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Exploration des origines possibles des difficultés des étudiants à propos du

4.2 Langage « courant » et expérience quotidienne

4.2.1 Analyse lexicographique

Nous adoptons ici le point de vue de Georges-Elia Sarfati et considérons que « […] le dictionnaire de langue, fait incidemment office de porte parole ainsi que de lieu d’ins- cription et (re)production du sens commun »12.

De ce point de vue, nous pouvons considérer que dans une base lexicographique telle

9. C’est-à-dire partagées par le plus grand nombre dans la société.

10. On pourrait dire aussi : « L’ensemble des explications du monde partagées par le plus grand nombre, capable de générer des explications opérationnelles mais non conformes à l’explication scienti- fique »(de Hosson, 2005).

11. Encore faut-il les identifier correctement. 12. Mémoire d’habilitation, Sorbonne Paris-IV, 1996

que celle du CNRTL13, nous rencontrerons les éléments principaux du sens commun

relatif aux termes qui nous intéressent ici14. Celle-ci est issue d’une compilation des

sources suivantes : le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi), les dictionnaires de l’Académie Française (4ème, 8ème et 9ème édition), la Base de données lexicogra- phiques panfrancophone de l’université Laval de Québec, la Base Historique du Vocabu- laire Français du laboratoire ATILF, le Dictionnaire du Moyen Français (1330 - 1500) du laboratoire ATILF, et le Du Cange (Moyen Âge) de l’École Nationale des Chartes (des éléments d’étymologie et de proxémie tirée de cet organisme ont aussi été utilisés).

Les différents sens des termes « équilibre » et « stabilité » sont présentés en annexe A.1 (en page 191 et 198). Dans les (nombreuses) définitions qui y figurent, des pas- sages ont été soulignés en couleur pour mettre en évidence certains aspects sur lesquels nous reviendrons par la suite, notamment lorsque le sens « courant » est en désaccord clair avec la définition scientifique du même concept ou trop proche - amalgame - d’un autre concept comme celui de stabilité (texte en rouge) ou si elle est ambiguë (texte en orange) du point de vue scientifique.

L’équilibre

Premièrement, on ne peut qu’être frappé par la polysémie de ce mot. On remarque que le premier15 sens « commun » d’équilibre : « Attitude ou position stable », est as-

socié au terme stabilité d’une manière très différente de ce qu’il se passe en science ; on est ici à la limite de la synonymie, ce qui n’est évidemment pas le cas dans aucun des domaines scientifiques cités. Ceci se retrouve dans la lexicographie du mot stabilité présentée ci-après.

Le terme équilibre est issu du domaine de la « science des poids » du moyen age (voir le paragraphe 1.2.1) et pour ce qui concerne le domaine scientifique, sa définition a évo- lué depuis (même si l’on se restreint au domaine de la mécanique) jusqu’à la définition actuelle qui ne fait plus référence à cette discipline. En revanche, on peut remarquer

13. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du CNRS ( www.cnrtl.fr).

14. En intelligence artificielle, certaines bases de données de connaissance du sens commun comme Open Mind Common Sens utilisent d’ailleurs les assertions de type descriptifs sur l’usage des mots comme celles présentes dans les lexicographies (Singh, Lin, Mueller, & Lim, 2002)

15. Dans la liste donnée par le CNRTL, nous ne considérons pas que cet ordre soit une information en elle-même.

que plusieurs aspects du sens courant, commun, actuel, qui sont directement issus de ce sens « historique », ont conservé une référence forte avec lui, comme par exemple dans « l’égale pesanteur de deux corps », « […] dont le poids est partagé également des deux côtés d’un point d’appuis […] » ou « Faire contrepoids ».

On peut noter que les définitions espagnoles rencontrées (présentées en annexe) re- couvrent presque toutes ces significations, l’aspect synonymique « équilibre-stable » en étant cependant absent.

Plus généralement, on observe une prédominance de l’aspect « égalité » (statique) sur l’aspect « constance » (dynamique) dans ces définitions. Ceci se retrouve d’ailleurs dans la lexicographie de l’antonyme déséquilibre qui est, lui, présenté comme un synonyme d’inégalité, de disparité, alors que le contraire « scientifique » de l’équilibre pour la mé- canique (rarement utilisé tel quel) serait plutôt de l’ordre du mouvement accéléré, de l’idée de variation dans le temps, c’est-à-dire le contraire de stationnaire.

La stabilité

On constate que pour le sens commun et pour de nombreux domaines (passages surlignés en rouge), la définition de stabilité est très proche de celle d’équilibre (cf. para- graphe précédent). On remarque par exemple les définitions suivantes qui sont très claires sur ce point : « Caractère de ce qui ne varie pas, de ce qui demeure au même niveau, à la même valeur », « Constance dans la conduite, les choix » ou encore « Synonyme de permanence ».

D’autre part, l’influence historique se fait moins sentir ici que dans le cas de l’équilibre et finalement la différence entre les premières définitions - historiquement parlant - et les définitions courantes actuelles, est assez marquée (les définitions médiévales étant finalement peu nombreuses). Par ailleurs, nous n’avons pas non plus mis ici les défini- tions d’instabilité mais il ressort d’un examen rapide de ce terme16 qu’elles sont très

proches de l’antonyme d’équilibre et d’ailleurs, un des sens proposé par le CNRTL fait explicitement référence à l’idée de « […] rupture possible de l’équilibre […] » ce qui ne correspond pas au sens scientifique de ce mot puisque rappelons-le, stable ET instable sont des caractéristiques d’états d’équilibre.