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Les effets bénéfiques de notre expérimentation au-delà de l’apprentissage de vocabulaire

Comparaison des évolutions de moyennes obtenues lors des posttests du réseau littéraire

5.5. Les effets bénéfiques de notre expérimentation au-delà de l’apprentissage de vocabulaire

Notre projet de recherche nous a permis de mieux connaitre nos élèves, de les découvrir autrement. Lors des passations de tests, où nous consacrions une vingtaine de minutes à chaque enfant de façon individuelle, nous avons constaté que certains élèves, plus timides et discrets en classe et dont nous estimions le niveau de français oral comme débutant ou intermédiaire, se sont avérés plus habiles et avancés que ce que nous croyions. Ils nous ont agréablement surprise! Au contraire, et à notre grand étonnement, quelques élèves, plus extravertis et qui participaient activement aux périodes de lectures interactives, n’ont pas obtenus de bons résultats aux posttests, ils répondaient souvent « je sais pas », alors que nous croyions qu’ils avaient appris les mots expliqués. Il se pourrait que, lors de ces tests à caractère répétitif, les enfants plus forts aient manqué de motivation à répondre à nos questions. Aussi, cela démontre surtout, selon nous, qu’on sous-estime parfois les habiletés langagières et les connaissances des élèves introvertis et qu’on juge à la hausse l’étendue et surtout la profondeur du vocabulaire des élèves plus extravertis, qui participent en classe et prennent plus de place.

Les élèves ont manifesté un vif intérêt envers l’apprentissage comme tel de nouveau vocabulaire. Ils montraient clairement des signes de joie et de fierté à utiliser les mots cibles, les expliquer en leurs propres termes et créer de nouveaux exemples. Nombreux parmi eux se référaient au « mur de mots » (figure 4) pendant la journée pour nous montrer, par exemple, qu’un mot que nous nommions rimaient avec un mot cible affiché. Ils semblaient conscients, peut-être à cause du caractère formel de l’expérimentation qui comprenaient la passation de trois tests pour chaque approche, qu’ils apprenaient de nouveaux mots et, selon nous, cet engouement pour l’apprentissage de mots qui peuvent sembler à première vue complexes à enseigner en classe d’accueil préscolaire ne peut qu’être bénéfique.

Sans que cela fasse partie de nos objectifs, plusieurs élèves pouvaient, à la fin de la semaine, lire globalement les mots cibles. À la fin des lectures, nous invitions les élèves à répéter ces mots que nous suivions alors du doigt. S’il est évident, selon nos observations, que la majorité

des élèves ont développé une dimension affective envers les albums lus en classe, il semblerait qu’un lien affectif se soit aussi créé envers les mots cibles, ce qui pourrait expliquer le fait que plusieurs élèves arrivaient à lire globalement quelques-uns des mots affichés (figures 1 et 2). Par ailleurs, nous avons constaté que la lecture interactive d’œuvres de littérature jeunesse, que ce soit sous la forme de lecture répétée ou de réseau littéraire, a suscité un réel engouement chez les élèves. Selon nos observations, ils appréciaient que les moments de

lecture en classe deviennent plus interactifs que d’habitude, lorsque, avant de commencer notre expérimentation, nous ne planifions pas systématiquement toutes les séances de lecture à haute voix selon les préceptes de la lecture interactive. Avec la mise en place de notre projet de recherche, ils étaient davantage impliqués dans les discussions qui émergeaient des lectures en groupe. Les élèves ont aussi apprécié que nous utilisions de petits papillons de couleur pour marquer les passages où nous interrompions notre lecture pour leur poser des questions: ils nous ont ensuite demander la permission d’utiliser ces petits collants de couleurs pour eux- mêmes marquer trois pauses dans les livres que nous allions lire en classe. Ces pauses étaient bien sûr choisies de façon arbitraire, puisqu’ils ne savaient pas lire; ils voulaient seulement avoir le plaisir de déterminer eux-mêmes les moments où nous allions marquer un arrêt pour susciter des discussions et soulever des questionnements.

Finalement, nous avons remarqué que les enfants s’attachaient aux albums lus en classe, particulièrement ceux qui étaient répétés. Que ce soit pour La bête vorace (Niamh Sharkey, 2004), Flora veut un chien (An Swerts et Eline Van Lindenhuizen, 2016), tous deux lus lors de mises à l’essai avant le début de l’expérimentation, ou La mouche dans l’aspirateur (Mélanie Watt, 2015), les enfants montraient une affection sincère pour les personnages des albums. Ils reprenaient les livres lors des périodes de détente ou lors des périodes de jeux libres afin de copier leurs illustrations (figure 3).

L’expérimentation semble donc avoir favorisé un rapport positif à l’apprentissage de nouveau vocabulaire ainsi qu’à la lecture, ce qui pourrait jouer un rôle positif important auprès des élèves, qui développent déjà leur comportement de lecteurs avec enthousiasme, avant même de commencer, l’année suivante, l’apprentissage formel de la lecture.

D’ailleurs, ces observations trouvent écho dans les propos de Roux-Baron, Cèbe et Goigoux (à paraitre). Les auteurs rapportent les résultats d’une recherche qui visait à observer et mesurer les effets d’un outil didactique, Narramus (Cèbe et Goigoux, 2017), créé afin de faciliter le développement des compétences langagières narratives en réception et en production à travers la lecture d’albums à haute voix (par exemple : comprendre une histoire et la raconter, accroitre le vocabulaire, produire des inférences) chez les élèves de maternelle, en France. Les auteurs remarquent que les élèves qui ont bénéficié de l’outil Narramus dans le passé transfèrent les apprentissages qu’ils ont effectués à travers cet outil: ils se rappellent davantage des nouveaux albums lus et arrivent à mieux les raconter que leurs camarades qui n’ont pas auparavant été en contact avec l’approche Narramus. Ces auteurs plaident alors, avec raison selon nous, pour une approche multi-dimensionnelle qui intégrerait alors tous les aspects de la compétence langagière et dont le fil conducteur serait le texte lu. Ainsi, il serait possible, au lieu de segmenter les objets d’enseignement à travers une succession d’activités décontextualisées, de partir des œuvres de littérature jeunesse lues à haute voix pour stimuler à la fois la compréhension, l’accroissement du vocabulaire, la conscience phonologique, la capacité à produire des inférences, etc.

6. LA CONCLUSION

Ce dernier chapitre propose, dans un premier temps, un rappel des principaux éléments abordés dans notre problématique et notre cadre conceptuel, véritables pierres d’assise de notre questionnement initial, amorcé il y a déjà quelques années. Ces réflexions nous ont ensuite menée à notre projet de recherche comme tel, qui vise à comparer l’influence de deux approches de lecture interactive en classe d’accueil, préscolaire, sur l’apprentissage de nouveau vocabulaire.

Nous résumons ensuite notre méthodologie, et rappelons les principaux résultats de notre expérimentation qui comporte, bien entendu, certaines limites, que nous présentons par la suite. Nous terminons avec quelques recommandations didactiques qui sauront, nous l’espérons, encourager les enseignants en classe d’accueil à exploiter la littérature jeunesse avec leurs élèves.

6.1. L’apport de l’accroissement du vocabulaire chez les élèves

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