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L’aquifère basaltique CarbFix1 d’Hellisheiði

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Contexte environnemental des sites d’études 2.1.Contexte scientifique

2.3. L’aquifère basaltique CarbFix1 d’Hellisheiði

L’aquifère basaltique associé à la centrale géothermique d’Hellisheiði est un environnement très particulier car il a servi au déploiement d’un site pilote pour le développement de la technologie de stockage minéral de gaz à effet de serre (i.e. projet CabFix1, www.carbfix.com ; Matter et al. 2009 ; Aradóttir et al. 2011). Ainsi, pour les objectifs qui nous intéressent dans ce travail de thèse, il représente une expérience in situ à grande échelle pour étudier l’effet de l’altération accélérée du basalte et de l’injection de gaz sur les écosystèmes profonds associés (Trias et al. 2017).

2.3.1. Le site pilote de stockage de CO

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d’Hellisheiði

La centrale géothermique d’Hellisheiði, opérée par Rekjavik Energy (Orkuveita Reykjavíkur), est située au sud-ouest de l’Islande dans le système volcanique d’Hengill (Figure 2.3). Cette centrale émet des gaz d’origine volcanique parmi lesquels on compte du méthane, et du H2, ainsi que du CO2et de l’H2S (Scott et al. 2014). Le projet CarbFix1 visait à stocker ces gaz et en particulier le CO2 dissous dans l’eau souterraine par précipitation de minéraux carbonatés (pour une injection de CO2pur) et de sulfures de fer (pour une injection du gaz géothermique qui une fois purifié comportait les composés suivants : 75% CO2, 24% H2S, 1% H2). En effet, l’eau souterraine enrichie en CO2est acidifiée (pH d’environ 3,9-4,0) et conduit à la dissolution du basalte qui va libérer des cations (Ca2+, Fe2+ et Mg2+) supposés réagir avec le CO2 dissous pour former des carbonates solides plutôt que des argiles ou des

oxydes de fer, minéraux secondaires se formant couramment lors de l’altération du basalte (Gislason et al. 2010). L’injection des gaz visait un aquifère situé entre 400 et 800 m de profondeur et constitué de coulées solidifiées de laves basaltiques poreuses et perméables surplombées d’environ 200 m de hyaloclastites (Figure 2.3), correspondant à des niveaux de basaltes relativement imperméables agissant comme une roche couverture (Matter et al. 2011 ; Alfredsson et al. 2013). L’aquifère est alimenté par des fluides météoriques sans intrusions d’eau de mer. La température de l’aquifère varie de 20 à 50°C et le pH est de 8,4 à 9,4 (Sigfusson et al. 2015). La nature anoxique de l’aquifère, supposé isolé de l’atmosphère (Sigfusson et al. 2015), est discutable du fait de l’abondance de microorganisme aérobies et microaérophiles (Trias et al. 2017). Parmi les 13 puits présents sur le site, trois d’entre eux ont majoritairement été exploités lors du projet CarbFix1: le puits HN-02 correspond au puits d’injection, le puits HN-01, en amont du puits HN-02, a été utilisé comme source d’eau souterraine pour injecter les gaz sous forme dissoute et comme témoin non influencé par l’injection, et le puits HN-04 a servi de puits d’observation et d’échantillonnage. Des études microbiologiques ont été menées avant ces travaux de thèse sur l’eau de ces puits (Figure 2.3).

L’injection des gaz a été réalisée en deux temps. Dans une première phase, 175 tonnes de CO2 commercial pur ont été injectées de janvier à mars 2012 afin de tester la faisabilité du stockage de gaz sous forme minérale (Matter et al. 2016). Puis dans un second temps, 73 tonnes d’un mélange purifié de gaz dérivé de la centrale géothermique d’Hellisheiði ont été injectées de juin à août 2012 pour tester cette fois la faisabilité du stockage minéral d’un mélange de gaz plus proche des rejets industriels (Sigfusson et al. 2015 ; Matter et al. 2016). Au cours de ces injections de gaz, des traceurs non réactifs de concentration connue ont été injectés afin d’estimer la progression du panache de CO2dans l’aquifère ainsi que son devenir et notamment son taux de fixation sous la forme de carbonates solides (Matter et al. 2016).

Suite à ces injections, un suivi temporel de la géochimie et de la microbiologique des eaux de l’aquifère a été réalisé par échantillonnage d’eau souterraine au niveau du puits HN-04 (Matter et al. 2016 ; Snæbjörnsdóttir et al. 2017 ; Trias et al. 2017).

