d’ateliers du goût dans le milieu scolaire (2017). Jean-Pierre Corbeau quant à lui, trouve en la composante du goût, mais aussi des sens en général, l’argument permettant la découverte de l’altérité, et donc la construction de son identité, et du ré-enchantement alimentaire. Ceci en mettant en avant expérimentation, incorporation, émotion, interaction entre l’aliment et le mangeur, et revalorisation du plaisir. L’auteur va même jusqu’à « imaginer des politiques d’éducation gustative et sensorielle » (2017, p. 75)

De plus, il est important de noter que l’ANEGJ a depuis réalisé un travail conséquent sur la pédagogie de l’éducation au goût. En 2017, elle propose une définition encore plus précise de ce qu’elle peut être et va plus loin que la définition donnée plus haut :

« L’éducation au goût est un processus éducatif mettant en œuvre des pratiques pédagogiques reposant sur l’acte alimentaire, comme interaction entre les aliments et les mangeurs sensibles. » (ANEGJ,

2017a, p. 13)

Cet important travail réalisé par l’ANEGJ a également permis de mettre en lumière le distinguo entre éducation POUR le goût et éducation PAR le goût constituant les deux axes sur lesquels une éducation au goût se base. La combinaison de ces deux aspects permet ainsi d’apporter une attention à la fois sur l’aliment mais aussi sur le mangeur. Ceci participe autant à l’expérience sensorielle individuelle, à une connaissance de soi, qu’à celle collective, permettant à l’individu de trouver sa place au sein d’un collectif. (op. cit)

4.2.1. Bonjour Madame la Politique !

Petit à petit, l’éducation au goût trouve du soutien du côté des volontés publiques et politiques, tout comme sa consœur, l’éducation nutritionnelle quelques années auparavant. Fin des années 2010 l’idée de la création d’un réseau national d’éducation au goût, jusqu’alors absent, émerge. L’année suivante, le PNA, sous l’impulsion du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire (MAAPRAT) de l’époque, remet en lumière les Classes du Goût dans le milieu scolaire et montre par cela son intérêt pour l’éducation au goût.10,11 Dans la foulée, un document référent est élaboré afin de poser précisément les compétences des éducateurs du goût et d’identifier ces personnes ressources. 9 (MNEJVA, 2011) C’est ainsi que s’ensuit, sur une démarche étatique en collaboration avec des acteurs de l’éducation au goût, la naissance de l’Association Nationale pour l’Éducation au Goût des Jeunes (ANEGJ) en 2012.10

(22)

4.2.2. En action sur le terrain

Cette entrée dans la politique se traduit par la mise en place, ou la revalorisation comme les Classes du Goût, d’actions concrètes autour de l’alimentation et du domaine de l’éducation au goût.

Nous pouvons ainsi prendre pour autre exemple celle du programme européen de distribution de fruits et légumes dans les écoles « Un fruit pour la récré » mis en place dès 2009. Son principe est simple : par la distribution d’au moins six fruits et légumes par trimestre, en plus du temps de restauration scolaire, le projet a pour volonté de participer à la découverte de cette catégorie d’aliment, d’aborder la notion de goût et de plaisir autour de leur consommation mais aussi de contribuer à la prise de « bonnes habitudes

alimentaires ». Les établissements scolaires, primaires ou secondaires, et périscolaires

sont bien évidemment invités à varier et diversifier les fruits et légumes proposés, tant au niveau de la variété que du mode de préparation, frais de préférence. Un accompagnement pédagogique est également prévu et exigé dans le cadre de cette démarche autour d’activités et d’outils ludo-pédagogiques.12,13

De cette façon, s’est installée la légitimisation de l’éducation au goût. Néanmoins, là encore le domaine de la petite enfance est mis de côté. Bien que « les enfants doivent

[…] apprendre à déguster, à goûter les aliments dès leur plus jeune âge » (MNEJVA, 2011,

p.3), rien n’est instauré, du moins mentionné, pour cette tranche d’âge que représentent les 0-3 ans. Tout se concentrant à partir de leur entrée à l’école.

Bien qu’une association nationale existe et que des projets sont et se mettent en place, nous pouvons malgré tout faire face à une articulation difficile autour de l’éducation au goût et ce particulièrement dans le champ des 0-3 ans.

