• Aucun résultat trouvé

Extraire l’ADN de milieux minéralisés : une étape clé mais complexe

Dans le document en fr (Page 149-152)

Approches techniques et contraintes liées à l’étude des communautés microbiennes en

3.4. Extraction, purification et séquençage de l’ADN

3.4.1. Extraire l’ADN de milieux minéralisés : une étape clé mais complexe

La première étape fondamentale avant le séquençage des macromolécules qui constituent les cellules microbiennes est l’extraction de ces macromolécules à partir des échantillons environnementaux. Notamment dans ces travaux de thèse, extraire l’ADN des communautés microbiennes des roches s’est avéré parfois complexe. L'extraction de l’ADN doit s’effectuer avec le meilleur rendement possible et cet extrait d’ADN doit avoir une pureté élevée afin d'obtenir une fraction amplifiable suffisante pour décrire précisément l'ensemble de la communauté microbienne (Cruaud et al. 2014). Dans les milieux minéralisés, à l’instar de beaucoup d'environnements, l'ADN subit des contraintes physicochimiques qui peuvent conduire à sa dégradation (Herrera et Cockell 2007). De plus, l'ADN, comme les cellules, peut s’adsorber sur des minéraux, des acides humiques ou se complexer à des éléments métalliques ce qui affecte la pureté des extractions ou en diminue le rendement (Barton et al.

2006 ; Herrera et Cockell 2007 ; Feinstein et al. 2009 ; Direito et al. 2012 ; Yu et al. 2013). Les cellules microbiennes peuvent également être encroûtées dans les minéraux qui précipitent passivement ou suite à leur activité métabolique dans leur environnement proche, ce qui diminue l’efficacité de la lyse cellulaire lors de l’extraction de l’ADN (Barton et al. 2006 ; Herrera et Cockell 2007 ; Wilkins et al. 2014). Les argiles sont des constituants importants des roches volcaniques altérées comme dans la croûte basaltique ou des roches mantelliques serpentinisées. L’adsorption de l’ADN sur les argiles peut impacter très fortement le rendement d’extraction de l’ADN. Les ions Ca²⁺ des carbonates de calcium

peuvent aussi engendrer des liaisons électrostatiques avec l’ADN. En plus de ces biais, la contamination des extraits d’ADN par des éléments métalliques et certains cations enrichis dans les roches peuvent inhiber l’activité de la polymérase lors de l’amplification de l’ADN (Dong et al. 2006 ; Kallmeyer et Smith 2009). Tous ces biais sont d’autant plus importants pour les environnements de faible biomasse comme les systèmes serpentinisés et la subsurface.

Il faut d’abord noter que si des kits d’extraction et de purification d’ADN standardisés ont été développés pour les échantillons de sols et peuvent être utilisés facilement sur les sédiments, il n’existe en revanche aucun protocole idéal ni standard pour les roches et ces kits commerciaux montrent régulièrement de faible rendement pour ce type d’échantillons. Il est donc nécessaire d’utiliser un protocole adapté aux échantillons considérés dans ce travail de thèse. Deux approches sont envisageables pour l'extraction d'ADN de tels échantillons. La première consiste en l'isolement des cellules microbiennes de la matrice minérale suivi par leur lyse et la purification de l’ADN à partir de la suspension obtenue. Il s'agit d'une technique fastidieuse et longue à mettre en œuvre pour les échantillons de subsurface qui conduit souvent à un faible rendement d’extraction (Kallmeyer et al. 2008; Morono et al. 2013). La seconde approche consiste en la lyse des cellules à même la roche, suivie par une étape de purification de l’ADN. Cette technique dite directe permet généralement d’obtenir un meilleur rendement d’extraction d’ADN (Alain et al. 2011) et est aujourd’hui encore majoritairement appliquée. C’est celle qui a été appliquée au cours de cette thèse. Pour améliorer le rendement d’extraction d’ADN et limiter les biais cités précédemment, plusieurs variantes de cette

approche directe ont été décrites dans la littérature. Afin de résoudre le problème lié à l’encroutement des microorganismes dans les minéraux des roches, Wade et Garcia-Pichel (2003) ont montré que le broyage des échantillons avec un mortier et un pilon stériles et l’ajout d’éthylène-diamine-tétra-acétique (EDTA), un chélateur de cations limitant l’adsorption de l’ADN sur la matrice minérale, avant extraction d’ADN par des protocoles standards, est une méthode efficace.