Figure 2.3: Localisation du site d’Hellisheiði et des puits du site pilote CarbFix1, et images des agrégats de sulfures de fer colonisés à l’origine du colmatage bio-induit du puits d’injection HN-02. (A) Coupe transversale schématique nord-est/sud-ouest de la lithologie et localisation des puits proches de la zone d’injection du site CarbFix1 (Ménez et al. en préparation). (B) Carte représentant la localisation du site d’Hellisheiði en Islande. Zones volcaniques nord (NVZ), centrale (MVZ), est (EVZ et ouest (WVZ) ; zone séismique d’Islande du sud (SISZ) (C) Photographie de l’échantillonnage d’eau souterraine au niveau du puits HN-04. (D) Photographie d’échantillons d’eau souterraine issue du puits d’injection et représentant l’évolution de la turbidité de cette eau au cours de l’opération de pompage à l’air comprimé qui visait à remédier au colmatage du puits d’injection. On observe tout d’abord des eaux riches en colloïdes et particules noires en suspension, suivies d’eaux plus claires et de précipités de minéraux noirs indiqués par la flèche noire. (E) Images de microscopie électronique à balayage des agrégats de sulfures de fer (Fe-sulf) et des cellules microbiennes associées (cell) (Ménez et al. en préparation).

Matter et collègues (2016) ont ainsi déterminé, par bilan de masse, que près de 95% du CO2pur injecté aurait été transformés en carbonates solides entre les puits d’injection HN-02 et d’observation HN-04. Toutefois, cette étude ne prend pas en compte l’influence potentielle de la biosphère profonde sur le devenir des gaz injectés. Or, Trias et collègues (2017) ont démontré, à partir de l’eau souterraine collectée au niveau du puits HN-04, que les communautés microbiennes planctoniques ont réagi à l’injection de CO2 pur, avec un changement drastique de leur structure et une augmentation importante de la biomasse. Il est

donc possible que le CO2 ait été immobilisé en partie sous forme de biomasse microbienne, moins pérenne que les minéraux carbonatés, par des microorganismes autotrophes. Par ailleurs, les cations libérés par la dissolution du basalte (Fe2+, Zn2+, Ca2+, Mg2+, Mn2+ ouencore Ni2+) peuvent servir de donneurs d’électrons ou de coenzymes (Andreini et al. 2008) et auraient pû être mobilisé par les microorganismes (Trias et al. 2017). De plus, l’activité métabolique et la sécrétion d’EPS peut avoir un effet important sur la dissolution des roche silicatés (dont le basalte), notamment sa cinétique, et sur la précipitation de minéraux secondaires et leur nature. En particulier, si le CO2 est mobilisé sous forme de biomasse, le basalte s’altérera en argiles et oxydes de fer et non en carbonates solides.

Suite à l’injection du mélange de gaz issu de la centrale géothermique, une perte de transmissivité associée à un colmatage au niveau du puits d’injection a été observée dès juillet 2012. Pour remédier à ce problème, une opération de pompage à l’air comprimé a été menée en 2013. Des échantillons d’eau ont été collectés tout au long de cette opération de « débouchage » en s’assurant que ceux-ci étaient bien représentatifs des eaux de l’aquifère et non des eaux stagnant dans le puits d’injection. . Ils ont tout d’abord révélé la présence d’une eau chargée, d’aspect colloïdal, et la présence de nombreuses particules solides en suspension (Figure 2.3D). Puis, avec la continuité de l’échantillonnage, des précipités de minéraux noirs ont été observés, sédimentant dans une eau plus claire. Les observations au microscope électronique à balayage de ces particules minérales ont révélé la présence de sulfures de fer dans les microfractures et vésicules du basalte altéré, résultant potentiellement d’une précipitation abiotique suite à l’injection acidifiante du mélange de gaz CO2/ H2S / H2et à la dissolution du basalte, source de Fe2+ (Ménez et al. en préparation). A ces précipités sont associées des cellules microbiennes (Figure 2.3E). De premières analyses métagénomiques ont révélé une très nette dominance du genre Thiobacillus dans ces échantillons (Ménez et al. en préparation). Des oxydes de fer ont également été observés en périphérie des grains de basalte colonisés. Ces oxydes de fer pourraient provenir de l’oxydation biologique du Fe2+ libéré par altération biotique ou abiotique des sulfures de fer (Ménez et al. en préparation).

Si les communautés microbiennes en subsurface peuvent avoir un effet non négligeable sur le développement de la technologie de stockage des gaz sous forme minérale, mesurer l’effet (positif ou négatif) de ces biotopes sur ces stockages n’est pas le propos de l’étude présentée dans ce manuscrit de thèse. Ici, nous nous sommes plutôt focalisés sur la

diversité métabolique et les groupes taxonomiques correspondant qui sont associés à l’altération du basalte induite par l’injection des gaz car cela permet d’approfondir nos connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes profonds (Chapitre 7).

2.3.2. Etudes microbiologiques antérieures

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