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De l’asymétrie d’information à la solidité bancaire en passant par la qualité de l’emprunteur

Section 1 : La théorie du signal : la détection des emprunteurs de bonne qualité une condition de solidité bancaire

I- Le phénomène de l’asymétrie d’information : des conflits d’intérêt à la solidité bancaire

I.3- De l’asymétrie d’information à la solidité bancaire en passant par la qualité de l’emprunteur

Le risque de crédit est inhérent à l’activité bancaire, cela est dû essentiellement à l’asymétrie de l’information entre la banque et son client emprunteur qui l’expose au risque de défaut. Cette asymétrie est de deux sortes. Le premier type d’asymétrie est lié à l’incertitude qui existe avant la signature d’un contrat de crédit et qui conduit à une sélection adverse.

La sélection adverse provient de la difficulté pour la banque de distinguer les bons projets, des projets risqués, et donc de distinguer les crédits potentiellement sains des créances à risque. Pour tenir compte de cette incertitude, la banque aura tendance à se protéger en instituant une prime de risque conséquente (Abdou, 2002). Les bons projets se verront alors pénalisés par une surprime de risque par exemple, la hausse du taux d’intérêt. Cette dernière aura pour conséquence de pousser l’agent de bonne qualité, soit à quitter le marché en renonçant au projet, ou à changer de banque partenaire, du fait de la diminution de la rentabilité de son projet, soit à étaler la qualité de son projet afin de réduire l’asymétrie d’information et par conséquent le doute qui existait quant à la bonne qualité du projet. La théorie du signal décrite précédemment, a l’avantage de pousser les clients emprunteurs, à dévoiler davantage la qualité de leurs projets aux banques. Cet avantage profite aussi bien à la banque qu’aux emprunteurs.

L’autre type d’asymétrie d’information qu’on retrouve en milieu bancaire, est l’aléa moral. En effet, l’emprunteur ne disposant pas de garanties solides paraît moins préoccupé par la rentabilité de son projet, car la perte qu’il aura à supporter est minime en cas de réalisation de garanties, suite au risque de défaut. Cette asymétrie d’information justifie l’importance des garanties exigées par les banques et les mécanismes d’incitation de l’emprunteur à participer à la réduction du risque de non remboursement.

Les banques considérées comme des contrôleurs délégués par Diamond (1984), sont chargées par les déposants20 de contrôler les emprunteurs et de limiter les problèmes de sélection adverse et d'aléa moral inhérents à toute relation de crédit. Pour ce faire, elles doivent connaître leurs emprunteurs. C’est ainsi, qu’elles collectent et détiennent des informations précises sur la qualité des différents emprunteurs. Comme, les banques traitent avec plusieurs emprunteurs, il est donc clair qu’elles détiennent plus d’informations précises sur la qualité des emprunteurs que les déposants. C’est pourquoi, Vilanova (1997) pense que la banque peut être considérée comme un spécialiste de l’information. Avec ce statut de spécialiste de l’information et à travers une opération de crédit, la banque envoie au marché un signal gratuit sur la santé actuelle de l'emprunteur et sur les perspectives de ses revenus futurs. On peut, constater sur ce point, que la confiance du banquier entraîne souvent celle des autres partenaires (parmi lesquels on peut retrouver les consœurs de la banque prêteuse) de l'emprunteur.

Par ailleurs, après obtention du crédit, l’emprunteur est susceptible de réduire son effort de production et/ou de lancer des projets plus risqués puisque plus rentables pour lui. D’où la naissance des conflits d’intérêt entre l’emprunteur et le prêteur après l’accord du financement. Par exemple, un emprunteur dont le projet de création d’une industrie a reçu le financement d’une banque, peut engager des dépenses d’achats des biens de luxe qui n’ont rien à voir avec l’industrie, ce qui va ralentir la mise en place de l’industrie et réduire la capacité de remboursement de cet emprunteur. Ce type de conflit d’intérêt est particulièrement élevé pour les emprunteurs engagés dans des projets nouveaux. De plus, pour Mojon (1996), le rendement de l’investissement est fonction croissante de la qualité de du projet ou de l’entreprise et de la réalisation de l’aléa sur l’état de nature lié à cet investissement.

Pour que les banques assurent les financements, selon Cherif (1999), certains mécanismes permettant aux bons emprunteurs de se distinguer des mauvais emprunteurs qui sont à la recherche de financement, doivent être mis en place compte tenu de l’asymétrie d’information sur le marché de crédit. Parmi ces mécanismes, nous avons, d’une part les activités de signalisation de la part des entreprises, et d’autre part, le rôle des intermédiaires financiers spécialisés. Dans le contexte d’asymétries d’information, certains prêteurs élaborent des contrats leurs permettant de distinguer les différents types d’emprunteurs. Une

20 Les déposants sont les investisseurs finaux qui choisissent de passer par un intermédiaire financier au lieu de la rencontre directe entre prêteur et emprunteur.

banque peut ainsi s’appuyer soit sur le taux d’intérêt, soit sur la garantie pour différencier ses emprunteurs. En effet, l’expérience montre que les emprunteurs à haut risque ont souvent tendance à choisir des taux d’intérêt élevés et ne mettent pas de garantie contrairement aux emprunteurs à faible risque qui engagent des garanties et obtiennent des taux d’intérêt faible.

De ce qui précède, nous pouvons synthétiser le phénomène de l’asymétrie d’information dans le domaine bancaire par le graphique ci-dessous.

Figure n° 3 : la synthèse des problèmes d’information dans le processus de crédit

Ligne du temps t=0 t=1 t=2

Evénement la nature détermine contrat échéance les types de crédit du crédit Type Information

incomplète

Information asymétrique

Asymétrie Pas d’asymétrie Asymétries précontractuelles

Asymétries post-contractuelles

Risque Incertitude bilatérale Anti-sélection Aléa moral ex ante Aléa moral ex post

Action Formation des types Sélection Surveillance Audit

Source : Lanha (2006)

Nous pouvons penser dans la lignée de Matoussi et Abdelmoula (2010), que l’asymétrie d’information sur les caractéristiques de l’emprunteur est particulièrement préjudiciable à la banque au moment de l’octroi du crédit. Elle réduit la capacité de la banque à distinguer les bons emprunteurs des mauvais emprunteurs. La connaissance des caractéristiques des emprunteurs permet de réduire les phénomènes de sélection adverse et d’améliorer la gestion du risque de crédit par les banques. Cette capacité est d’une grande importance pour les économies de l’Afrique, en particulier celles de l’Afrique centrale où les banques connaissent souvent des problèmes de fragilité dus à l’importance des créances douteuses dans leur portefeuille de crédits. De ce qui précède, on peut en déduire que la qualité des emprunteurs influence considérablement la qualité solidité des banques. En effet,

la qualité des crédits considérée comme une exigence de solidité bancaire est induite par la qualité des emprunteurs.

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