L’alimentation touchant à plusieurs domaines, elle se retrouve portée et véhiculée par différents corps ministériels, chacun s’occupant de la partie le concernant, a priori, le plus. (Annexe A) Nous avons commencé à le voir ici entre le PNNS côté de la santé et le PNA plutôt côté agriculture. D’autres points similaires seront abordés dans les prochains chapitres faisant ressortir cette pluralité d’acteurs au sein de la politique alimentaire du territoire.

De plus, concernant la petite enfance, rien n’est davantage précisé et aucune politique territoriale alimentaire n’est observable et encore moins concernant l’éducation au goût.

12 LES FRUITS ET LEGUMES FRAIS INTERFEL. Un fruit pour la récré. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mnxB (Consulté le

06/06/2018)

(23)

Mais qu’en est-il exactement de la petite enfance ? Quelles sont les politiques la concernant à proprement parlé ? Comment se structurent-elles ? Quelles sont leurs priorités ? Y a-t-il des choses dans ce contexte, mentionnant l’alimentation ? Qu’en est-il dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ? Comment ces établissements s’organisent-ils ? Quelle est la place de l’alimentation et comment peut-elle s’organiser ?

(24)

. 2

. 2 2 , , 2 2 1 3

ous venons de le voir, la petite enfance est absente des politiques publiques concernant l’alimentation. Pourtant, et comme le rappelle la question des 1000 jours, avant même sa naissance, le nouveau-né est dépendant de son environnement, notamment de sa mère. En grandissant, cette dépendance envers son entourage se poursuit. Il ne peut survivre seul dans un monde qui lui est hostile. Il a besoin de repères et de guides pour arriver à grandir et à évoluer dans un tel endroit, rempli de significations qu’il devra apprendre à s’approprier. Et ce, pas uniquement dans le domaine alimentaire. C’est donc presque tout naturellement que des politiques publiques sur la petite enfance et la famille ont vu le jour. Mais quelles sont-elles ? Comment, là encore, la politique s’est invitée dans la vie familiale ? Quelles sont ses actions et implications ? Et dans tout cela, l’alimentation a-t-elle une place ?

1. Politiques familiales, de la petite enfance et d’accueil en France

Rien qu’à l’évocation du titre, tout comme nous continuerons à le voir plus tard pour l’alimentation, les politiques concernant la petite enfance semblent également être multiples et toucher différents points.

1.1. Politique familiale : du côté de la famille

1.1.1. Des enjeux : lesquels, comment, pourquoi ?

La France fait partie des pays présentant une politique familiale et d’accueil de la petite enfance la plus évoluée et la plus ancienne ; la famille étant devenue une affaire d’État très rapidement. (Martin, 2011, 2010, 2017)

En effet, apparut dès les années 1930, au sortir de la Première Guerre Mondiale, cette politique familiale ne cesse d’évoluer afin de faire face aux changements sociétaux et renvoie à différents enjeux. D’abord dans un but de lutte contre la baisse de natalité du pays : fécondité et famille deviennent alors des enjeux considérables pour l’action publique. Mais c’est après la Seconde Guerre Mondiale, toujours dans un objectif de promotion de la fécondité, que cette politique familiale prend véritablement une place parmi l’agenda politique et s’inscrit durablement au sein de l’administration publique. Puis, courant des années 1960-1970, le focus est mis sur la reconnaissance des droits des femmes. Entre 1970 et 1980, ce sont les familles les plus vulnérables qui vont être les cibles prioritaires de ces politiques. Enfin, un retour vers les femmes va être fait, fin des années 1990, avec comme objectifs de ces politiques une conciliation vie familiale/vie professionnelle ainsi

(25)

qu’une augmentation du taux d’activité féminin, avec comme trame de fond, l’égalité des sexes. Ce dernier point étant également à l’ordre du jour des institutions européennes. Ceci traduit donc un changement et des allers-retours au sein de la politique familiale, passant de l’universalité à la sélectivité, du familialisme à l’individualisme, intégrant au passage politiques d’emploi, économique et d’égalité. (Figure 2) Ainsi, la diversité des acteurs, des enjeux et des moyens mis en place s’investissant font qu’il serait plus juste de parler de politiqueS familialeS au pluriel plutôt qu’au singulier. (Martin, 2010, 2011)

Figure 2 : Évolution et principales étapes des politiques familiales en France

Source : d’après Martin, 2010, 2011

1.1.2. Vous avez dit changements ?

Comme nous venons de le voir, la politique de la famille se conjugue au pluriel et a été sujette à des évolutions aux fils des décennies. Si des changements ont eu lieu, c’est que probablement la société aurait changé, mais avec elle, la famille aussi. Telles sont les interrogations qui se posent.

