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Exploration des origines possibles des difficultés des étudiants à propos du

4.3 Le contexte scolaire 1 Introduction

4.3.3 L’équilibre et la stabilité dans les programmes colombiens

En Colombie, il n’y a pas de « programme » équivalent à celui de la France, seulement ce que l’on appelle des standards (estandares) qui désignent les compétences attendues pour l’éducation préscolaire (un an obligatoire), basique (neuf ans) et moyenne (deux ans) mais de manière assez générale. On y trouve l’équilibre au niveau de l’étude des écosystèmes et plus particulièrement dans « l’analyse de l’équilibre dynamique entre ses populations »29et « l’identification des changements et d’équilibre chez les êtres vivants

et dans les écosystèmes »30et en physique-chimie au grades 10 et 11 d’une part au sujet

de « la caractérisation des changements chimiques en conditions d’équilibre »31 et de

l’établissement de relations entre la stabilité et le centre de masse d’un objet32.

Comme on peut le constater, ces apparitions de l’équilibre et de la stabilité dans le cursus scolaire sont donc, là aussi, très rares, comme en France, et les textes étant relativement flous quant aux connaissances à acquérir, tout dépend du niveau d’appro- fondissement proposé par les enseignants. Le cas de l’étude de la stabilité par exemple

29. Caracterizo ecosistemas y analiso el equilibrio dinámico entre sus poblaciones

30. Identifico condiciones de cambio y de equilibrio en los seres vivos y en los ecosistemas. 31. Caracterizo cambios químicos en condiciones de equilibrio.

est très représentatif : l’équilibre n’est pas mentionné. Mais comment dans ce cas amener les problématiques de stabilité sans évoquer l’équilibre ?

A l’université, les programmes sont assez libres et nous allons donc nous restreindre à l’examen du curriculum de pregrado33 proposé par l’université dont sont issus les

étudiants interrogés dans notre étude. L’équilibre est étudié dans le tronc commun de physique lors du cours « Équilibre, conditions d’équilibre, centre de gravité ; Résolution de problèmes d’équilibre de corps rigides », dans celui sur les « Particules en équilibre et dynamique des particules », dans celui sur le « Mouvement des satellites, lois de Kepler et mouvement des planètes ; équilibre/gravitation ». Il apparaît aussi en chimie dans l’étude des équilibres chimiques (en cinétique et en thermodynamique).

4.4 Conclusion

Les premiers contacts avec l’équilibre à l’école primaire en EPS34 font la part belle

aux situations d’équilibre inhabituelles35. Du côté de la physique, même si l’on s’intéresse

très tôt aux objets technologiques utilisant des équilibres, ces occasions ne concernent, là encore, que des cas particuliers de systèmes dont on précise rarement la nature peu représentative. Dans le même temps, le langage courant fait une utilisation très libre et abondante de ces termes, y compris de celui de stabilité, qui est complètement absent du registre scolaire. Il semble donc tout-à-fait probable que cela entraine une association forte entre les concepts d’équilibre et de stabilité et ces expériences langagières et empi- riques quotidiennes. Ceci entraine de plus, d’une part, que les élèves conçoivent la balance comme la référence scolaire des systèmes en équilibre, avec une représentation presque exclusivement horizontale de celui-ci pour les objets de type « à leviers » ou « à pou- lies », d’autre part, qu’ils associent très rapidement les situations (y compris corporelles) instables, limites, comme les seuls cas d’équilibre et que dans le même temps l’instabilité soit assimilée au déséquilibre (par un jeu de raisonnement par contraire venant de « stable = équilibre »). Comme à aucun moment avant l’université, on ne propose un rapproche- ment36 entre toutes ces expériences, on peut supposer que ces différentes conceptions

33. Terme qui désigne la scolarité avant le diplôme d’ingénieur soit les quatre premières années de l’université

34. Éducation Physique et Sportive

35. Terminologie directement extraite des documents officiels d’accompagnement des programmes 36. En général par le biais de l’étude des équations différentielles.

pour le moins incompatibles37 ne provoquent aucun conflits dans l’esprit des étudiants.

On observe même que jusqu’à l’entrée dans les cursus ingénieurs, le découpage disci- plinaire et les cas d’étude de ces concepts ... Ceci favoriserait une conception morcelée très dépendante du contexte (cf. l’analyse à partir des facettes de connaissances ou des

p-prims du chapitre précédent).