Les échantillons de cheminées hydrothermales de Old City ont donc été broyés avant extraction d’ADN par un protocole décrit initialement pour des cheminées hydrothermales de sulfures et appliqué aux échantillons de Prony (Postec et al. 2015). Le choix de ce protocole a été motivé par la volonté d’obtenir un bon rendement rapidement et de conserver une approche comparable à celles des travaux sur Lost City et Prony. Ce protocole consiste en la combinaison de lyses mécanique (agitation de l’échantillon avec des billes), chimiques (dodécylsulfate de sodium, SDS et sarkosyl) et enzymatique (protéinase K) des cellules en présence d’EDTA suivies par une extraction au phénol-chloroforme-alcool isoamylique (PCI). Enfin l’ADN a été purifié par précipitation avec de l’isopropanol. Cela a conduit à un bon rendement d’extraction même si certains échantillons présentaient une faible concentration d’ADN (< 1 µg/ml). L’ajout de d’ADN synthétique (poly-dIdC) comme agent bloquant des sites de liaisons des minéraux avec l’ADN et d’acide acétique pour améliorer la précipitation d’ADN, alternatives utilisées pour l’extraction d’ADN génomique des cheminées de carbonates de Lost City (Brazelton et al. 2011), n’ont pas conduit à un meilleur rendement dans notre cas. Le choix de ce protocole a été motivé tant par la volonté d’obtenir un bon rendement rapidement et de conserver une approche comparable à celles des travaux sur Lost City et Prony.

Un exemple marquant qui démontre l’impact des biais cités précédemment sur l’extraction d’ADN est celui des échantillons de basalte de la carotte KB-01 forée à Hellisheiði. Ainsi, 7 protocoles d’extraction d’ADN différents n’ont pas permis d’obtenir une fraction quantifiable ou amplifiable d’ADN. Pour pallier à l’encroutement des cellules dans la matrice minérale, tous les échantillons ont été finement broyés avec un mortier et un pilon en acier inox stérilisé à l’éthanol et à la flamme. En complément, des dissolutions par acide fluorhydrique, adaptées d’un protocole utilisé sur de l’ADN encapsulé en billes de silice (Paunescu et al. 2013), ou par une solution hyperalcaline chaude (Kouduka et al. 2012 ; Morono et al. 2014) ont été tentées.

L’ajout d’une solution de phosphate ou de désoxyribonucléotides à différentes concentrations ainsi que d’EDTA et d’éthanol à pH 8 pour pallier l’adsorption de l’ADN sur les minéraux (Direito et al. 2012 ; Lever et al. 2015b) a également été tenté. Enfin différents types de lyses mécaniques (agitation de billes ou gel-dégel), de lyses chimiques (SDS, hydrochlorure de guanidium, Triton-X100) et de lyses enzymatiques (protéinase K, lysozyme) couplées à des extractions standards (DNeasy® PowerPoil® Kit, Qiagen) ou au PCI ont finalement été réalisées (Direito et al. 2012 ; Lever et al. 2015b ; Natarajan et al. 2016). Aucun de ces protocoles, appliqués sur une dizaine d’échantillons, n’a conduit à une extraction et à une purification d’ADN adéquate pour le séquençage. La présence de smectite, une argile, et d’oxydes de fer en fortes proportions dans la carotte dans lesquels les cellules sont piégées peut être un des facteurs responsables de cet échec.

Les problèmes d’extraction d’ADN survenus au cours de cette thèse illustrent ainsi les contraintes importantes des environnements minéralisés pour l’analyse des communautés microbiennes par des approches « cultures-indépendantes » ainsi que l’importance du choix d’un protocole d’extraction d’ADN en fonction des échantillons à traiter. À ce jour, il reste encore de nombreux progrès à faire sur ce point (Wilkins et al. 2014). D’autre part, des protocoles trop drastiques et trop extensifs (i.e. nombreuses étapes) peuvent engendrer des contaminations d’autant plus importantes, particulièrement pour les échantillons de faible biomasse. Des approches à des échelles plus petites et en conditions hautement stériles telles que la microdissection laser guidée par la microscopie ou encore le triage de cellules dit « cell-sorting » pourraient s’avérer plus efficaces pour ce type d’environnements que les approches globales dites en « bulk » que nous avons utilisées.

3.4.2. Etudes de la diversité microbienne et des métabolismes

Dans le document en fr (Page 149-152)