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Comparaison des évolutions de moyennes obtenues lors des posttests du réseau littéraire

5.2. L’évolution de la connaissance des mots depuis les prétests

5.2.4. Les facteurs lexicau

Certains facteurs propres aux mots eux-mêmes pourraient en faciliter l’apprentissage. Nous revoyons certains de nos résultats à la lumière de ces facteurs : la classe des mots, leur caractère concret ou abstrait, la prononçabilité des mots ainsi que leur longueur, puis le fait que certains mots cibles ressemblent à d’autres mots préalablement appris.

5.2.4.1. La classe des mots

Comme nous le mentionnons dans le chapitre précédent, certains mots seraient plus faciles à apprendre que d’autres selon leur classe. Une de nos questions spécifiques de recherche vise justement à explorer davantage ce facteur. Lorsque nous comparons les moyennes obtenues aux posttests en fonction des classes de mots, nous remarquons que nos résultats ne vont pas tous dans le même sens que les propos de Laufer (1997), selon lesquels les noms seraient plus faciles à apprendre que les verbes, qui seraient eux plus aisés que les adjectifs, pour terminer par les adverbes, qui seraient alors plus difficiles. Les évolutions de moyennes des mots selon leur classe progressent entre les posttests (tableaux 9 et 10) : lors du premier posttest, ce sont les noms qui obtiennent les moyennes les plus élevées (61%), conformément aux propos de Laufer (1997), soit 10,1 % de plus que les adjectifs (50,9%) qui eux obtiennent 3,3 % de plus que les verbes (51,59 %). Lors du posttest différé, ce sont toujours les noms qui obtiennent la moyenne la plus élevée (72 %), suivis par les adjectifs (59,4 %), puis les verbes (53,9 %). Les évolutions de moyennes des noms augmentent considérablement aux posttests différés, surtout

propulsées par les moyennes des noms de la première approche : sommet, doute et honte. Selon nous, ce ne serait pas tant la classe de ces mots qui semble ici jouer en leur faveur, mais peut-être le fait qu’ils aient été davantage réemployés en classe de façon spontanée après l’expérimentation, comme nous le précisons précédemment, au point 5.1.3.1. Lors de la deuxième approche, l’adjectif précieux obtient de meilleurs résultats au posttest différé et cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il a quelques fois été utilisé spontanément en classe par des enfants (par exemple, une élève parlait du bracelet qu’elle venait de perdre et précisait qu’il était précieux pour elle).

En somme, la classe des mots peut favoriser l’apprentissage de ces derniers, mais nous ne pouvons conclure que cela constitue un facteur déterminant. Les adjectifs choisis pour notre projet de recherche obtiennent de meilleurs résultats que les verbes, et cela ne va pas dans le même sens que les propos de Laufer (1997). Il serait pertinent de mener ce même genre de recherche auprès d’un plus grand nombre d’élèves, avec plus de mots, afin de vérifier si cette tendance se maintient, ou si ce sont les verbes choisis (se réfugier, s’émerveiller, se méfier) pour notre expérimentation qui sont plus complexes que les adjectifs, et ce, pour des raisons autres que leur classe, comme leur longueur ou leur prononciation. L’engouement de certains élèves pour des adjectifs comme louche, marin ou précieux peut également influencer leur apprentissage. Le fait que certains mots soient concrets ou abstraits peut aussi, comme nous l’abordons au point suivant, influencer leur apprentissage.

5.2.4.2. Le caractère concret ou abstrait des mots

Nous avons aussi cherché, à travers notre objectif secondaire de recherche, à vérifier si les mots concrets sont plus faciles à apprendre que les mots abstraits, comme le soutient Laufer (1997). Nos résultats soutiennent les constats de Laufer, les moyennes obtenues pour les mots concrets, peu importe l’approche de lecture, étant toujours plus élevées que celles des mots abstraits. Si les mots concrets sont plus faciles à apprendre, ils sont également surement plus faciles à définir pour les enfants, cela peut expliquer pourquoi les mots concrets obtiennent plus de points.

Les mots concrets sont aussi souvent plus faciles à expliquer pendant les périodes de lectures à travers les illustrations qui les accompagnent. C’était le cas des mots sommet, se diriger et soyeux, qui sont explicitement imagés dans La mouche dans l’aspirateur (Watt, 2015). Les mots concrets de la deuxième approche, foule, se réfugier et marin étaient aussi illustrés de façon à faciliter leur explication, sans pour autant en assurer l’apprentissage par la majorité des élèves : foule et marin obtiennent des évolutions de moyennes au-dessus de 55%, mais se réfugier enregistre des résultats plus modestes (43,8% au posttest immédiat et 33,3% au posttest différé).