37. Il est intéressant de faire un petit détour par les sciences cognitives pour noter que si l’on consi- dère le fonctionnement cérébral dans sa globalité, la logique ne ferait pas partie des règles de base de l’inconscient. Il est donc illusoire de penser que les situations mettant en jeu des concepts identiques seraient automatiquement reliées, par exemple pour des raisons de compatibilité logiques. Ceci est ap- puyé par les modèles cognitivistes de type « fodoriens », massivement modulaires, hybrides (Bermúdez, 2012, p.322) ou de type « Dual Process Theories » (DPT) qui séparent des voies conscientes et incons- cientes des processus d’apprentissage (majoritairement basées sur des processus inférentiels statistiques – bayésiens – en ce qui concerne la DPT, voir note 55). Pour plus de détail sur ce dernier modèle, voir le volume 11, No. 1 de la revue Mind and Society consacré intégralement à ce sujet.

Conclusion

Plusieurs études montrent que les étudiants d’un niveau universitaires éprouvent des difficultés pour associer correctement les concepts qui conviennent aux situations impli- quant des équilibres stables ou non – notamment mécaniques – statiques ou dynamiques. Cela leur pose problème, notamment lorsqu’il est question d’utiliser ces concepts pour résoudre certaines questions spécifiques38 telles que celles que l’on rencontre dans le

domaine de l’automatique, où l’on est souvent confronté à des systèmes complexes (et dynamiques).

La formation « pré-ingénieur » des étudiants comprend l’étude de ces concepts – de manière relativement tardive – dans plusieurs disciplines, de manière non coordonnée et essentiellement par une approche qui favorise l’apprentissage des seules définitions, procédures de calculs et critères de vérification au détriment du développement de com- pétences de résolution de problèmes. Dans le même temps, il est fait un usage fréquent et approximatif de ces concepts dans la vie quotidienne en lien avec des expériences empiriques souvent trompeuses39. On peut penser que les élèves développent très tôt

des conceptions erronées de ces concepts que l’École contribue partiellement à renfor- cer, d’une part, en préservant un morcellement disciplinaire qui, dans ce cas précis, est scientifiquement infondé puisque l’on s’intéresse aux mêmes concepts et d’autre part, en privilégiant l’étude de cas trop spécifiques.

Ils arrivent finalement en formation d’ingénieur avec des conceptions, relativement à ces concepts, que l’on peut qualifier de peu opérationnelles et éloignées du savoir de réfé- rence, malgré l’enseignement reçu. On peut supposer que ces conceptions sont relative- ment résistantes au changement si l’on considère la quantité importante d’expériences, académiques ou non, « renforçantes » qu’ils ont pu rencontrer depuis la maternelle jus- qu’en premier cycle d’études supérieures.

Nous n’allons pas développer l’aspect relatif aux « remédiations » possibles à l’école pri- maire, au collège ou au lycée mais il est bien entendu tout à fait concevable de faire des

38. L’évolution d’un système à partir d’une position d’équilibre en fait partie, de même que l’identi- fication de situations d’équilibre.

39. On pense notamment aux cas très particuliers comme celui de la balance, des châteaux de cartes, de la position du corps, etc. voir page 73

liens, très tôt dans la scolarité, entre les expériences quotidiennes et scolaires mettant en jeu ces concepts en utilisant un langage adapté ne favorisant pas les amalgames. On pourrait, par exemple, parler systématiquement d’« équilibre horizontal » dans le cas de la balance, proposer d’autres cas d’équilibre40 et pourquoi pas introduire très tôt des

notions générales et adaptées aux plus jeunes de concepts comme celui de la « station- narité ». Ceci pourrait permettre d’introduire, très tôt dans la scolarité et de manière non disciplinaire, le concept d’équilibre, par exemple dans une optique de développement de

modèles précurseurs (Lemeignan & Weil-Barais, 1993 ; Ravanis, Koliopoulos, & Boilevin,

2007).

Notre point de vue se voulant résolument orienté vers l’enseignement supérieur, nous al- lons plutôt tenter dans la suite de définir et de mettre en place une autre approche de ces concepts que celle généralement adoptée dans l’enseignement dit « classique », en nous appuyant justement sur les conceptions - erronées ou non - des étudiants, et adaptée au niveau ingénieur (en école spécialisée en France ou à l’université en Colombie).

40. Soit des positions d’équilibre non horizontal pour la balance, soit d’autres objets-systèmes en équilibre, courants.

Étude d’une ingénierie didactique