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Comparaison des évolutions de moyennes obtenues lors des posttests du réseau littéraire

5.2. L’évolution de la connaissance des mots depuis les prétests

5.2.2. L’art de définir les mots lors des posttests

Selon Marinellie et Johnson (2004), la qualité et la richesse des définitions fournies par les enfants évoluent lentement, à travers différents stades. Par exemple, les définitions de noms sont d’abord concrètes et d’ordre fonctionnel dans la petite enfance et évoluent vers des niveaux de complexité plus abstraits et conceptuels. Pour nos élèves en classe d’accueil au préscolaire, il se pourrait que nos explications formelles des noms à travers des définitions qui

comportaient systématiquement un hyperonyme et une ou deux caractéristiques (un a est un x qui y et z) leur aient plus rapidement permis d’améliorer leur habileté à définir les mots cibles lors des posttests. En effet, le développement des définitions des enfants bénéficie des occasions d’entendre, au fil du quotidien à l’école, des modèles de définitions et de s’exercer à en formuler (Snow, 1990). Nous avons aussi toujours utilisé les mêmes façons de définir les verbes et les adjectifs, afin d’uniformiser les définitions et ainsi servir de modèle aux enfants. Aussi, les élèves ont réussi à améliorer leur capacité à définir les verbes, même si, selon Snow (1990), ces mots sont plus difficiles à définir puisqu’on ne peut y accoler systématiquement d’hyperonymes, comme on le fait naturellement pour les noms. Pourtant, ses propos méritent d’être nuancés, puisqu’il demeure possible d’utiliser des hyperonymes, qui prennent alors la forme de verbes dont le sens est plus large, pour définir des verbes plus précis : agripper serait « prendre quelque chose fermement », observer serait « regarder quelque chose attentivement », etc.

D’autres facteurs, qu’ils soient généraux ou lexicaux, peuvent avoir influencé l’apprentissage des mots cibles et expliqué nos résultats. Nous tissons des liens entre ces facteurs et les résultats de notre recherche dans la partie suivante.

5.2.3. Les facteurs qui favorisent l’apprentissage du vocabulaire en L2

Dans cette partie, nous analysons nos résultats en tenant cette fois-ci compte des facteurs qui peuvent favoriser l’apprentissage du vocabulaire en L2, tels que nous les présentons à la partie 2.5.1. du cadre conceptuel. Nous présentons d’abord des facteurs généraux (la répétition du mot dans différents contextes, le type de contexte, le rôle des illustrations dans les œuvres et le potentiel de réinvestissement en classe des mots) avant de poursuivre avec les facteurs spécifiques aux mots : les facteurs lexicaux.

Tout d’abord, la répétition du mot dans différents contextes faciliterait l’apprentissage du mot (Allen, 1999). Les mots enseignés à travers l’approche de la lecture du réseau littéraire seraient ainsi favorisés, puisqu’ils sont entendus et expliqués plusieurs fois avec des contextes différents, dans quatre livres distincts. Ces livres abordent le même thème, soit celui de la mer,

mais les contextes qui permettent l’enseignement direct des mots diffèrent tout de même d’un livre à l’autre.

Pourtant, nos résultats montrent une évolution de l’apprentissage des mots plus importante lors de l’approche de la lecture répétée, au cours de laquelle les mots sont d’abord toujours présentés dans le même contexte, celui de l’album, avant d’être réutilisés dans d’autres contextes qui touchent le vécu des enfants lors des discussions qui ouvrent et concluent les périodes de lecture. Si le réseau littéraire ouvre d’emblée la voie à différents contextes lors des périodes de lecture, tous les mots cibles, autant ceux de la lecture répétée que du réseau littéraire, ont été répétés dans différents contextes, puisque nous invitions les élèves à enrichir nos définitions avec des exemples tirés de leur propre vécu. C’est ainsi que, lors des posttests, plusieurs élèves ont accompagné leur définition d’exemples qui avaient été donnés en classe par leurs camarades. Certains, moins nombreux, ont donné des exemples appropriés qui provenaient de leur imagination, sans que nous les ayons abordés préalablement en classe. D’ailleurs, nous avons noté ces réponses et les réflexions qui en ont découlées dans notre journal de bord, sans établir de distinctions lors de l’attribution des scores entre les réponses inspirées des exemples nommés en classes nous ou d’autres enfants et ceux créés par les élèves eux-mêmes. Ce genre de réponses nous indique que les mots ainsi exemplifiés sont bien appris par ces élèves, qui se les ont appropriés et les ont réinvestis dans un nouveau contexte. Comme soulevé précédemment au point 5.2.1., même si cela faisait partie de l’épreuve réceptive, cela s’apparente à une maitrise productive du mot.