Plusieurs travaux ont mis en avant que, depuis le milieu des années 1970, les familles et les liens familiaux auraient connu de profonds changements. « Famille des Trentes Glorieuses » et « Famille des Trentes Piteuses » s’opposeraient. À la première, correspond l’image d’une famille nucléaire et légitime, stable, féconde, très institutionnelle, reposant sur le patriarcalisme, la division homme/femme et où « père », « mère » et « enfants » suffisent à la caractériser. La deuxième renvoie au tableau d’une famille plus contemporaine, composée, le plus souvent, d’un couple bi-actif, moins féconde, instituée et stable que la précédente ; de nouveaux acteurs intervenants dans la socialisation des enfants ; allant jusqu’à l’apparition de nouvelles formes de famille et de parentalité. (Martin, 2006b, 2012)

Ce passage entre « familles du Baby Boom » et « familles plus contemporaines » serait à l’origine d’un changement du système familial, vu comme s’effondrant, en péril, et offrant

(26)

une porte ouverte à l’insécurité qui serait nuisible pour les enfants. Ce sont donc ces changements au sein de la famille et des rôles et interactions entre parents et enfants qui auraient induit un intérêt pour la parentalité et la mise en place par l’ordre public et politique d’un soutien à celle-ci. (Martin, 2006b, 2012) En effet, il n’est pas rare, suite à ce contexte de changement, que cette transformation de la famille soit considérée comme à l’origine de toutes sortes de problèmes, la famille ne jouant plus son rôle. Une pathologisation de cette dernière peut alors avoir lieu : les parents deviennent le problème de ces difficultés. (Martin, 2006a, 2006b ; Giampino, 2006b) D’où la justification de l’instauration d’une politique de soutien à la parentalité, pouvant être source de pression sur les parents.

Mais est-ce vraiment la famille qui a changé et qui aurait induit ces discordances ? Plusieurs avis et controverses émergent autour. Toutefois, la famille et ses changements relationnels sont vus comme le reflet et le miroir de mutations sociétales. (Martin, 2006a) L’influence et la modification des contextes de vie a amené, tout naturellement, la famille à s’adapter à son environnement. Comme l’indique Giampino, si la famille change, « c’est

signe qu’elle se porte très bien » (2006, p. 34) ; la famille étant l’institution qui s’ajuste le

plus aux évolutions de son milieu sociétal, de pensée et technologique. (op. cit) Durkheim ayant déjà mis en avant que la définition de la famille dépendait du contexte dans lequel elle s’inscrivait. (Martin, 2012)

Toujours est-il que, même si la famille n’apparaît pas être responsable des aléas pouvant être présents au sein de cette période contemporaine, la mise sur agenda de la parentalité est apparue au cours des années 1990 pour palier à la crainte, comme nous avons pu l’évoquer juste au-dessus, d’une insécurité de la jeunesse qui serait en mal de repères.

1.2. La parentalité : du côté des parents, ou presque….

Actuellement, tous les pays s’intéressent au soutien à la parentalité, notamment par l’intérêt grandissant pour l’investissement social. Mais sa mise en place va dépendre des contextes des pays et sera différente pour chacun. En France, l’engagement de l’État sur cette thématique est très fort.

Relativement récent, le concept de parentalité est complexe et ambiguë. Alors que ce terme présente sa propre définition et traduction selon la langue dans laquelle on l’étudie, il se retrouve également à la frontière de plusieurs disciplines. Toutes apportant

(27)

leur contribution à sa définition, mais qui ont aussi leur propre façon de la définir et de l’étudier.