Les évolutions de moyennes des mots abstraits passent de 45% aux posttests immédiats à 57,9% deux semaines plus tard (tableau 11). Cette différence significative (p = ,001) met en lumière le fait que le temps qui passe permet une meilleure compréhension des mots abstraits, dont la signification demeure souvent plus complexe à saisir, puisqu’on ne peut l’appréhender grâce à nos sens.

Nous ne pouvons cependant pas conclure qu’il en serait toujours ainsi, car notre échantillon d’élèves et notre corpus de mots cibles sont trop petits. Il demeure donc pertinent de considérer d’autres facteurs lexicaux pour expliquer les résultats des élèves.

5.2.4.3. La prononçabilité

Certains mots sont plus complexes que d’autres à prononcer selon le type de phonèmes qui les composent et leurs combinaisons dans le mot. Lors des posttests de la lecture répétée, les mots renoncer et patienter sont moins bien produits par plusieurs élèves et tout de même très bien réussis sur le plan réceptif. Outre le fait qu’il commence par une consonne plus difficile à prononcer (r), le mot renoncer n’est pas particulièrement complexe sur le plan articulatoire : il est formé des syllabes simples au format consonne + voyelle. Le mot patienter est un peu plus complexe à cause semi-voyelle au milieu, mais le facteur de la prononçabilité ne nous semble pas expliquer ici le fait que les scores soient plus faibles pour ces mots en production. Ces mots contiennent aussi des voyelles nasales, réputées plus difficiles à prononcer pour certains apprenants, selon leur LM. Les élèves n’ont d’ailleurs pas essayé de produire le mot en faisant

des erreurs de prononciation. Il se pourrait aussi que la complexité sur le plan phonologique de certains mots influence leur mémorisation.

Lors des posttests de la deuxième approche, les mots qui demeurent plus difficiles à produire sont se réfugier, se méfier et précieux. Se réfugier est peut-être complexe pour les apprenants du français à cause de la juxtaposition de plusieurs phonèmes produits par différents endroits de l’appareil phonatoire, en plus du pronom réfléchi « se » qui ajoute une syllabe au mot, alors que le même pronom vient se fondre au mot dans le cas de s’émerveiller. Ce dernier demeure selon nous tout de même complexe à prononcer, mais est pourtant bien réussi sur le plan productif.

Les mots les mieux réussis sur le plan productif au posttest immédiat de la première approche sont faciles à prononcer : sommet, doute et soyeux ne comportent pas de défis phonétiques particuliers pour les élèves d’âge préscolaire. Pour la deuxième approche, les mots foule et marin sont bien réussis sur le plan productif au premier posttest, mais le mot marin est réussi par deux élèves de moins au posttest différé.

Il semble que le facteur de prononçabilité n’entre pas nécessairement en jeu pour expliquer les performances plus faibles de certains mots.

5.2.4.4. La longueur du mot

La longueur du mot est un autre facteur identifié par Laufer (1997) qui pourrait influencer l’apprentissage des mots. Lors de la première approche, si on s’attarde principalement au volet productif, certains mots (se diriger, renoncer et patienter) qui comportent trois syllabes ou plus sont réussis par moins d’élèves que ceux qui ont deux syllabes.

Pour la deuxième approche, toujours sur le plan productif, les mots horizon, se réfugier, s’émerveiller et se méfier comportent au moins trois syllabes et demeurent moins bien réussis que les mots plus courts foule, crainte et marin. Seul le mot louche, qui comprend une syllabe, fait figure d’exception en étant moins bien réussi. Ainsi, l’hypothèse de la longueur du mot comme caractéristique influençant l’apprentissage est une piste intéressante et mériterait d’être explorée sur un échantillon plus large.

Pour résumer, il semble que le type de contexte dans lequel apparait le mot dans l’œuvre, le caractère concret du mot et sa longueur favorisent son apprentissage, et ce, davantage que la classe à laquelle il appartient. Par ailleurs, nous avons remarqué un facteur qui semblait nuire à l’apprentissage des mots chez certains enfants : la ressemblance (sur le plan de la forme ou du sens) du mot cible avec un autre mot préalablement appris, comme nous le soulignons au point suivant.

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