La différence d’évolution des moyennes entre les deux approches est significativement plus marquée lors des posttests différés : la première approche obtient une évolution de moyenne de 68,2% par rapport au prétest, soit 12,5% de plus que celle du réseau littéraire (55,7%). Nous ne pouvons tout de même pas conclure, à travers notre seule expérience, que la répétition des mots à travers différentes œuvres n’est pas un facteur qui favorise l’apprentissage des mots. L’attachement des élèves envers l’album de la première approche et la complexité des verbes choisis pour la deuxième approche pourraient aussi expliquer cette différence de moyennes.

En plus de la répétition dans différents contextes, le type de contexte dans lequel le mot s’inscrit pourrait influencer sa compréhension et son apprentissage. En partant du plus aidant, voici les quatre types de contextes recensés par Giasson (1994) et Beck, McKeown et Kucan (2013), tels que nous les décrivons au point 2.5.1: les contextes peuvent être explicite, général, vague et trompeur. Dans l’album La mouche dans l’aspirateur, certains mots apparaissent dans des contextes vagues qui n’aident pas à leur compréhension. Par exemple, le mot honte, en plus d’être abstrait et peut-être difficile à comprendre en général pour un enfant d’âge préscolaire, est celui qui obtient la moyenne la plus faible lors du posttest et celui qui apparait dans un contexte très vague. La mouche, indignée d’être coincée dans un endroit aussi sombre, s’insurge en criant Tu devrais avoir honte! à un interlocuteur qui n’est pas présent, celui qu’elle croit coupable de son malheureux emprisonnement. Les élèves auraient sans doute été plus nombreux à mieux comprendre et mémoriser le mot s’il était apparu dans un contexte explicite, avec des illustrations qui appuient le texte, lors duquel, par exemple, un enfant ferait une bêtise, se sentirait ensuite triste et désolé et ressentirait de la honte. Les mots abstraits renoncer et louche ont aussi été moins bien réussis et cela pourrait également s’expliquer en partie par les contextes vagues dans lesquels ils apparaissent dans l’œuvre.

Par ailleurs, l’approche de la lecture répétée serait peut-être plus efficace pour les élèves d’accueil d’âge préscolaire, puisque les mots cibles apparaissent dans un registre de langue plus littéraire, décontextualisé, donc à travers des contextes peut-être plus exigeants pour plusieurs d’entre eux, vu leur jeune âge et le fait qu’ils apprennent une L2. Les répétitions de lecture permettent une meilleure compréhension de l’œuvre, des contextes, donc des mots, ce que ne permet pas nécessairement un réseau littéraire, même si ce dernier comporte d’autres avantages. Les exemples fournis par les élèves eux-mêmes leur ont aussi permis, selon nous, de franchir les difficultés de compréhension qui pourraient être liées au contexte littéraire, afin de mieux s’approprier le sens de ces mots cibles à travers des contextes qui leur sont familiers. Toujours dans la première approche, les mots sommet, se diriger et soyeux, qui obtiennent de bonnes évolutions de moyennes aux posttests, apparaissent dans des contextes explicites, là où les illustrations se collent au texte, laissant peu de place à une compréhension erronée du mot. Ce sont aussi des mots concrets, donc plus faciles à mettre en image que les mots abstraits. Il

nous semble ainsi difficile d’expliquer les résultats des mots exclusivement à travers le type de contexte dans lequel ils apparaissent, sans tenir également compte de leur caractère concret ou abstrait. Le type de contexte influencerait davantage l’apprentissage des mots cibles si nous avions étudié l’apprentissage incident de mots à travers la lecture d’œuvres jeunesse. Ici, comme il y a enseignement direct du sens des mots, le contexte joue un rôle moins crucial même s’il peut vraiment venir soutenir la compréhension du sens des mots.

Dans la deuxième approche, les mots, comme ils sont issus d’un réseau littéraire, apparaissent dans des contextes variés, ce qui permet déjà aux enfants d’avoir plus d’une porte d’accès au sens des mots, comparé à la lecture répétée d’un seul album. L’accès au sens des mots est l’explication fournie par l’enseignante. Cependant, il est vrai qu’avoir accès à différents contextes d’utilisation du mot pourrait permettre à l’élève des « ancrages » multiples pour consolider sa compréhension du mot. Cela pourrait avoir été le cas pour des mots comme l’horizon, se réfugier ou marin.