Pour la psychanalyse, l’un des premiers domaines à avoir approché la parentalité, devenir parent s’inscrit dans la continuité des étapes liées à celles de l’enfance et de l’adolescence. Passer par cette étape se ferait à travers un certain processus, une « crise structurante » (Martin, 2012, p. 8), plus ou moins influencée par les caractéristiques de la société dans laquelle on vit à cet instant précis. Pour cette discipline, devenir parent n’est pas un acquis inné mais constitue bien un apprentissage, un processus de « transformation personnelle

en parent » (op. cit, p. 9), dont l’héritage familial et des générations ont un rôle important.

Lebovici voit la parentalité comme un double processus : il s’agit de la rencontre de l’héritage de ses propres parents et de l’influence de l’enfant sur ses parents. Ainsi se distingue parenté et parentalité. (Martin, 2012)

Alors que la psychanalyse et le travail de la psychologie consistent à comprendre la parentalité en étudiant et en comprenant la transformation de l’individu en parent, l’anthropologie, quant à elle, va s’intéresser plutôt à la compréhension du rôle des sociétés dans le conditionnement de la fonction parentale et étudier les différences et ressemblances possibles entre sociétés. La définition de la parentalité que donne Maurice Gobelier, anthropologue français, fait ressortir le poids des normes sociales, auxquelles les parents peuvent faire face, ainsi que le caractère très sociétal de ce qu’est la parentalité, renvoyant à une certaine notion de déterminisme. Mais il précise également que cette notion de parentalité est un construit culturel et qu’elle ne concerne pas uniquement que les géniteurs de l’enfant mais englobe toutes personnes susceptibles de pouvoir s’occuper de lui et d’adosser un rôle parental. À ce versant plutôt déterministe, vient s’ajouter le côté de l’individualisme apporté par Fines : selon elle, notamment dans la société contemporaine, la parentalité relèverait du libre choix, d’une volonté personnelle et individuelle renvoyant au fait qu’il existerait de multiples positions et contextes possibles pour devenir parent. Ceci vient rejoindre le fait qu’il n’y a pas que la relation biologique, et donc quelque part sanguine, qui détermine uniquement le seul fait d’avoir un rôle de parent.

(op. cit)

Il y a donc deux notions à distinguer : celle de parenté et celle de parentalité. Et c’est là que le domaine juridique rentre en jeu. La parenté va être exclusive à une ou deux personnes, dont la notion de génération prime. Tandis que la parentalité peut concerner plusieurs personnes, sur un même temps ou tour à tour, de manière ponctuelle ou plus durable dans le temps, et présente un caractère évolutif. (op. cit)

Le dernier champ disciplinaire à s’être intéressé à cette thématique est la sociologie. Elle a permis de comprendre les enjeux présents autour de la parentalité, notamment par rapport

(28)

aux changements dont nous avons parlé un peu plus haut : alors que les trajectoires familiales se complexifient, elles entraînent également des places et des rôles aux contours plus fous. La cause de ces changements va engendrer plusieurs controverses. Par exemple, la montée de l’individualisme et, dans une moindre mesure d’un « adultocentrisme », viendrait justifier la baisse de la fécondité. Dans la même continuité, le malthuanisme actuel est aussi pointé du doigt : le couple et les individus devant être épanouis en priorité avant de prendre l’enfant en compte dans ce dernier. Cependant, et comme tient à le rappeler De Singly, l’égoïsme possiblement apparent des parents face à l’enfant reste à nuancer car il reste toujours une préoccupation importante et une source d’investissements non négligeables de la part de ceux-ci. La baisse de la natalité et cet individualisme parental seraient alors davantage liés à la pression sociale augmentant et à la vision qu’il faut être un « bon » parent. En effet, un enjeu important gravite autour du petit-être par rapport à l’adulte qu’il deviendra : les parents doivent réussir à accompagner l’enfant dans son développement tout en lui assurant épanouissement, réussite et en le guidant sans lui imposer de trop fortes obligations. Ainsi apparaissent le poids des normes pouvant s’imposer. (op. cit)

