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Le cadre de l’ingénierie didactique

6.3 Deux exemples 1 Introduction

6.3.2 L’apprentissage du théorème de Thalès

Cet exemple est issu de la thèse d’Eric Laguerre (Laguerre, 2005). Il s’agit d’une ingénierie visant à permettre aux élèves de 4ede comprendre le sens et les rôles premiers

du Théorème de Thalès, en faisant fonctionner les modèles dont ils disposent dans une

situation fondamentale, afin de les faire évoluer. La Théorie des Situations est ici très

adaptée du fait de l’existence d’une telle situation pour ce problème.

La connaissance des obstacles épistémologiques et didactiques ainsi que les variables didactiques ont permis de proposer aux étudiants une problématique comprenant 1) des aspects historiques liées au méso-espace, 2) les nombres réels et la mesure des longueurs, 3) la proportionnalité et 4) les figures prototypes et archétypes, l’orientation des figures et la distribution des longueurs (Laguerre, 2005, p.342).

L’auteur propose des situations a-didactiques basées sur les choix suivants :

• Les problèmes portent sur des objets petits, faciles à comparer (ce qui exclura le travail dans le macro-espace).

• La réussite ou l’échec sont relativement faciles à mettre en évidence.

4. Notons que ce type de situation paraît très difficiles à trouver en dehors des mathématiques, le caractère optimal de celle-ci posant problème (Orange, 2007). Certains auteurs ont également remis en cause l’existence de ce type de situation dans le domaine des mathématiques, lorsque par exemple, les concepts en jeu ont une caractéristique particulière comme celle d’être unificateur ou générique (appelé FUGS) (Bloch, 2005)

• Les formulations sont issues de la nécessité de communiquer à quelqu’un d’autre les informations nécessaires à la réalisation d’objets identiques à ceux dont dispose l’émetteur.

Ceci conduit à une étude du théorème de Thalès, d’abord placée dans le méso-espace (situation pratique dans l’espace du monde réel ; ici la salle de classe) puis modélisée dans le micro-espace (espace géométrique de la feuille). Le tout ayant pour but une mesure de distances inaccessibles qui rend nécessaire la modélisation et donne le sens à l’utilisation du théorème.

Plus précisément, Eric Laguerre décrit la séquence proposée pour des élèves de quatrième comme suit :

Une première séquence de la première activité (I) permet aux élèves de com- prendre que les droites qui joignent les points d’un objet, en l’occurrence la coupe d’un escalier en carton collée sur une fenêtre, à leurs ombres pro- jetées sur une feuille de papier sont parallèles. Dans cette même séquence, les élèves doivent également être capables de montrer que les mesures des longueurs de bandes de papiers collées parallèlement sur des fenêtres sont proportionnelles aux mesures de leurs ombres obtenues sur des plans paral- lèles au sol. Ces deux observations leur permettent de trouver une méthode pour calculer, par exemple, une hauteur inaccessible.

Pour commencer, ce calcul porte sur la hauteur d’une fenêtre de la classe pour ensuite passer, dans la séquence 2 de cette activité I à la hauteur d’un panneau de basket. Cette dernière situation est représentée par les élèves dans le plan.

Au cours de la séquence 3 de cette activité, les élèves doivent comprendre de façon pratique le phénomène d’éclipse de soleil en particulier en le sché- matisant. Cette nouvelle situation de référence pour le théorème de Thalès doit permettre, par la schématisation d’un astre au tableau noir, la mise en évidence des deux conditions nécessaires à une bonne visée avec une lor- gnette : être en face et à la bonne distance.

Ces deux conditions sont indispensables au bon déroulement de la séquence 4 a) au cours de laquelle les élèves, en binômes, visent avec des lorgnettes toutes différentes et marquent leur lieu de visée sur le sol à l’aide d’un car- ton. Elles ont été construites de telle façon qu’à la fin de la séance, trois tas bien distincts de cartons apparaissent. La visée à l’aide d’une lorgnette percée de cinq trous met en évidence l’alignement des divers lieux de visée et le parallélisme de la droite qu’ils définissent avec la mire. Le but est alors de comprendre pourquoi les lorgnettes, pourtant très distinctes, se rassemblent de la sorte ?

dans la cour, si une mire pourrait être vue à l’aide d’une lorgnette dont on connaît les caractéristiques.

Pour cela, une schématisation puis une modélisation du problème sont ren- dues nécessaires. Il est demandé aux élèves de produire un dessin générique de la situation de visée. Le schéma est retenu pour ensuite réellement pas- ser à la phase de modélisation. Les dessins sur papier calque, à l’échelle, de toutes les lorgnettes de chaque tas obtenus précédemment sont alors effec- tués. L’équivalence des lorgnettes d’un même tas est obtenue en pratique par superposition des calques et par coïncidence de leurs champs de visée. Cette même équivalence est reliée ensuite à la proportionnalité.

La problématique pratique intervient lorsque les élèves ont à manipuler les lunettes, dans deux séquences, pour en retenir des informations utiles. Mais la problématique de modélisation prend le relais lorsqu’il s’agit d’anticiper sur les réponses qui pourraient être encore obtenues par l’expérience, par la visée, mais dont l’expérimentateur exige qu’elles soient trouvées dans le sys- tème symbolique du modèle de la situation élaboré par les groupes d’élèves. C’est à ce moment-là que la problématique géométrique commence. La conjecture peut faire partie des théorèmes connus lorsqu’elle est acceptée par tous. Cette dernière phase correspond à la partie justification, la dé- monstration servant à la validation des conjectures. Ce savoir est ensuite institutionnalisé et étiqueté comme devant être su par les élèves.

La propriété est démontrée grâce au théorème des milieux qui est lui-même démontré au début de l’activité. Un résultat équivalent est prouvé dans le trapèze. Ces deux théorèmes sont utilisés ensuite pour démontrer une pro- position dans laquelle un côté d’un triangle est partagé en trois segments de même longueur. Puis, nous passons à quatre et l’on démontre le résultat pour un rapport décimal, rationnel, puis irrationnel. La suite de la démonstration consiste à mettre en évidence et à démontrer le théorème faisant apparaître trois rapports égaux. Le but est de distinguer ces deux théorèmes en mon- trant qu’ils se réfèrent à des formes de proportionnalités bien distinctes. Un exercice d’application de mesure de distances dans le méso-espace prend place à la fin. Enfin, un retour à la situation fondamentale, qui consiste à mesurer des distances inaccessibles, en l’occurrence un panneau de basket, est entrepris avec la construction et l’utilisation d’un télémètre.

L’analyse préliminaire à cette ingénierie, a montré l’existence de plusieurs difficultés de compréhension - récurrentes - chez les élèves quant à la l’apprentissage du théorème de Thalès. Entre autres, les élèves se réfèrent souvent à des figures particulières (dites arché- types ou prototypes) pour identifier les cas d’application du théorème, ne comprennent pas que certaines écritures de rapports de longueurs sont légitimes et d’autres non, ou s’attachent à l’orientation et à la distribution des longueurs dans la figure. L’ingénierie

proposée, et plus particulièrement les choix effectués quant à sont déroulement, par le jeu de l’analyse dans les espaces méso et micro et la double approche de la proportion- nalité interne (liée aux segments) et externe (liée aux triangles) vise à diminuer tous ces obstacles à la compréhension du théorème. Par exemple, les objectifs des premières activités comprennent la compréhension du parallélisme des ombres des bandes de papier et la « découverte » de la proportionnalité des mesures de celles-ci, donc une mise en évidence de la proportionnalité externe dans ce cas-ci (suivie par la réalisation de figures de type triangles « gigognes »).