Comme nous le mentionnons au point 2.7.2., les illustrations occupent une place importante dans les livres pour enfants. Elles font partie intégrante de l’œuvre et elles exercent aussi, comme le texte, une fonction narrative (Poslaniec, 2007). Van der Linden (2008) précise que l’album demeure plus qu’une association entre texte et image : il s’agit d’une interaction constante entre texte, image et support (la mise en page du livre). Nous avons constaté l’influence de cette interaction lors de la lecture de La mouche dans l’aspirateur (Mélanie Watt, 2015) auprès des enfants. La mise en page de l’album est originale : l’auteure aborde le récit en le comparant aux phases du deuil et une page de présentation annonce chacune de ces étapes. Aussi, les illustrations révèlent plusieurs niveaux de lecture, ce qui convient parfaitement à la lecture répétée; les enfants pouvaient alors découvrir de nouveaux détails et peaufiner leur compréhension du récit de jour en jour. Selon nous, les illustrations ont contribué à l’apprentissage de certains mots en suscitant non seulement l’intérêt général des élèves, mais en offrant, des contextes spécifiques. Comme nous l’expliquons précédemment, ce genre de contexte favorise la compréhension des mots et leur apprentissage. Les mots sommet, se diriger, renoncer et soyeux sont bien réussis en général par les enfants lors des

posttests et apparaissent dans le texte alors qu’ils sont appuyés par des illustrations qui favorisent leur compréhension.

Pour l’approche du réseau littéraire, il est plus difficile de créer un parallèle entre les résultats obtenus et les illustrations liées aux mots, puisque quatre œuvres sont présentées aux élèves. Il demeure clair, selon nous, que le mot foule a bénéficié d’un contexte spécifique et d’une illustration particulièrement parlante dans l’album sans texte La piscine (JiHyeon Lee, 2016). Les mots se réfugier et marin ont aussi obtenu de bonnes moyennes et ils étaient bien soutenus par les illustrations dans tous les albums lus aux élèves.

D’autres mots, moins bien réussis, comme honte (dans la première approche) et se méfier (dans la deuxième approche) apparaissaient dans des contextes plus vagues, avec des illustrations qui ne permettaient pas clairement de comprendre leur sens.

Aussi, en plus de tenir compte de la répétition des mots dans différents contextes et du type de contexte dans lesquels ils apparaissent, il faut considérer le potentiel de réinvestissement en

classe des mots cibles. Selon nos observations, certains mots étaient plus facilement réutilisés

spontanément en classe en dehors des périodes de lecture. Par exemple, les élèves prenaient plaisir à utiliser les mots doute (par exemple, lorsque je posais des questions simples comme « quelle est la météo? », certains s’amusaient à répondre, avec les yeux pétillants d’une douce malice propre aux enfants de cinq ans « je ne sais pas s’il neige ou s’il fait soleil, j’ai un doute! » alors qu’on était en plein mois de mai et qu’il faisait chaud), louche (en imaginant toutes sortes de situations loufoques et invraisemblables, comme « ce serait louche si j’étais dans mon lit le soir pour dormir et ma maman sautait sur mon lit pour faire bouh! avec un costume comme un clown ») et patienter (lorsqu’ils devaient attendre calmement pour boire de l’eau, se laver les mains ou choisir un jeu) et ces mots obtiennent d’ailleurs de meilleurs résultats lors des posttests différés.

Pour la deuxième approche, nous avons noté que seul le mot foule était utilisé en classe en dehors des périodes de lecture, notamment en allant à la cafétéria ou au parc, lorsqu’il y avait beaucoup d’enfants. Ceci pourrait expliquer, d’après nous, que quelques élèves ont défini le mot foule comme étant « beaucoup d’enfants (ou beaucoup d’amis) à la même place ».

Lorsque nous leur avons demandé si une foule était toujours composée d’enfants, ils ont répondu que « non, il y a aussi des mamans et des papas ». Considérant leur vision du monde et de ce qu’est une foule à cet âge, nous avons accordé le total des points à ce genre de définitions.

Comme nous le constatons dans la partie qui suit, d’autres facteurs peuvent faciliter la compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots. Selon Laufer (1997), certains mots seraient plus faciles à apprendre que d’autres en L2. Cette chercheuse a compilé plusieurs facteurs lexicaux qui influencent leur apprentissage.

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