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2. LE CADRE CONCEPTUEL

2.8. Deux façons d’aborder la lecture interactive en classe

Nous proposons deux façons d’exploiter les albums en classe à travers un dispositif de lecture interactive : la lecture répétée d’un seul album et l’utilisation d’un réseau littéraire thématique.

2.8.1. La lecture répétée d’un album

Comme nous l’avons mentionné, la lecture à haute voix favorise l’apprentissage de nouveaux mots à partir du contexte (Robbins et Ehri, 1994). Selon des recherches, l’apprentissage de vocabulaire devient encore plus remarquable lorsque le livre est lu plusieurs fois et qu’un enseignement direct des mots est intégré aux lectures (Penno, Wilkinson et Moore, 2002). Lefebvre (2007) mène d’ailleurs une recherche sur ce qu’il nomme shared storybook reading, qui se résume simplement aux interactions qui surviennent entre l’adulte et les enfants qui partagent un livre d’histoire (Ezell et Justice, 2005). Il cherche à vérifier si la mise en place d’un programme de lecture partagée lors duquel on enseigne des mots sélectionnés selon leur rareté, donc des mots plus littéraires et alors plus difficiles à apprendre en contexte quotidien, permet d’accroitre les habiletés langagières, dont l’apprentissage de vocabulaire ainsi que la conscience de l’écrit et la conscience phonologique chez des enfants à risque d’âge préscolaire. Les livres choisis sont lus à quatre reprises aux enfants. Les résultats montrent des gains significatifs sur le plan du vocabulaire et de la conscience phonologique chez les élèves du groupe expérimental qui ont participé aux lectures répétées combinées à l’enseignement direct de mots.

Biemiller et Boote (2006) se sont aussi intéressés à la lecture répétée d’albums et montrent que le nombre de répétitions doit varier en fonction de l’âge des enfants : au deuxième cycle, on suggère deux lectures afin d’éviter le désengagement des enfants, qui se lassent plus vite que les plus jeunes. Ces derniers apprécient jusqu’à quatre répétitions pendant la même semaine. Ils bonifient leur compréhension de l’histoire de jour en jour et leurs questionnements deviennent de plus en plus profonds au fil de la semaine (Yaden, 1988).

Ainsi, au début de la semaine, l’enseignant choisit un album en fonction, bien entendu, de l’histoire qu’il propose, mais aussi selon les mots qui mériteraient d’être enseignés et réinvestis par les élèves : des mots qui correspondent au deuxième groupe de Beck, McKeown et Kucan (2013); ou, selon Graves et al. (2013), des mots essentiels pour comprendre l’histoire, qui ont de la valeur, qui sont peut-être tout de même accessibles pour certains élèves ou des mots importés, qui aident à la compréhension de l’œuvre sans figurer dans le texte. Au lieu de répéter le même album pendant la semaine, l’enseignant pourrait répéter les mêmes mots, mais qui proviendraient cette fois-ci de différentes œuvres qui partagent toutes le même thème : nous présentons cette façon de choisir les livres dans la prochaine partie.

2.8.2. Les réseaux littéraires

L’utilisation de réseaux littéraires en classe consiste à choisir des livres qui répondent tous au même questionnement initial. Les réponses viennent des liens que les lecteurs établissent entre les œuvres du réseau, qui se complètent et se relancent entre elles (Dupin de Saint-André, Montésinos-Gelet et Bourdeau, 2015).

La présentation de réseaux littéraires en classe permet aux enseignants de répondre à la demande du MELS qui, depuis 2001, invite les enseignants à adopter une approche culturelle de l’enseignement. Selon cette approche, l’enseignant prend non seulement la culture comme objet d’enseignement (visiter des musées, lire des albums de littérature jeunesse, assister à des pièces de théâtre, etc.), mais il devient aussi un passeur culturel, c’est-à-dire qu’il vise à développer chez les enfants leur propre identité sociale (Morin et Roger, 2014). Bien entendu, le développement de cette culture ne passe pas seulement à travers la lecture d’un livre. Morin et Roger (2014) soulignent ainsi l’apport des réseaux littéraires en classe pour aider les enfants à forger leur identité sociale (qui correspond, sommairement, à s’identifier à travers les attributs que l’on partage avec les individus d’un groupe) qui elle, passe « par trois rapports essentiels : le rapport à soi, le rapport au monde et le rapport aux autres » (p.95). En ce sens, les réseaux littéraires deviennent pertinents à exploiter en classe pour permettre aux élèves de discuter de plusieurs œuvres mises en relation et ainsi affiner leur faculté à les interpréter, à s’ouvrir au monde, à s’ouvrir aux autres. Les auteurs ajoutent que, « lus ensemble, ces textes

(au sens large) permettront aux élèves de les comparer, de les contraster, de les mettre en écho pour ainsi mieux les comprendre et en dégager une interprétation plus riche » (Morin et Léger, 2014, p. 95).

Il existe différentes sortes de réseaux littéraires. En plus de présenter des objets culturels (ici, des livres de littérature jeunesse) comme tels tout en faisant figure de passeur culturel, l’enseignant en classe préscolaire peut tirer profit des réseaux littéraires regroupés autour d’un thème pour favoriser le développement du vocabulaire. De plus, les réseaux thématiques peuvent faire partie d’un projet déjà en place en classe qui tourne autour du même besoin d’apprendre de nouveaux mots liés à un même thème (Morin et Roger, 2014) (par exemple, l’Halloween, les émotions, les bestioles, la protection de l’environnement, etc.).

En somme, l’enseignant sélectionne quelques livres qui correspondent au même besoin, qui serait, dans notre cas, de favoriser l’apprentissage de nouveaux mots regroupés autour d’un thème commun. La mise en place de cette approche demeure sensiblement la même que celle de la lecture répétée d’un seul album : l’enseignant sélectionne des mots à enseigner et les explique cette fois-ci à travers différentes histoires.

Cette approche comporte des avantages pour l’apprentissage de nouveaux mots, comme la présence de plusieurs contextes pour favoriser la répétition du mot (Bolger, Balass, Landen et Perfetti, 2008). Soulignons finalement que les réseaux littéraires thématiques semblent pertinents pour tous les groupes d’âge.

La présentation de cette deuxième approche conclut la partie théorique du cadre conceptuel, dont nous proposons maintenant une synthèse.

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