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Communautés microbiennes planctoniques du puits d’observation HN-04

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Un suivi microbiologique (par pyroséquençage et métagénomique) a été réalisé sur le site d’Hellisheiði avant et au cours de l’injection par échantillonnage d’environ 12 l d’eau souterraine au niveau des puits HN-04 et HN-01 (Trias et al. 2017). Ce dernier a servi de témoin pour estimer l’évolution des communautés microbiennes non influencées par l’injection de gaz au cours du temps. Il a ainsi mis en évidence des communautés microbiennes dynamiques avec quelques changements notables au cours du temps, tout comme avant l’injection dans le puits HN-04 (Figure 2.4). Ces changements sont vraisemblablement liés à l’activité volcanique et géothermique fluctuante dans la région et donc aux variations physicochimiques induites et à l’apport intermittent de nutriments et CO2. Cependant, cette dynamique des communautés microbiennes diffère strictement de celle observée dans le puits HN-04 après l’injection de CO2. Elle est vraisemblablement liée à l’activité volcanique et géothermique fluctuante dans la région et donc aux variations physicochimiques induites et à l’apport intermittent de nutriments et CO2.

Les analyses géochimiques de l’eau souterraine ont révélé une augmentation importante du DIC et une diminution du pH en mars 2012 correspondant à l’arrivée du panache de CO2 injecté ayant circulé dans les fractures de la roche, au niveau du puits d’observation (Matter et al. 2016 ; Snæbjörnsdóttir et al. 2017 ; Trias et al. 2017). L’étude microbiologique a révélé une diminution importante de la diversité en réponse à ce pic de CO2 acidifiant ainsi qu’un changement drastique de la structure de la communauté microbienne au niveau du puits HN-04 (Figure 2.4 ; Trias et al. 2017). En particulier, les Betaproteobacteria, également présent en abondance avant l’injection, deviennent très largement dominantes (>85% de la communauté) avec l’augmentation de la concentration en DIC et l’acidification associée. Parmi les Betaproteobacteria, la famille des Gallionellaceae prédomine, bien qu’elle n’ait représenté que moins d’1% avant l’injection (Figure 2.4). Cette famille bactérienne est

composée d’espèces microaérophiles chimiolithoautotrophes capables d’oxyder le Fe à pH acide ou neutre, dont en particulier Sideroxydans lithotrophicus (Emerson et al. 2013 ; Mühling et al. 2016). Ce dernier représente la majorité des Gallionellaceae observées en mars 2012, coïncidant ainsi avec les résultats physicochimiques de l’eau (Trias et al. 2017). En effet, l’abondance de ces bactéries est significativement corrélée au pH (autour de la neutralité en mars 2012), et aux concentrations en DIC et Fe2+ qui sont les plus élevées en mars 2012 au niveau du puits HN-04 (Trias et al. 2017), comme le montrent les analyses statistiques menées pour cette étude lors de cette thèse. L’augmentation de la concentration en Fe2+ dans les eaux souterraines résulte de la dissolution du basalte par les eaux chargées en CO2.

De plus, l’analyse des métagénomes a révélé plusieurs gènes codant pour des cytochromes impliqués dans l’oxydation du fer, notamment le cytochrome-c2 spécifique des bactéries ferroxydantes neutrophiles et microaérophiles (Barco et al. 2015). Ce dernier est 19 fois plus abondant en mars 2012 qu’en mai 2012, au cœur du panache de CO2 acidifiant l’eau de l’aquifère. Curieusement, le motif protéique le plus abondant à cette même période correspond à PhnJ, une carbone-phosphate lyase impliqué dans l’acquisition et la dégradation de phosphonate. Cette observation pourrait être liée à la stimulation des métabolismes du fer car l’oxydation du Fe2+ produit du fer ferrique insoluble à pH neutre et donc induit la précipitation d’oxydes de fer qui lient fortement les phosphates et diminuent de facto leur biodisponibilité (Weng et al. 2012). Les gènes impliqués dans l’autotrophie (nifD pour la fixation du diazote, N2, cbbL et cbbM codant pour la RuBisCO pour la fixation du CO2par le cycle de CBB), particulièrement abondants en mars 2012, ainsi que les gènes impliqués dans le métabolisme du soufre (à savoir aprAB, dsrAB et soxYZ) pourraient également être affiliés au Gallionellaceae (Emerson et al. 2013 ; Trias et al. 2017). Ainsi, la baisse de pH vers la neutralité, les conditions micro-oxiques et les fortes concentrations en CO2 et Fe2+ ont pu offrir des conditions propices au développement des Gallionellaceae qui dès lors ont pu avoir une influence sur le devenir du gaz injecté et les interactions fluide-roche visées.