1.2.1. Soutien à la parentalité : soutien à qui, à quoi ?

Bien que le terme de « soutien à la parentalité » soit plutôt récent dans notre lexique, il n’en reste pas moins que les pratiques relevant de cela sont plus anciennes que le terme en lui-même. L’apparition d’une « politique de la parentalité » a vu le jour dès les années 1930. (Martin, 2012) La mise sur agenda politique plus poussée de la parentalité comme l’une des caractéristiques non négligeables de la santé des enfants a entraîné une modification dans l’intervention publique en France, notamment de la politique familiale. Le soutien à la parentalité est devenu une véritable priorité de santé publique, portée par le Ministère des Affaires Sociales et plus précisément par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) depuis 2010. (Lianos, 2012 ; Le Luong, 2014 ; Martin, 2014)

Ainsi, la définition de ce tel soutien renvoie à plusieurs disciplines, comme nous avons pu l’évoquer plus haut, mais résulte aussi de multiples interrogations et discussions autour de ces transformations familiales. Et c’est à partir de ces contextes que ces politiques vont plus ou moins changer, plus ou moins évoluer. Face à cela, un changement de « cible » a pu apparaître dans la politisation de la parentalité : on parle davantage d’une politique de l’enfance plus que celle de la famille. Il ne s’agit plus uniquement d’agir envers les parents mais de prendre en compte la relation parent-enfant : les parents sont visés oui, mais toujours avec en ligne de mire l’enfant pour justifier des dispositifs mis en place pour

(29)

assurer son bien-être. Un glissement se fait entraînant avec une responsabilisation et une culpabilité toujours plus accrues et présentes de la famille et des parents. (Giampino, 2006b ; Martin, 2006b, 2012) Il faut qu’ils fassent bien et si un soutien à la parentalité est instauré c’est que, quelque part, ils ne seraient pas à la hauteur.

Ce soutien, bien que pouvant varier d’un pays à un autre, constitue un enjeu essentiel des gouvernements européens et présente trois principes communs à tout territoire :

- concerner en priorité les parents,

- favoriser le bien-être de l’enfant ou des parents ainsi que la relation entre les deux, - agir sur les compétences parentales.

De ces principes de soutien à la parentalité vont découler des services de soutien à la parentalité, dont un, celui de la mise en place de crèche, va constituer un point de cette recherche. (Hamel et Lemoine, 2012)

Mais parler de soutien à la parentalité rentre dans une démarche plus globale que le simple fait de s’intéresser aux parents.

1.2.2. Soutien à la parentalité : une approche holistique

On l’a vu, la politique de soutien à la parentalité est un axe important au sein de la sphère publique. Mais elle recouvre des aspects plus généraux. Bien que concernant en priorité les parents et le mieux-être de l’enfant, cette parentalité a une résonnance plus large sur la santé de l’enfant et peut en constituer un facteur majeur. Mais ce soutien à la parentalité doit évoluer et s’adapter en fonction de la société et de ses besoins. Il ne s’agit plus de s’intéresser uniquement à l’enfant et à ses parents, mais de prendre également en compte l’environnement dans lequel cette entité familiale évolue. Ainsi, il est de la responsabilité sociétale et politique de rendre l’environnement de la famille, mais surtout de l’enfant, sain et serein. (Le Luong, 2014)

C’est ainsi qu’en France, la politique de soutien à la parentalité vient s’insérer dans une démarche plus globale de protection sociale. Ceci est confirmé par la typologie d’Hetherington selon laquelle la France appartient au système holistique où la notion de prévention est mise en avant. Une vraie volonté est affichée d’accentuer le travail pluridisciplinaire et la transversalité dans les actions de ce domaine. (Boddy, 2012) Tout cela peut également faire écho à la notion d’investissement social évoquée plus haut. L’Agence Régionale de Santé (ARS), dont la DGCS participe à son pilotage14, fait ressortir le soutien à la parentalité dans ses priorités d’intervention pour la petite enfance dans les années à venir. Considérant aussi le fait qu’autant les premières années de vie de l’enfant

14 MINISTERE DES SOLIDARITES ET DE LA SANTE. DGCS (Direction générale de la cohésion sociale). [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mu6x (Consulté le 20/07/2018)

(30)

que l’investissement et la présence de son entourage dans ses apprentissages constituent des facteurs déterminants pour sa santé et son développement futur. (ARS, 2018)