Figure 2.4: Variations temporelles de la diversité taxonomique des communautés microbiennes planctoniques des puits témoin HN-01 (A) et d’observation HN-04 (B) à Hellisheiði (basée sur l’analyse des amplicons du gène codant pour l’ARNr 16S). Reproduit et modifié de Trias et al. (2017). Le pic de DIC et l’augmentation subséquente de la biomasse sont respectivement indiqués par une flèche grise et orange pour le puits HN-04. Reproduit et modifié de Trias et al. (2017).

Inversement, avec le retour du pH à ses valeurs initiales autour de 9, des conditions anoxiques et la diminution du DIC en mai 2012, l’abondance des Gallionellaceae diminue fortement (Figure 2.4). Les gènes codant pour la RuBisCO et le complexe SOX sont également détectés en mai 2012 et seraient alors affiliés au genre Thiobacillus. La majorité des gènes codant pour l’ARNr 16S montrent de plus une forte similarité (>99 % d’identité de séquence) avec l’espèce Thiobacillus denitrificans (Trias et al. 2017), une Betaproteobacteria anaérobie facultative chimiolithoautotrophe capable de réduire le nitrate et le nitrite et d’oxyder les espèces réduites du soufre et potentiellement le fer (Jørgensen et al. 2009). L’abondance et la phylogénie des gènes codant pour la RuBisCO, les enzymes de la dénitrification et le complexe SOX en mai 2012 supportent en effet un rôle écologique pour Thiobacillus.

Curieusement, des gènes impliqués dans la dégradation des PAHs ont été observés en relativement forte abondance en mars comme en mai 2012 dans le puits HN-04 (Trias et al. 2017). Il a été proposé que les dégradeurs de PAHs pourraient correspondre aux Betaproteobacteria de la famille des Rhodocyclaceae, qui figurent parmi les bactéries dominantes en mars et mai 2012, et également à Desulfotomaculum profundi, l’espèce la plus proche des séquences codant pour l’ARNr 16S qui dominent la communauté planctonique en

mai 2012 (Figure 2.4). La forte augmentation en mai des séquences relatives au genre Desulfotomaculum s’accompagne d’une importante augmentation de la biomasse (× 500). Les espèces de ce genre sont capables d’oxyder la matière organique et de réduire les sulfates (Aüllo et al. 2013). En particulier, Desulfotomaculum profundi a été isolé à partir d’une communauté microbienne capable de dégrader le benzène, l’éthyl-benzène et le toluène (Berlendis et al. 2016). Trias et al. (2017) ont postulé que les PAHs pourraient être synthétisés abiotiquement par réaction entre le H2et le CO2issus du dégazage magmatique ou l’altération de l’olivine présente dans le basalte. Cette hypothèse est soutenue par l’observation de HAPs dans les roches volcaniques plus ou moins altérées de la péninsule de Reykjanes dans le sud-ouest de l’Islande (Geptner et al. 1999). Ainsi, les PAHs pourraient être libérés lors de la dissolution du basalte par l’injection de CO2, au même titre que les métaux comme le Fe2+, et seraient alors biodisponibles pour les microorganismes (Trias et al. 2017).

Il s’agit, avec l’étude des gabbros de l’Atlantis Massif (Mason et al. 2010), de l’une des rares études à souligner l’importance écologique potentielle des composés aromatiques abiotiques dans les roches mafiques. Cependant, les fonctions métaboliques associées aux groupes taxonomiques mis en évidence dans cette étude restent spéculatives, y compris les approches phylogénétiques considérant les transferts horizontaux potentiels.

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