1.2.3. Les enfants, dès le plus jeune âge

Si un soutien à la parentalité s’est développé, c’est que les pouvoirs publics ont pu mettre en avant certaines problématiques pour lesquelles des politiques sont envisagées afin d’y répondre. Un exemple repose sur celle de l’investissement social, ou social

investment. (Martin, 2014) De manière générale, il est admis que l’acquisition de bonnes

connaissances, voire de compétences, dès le plus jeune âge constitue un enjeu important dans le développement de capacités futures. (IGEN, 2011) En effet, toutes les bases psychiques, cognitives et donc les connexions entre neurones du cerveau de l’enfant s’établissent, pour l’essentiel, au cours des toutes premières années de vie. Le développement cérébral et cognitif de l’enfant est donc dépendant de son environnement et particulièrement des stimulations et attentions qui peuvent lui être faites. Autant dans le domaine cognitif et l’acquisition du langage, que dans celui socio-culturel et affectif.15 (Terranova, 2017) Cela contribuerait à une meilleure réussite scolaire de l’enfant mais aurait aussi un impact tout au long de sa vie (IGEN, 2011). Ce qui peut donc éviter la peur du phénomène de délinquance de la jeunesse évoqué plus haut et pour lequel des mesures de soutien à la parentalité ont été mises en place. La petite enfance apparaît également comme une période de la vie déterminante pour agir sur les inégalités de santé, pouvant se révéler dès le plus jeune âge, étant liées à plusieurs déterminants socio-environnementaux, mais aussi à la parentalité, aux pratiques parentales sur le développement de l’enfant et son état de santé autant physique que mentale. (SFSP, 2016) Partant de cela, il apparaîtrait qu’intervenir dans la petite enfance et son éducation constituerait le secteur d’investissement le plus rentable, en particulier pour les milieux défavorisés. C’est en tout cas ce que met en avant les travaux d’Heckman. (Figure 3) Selon lui, plus l’investissement dans la petite enfance se fait tôt, plus cela aura de bénéfices sur les futurs adultes qu’ils deviendront. L’impact dans le social sera d’autant plus important que des dépenses futures pourront ainsi être potentiellement évitées. Cet investissement repose donc sur une logique socio-économique de rendement pour la société à plus ou moins long terme.

15 LA CROIX. Le tout-petit peut mourir s’il n’a pas de contacts affectifs. [en ligne] Disponible sur https://lc.cx/mugD (Consulté

(31)

Figure 3 : Courbe de Heckman

Source : Damon, 2013

Cela peut renvoyer à la question des 1000 jours et de l’importance des premières années de vie de l’enfant. Associé à cela, une pression supplémentaire vient s’ajouter dans le domaine de la petite enfance, mais encore une fois auprès des parents puisque ce sont ces derniers les référents et responsables en premier lieu de leurs enfants. (IGEN, 2011 ; Damon, 2013 ; Martin, 2014, 2017 ; Terranova, 2014, 2017)

1.3. Politiques de la petite enfance et d’accueil : du côté des enfants mais

aussi des parents

La mise en place de politiques familiales s’est faite, entre autres, dans un but de relance de la fécondité et d’accès à l’emploi des femmes, en leur permettant de concilier plus aisément vie familiale et vie professionnelle. La réussite, au niveau français, de cette politique est en lien étroit avec celle d’accueil du jeune enfant et de l’importante offre disponible aux familles. Un virage est donc pris : ce n’est plus uniquement la famille et les parents qui sont visés, mais c’est aussi la petite enfance. Un glissement se fait donc entre politique familiale et politique de la petite enfance. En effet, comme nous avons pu le voir précédemment, l’enfant n’est plus le simple adjuvant de sa famille, mais apparaît bien comme une porte d’entrée pour le « succès » et le bien-être à la fois de ses parents, mais aussi de la société et de son aspect financier. Mais là encore, les politiques de la petite enfance et d’accueil du jeune enfant ont évolué et se sont modifiées au cours de ces dernières années. (Martin, 2010, 2017 ; Damon, 2013 ; Terranova, 2014)

(32)

1.3.1. Organisation et sectorisation

Il existe deux modèles d’accueil de la petite enfance. Celui intégré et celui différencié, appelé aussi de manière juxtaposée. La France se trouve dans le deuxième modèle : l’accueil des jeunes enfants se divise alors en deux tranches d’âge ou types de structures, chacune relevant de directives et de ministères différents :

- de 0 à 2-3 ans, relevant plutôt des EAJE et du Ministère des Affaires Sociales ; - puis de 3 à 5-6 ans, appartenant plus au domaine scolaire et donc relavant du

Ministère de l’Éducation Nationale.

La France offre également la possibilité aux enfants dès 2 ans de rentrer dans le système scolaire. (IGEN, 2011 ; Terranova, 2014)

1.3.2. Genèse et évolution

Historiquement, l’école maternelle constitue l’une des premières solutions d’accueil proposée aux familles pour leurs tout-petits. Pour commencer à partir de 4 ans, puis dès 2 ans au milieu du XVIIème siècle. D’abord vu dans un contexte religieux, il s’agit de prendre en charge des enfants sans surveillance et de les familiariser à la foi. Fin du XIXème siècle, il s’agit en priorité d’accueillir des enfants de familles défavorisées afin de leur offrir une solution de garde et de les intégrer dans de « véritables maisons d’éducation » (Germain

et al, 2015, p.105), tout en assurant leur bien-être et l’acquisition d’habitudes auxquelles ils

ne pourraient pas avoir accès au sein de leur famille. À partir du XXème siècle, l’accent est mis sur trois fonctions principalement : celle de garderie, d’éducation et de préparation à l’école primaire. Bien que souhaitant participer à la réduction des inégalités et apporter un rôle compensatoire, il n’en reste pas moins que la vision de l’accueil pré-primaire reste centrée sur l’école et l’enseignement. (IGEN, 2011 ; Germain et al, 2015 ; Martin, 2017) Toutefois, les conditions des femmes et l’augmentation de leur taux d’activité ont entraîné une évolution et une diversité dans l’offre d’accueil de la petite enfance pouvant recevoir les enfants dès le plus jeune âge. En premier lieu, la mise en place des crèches présentait un caractère économique : il s’agissait de permettre le retour des femmes sur le marché du travail tout en proposant une solution de garde. Là encore, cet accueil en crèche se faisait prioritairement pour les classes ouvrières avec comme trame de fond d’assurer la sécurité sanitaire des enfants afin d’obtenir la confiance des parents pour qu’ils acceptent de confier leur progéniture. Les premières crèches publiques n’apparaissent qu’au XXème siècle. (Troutot, 1989 ; IGEN, 2011 ; Damon, 2013 ; Martin, 2017 ; Terranova, 2017)

Au regard de tout cela, nous pouvons donc constater, et comme l’a bien fait ressortir Claude Martin dans ses réflexions, que l’objectif de la politique d’accueil de la petite enfance

Figure

Figure 1 : Liens entre les différentes éducations au regard du domaine de la petite enfance
Figure 3 : Courbe de Heckman
Figure 4 : Répartition des enfants de
Figure 5 : Représentations des différents flux financiers
+7

Références

Documents relatifs

À travers les sollicitations et échanges observés chez les jeunes enfants, ce module énonce les moyens de communication dont l’enfant s’empare pour se faire comprendre ou obtenir

Elles proposent un accueil collectif régulier à temps complet ou partiel et un accueil collectif occasionnel pour les enfants de 2 mois et demi jusqu’à leur entrée à l’école,

Selon des données probantes de niveau consensus, les injections de corticostéroïdes ne sont pas recommandées comme modalité initiale de traitement pour réduire la douleur et augmenter

L’attribution d’une place dans une structure Petite Enfance dépendra du type de contrat choisi ; certains contrats ne permettant un accueil qu’en crèche

L’ordonnance rappelle les trois types de modes d’accueil : les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), les assistants maternels et les gardes d’enfants

Mais considérant, en tout état de cause, que la démonstration du fait qu'une pratique ou une convention a eu un effet sur la concurrence n'est pas nécessaire pour la qualifier

orthoprothésistes (UFOP) sur le marché de la fourniture d’orthoprothèses, points 53 et suivants et point 63). En l’espèce, le barème de séchage incite à la rigidité et

Considérant que la coopérative agricole l'Ardéchoise prie à titre subsidiaire la cour de réformer la décision déférée, le Conseil lui ayant infligé une sanction pécuniaire dans